16. Audition de Dalkia
Etaient présents :
- M. Bernard Saint André, Directeur de la Stratégie de Dalkia
- M. Jean-Claude Boncorps, Directeur Délégué aux Etablissements de Dalkia France
M. Bernard Saint André a tout d'abord présenté les missions dévolues à Dalkia, rappelant que Dalkia, branche de Veolia Environnement, était la plus grande entreprise européenne de services d'efficacité énergétique.
La société réalise un chiffre d'affaires de plus 6 milliards d'Euros dont près de la moitié dans 38 pays avec ses 47.000 salariés. Ses équipes gèrent 88.000 installations soit une puissance thermique gérée de 11,1 TWh et une puissance électrique de 12,8 TWh. Dalkia intervient dans 4.000 hôpitaux, sur plus de 3.800 sites industriels et 100 millions de m² tertiaires, dans près de 20.000 bâtiments communaux et plus de 5 millions de logements. Par ailleurs, M. Bernard Saint André a souligné que la société était le premier opérateur de réseaux de chaleur et de froid avec 650 réseaux urbains gérés dans le monde et tirait 50 % de sa croissance des réseaux de chaleur (en France et surtout à l'étranger).
A l'issue de cette présentation liminaire, M. Bernard Saint André s'est réjoui que le législateur ait mis un terme à la distorsion fiscale qui a lourdement pénalisé depuis 1999 les réseaux de chaleur, frappés par une TVA à taux plein, par rapport au gaz et à l'électricité qui bénéficiaient d'une TVA à taux réduit. Il s'est également félicité de ce que cette première mesure d'alignement avec le gaz et l'électricité ait été complétée par une mesure de « discrimination positive » en faveur de la biomasse, rappelant qu'une TVA à taux réduit serait désormais applicable à la vente de chaleur produite par des réseaux utilisant à 60 % de la biomasse, déchets ou géothermie.
A cet égard, M. Bernard Saint André a souligné que Dalkia exploitait une quarantaine de chaufferies bois en France. Il a soutenu que si les énergies renouvelables ont pu être présentées dans les années 1980 comme un « procédé expérimental » ou une « aventure technologique », la situation était aujourd'hui radicalement différente. Avec les effets classiques de la courbe d'apprentissage, de la taille critique résultant de l'extension des marchés, la technologie, a-t-il expliqué, est désormais totalement fiable, éprouvée et maîtrisée. Il a signalé que la combustion du bois-énergie avait réalisé des progrès considérables : les chaufferies actuelles, servies par des technologies de pointe, permettent d'atteindre des rendements énergétiques de 90 %, ce qui faisait incontestablement du bois - et plus généralement de la biomasse - une énergie renouvelable appelée à prendre une place grandissante.
Il a toutefois mis l'accent sur les difficultés actuelles de la filière bois-énergie et notamment un temps de retour sur investissement relativement long et l'insuffisante structuration de la filière d'approvisionnement.
A ce sujet, M. Claude Belot, rapporteur, a exposé qu'une solution au problème d'approvisionnement pourrait être trouvée si les élus locaux se constituaient une réserve foncière, sur des sols impropres à toute culture alimentaire, pour y faire pousser des cultures énergétiques. Il a ajouté que seuls 800 hectares de terrain étaient nécessaires pour alimenter deux chaufferies bois de 3 mégawatts chacune.
Concernant la rentabilité des réseaux de chaleur biomasse, M. Claude Belot, rapporteur, a souligné que les projets biomasse étaient à terme parfaitement rentables et que développement durable rimait avec investissement durable. Il a ajouté que les taux d'intérêt étaient historiquement bas et qu'une collectivité territoriale disposant d'une « bonne signature » pouvait monter une ingénierie financière très avantageuse aujourd'hui. En outre, a-t-il insisté, les collectivités territoriales qui investissent dans un réseau de chaleur pourront, une fois le coût initial amorti, jouir d'une économie comparable à cette d'une autoroute ou d'un pont à péage. Il leur est donc loisible, a-t-il ajouté, soit de réduire le montant la fourniture de chaleur, soit de financer les extensions de réseaux.
Enfin, M. Bernard Saint André a exposé les principaux enjeux que devraient relever, selon lui, la filière des énergies alternatives dans les années à venir.
En premier lieu, il a souligné que la formation initiale et continue de toute la chaîne des professionnels qualifiés (architectes, bureaux d'étude, installateurs-réparateurs, gestionnaires de service énergétique) constituait aujourd'hui un véritable enjeu. Il a déploré la pénurie actuelle de professionnels qualifiés dans le secteur des énergies renouvelables et des économies d'énergie, pénurie qui génère pour Dalkia de réelles difficultés de recrutement.
En second lieu, M. Bernard Saint André a souligné que la France devait conserver l'avance qu'elle a prise dans les réseaux de froid. M. Jean-Claude Boncorps a précisé que notre pays comptait actuellement une dizaine de réseaux d'eau glacée, soit une puissance de plus de 600 W, égale à la moitié de la puissance totale européenne. Les réseaux de froid sont une solution très bien adaptée pour assurer la climatisation de quartiers denses en immeubles tertiaires (bureaux, commerces, hôtels, ...). Dans un proche avenir, la climatisation d'immeubles d'habitation neufs devrait se développer, en suscitant la création ou l'extension des réseaux de froid.
Par ailleurs, M. Jean-Claude Boncorps a souligné qu'une grande partie des quartiers faisant l'objet d'une opération de rénovation urbaine était desservie par des réseaux de chaleur. Ces opérations, a-t-il insisté, doivent constituer des opportunités pour promouvoir une modernisation de ces réseaux, notamment en y introduisant une chaudière bois, avec un soutien des élus pour le raccordement des constructions neuves.
Enfin, et de manière générale, M. Bernard Saint André a déclaré que les énergies alternatives étaient au coeur d'enjeux profonds de civilisation. Il s'agit, a-t-il souligné, de préparer la transition énergétique et de renoncer progressivement à la « civilisation des hydrocarbures ». Il a signalé que cette transition inéluctable et irréversible supposait de passer d'une économie qui, 150 ans durant, a été basée sur des énergies fossiles abondantes et bon marché à une économie de pénurie marquée par la raréfaction puis l'épuisement des énergies fossiles. La France doit donc, a-t-il insisté, engager une véritable « révolution énergétique » pour préparer dès aujourd'hui l'après-pétrole.
M. Claude Belot, rapporteur , a rejoint l'analyse de M. Bernard Saint André, relevant que cette transition énergétique sans précédent représentait une véritable rupture historique avec des répercussions sur toutes les politiques publiques : environnement, éducation, recherche, énergie, logement, urbanisme, fiscalité, agriculture, transport...
En particulier, a-t-il expliqué, cette révolution implique une nouvelle conception de l'habitat et de l'esthétique urbaine, l'émergence d'une nouvelle filière énergétique, la conversion de l'agriculture et une nouvelle gestion de la forêt.