Audition de M. Philippe ETIENNE,
directeur général de la coopération internationale
et du développement au ministère des affaires étrangères,
M. Jean-Christophe DEBERRE, directeur des politiques de développement, M. Jean-Claude KOHLER, en charge du bureau Afrique-Océan indien,
et Mme Sarah LAHMANI, chargée de mission à la direction
des politiques de développement
(1er mars 2006)

Présidence de M. Christian DEMUYNCK, secrétaire

M. Christian Demuynck, président .- Mesdames et messieurs, vous allez être entendus par la commission d'enquête sur l'immigration clandestine.

Conformément aux termes de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, MM. Philippe Etienne, Jean-Christophe Deberre et Jean-Claude Kohler et Mme Sarah Lahmani prêtent serment.

M. Christian Demuynck, président .- Je vous propose que nous commencions cette audition par un exposé liminaire, après quoi le rapporteur vous posera un certain nombre de questions et mes collègues seront amenés à vous demander des précisions sur votre intervention.

M. Philippe Etienne .- Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs, je sais que vous avez déjà auditionné beaucoup de personnalités et je m'efforcerai donc d'être assez bref dans mon propos liminaire qui portera sur l'aide au développement et sur ses liens avec l'immigration. Vous avez déjà reçu par écrit les éléments de réponse aux questions que vous avez bien voulu me poser. En tant que directeur général de la coopération internationale et du développement, j'ai la responsabilité du programme LOLF « Solidarité à l'égard des pays en développement », qui fait partie de la mission interministérielle « Aide publique au développement ».

Je suis accompagné de M. Jean-Christophe Deberre, directeur des politiques de développement, et de sa collaboratrice, Mme Sarah Lahmani, chargée du dossier immigration et développement, ainsi que de M. Jean-Claude Kohler, coordonnateur géographique pour la coopération avec l'Afrique du sud-est, puisque cette région nous intéresse particulièrement.

En matière d'aide au développement, la France joue un rôle directeur, comme nous l'avons vu encore ce matin avec la conférence sur les financements innovants du développement organisée à l'initiative du Président de la République. La France est effectivement le premier pays en pourcentage de son revenu national brut consacré à l'aide au développement parmi les pays du G8, mais cela ne veut pas dire que nous avons trouvé les meilleures recettes en matière de conciliation entre politique migratoire et politique d'aide au développement. Cela veut dire en revanche, parce que la France a une forte expérience et une grande ambition pour l'aide au développement de l'Afrique, que nous avons déjà exploré depuis de nombreuses années ce lien entre migrations et développement.

Les événements des derniers mois, notamment ce qui s'est passé autour des présides espagnols de Ceuta et Melilla, ont de nouveau focalisé l'attention de l'opinion publique sur ce thème. D'où une série de conférences et d'exercices cette année. Nous avons nous-mêmes relancé, au sein de notre direction, un réseau d'experts sur le thème « migrations et développement », mais cela fait déjà des années que la coopération française s'est demandée comment, en favorisant le développement des pays de départ des migrants, nous pouvions travailler de manière plus efficace sur ce lien.

La réponse la plus concrète qui a été apportée depuis une dizaine d'années, c'est-à-dire depuis la table ronde réunie à Kayes sous la présidence de M. Godfrain, alors ministre de la coopération, est ce qu'on appelle le co-développement, dans lequel la France a joué un rôle pilote qui intéresse de plus en plus de pays et qui a d'abord donné lieu à un projet du fonds de solidarité prioritaire au Mali, lui-même récemment doublé de nouveaux projets du fonds de solidarité prioritaire aux Comores et au Sénégal.

Des projets ont également été lancés avec l'Agence française de développement au Maroc. Plus récemment, nous avons ouvert un nouveau projet du fonds de solidarité prioritaire concernant, cette fois, les pays d'Afrique sub-saharienne, les zones de solidarité prioritaire, ainsi que le Vanuatu, Haïti et l'Ethiopie.

Ces projets, dont le bilan et les budgets figurent dans le dossier qui vous a été remis, ont permis en particulier de travailler sur le développement local des régions de départ en mobilisant les différentes diasporas (par exemple la diaspora malienne, qui est très active en France), qui sont organisées sous la forme d'associations. Nous avons donc pu financer des projets de développement local et des projets de réinsertion professionnelle de migrants revenus au pays avec une structure d'accompagnement et de conseil pour le développement de ces petits investissements.

Dans un deuxième temps, nous avons commencé à travailler sur le concept des diasporas scientifique, technique et éducative, c'est-à-dire sur le retour de l'intelligence et non pas seulement des personnes, en utilisant la compétence des communautés, notamment africaines, qui sont en France pour aider le développement de leur pays d'origine. Nous venons de lancer un programme sur ce thème et nous réfléchissons notamment à la multiplication de la technique dite des doubles chaires qui permet à un Français d'origine africaine, par exemple, ou à un Africain établi en France et disposant d'un haut niveau de formation d'occuper simultanément une fonction en France et une fonction dans son pays d'origine et, ainsi, de contribuer de manière très efficace à la montée en puissance des capacités scientifiques et technologiques dans son pays d'origine afin de développer plus généralement la capacité de développement économique et social de ce pays.

Nous avons également multiplié les coopérations universitaires avec les pays d'Afrique. Les résultats en sont mitigés, mais nous avons réussi à créer des lieux d'excellence, notamment des écoles de formation technologique entre les Etats comme les écoles du groupe Eier-Etsher à Ouagadougou, qui forment des spécialistes de génie hydraulique et de développement rural afin de promouvoir le développement sur place à partir de compétences et d'élites locales universitaires et économiques. J'évoque ces initiatives parce que nous envisageons de les relancer et de les moderniser.

Comme je l'ai dit, le co-développement est désormais l'objet d'une véritable curiosité et d'un grand intérêt de la communauté des donneurs occidentaux. Nous sommes souvent interpellés pour faire part de notre expérience et pour la partager avec d'autres pays et cette notion de co-développement sera certainement l'une des plus regardées lors des conférences dont je parlais et qui auront lieu cette année, soit dans le cadre des Nations-Unies, soit dans des cadres ad hoc comme la conférence que le gouvernement belge a prévu de réunir à la mi-mars et à laquelle se rendra Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération.

Aujourd'hui, nous devons concentrer notre action dans trois domaines en liaison avec la problématique des migrations : la question du transfert des économies des migrants, la question du retour des compétences et celle du développement local des régions d'émigration.

Le transfert des migrants représente, à l'échelle du monde entier, comme nous l'avons encore entendu ce matin dans le cadre de la conférence de Paris, une somme d'environ 100 milliards de dollars par an, autant que l'on puisse le mesurer parce que les évaluations sont assez divergentes, c'est-à-dire à peu près trois fois le montant total de l'aide publique au développement. Ce sont des ressources dont seule une petite partie est affectée au développement économique et social au sens strict.

Dans le monde, toute une série d'expériences sont tentées pour mobiliser ce capital d'une manière plus efficace. Nous l'avons fait nous-mêmes à une petite échelle dans le cadre des projets de co-développement que j'ai déjà mentionnés, mais on peut citer d'autres expériences très intéressantes comme celles qui sont menées entre l'Espagne et l'Equateur ou entre le Mexique et les Etats-Unis. Ainsi, les autorités mexicaines, pour un dollar réinvesti par émigré mexicain aux Etats-Unis, se sont engagées à verser deux autres dollars, un dollar des autorités fédérales mexicaines et un dollar des autorités locales ou régionales mexicaines. Les Espagnols, de leur côté, travaillent sur des systèmes de coopération entre organismes de crédit. En France aussi, plusieurs études ont été faites, y compris au sein du Parlement français, comme vous le savez sans doute, et plusieurs propositions ont été avancées.

Même si ce n'est pas de l'aide au développement au sens strict puisqu'il s'agit de flux privés et non pas publics, c'est-à-dire que ce n'est pas de l'aide publique au développement, c'est un domaine extrêmement important qu'il faut creuser. Il ne s'agit pas de dire à une personne privée d'investir son argent d'une manière ou d'une autre puisque cela reste son choix personnel, mais on peut faciliter ces transferts, en abaisser les coûts, mobiliser cette épargne dans des dispositifs de co-financement, faciliter l'accès des personnes concernées à l'intermédiation bancaire, etc. On voit bien là tout ce que l'on peut mettre en place.

Le retour des compétences que nous avons déjà commencé à mettre en place est aussi une piste à explorer pour l'avenir. Je me situe ici dans la suite de ce que nous avons déjà commencé à développer au plan de la coopération française. Je mentionnerai l'initiative qui a été prise autour de l'Institut de la Banque mondiale par un certain nombre de personnalités de la diaspora africaine. Il s'agit de créer sur le continent africain, à l'exemple de ce qui s'est fait en Inde, des instituts de sciences et de technologie. Cette initiative a été baptisée du nom de Nelson Mandela et nous avons décidé d'y participer, dans la mesure du possible et de nos moyens, en partant des écoles régionales inter-Etats qui sont déjà anciennes, mais qui sont des pôles régionaux d'excellence et dont j'ai déjà parlé en citant l'exemple des écoles de Ouagadougou.

L'apport positif, en la matière, est évidemment le réseau international et l'adaptation des formations, mais aussi la possibilité d'aider les étudiants sortant de ces écoles à créer des entreprises, c'est-à-dire à créer sur place directement de la plus-value. De ce point de vue, les compétences, par exemple africaines, qui existent en France sont extrêmement précieuses sous forme de doubles chaires, par exemple, pour assurer, par des allers-retours entre les pays d'origine et la France, une fonction d'encadrement et d'élévation du niveau des études et de la recherche.

Dans le même ordre d'idée, nous sommes en train d'expérimenter des téléformations et des formations supérieures à distance, notamment dans le domaine médical, puisque l'un des domaines les plus sérieux qui, dans certains cas précis, expliquent une partie des migrations des cerveaux est le domaine de la santé, avec en particulier le manque de médecins et d'infirmières.

Pour ces différentes pistes, qui sont tantôt des projets déjà en cours, tantôt des projets auxquels nous réfléchissons, nous nous appuyons en particulier sur un opérateur, même s'il s'agit aussi parfois de projets bilatéraux : l'Agence universitaire de la francophonie, qui a développé une expérience intéressante en matière de développement des pôles régionaux et de campus numériques.

Le troisième domaine fondamental, c'est le développement local. C'est également une chose que nous faisons déjà, à la fois dans l'aide au développement général et dans le co-développement, à travers le développement de régions comme Kayes, au Mali, Anjouan aux Comores ou la région des Nippes dans le sud-ouest d'Haïti, régions d'où nous proviennent sinon le plus grand nombre, du moins un très grand nombre de migrants vers Mayotte, la Guadeloupe, la Guyane ou la métropole. Manifestement, nous n'avons pas encore trouvé des solutions puisque nous continuons d'observer ce phénomène, mais nous sommes décidés à multiplier les moyens, autant que notre situation budgétaire nous le permettra, et les projets de plus en plus ciblés sur les secteurs qui nous paraissent les plus importants à cet égard.

Ces projets concernent les trois secteurs fondamentaux suivants :

- le développement de productions locales, notamment agricoles, et d'activités ;

- la santé et l'éducation ;

- la formation professionnelle.

Nous poussons ainsi un certain nombre de projets avec l'Agence française de développement, notamment au Mali et aux Comores, mais nous aurons peut-être l'occasion d'en reparler si vous souhaitez poser des questions plus précises sur ces sujets.

Voilà les quelques indications que je tenais à vous apporter. Je ne sais pas du tout si j'ai réussi à situer mon propos introductif dans le champ de l'intérêt de votre commission, mais cela permettra peut-être d'amorcer quelques échanges.

M. Christian Demuynck, président .- Merci. Cela va tout à fait dans le sens que nous souhaitions. Je vais demander au rapporteur s'il a quelques questions à vous poser.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Monsieur le directeur, c'est surtout sur le troisième point que vous avez évoqué que je souhaite insister : le développement local. Notre sujet concerne l'immigration clandestine. Notre territoire est attractif en métropole et en outre-mer de par la qualité de ses services, de son fonctionnement et de son niveau de vie, pour simplifier les choses, et nous avons constaté très clairement, singulièrement à Mayotte, que les grands Comoriens et les Anjouanais, notamment, venaient en France parce que c'était beaucoup mieux que chez eux, ce qui n'est pas difficile.

Indépendamment du traitement de l'immigration clandestine en tant que telle, le co-développement est inévitablement la piste qui doit être approfondie pour les années qui viennent. Pouvez-vous nous dire de façon pratique et en détails comment celui-ci est envisagé sur l'Océan indien ? Avez-vous participé à la conférence des bailleurs de fonds avec les engagements pris par l'Etat français pour la période 2006-2009 ? Comment les choses peuvent-elles se faire concrètement et dans quel délai ? Je pose cette question car nous sentons une urgence pressante.

Cela peut être vrai aussi, dans des conditions différentes, en Guyane avec les voisins du Surinam et, bien sûr, d'Haïti, où la pression est très forte.

J'aurais aimé avoir des explications plus précises sur la façon de faire et sur les délais dans lesquels cela va s'engager. Je ferai une observation pour terminer : un certain nombre de nos collègues ont avancé l'idée que la coopération aille assez loin, à l'instar de ce que font les Chinois dans les Comores, où ils font eux-mêmes les choses et donnent les clefs une fois que tout est terminé afin d'être certain qu'il se passe quelque chose. Quel est votre point de vue sur cette idée qui a traversé la commission à un certain moment ?

M. Philippe Etienne .- Je répondrai à votre dernière question à la fin de ma réponse pour me laisser le temps d'y réfléchir parce qu'elle n'est pas facile.

En ce qui concerne ce que nous envisageons en particulier dans l'Océan indien (vous avez raison de dire que la chose peut aussi se présenter vis-à-vis du Surinam et d'Haïti, mais il est vrai que l'attention s'est focalisée ces derniers temps sur les Comores, et en particulier sur Anjouan), nous avons décidé d'accélérer les projets et de les augmenter. Je n'étais pas moi-même à la conférence des bailleurs de fonds, mais nous y étions représentés et notre ambassadeur, M. Christian Job, était évidemment présent. Nous avons un plan bilatéral et européen très ambitieux, même s'il est à l'échelle du pays.

En fait, il ne suffit pas d'apporter de l'argent, comme vous l'avez bien rappelé dans votre dernière question, mais de réaliser les projets et de vérifier que la capacité « d'absorption », comme on dit, aboutit à la réalisation des projets qui ont été mis au point au début.

Nous avons demandé à l'Agence française de développement (AFD) de développer en priorité un projet « santé », compte tenu de la pression sur notre hôpital à Mayotte. En particulier, nous avons décidé de développer les capacités sanitaires à Anjouan. Nous aurons aussi l'occasion de développer très rapidement des projets tournant autour de la capacité de productions agricoles, notamment sur l'île d'Anjouan. Nous avons prévu, essentiellement sous forme de dons, pour l'aide bilatérale, une somme de 40 millions d'euros sur cinq ans, soit une augmentation très importante des concours de l'Etat français au Comores ces dernières années.

Jean-Claude Kohler va vous apporter des précisions complémentaires.

M. Jean-Claude Kohler .- Vous avez demandé des précisions sur l'ensemble de ce qu'on peut faire, en particulier aux Comores, pour lutter contre les phénomènes de flux migratoires en direction de Mayotte, mais une partie de votre question concerne également ce que nous nous apprêtons à faire dans l'immédiat.

Dans l'immédiat, c'est par le biais de l'intervention de l'AFD que nous allons intervenir dans deux secteurs, plus particulièrement à Anjouan : le secteur de la santé et celui du développement rural.

Dans le secteur de la santé, un appel d'offres a été passé le 27 février dernier pour faire livrer en juin l'étude de faisabilité d'un programme « santé » au bénéfice des Comores pour un montant de 10 millions d'euros. Ce programme fera ensuite l'objet d'une décision de l'AFD dans le courant du dernier trimestre 2006 en Comité des Etats étrangers. C'est le projet le plus important qui se met en place en matière de santé.

J'ajoute qu'à la fin du mois de mars, un médecin de la DDASS de Mayotte est requis pour compléter une mission d'identification à Anjouan, sachant qu'à la suite de cette mission, l'AFD prendra une décision de faible montant, ce qui permettra, dans les mois qui viennent et, en tout état de cause, avant le mois de juin, d'affecter un médecin à l'hôpital de Domoni, sur Anjouan, et de participer à l'équipement en matériel des structures sanitaires de l'île.

Quant au développement rural, en novembre 2005, toujours au Comité des Etats étrangers, une décision de l'AFD a entériné un projet de renforcement et de diversification agricole pour un montant de 3 750 000 euros. Une convention de financement a été transmise la semaine dernière aux autorités comoriennes qui ont répondu et elle devrait être signée la semaine prochaine, au retour de notre ambassadeur en poste à Moroni. Ce projet va donc démarrer.

M. Philippe Etienne .- J'en viens à votre seconde question, monsieur le rapporteur (sur laquelle, si vous en êtes d'accord, M. Deberre pourra apporter aussi un complément), qui porte sur le mode de coopération et sur la manière de s'assurer que les projets que l'on développe se réalisent bien dans les délais et avec les suites concrètes qu'on en espère.

C'est une question un peu délicate pour nous parce que, traditionnellement, la coopération française était connue pour faire trop de substitutions, une critique qui est apparue au fil des ans. Il est vrai que nous avons abandonné petit à petit cette façon de faire et que, d'une certaine manière, la réforme de la coopération française décidée en 2004 en confiant à l'Agence française de développement la gestion de l'aide française à des projets entrant dans des domaines comme la santé, l'éducation ou le développement rural a consacré l'« abandon » de la technique de substitution, puisque l'AFD passe désormais systématiquement par le gouvernement bénéficiaire ou ses représentants qui passent eux-mêmes des appels d'offres. Les contrôles nécessaires sont évidemment effectués par l'Agence et les autorités françaises, notamment les ambassadeurs, qui ont un rôle de surveillance, de coordination et d'animation de toute l'équipe française pour l'aide au développement.

Malgré tout, nous donnons la main -c'est la vulgate de l'aide au développement de toute la communauté occidentale et de toutes les institutions multilatérales- aux pays bénéficiaires. C'est ce qu'on appelle l'appropriation et cela a fait l'objet, au Forum de Paris sur l'aide au développement, qui s'est réuni en mars 2005, de toute une série de déclarations.

Cela étant, cela ne signifie malheureusement pas que la question ne se pose pas. On le voit bien dans des domaines comme la santé. Moi-même, lors d'un bref passage à Moroni, il y a quelques mois, j'avais noté combien il était absolument essentiel de maintenir une coopération directe et non pas seulement d'assistance aux pays bénéficiaires dans le domaine, par exemple, de la formation des infirmières et la formation médicale. Si ma mémoire est bonne, c'était une Française qui assurait l'unique ou l'une des rares formations d'infirmières non pas à Anjouan mais sur la grande Comore. Il en est de même, dans l'exemple mentionné par M. Kohler, pour les médecins que nous devons impérativement maintenir dans les structures hospitalières.

Ce n'est pas tellement dans les cadres de notre coopération d'aujourd'hui et il faudra donc que nous trouvions des modes de travail qui nous permettent de maintenir une certaine présence permanente, notamment dans le domaine de la santé, mais on pourrait le dire dans d'autres domaines.

Faut-il aller jusqu'à la manière de faire de la Chine, qui est le nouvel acteur, avec quelques autres, du développement africain, qui est très présente et qui livre clef en main des bâtiments ? Le fait de livrer clef en main un bâtiment n'assure pas qu'il fonctionne bien ensuite...

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Nous sommes d'accord.

M. Philippe Etienne .- Je vous donne ici une description empirique et une impression plus qu'une statistique, mais il semble que beaucoup de Chinois viennent en Afrique pour les chantiers et en repartent tous immédiatement après. Il faudra donc voir ce que cela donne dans la durée.

Quant à la bonne réalisation puis la maintenance, y compris humaine, c'est-à-dire la maintenance matérielle des équipements mais aussi la formation continue des personnels affectés à ces équipements ou à ces services que nous ouvrons grâce à notre aide au développement, ce sont effectivement des questions très importantes et pas forcément très faciles.

M. Jean-Christophe Deberre .- Sur les Comores, nous avons une expérience intéressante de modification de l'aide, à la fois parce que toutes les leçons ont été tirées du fait que la situation s'affaissait sérieusement à partir du moment où l'environnement politique et la gouvernance générale de l'archipel étaient dégradés et parce qu'au fond, l'effort renouvelé que nous pouvons faire se situe dans un contexte politique et diplomatique visant à reconstituer une vie homogène au sein de l'archipel, malgré les aléas que le processus pourra connaître, avec un aval de la communauté internationale qui a été marqué lors de la conférence de Maurice, dans laquelle la France a pris toute sa part.

Par ailleurs, comme l'a dit monsieur le directeur général, deux éléments montrent que le succès pourrait être un peu mieux garanti.

Le premier est une approche géographique intégrée : nous travaillons sur Anjouan, l'île d'émigration, puisqu'elle est la plus proche de Mayotte, sur les questions d'emploi, de santé et d'éducation, ces dernières étant suspendues à l'accord que nous avons avec la communauté internationale sur le sujet.

Le deuxième, c'est qu'il s'agit bien d'un pays où la prévisibilité de l'aide française peut s'appliquer le mieux puisque les engagements que nous avons pris ne sont pas immédiatement suspendus au temps des projets. Par exemple, l'engagement est pris de continuer jusqu'en 2009 l'effort qui sera engagé sur la santé dès la fin de 2006, et ce avec des engagements financiers chiffrés puisque, au-delà des 10 millions d'euros, ce sont 7 millions d'euros de plus qui sont prévus.

Il reste évidemment qu'il est nécessaire d'avoir un dialogue plus précis et plus nourri sur la question migratoire elle-même.

M. Philippe Etienne .- Pour conclure notre réponse à cette question, je rappelle que, dans un pays comme les Comores (mais c'est valable dans d'autres pays moins concernés par la question migratoire, comme la République centrafricaine ou le Tchad, par exemple), vous savez que la France est quasiment le seul bailleur de fonds occidental, avec les multilatéraux, et des nouveaux intervenants comme la Chine.

Pour nous, l'Union européenne est un autre acteur extrêmement important parce que nous finançons largement le Fonds européen de développement. Dans un pays comme les Comores, une bonne application des projets européens et une bonne complémentarité entre les projets bilatéraux et les projets européens sont extrêmement importantes. Ces dernières années, suite aux critiques émises contre le Fonds européen de développement, celui-ci s'est orienté vers des projets importants et à décaissement rapide, notamment en matière d'aide budgétaire et de travaux d'infrastructures, et on voit bien qu'il y a des complémentarités possibles, y compris au Comores, entre ce que nous faisons directement et ce que nous faisons par l'Union européenne, sachant qu'ensuite, peu de pays s'intéressent au développement des Comores. Je pourrais citer certaines communautés islamiques ou certains pays musulmans et la Chine, bien sûr, mais la communauté occidentale est peu représentée.

Mme Alima Boumediene-Thiery .- J'ai été très intéressée par ce que vous nous avez dit. Je pense en effet que la politique de développement a un lien important avec les questions d'immigration et en porte beaucoup de responsabilités. Certes, ce n'est pas le développement qui, à lui tout seul, va enrayer l'immigration, mais le lien est incontournable.

Cependant, je me demande pourquoi les aides au développement et les aides au retour qui ont été données notamment aux travailleurs migrants dans le cadre de certains projets ont toujours échoué, quelles que soient les politiques et les gouvernements en place. Nous l'avons vu à l'époque où M. Chevènement avait mis en place des systèmes d'aide au retour, mais aussi ensuite : il n'y a jamais eu un bilan positif des aides au retour pour les migrants qui souhaitaient rentrer et les associations villageoises, que j'ai rencontrées à plusieurs reprises, nous ont dit franchement qu'elles n'avaient pas besoin de cette aide pour s'organiser autour de leurs propres projets, puisque les associations villageoises, du moins celles d'Afrique, sont très souvent déjà organisées en France.

Ma deuxième question concerne les programmes européens dont vous avez parlé. Les ONG locales se plaignent souvent d'être exclues des programmes, sachant que l'on parachute régulièrement un certain nombre d'infrastructures non seulement avec l'encadrement, qui est peut-être nécessaire, mais aussi la petite maintenance et tout ce qui l'accompagne. Or, en excluant tout ce qui est local, la population elle-même se sent exclue.

J'ai une troisième question sur les discours que j'entends et que j'ai du mal à comprendre parce qu'ils me semblent contradictoires. D'un côté, on nous dit que l'aide au développement est très importante parce qu'elle va permettre à l'immigration de diminuer et, d'un autre côté, dans toutes les conférences internationales, on voit que le chiffre de cette aide ne fait que diminuer. Dans le dernier rapport qui a été établi, j'ai constaté par exemple que l'aide au développement donnée aux Maliens par les Etats est cent fois inférieure à ce que les Maliens envoient chez eux par mandat, ce qui est énorme.

M. Philippe Etienne .- A ces trois questions, je ferai trois tentatives de réponse.

Peut-on parler d'échec des aides à la réinsertion ? Tout d'abord, il faut bien distinguer, dans la situation actuelle, le système des aides au retour et les aides à la réinsertion qui font partie des projets de co-développement. Je ne peux que vous parler de la deuxième sous-catégorie parce que je ne suis pas responsable de la première.

En ce qui concerne la deuxième catégorie, nous commençons à avoir une certaine lisibilité parce que le projet du fonds de solidarité prioritaire pour le co-développement au Mali a permis de financer, d'après les chiffres que nous vous donnons, 330 projets de réinsertion économique plus 22 projets de développement local dans la région de Kayes pour 625.000 euros de co-financement. Il faut en effet distinguer deux modalités : l'argent des migrants qui restent en France et qui co-financent des projets avec notre argent public, et l'aide à la réinsertion avec un projet, en général la création d'une PME. Je peux citer à cet égard l'exemple du Malien qui rentre de France pour créer un garage ou ouvrir une boutique.

Premièrement, il est vrai que cela peut apparaître comme une goutte d'eau dans l'océan, mais ce n'est pas pour autant que ce sont des échecs. Nous avons constaté un certain nombre de réussites.

Deuxièmement, cela ne peut fonctionner qu'en cas d'accompagnement méthodologique, sur place, de ces gens qui reviennent (c'est une leçon que nous avons tirée de nos expériences non seulement au Mali mais aussi dans des pays très différents), parce qu'il n'est pas évident de monter une petite entreprise. C'est pourquoi il est prévu une structure locale de conseil.

Troisièmement, même si tout cela est réussi, si la motivation est là et s'il y a une aide et un conseil, il reste que nous n'avons pas directement d'influence sur certains facteurs exogènes, notamment ce qu'on peut appeler la gouvernance locale, c'est-à-dire tout l'environnement que la personne va retrouver, qui peut être malheureusement décourageant et qui peut parfois empêcher l'aboutissement du projet.

Il est vrai que le succès ou l'échec de ces projets ne peut pas être vu indépendamment de l'ensemble du développement économique, de la gouvernance, de la réussite de la décentralisation dans ces régions et du fait que les gens ont l'impression de s'approprier leur développement local. Tout cela va ensemble.

Pour résumer les choses, nous n'avons pas encore fait beaucoup d'aides à la réinsertion économique parce que nous n'avons pas eu les moyens budgétaires d'en faire plus, mais il n'y a pas que des échecs et il faut reconnaître que cela dépend de beaucoup d'autres éléments.

J'en viens à votre question sur les ONG locales. Pour ce qui est des fonds bilatéraux, même si, là encore, nos budgets ne sont pas aussi élevés que nous le souhaiterions, nos ambassades, dans beaucoup de ces pays, disposent de ce qu'on appelle le Fonds social de développement (FSD), qui permet de financer des petites opérations pour les ONG locales en liaison si possible avec des ONG françaises implantées localement et spécifiquement axées sur le renforcement de la société civile. Nous avons de très bonnes expériences de ce FSD, qui est d'autant plus utile aujourd'hui que les gros projets sont pris en charge par l'Agence française de développement. Il faut donc maintenir cet instrument pour les plus petits projets car nos ambassades nous réclament beaucoup de moyens pour les reconstituer ou en créer de nouveaux.

Quant à la critique qui est adressée aux fonds européens, ou autres, qui parachuteraient l'ensemble et laisseraient de côté la société et les acteurs locaux, elle est à mon avis très fondée. Je ne peux pas dire si elle est totalement justifiée parce que seul pourrait répondre sur ce point un représentant de la Commission européenne, mais il est vrai (et je rejoins en cela la question que posait monsieur le rapporteur tout à l'heure sur les conditions de succès d'un projet, qu'il soit important ou non) que cela ne n'est opérant que si on dispose des gens qui vont faire fonctionner ce projet et qui sont à la fois motivés et formés pour ce faire. L'une des réponses à cela appartient à la société civile locale, qui commence à apparaître dans ces pays. C'est une chance que nous devons savoir saisir.

Enfin, quand vous dites que l'APD diminue, je serai moins d'accord avec vous. En effet, du côté français, l'aide publique au développement passe à 0,47 % du revenu national brut français pour l'année 2006 et le président de la République a fixé un objectif de 0,50 % pour 2007, ce qui représente des augmentations importantes. Celles-ci sont visibles différemment. Evidemment, on n'augmente pas tout de la même manière, mais l'aide multilatérale, qui a beaucoup augmenté cette année, continuera à le faire l'année prochaine sous plusieurs formes.

La France a fait des contributions majeures aux fonds de la Banque mondiale, au Fonds africain de développement, au Fonds européen de développement (24,3 % des financements proviennent de la France, soit plus de 700 millions d'euros sur le budget de la coopération française cette année et peut-être plus de 800 millions l'année prochaine) et elle a annoncé le doublement de sa contribution au Fonds global contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ce qui représente 300 millions d'euros en 2007 sur le budget de la coopération française et 225 millions cette année. Ce sont donc des augmentations réelles dont on voit les effets en nombre de malades traités contre le sida.

L'aide au développement mondial augmente. Ce matin, la conférence de Paris sur les financements innovants du développement a été un vrai succès. Le groupe pilote qui a été constitué à l'issue de cette conférence rassemble une quarantaine de pays, dont une douzaine (des pays du Nord, des pays émergeants et des pays moins avancés ou en développement) ont annoncé la mise en place d'une contribution de solidarité sur les billets d'avion. Ce sont des résultats très positifs et il a été question de toutes sortes de financements innovants.

Les transferts des migrants, dont j'ai parlé tout à l'heure, vont dans le sens que vous dites : ils sont beaucoup plus importants, au Mali ou dans d'autres pays, que l'aide publique au développement et il faut donc savoir mieux mobiliser et accompagner. On a parlé de projets de loterie humanitaire, de projets du programme alimentaire mondial, du partenariat public/privé, de la manière dont certaines grandes entreprises occidentales essaient de développer leurs projets, de la coopération décentralisée et de la loi dite « Oudin », votée par le Parlement français à l'unanimité, sur l'accès à l'eau et à l'assainissent. On a parlé aussi des initiatives de personnalités médiatiques comme Bono et le groupe U2 qui ont lancé le réseau « Red » et les produits labellisés dont les réseaux de commercialisation et les producteurs garantissent qu'une partie ira à la lutte contre le sida.

Cela a vraiment donné l'impression d'une mobilisation. Il faut voir ce que cela donnera par la suite, mais nous sommes heureusement dans une phase de mobilisation des financements de nature à la fois privée et publique. Les promesses seront-elles tenues ? Nous le verrons dans les années qui viennent, mais notre Parlement a déjà voté, à la fin de l'année dernière, l'introduction de la taxe sur les billets d'avion en France, de même que le Chili, le Brésil, la Norvège et Madagascar ont annoncé qu'ils allaient le faire. Nous avons donc un certain nombre de signaux positifs.

M. Louis Mermaz .- Monsieur le directeur général, vous avez commencé à répondre à la question que je voulais vous poser sur l'évolution des budgets que vous gérez au titre de la coopération et de l'aide, mais avez-vous une idée de la progression de ces dernières années ?

J'ai une deuxième question : par quels traités internationaux sont régies actuellement les relations entre la France et l'Union des Comores ?

Troisièmement, nous sommes plusieurs ici à nous être rendus récemment à Mayotte et dans l'Union des Comores, où l'ambassadeur a attiré notre attention sur le fait que les Comoriens attendaient l'arrivée d'une subvention pour l'organisation des élections qui doivent en principe avoir lieu en avril. Va-t-elle arriver ?

M. Philippe Etienne .- Ce sont des questions très importantes parce que, comme l'a rappelé M. Deberre, la stabilisation est indispensable au développement.

M. Louis Mermaz .- Si les élections ont lieu.

M. Philippe Etienne .- Espérons qu'elles auront lieu et qu'elles se dérouleront bien. Effectivement, monsieur le ministre, la subvention du budget français au processus électoral a bien été décidée. Je ne peux pas dire si elle a été versée, mais elle est en cours.

M. Louis Mermaz .- Il ne faudrait pas que les autorités comoriennes prennent prétexte du fait que la subvention n'arrive pas pour annuler les élections...

M. Philippe Etienne .- C'était l'urgence en janvier. Vous savez que nous sommes encore dans l'annualité budgétaire. La première réunion de janvier a été faite pour prendre cette décision et il est possible que cette subvention soit déjà arrivée.

M. Louis Mermaz .- J'ai une dernière question. Vous avez parlé du retour des compétences, qui est un sujet très fécond. Quelle est actuellement la politique des visas ? Nous entendons dire des choses très diverses sur la façon dont les consulats gèrent les visas et les difficultés que rencontrent les gens pour les obtenir. Avez-vous des possibilités d'intervention pour qu'il y ait plus de souplesse dans les allers-retours ? On s'aperçoit en effet souvent que, lorsqu'il n'y a pas de retour, c'est parce que, si jamais on a obtenu un retour, on est trop content de l'avoir pour prendre le risque de rentrer. Y a-t-il des possibilités d'assouplissement ? Je sais que des gens qui sont venus se faire soigner ont pu avoir des visas et sont repartis.

M. Philippe Etienne .- Excusez-moi, monsieur le ministre, de vous avoir interrompu dans vos quatre questions. Cela m'aura permis au moins de répondre à l'une d'elles. Il me reste à répondre sur les trois autres : l'une qui portait sur l'augmentation de l'aide, une autre sur les textes entre les Comores et la France et cette question sur l'aide au retour, les compétences et le lien avec la politique des visas.

L'augmentation de l'aide suit la comptabilisation faite auprès de l'OCDE et les engagements internationaux sont pris par rapport aux pourcentages du revenu national brut. Pour 2004, nous avons déclaré 0,41 % du revenu national brut et, pour 2005, nous n'avons pas encore les chiffres, mais nous pensons être nettement au-dessus de la cible que nous avions prévue, tout simplement parce que des annulations de dette ont été décidées au milieu de l'année dernière : à la fois la dette multilatérale au profit des pays pauvres très endettés, c'est-à-dire les dettes vis-à-vis de la Banque mondiale, du FMI et de la Banque africaine de développement, et une dette importante au bénéfice du Nigeria. Les pourcentages seront donc sans doute très importants en 2005, au-dessus de 0,45 %, et je répète que nous devrions atteindre 0,45 % en 2006 et 0,50 % l'année prochaine.

Les critiques des ONG et de certains commentateurs portent sur la composition de l'aide publique au développement en général, et non pas seulement française, en particulier sur le poids des annulations de dette, mais il faut savoir que les annulations de dette sont en même temps réclamées souvent par les mêmes ONG car elles sont aussi une aide au développement.

Mme Catherine Tasca .- Elles parlent souvent de « dettes odieuses ».

M. Philippe Etienne .- Je peux en tout cas répondre que l'aide strictement budgétaire augmente et que les programmes du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'économie et des finances de la mission « Aide publique au développement », que vous avez votée l'année dernière au titre du budget 2006, marquent des augmentations significatives. Mais je reconnais -je l'ai dit tout à l'heure- que ces augmentations concernent essentiellement les engagements multilatéraux de la France en 2006.

L'augmentation de l'aide bilatérale est plus modeste, mais notre ambition (je pense à l'intervention que Mme Tasca avait faite lorsque j'étais venu devant la commission des finances du Sénat, puis en séance publique) est de donner plus de moyens à nos ONG et cela fait partie de nos cibles.

Quant aux textes qui régissent les relations franco-comoriennes, je ne les connais pas forcément parce que je ne suis pas chargé des relations politiques, mais nous avons un accord de coopération qui prévoit des commissions mixtes. La commission mixte s'est donc réunie en avril 2005 : je m'en souviens parce que j'y étais.

En revanche, je ne peux pas vous répondre sur les autres textes.

M. Louis Mermaz .- Pourrons-nous avoir une note sur ce point ?

M. Philippe Etienne .- Bien sûr. Nous demanderons à nos collègues de l'établir et nous vous la fournirons le plus rapidement possible.

Il me reste à répondre à votre question sur le retour des compétences et le lien avec la politique des visas. Quand vous dites que l'une des raisons de non-retour est la crainte de ne pas pouvoir repartir, c'est incontestable, même si d'autres raisons peuvent tenir à la sécurité ou au manque d'accueil professionnel. On étudie particulièrement cette question actuellement dans le domaine médical et dans celui de la santé, comme je l'ai dit, parce que c'est vraiment le domaine dans lequel les retours des compétences est le plus important.

Je pense que les visas les plus efficaces, de ce point de vue, sont les visas de circulation, qui donnent une certaine sécurité aux spécialistes issus de ces pays qui travaillent chez nous afin qu'ils puissent participer à des projets de coopération, puis revenir en France. Bien que je ne sois pas le directeur des Français à l'étranger et des étrangers en France au ministère des affaires étrangères, qui a compétence pour les visas, je peux vous dire que nos services de coopération à l'étranger ont pour mission de dire aux consulats que telle ou telle personne doit être considérée comme prioritaire pour l'attribution de visas parce qu'elle joue un rôle important dans la coopération bilatérale. Mon collègue Jean-Christophe Deberre, qui rentre d'un poste de coopération très important au Maroc et à Madagascar, pourra certainement le confirmer.

Il y a parfois des problèmes et des visas qui ne sont pas donnés, mais si nous développons les programmes de doubles chaires dont je parlais tout à l'heure, il faudra être clair par rapport à un professeur d'université ou à un chercheur de l'Inserm qui est issu de ces pays, même s'il n'a pas la nationalité française.

Mme Catherine Tasca .- Je souhaite prolonger quelque peu ce que vous venez de dire, monsieur le directeur général, en évoquant la situation des étudiants en provenance de cette zone du monde qui est assez largement francophone. A-t-on à cet égard une politique de traitement spécifique des demandes de titres de séjour pour les étudiants ? Il se trouve que, dans les visites que nous avons effectuées dans les centres de rétention administrative, nous avons trouvé des personnes qui disent être en cours d'études en France et qui, n'ayant pas eu le renouvellement de leur titre de séjour, se trouvent éloignées. Pensez-vous que, dans ce domaine précis des études, l'évolution est possible ?

M. Philippe Etienne .- Oui, madame la ministre. Il se peut que les personnes que vous avez vues ne soient pas venues en France avec des visas étudiants et qu'elles aient entrepris des études avant de devoir être reconduites. En tout cas, il existe, pour les visas étudiants, une procédure que doivent emprunter tous les étudiants étrangers qui veulent étudier dans les universités françaises.

Cependant, il est vrai qu'il y a une évolution dont nous avons déjà parlé ces derniers temps et qui est un sujet très intéressant. En effet, alors que nos universités et nos grandes écoles souhaitent attirer nos meilleurs étudiants, autant il n'y a pas de problèmes quand il s'agit de pays développés, autant, quand il s'agit de pays en développement, on ne veut pas les priver de leurs compétences. Cela rejoint ce que je disais tout à l'heure sur le retour des compétences. Nous avons favorisé, avec l'Agence universitaire de la francophonie et la coopération française bilatérale, les coopérations universitaires qui prévoient justement la formation d'étudiants en France, notamment des doctorants et des formations à la recherche de 2 ème ou 3 ème cycle, qui ne coupent pas les ponts avec le pays d'origine.

En France, nous avons récemment introduit une réglementation qui est très bonne parce qu'elle permet notamment ce qu'on appelle les co-tutelles. Cela vaut avec le monde entier, mais cela peut être très utile pour ne pas couper un étudiant de son université d'origine et, au contraire, pour permettre à deux équipes de recherche ou deux équipes universitaires de travailler ensemble, l'une en France et l'autre dans le pays partenaire, grâce à de jeunes doctorants, par exemple.

Pour en revenir aux visas, nous avons une procédure de visas étudiants que nous avons précisée ces derniers temps. Le comité interministériel qui s'est réuni à la fin de l'année dernière a notamment décidé de faciliter, pour les étudiants ayant régulièrement un visa étudiant et qui arrivent en France, l'obtention du titre de séjour, ce qui est une amélioration. Il reste en effet difficile pour les étudiants étrangers d'avoir leur titre de séjour, même quand ils ont leur visa étudiant, du fait des queues et des procédures administratives à poursuivre.

Nous avons aussi introduit ce que nous appelons des centres pour les études en France, mais seulement dans quelques pays (pour l'instant, il y en a en Chine, au Vietnam, dans les trois pays du Maghreb et au Sénégal mais leur nombre va être augmenté), pour fournir un meilleur service aux étudiants qui veulent venir en France et pour donner de notre pays une image plus moderne : ils peuvent tout simplement s'inscrire par Internet et ils doivent venir au moins une fois pour avoir un entretien. C'est ce qui permet à nos services de coopération d'accueillir les candidats à un visa étudiant, d'examiner leurs motivations, de vérifier que les conditions sont remplies et de leur donner des informations beaucoup plus rapides. C'est très bien perçu au Sénégal, par exemple.

J'ajoute que nous sommes en train de mettre des universités et des grandes écoles directement en ligne pour que les étudiants étrangers puissent, par Internet, procéder très facilement aux préinscriptions, puis à la délivrance du visa et, enfin, aux inscriptions. C'est le schéma idéal. Cela va se faire par étape et non pas du jour au lendemain ni avec toutes les universités, mais nous essayons de le développer.

M. Christian Demuynck, président .- Monsieur le directeur général, nous vous remercions d'avoir répondu à nos questions.

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