B. L'UTILISATION DES PRÉFÉRENCES COMMERCIALES ACCORDÉES PAR L'UNION EUROPÉENNE
Les préférences commerciales accordées par l'Europe sont-elles utilisées par les pays auxquels elles sont destinées ?
Cette question est importante pour deux raisons :
- si les préférences n'étaient pas utilisées, l'ouverture du marché européen serait en réalité moindre que ce que laisserait supposer la multiplication des tarifs préférentiels. Il ne suffit pas d'examiner les droits de douane appliqués préférentiels pour apprécier précisément le degré de protection de l'Union européenne ;
- de même, si les préférences n'étaient pas utilisées, leur érosion au détriment des PMA ne constituerait pas une véritable difficulté.
Des travaux menés par la Banque mondiale sur l'utilisation des préférences dans le cadre de l'initiative « Tout sauf les armes » montraient que les pays en développement y recouraient peu.
Une explication de cette conclusion résidait dans l'existence de « règles d'origine » : le produit exporté dans le cadre d'un régime préférentiel doit avoir été, au moins pour partie, réalisé dans le pays exportateur. Cette règle a pour but d'éviter la constitution de plaques tournantes réexportant vers l'Union des produits provenant de pays exclus de ces accords.
L'application de cette règle est critiquée car l'avantage procuré par la préférence commerciale peut être effacé par la nécessité, pour respecter les « règles d'origine », de s'approvisionner en biens intermédiaires auprès de producteurs locaux inefficaces. Dans ce cas, le producteur peut, soit renoncer au régime préférentiel, soit se fournir librement en biens intermédiaires et utiliser le régime douanier normal.
Une autre critique porte sur le coût administratif de ces mesures pour les exportateurs des pays en développement, en raison des formalités à accomplir pour bénéficier du régime préférentiel, qui peut les conduire, soit à y renoncer, soit à ne pas exporter vers l'Union européenne.
La Banque mondiale a ainsi considéré que l'attention portée par l'Europe à la question de l'érosion des préférences et aux risques d'une trop grande libéralisation était excessive, certainement décalée par rapport à la réalité de l'utilisation des tarifs préférentiels.
Le CEPII a comparé les déclarations douanières, qui permettent de connaître le régime douanier dont a bénéficié chaque exportation, au meilleur régime douanier auquel elle aurait pu prétendre : ceci permet, en effet, d'apprécier le taux d'utilisation des préférences commerciales.
Ce travail tout à fait original permet de parvenir à trois conclusions claires :
- quelques difficultés subsistent dans l'utilisation des tarifs préférentiels : elles sont concentrées sur les PMA non africains dans le textile-habillement, où les règles d'origine sont strictes ;
- globalement, cependant, les préférences accordées par l'Union européenne sont largement utilisées : pour les exportations bénéficiant d'au moins un régime préférentiel, cette préférence est utilisée dans 4 cas sur 5 (81,3 %) ;
- si l'initiative « Tout sauf les armes » est faiblement utilisée, comme le montrent les travaux de la Banque mondiale évoqués ci-dessus, la raison en est que la plupart des PMA ont en quelque sorte « mieux ailleurs », notamment dans le cadre de l'Accord de COTONOU au profit des pays d'Afrique, Caraïbes et Pacifique.
Le message ainsi délivré par le CEPII sur l'utilisation des préférences, et par voie de conséquence, sur l'impact de leur érosion, est ainsi sensiblement différent de celui de la Banque mondiale.