C. L'EUROPE FAIT-ELLE UN USAGE PROTECTIONNISTE DES MESURES ENVIRONNEMENTALES ?
La grande majorité du commerce international est constituée de produits potentiellement affectés par des mesures environnementales : les travaux du CEPII montrent ainsi que sur 5.000 produits échangés, 3.829 sont confrontés à une mesure environnementale limitant leur commerce et que ces 3.829 produits représentent 88 % de la valeur du commerce mondial de marchandises.
Or les pays importateurs peuvent être tentés de faire un usage protectionniste de ces mesures, afin de protéger les producteurs locaux 19 ( * ) .
Le CEPII considère que la politique de l'Union européenne en matière de barrières environnementales est, notamment dans le secteur agricole, beaucoup plus libérale que celle des États-Unis ou du Japon : le nombre de produits affectés par ces mesures y est trois fois plus faible que dans ces pays.
De même, trois produits agricoles sur quatre font l'objet d'une mesure environnementale à l'entrée sur le marché japonais. Les grands pays émergents (Brésil et Argentine) font également un usage abondant des mesures environnementales. En Nouvelle-Zélande et en Australie qui défendent les positions les plus libérales dans les négociations sur la libéralisation agricole, les trois quarts de la valeur des importations agricoles sont affectés par des mesures environnementales.
D. CONCLUSION
La modeste différence de protection douanière entre l'Union européenne et les États-Unis est due exclusivement à la protection agricole, qui reste plus élevée en Europe. Les États-Unis sont plus protectionnistes dans les industries de main d'oeuvre et, ainsi, à l'encontre des pays les moins avancés, plus spécialisés sur ces industries.
L'Union européenne octroie aux pays du Sud et, surtout, aux pays les plus pauvres, de nombreux régimes préférentiels : ceux-ci sont très largement utilisés, ce qui soutient le développement de ces pays en leur offrant des opportunités accrues d'exportations et en augmentant leur compétitivité du fait de l'apparition d'économies d'échelle.
Enfin, le CEPII montre que l'Europe ne fait pas un usage protectionniste des mesures environnementales et recourt beaucoup moins à ce type de mesures que la plupart des autres pays, notamment dans le secteur agricole.
Ces conclusions ne dessinent certainement pas le portrait d'une « Europe forteresse », comme elle est très généralement décrite à la simple lecture des droits de douane dans le domaine agricole.
Cette conclusion est confirmée par la simple observation de flux d'échanges (cf. tableau ci-dessous ) :
- l'Europe est le premier importateur mondial de produits agricoles ;
- l'Europe représente un marché pour les pays en développement plus important que les marchés américain et japonais cumulés ;
- quasiment 70 % des importations européennes proviennent des pays en développement, dont 16,4 % des pays les plus pauvres ; aux États-Unis la part des pays en développement n'atteint pas 45 % (3 % pour les plus pauvres) ; au Japon elle est de 32 % (2 % pour les plus pauvres) .
TABLEAU 3 - RÉPARTITION DES IMPORTATIONS
AGRICOLES
ET AGROALIMENTAIRES DANS LES PAYS DE LA TRIADE EN 2001
(en millions de dollars)
UE-25 |
États-Unis |
Japon |
||||
Valeur |
Part (%) |
Valeur |
Part (%) |
Valeur |
Part (%) |
|
Développés |
15 918 |
30,5 % |
24 532 |
56,5 % |
20 982 |
69,3 % |
En développement hors G-90 |
27 708 |
53,1 % |
17 409 |
40,1 % |
8 750 |
28,9 % |
G-90 |
8 566 |
16,4 % |
1 444 |
3,3 % |
542 |
1,8 % |
Total |
52 192 |
43 384 |
30 273 |
Note : le commerce entre pays de l'UE-25 n'est pas pris en compte. Les pays développés incluent Europe de l'ouest, États-Unis, Canada, Japon, Australie, Nouvelle-Zélande, Corée du Sud, Hong-Kong, Taïwan et Singapour. Le G-90 regroupe tous les PMA ainsi que l'ensemble de l'Union africaine.
Source : CEPII
* 19 Pour savoir dans quelle mesure, les pays font un usage protectionniste de ces mesures environnementales, le CEPII a retenu un critère simple : lorsqu'un produit est notifié à l'OMC comme faisant l'objet d'une mesure environnementale par un nombre très réduit de pays (5 au maximum), la présomption d'instrumentalisation des mesures environnementales à des fins protectionnistes est forte.