2. Des études françaises
Dans le prolongement du rapport précité du Pr. Patrice Quéneau, deux études permettent de préciser le phénomène en France.
* En mai 1999 a été publiée l'étude engagée au printemps 1997 sur « les hospitalisations dues à un effet indésirable médicamenteux », et fondée sur une enquête réalisée auprès d'un échantillon représentatif des services de spécialités médicales des hôpitaux publics français par les Centres régionaux de pharmacovigilance, le rapport final étant rédigé par les Pr. Pierre Pouyanne, Françoise Maramburu, Jean-Louis Imbs. Ce dernier est en outre l'auteur de la présentation donnée dans la revue Thérapie (1999-54) dont sont extraites les citations ci-après :
« Le réseau des Centres régionaux de pharmacovigilance a estimé la prévalence des effets indésirables médicamenteux sur un échantillon représentatif (sondage en grappe stratifié à trois degrés, par tirage au sort) des malades hospitalisés dans des services de médecine, chirurgie et long séjour publics. L'enquête a été effectuée un jour donné, au cours du printemps 1997. Chaque cas d'effet indésirable a fait l'objet d'une validation. L'échantillon d'étude porte sur 2132 malades dont 969 hospitalisés en Centre Hospitalier Universitaire et 1163 en Centre Hospitalier Général. Sa répartition selon les spécialités et les structures d'hospitalisation est représentative de l'ensemble des hospitalisations dans les hôpitaux publics métropolitains. Au moins un effet indésirable validé était présent chez 221 patients le jour de l'enquête, soit un taux de prévalence de 10.3 pour cent (IC pour cent : 26 à 42 pour cent), ces effets étaient graves. A partir d'un taux d'incidence un jour donné de 1.8 pour cent (IC 95 pour cent : 1.0 à 2.5 pour cent), il est possible de calculer que chaque année environ 1.300.000 patients présentent un effet indésirable médicamenteux au cours d'une hospitalisation ».
La conclusion de l'étude elle-même remet en perspective le problème dans les termes suivants :
« Cette étude, la première menée à l'échelon d'un pays, sur un échantillon représentatif de services de médecine et spécialités médicales, met en évidence l'importance du problème des hospitalisations secondaires à la survenue d'un effet indésirable médicamenteux. Le nombre d'hospitalisations (128 768 entrées), le nombre de journées d'hospitalisation (1.146.035), le coût généré par ces hospitalisations (2,1 milliards de francs) montre bien qu'il s'agit d'un problème majeur de santé publique, au même titre que les accidents de la route. Cependant, ces chiffres ne sont le reflet que d'une partie du problème. En effet, ils ne prennent pas en compte tous les aspects de la iatrogénie médicamenteuse, en particulier tous les accidents graves qui ne sont pas hospitalisés notamment les décès, les hospitalisations dans des établissements privés et enfin tous les accidents survenus en cours d'hospitalisation qui vont être à l'origine d'une prolongation d'hospitalisation ou même d'un décès.
* Abordant la question sous un angle un peu différent, celui des signalements par les services d'accueil et d'urgence d'hôpitaux publics français, l'étude réalisée sous la conduite du Pr. Quéneau avec six autres médecins universitaires et l'APNET (Association pédagogique nationale pour l'enseignement de la thérapeutique) a fait l'objet d'une publication dans le Bulletin de l'académie nationale de médecine (2003-187 n° 4 page 647-670 intitulée « Effets indésirables médicamenteux observés dans les services d'accueil et d'urgences françaises ».
« L'importance de la pathologie médicamenteuse comme cause d'hospitalisation est un problème majeur de santé publique. Notre étude a consisté à recueillir systématiquement toutes les observations d'effets indésirables médicamenteux pendant deux semaines (la première en juin 99 et la seconde en décembre 99) dans 10 Services d'Accueil et d'Urgences (SAU) de 10 Centres Hospitaliers : 5 Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) et 5 Centres Hospitaliers non universitaires (CH). Sur un total de 1937 patients admis aux 10 SAU pendant ces deux périodes, nous avons retenu les 1562 patients ayant pris au moins 1 médicament au cours de la semaine précédente. Parmi eux, 328 (21 % ; intervalle de confiance à 95 % : 19 %-23 %= avaient consulté en raison d'un effet indésirable médicamenteux (EIM). Au total, 410 médicaments furent incriminés dans la survenue des 328 EIM. Les psychotropes (n = 84 : 20,5 %), les diurétiques (n = 48 : 11,7 %), les anticoagulants (n = 38 : 9,3 %), d'autres médicaments cardiovasculaires (n = 63 : 15,4 %), les antalgiques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (n = 57 : 13,9 %) furent les classes médicamenteuses les plus fréquemment incriminées. Dans 106 cas (37,9 %), l'EIM fut considéré comme évitable en raison d'un mauvais usage du médicament ».