2. Les qualités de l'organisation de l'expertise externe : des progrès à confirmer

La transparence dans la désignation des experts et leur indépendance par rapport à des situations suivies de conflits d'intérêt constituent les défis essentiels.

Les constatations faites fin 2002 par les inspections générales dans leur audit (p. 27) étaient sur ce point critiques :

« Le choix d'un appel massif à l'expertise externe n'est crédible qu'à condition que l'Agence mette au point des modalités transparentes de désignation des experts, un système permettant de garantir leur indépendance et une rémunération de leur travaux qui ne dissuade pas les meilleurs de les effectuer. Or, actuellement ces conditions ne sont pas remplies.

La commission d'AMM peut faire appel à des rapporteurs et des experts choisis sur une liste établie par le Directeur Général de l'Agence.

Les modalités de constitution de cette liste sont insuffisamment explicitées. La transparence du processus de sélection est pour le moins insuffisante puisque aucun appel à candidature ou avis sur les besoins d'expertise n'est publié en amont de la sélection et que la décision n'est pas prise de façon collégiale, mais par les chefs d'unités et de départements de la DEMEB. Ce constat est valable pour d'autres commissions de l'Agence.

- L'absence de garanties suffisantes de l'indépendance des experts.

La garantie de l'indépendance des experts repose essentiellement sur la notion de conflits d'intérêts que l'Agence doit pouvoir détecter quand ils existent. Actuellement, le dispositif mis en place présente de nombreuses lacunes.

- L'Agence n'a pas finalisé de doctrine en matière de conflits d'intérêts.

A partir de la notion de conflit d'intérêts définie réglementairement, l'Agence a établi une classification précise des différents intérêts, autour de laquelle est structurée la déclaration d'intérêts. Cette démarche doit être portée à son crédit ».

Mais on relevait également que la période de référence variait selon les directions concernées : deux ou cinq dernières selon les cas.

Le caractère non exhaustif de la base de données FIDES (fichier informatique des déclarations d'intérêts), son mode de gestion par la cellule de veille déontologique, l'ancrage de celle-ci dans l'organigramme étant lui-même nettement contesté, ont également fait l'objet d'une analyse sévère (p 28) :

« L'Agence ne dispose pas de système global de gestion des experts externes. Le fichier FIDES est géré par la cellule de veille déontologique, en totale déconnexion avec le service des ressources humaines et les directions opérationnelles. Il est destiné à recenser les intérêts déclarés, mais ne peut nullement suivre de manière dynamique le recours aux experts, leur nombre, leur évolution dans le temps.

Par ailleurs, l'objectif principal du fichier qui vise à prévenir la survenue des conflits passe par un enregistrement exhaustif des déclarations d'intérêts des experts. Or, cet objectif n'est pas atteint, faute de procédure de contrôle par recoupement avec d'autres fichiers et d'accessibilité du fichier aux secrétaires des commissions.

La mission a constaté tout d'abord que certains experts ne sont pas enregistrés.

Parmi les experts enregistrés, tous n'ont pas rempli de déclaration d'intérêt. A la demande de la mission, la cellule de veille déontologique a chiffré à 16,5 % en 2000 et 10,5 % en 2001 la part des experts non déclarants des seules commissions dont les déclarations sont publiées par l'Agence.

S'agissant des experts sollicités dans le cadre de l'instruction des dossiers d'AMM, cette part atteint 48 %. De même, sur un échantillon de six groupes de travail dépendant de la commission d'AMM et étudiés par la mission, le taux de déclarations non saisies dans la base FIDES oscille entre 18 et 53 %.

Les déclarations d'intérêts existantes ne sont pas toujours exploitées pour détecter les éventuels conflits d'intérêts ».

Les réponses faites par l'AFSSAPS au cours du premier semestre 2003 dans le cadre de la procédure d'audit traduisent une réelle réaction de remise en ordre, au-delà des orientations déjà affichées :

« Sur la base des travaux déjà engagés par l'Agence, précisément par la cellule de veille déontologique, différentes actions sont en cours et vont permettre, dès cette année, à l'Agence de répondre concrètement aux observations de la mission, en particulier concernant la prévention et la gestion des conflits d'intérêts et la rémunération des experts.

En premier lieu, une révision des listes des experts membres des groupes de travail ou des experts rapporteurs dans les commissions a été réalisée par les directions opérationnelles. Ces listes sont en cours de publication.

Parallèlement, un travail de vérification de la complétude de la base FIDES a été engagé et doit être achevé pour la fin du mois de juin 2003. Ce travail est grandement facilité par la mise en service de la consultation de la base FIDES via Intranet par les secrétariats des commissions (projet FIDWEB, avis favorable de la CNIL reçu à l'AFSSAPS fin mai 2003). Cette consultation par les secrétariats facilitera au quotidien la gestion des conflits éventuels lors des réunions des commissions et des groupes de travail. Par ailleurs, il est prévu de rappeler les règles déontologiques en vigueur lors du renouvellement des commissions. Ces règles sont d'ailleurs précisées dans les appels à candidature diffusés via le site Internet de l'Agence (matériovigilance, publicité, cosmétovigilance). Cette procédure sera progressivement généralisée dans l'année, notamment pour recruter de nouveaux experts rapporteurs.

Le transfert de la gestion des experts externes de la cellule de veille déontologique au département des ressources humaines a été décidé. Il sera effectif à l'automne 2003 ».

La question des rémunérations des experts a également été soulevée. La faiblesse de celles-ci lorsqu'elles existent (médicaments) et leur inexistance dans d'autres domaines (thérapie cellulaire, thérapie génique) ne sont pas de nature à permettre le recrutement des meilleurs parmi un nombre de candidats qui risque de se restreindre. Là aussi, toutefois, des améliorations ont été acquises depuis deux ans.

Enfin, l'urgence d'établir un haut niveau de crédibilité de l'expertise externe par la transparence, l'indépendance et un statut convenable des experts, y compris la rémunération, n'exclut pas de porter son attention aux conditions de l'expertise interne qui a nécessairement moins focalisé l'attention, mais qui n'est pas à l'abri de tout problème.

* En conclusion, on peut considérer comme positives les mesures qui ont été prises pour apporter la clarté et la rigueur indispensable à l'expertise externe qui, d'après les constats argumentés des corps de contrôle, en avait particulièrement besoin. L'effort ne doit toutefois pas être relâché car la tâche de remise à niveau n'est pas achevée et surtout il s'agit d'un domaine dans lequel la vigilance est une exigence permanente. Les situations et donc les dérives potentielles évoluent très rapidement ainsi que le montrent les constatations inquiétantes auxquelles sont arrivées tout récemment les autorités américaines au sujet de la situation déontologique au sein des NIH (National Institutes of Health) notamment. Cela contribuera d'ailleurs à relativiser l'importance de la question de l'équilibre entre l'expertise interne et l'expertise externe au sein de l'AFSSAPS d'autant que c'est précisément dans l'un des pays souvent cités comme référence, les Etats-Unis, que l'expertise de la FDA a été mise en cause avec la crise du Vioxx depuis septembre 2004, après celles en 2001 de la cérivastatine et du traitement hormonal substitutif en 2000.

Les révélations successives et spectaculaires des dernières semaines de l'année 2004 illustrent la nécessité d'une « expertise radicalement revisitée » ainsi que cela est précisé dans les recommandations concluant le présent rapport.

Les difficultés de la montée en puissance telles qu'elles viennent d'être analysées et remises en perspective, notamment par rapport aux plus récentes évolutions, ont révélé des faiblesses du pilotage quotidien comme stratégique de l'AFSSAPS. Cette situation est d'autant plus paradoxale que la qualité de l'expertise française dans le domaine des produits de santé et le niveau de sécurité sanitaire font l'objet de l'avis général et au plan international, d'appréciations très positives. La structure et les mécanismes institués par la loi du 1 er juillet 1998 ne sont pas non plus en cause dans les difficultés enregistrées ; éventuellement il peut s'agir de « legs » antérieurs à 1998 qu'il convient, le cas échéant, de « toiletter ». On estime parvenir à une stabilisation qui serait satisfaisante et même prometteuse si des éléments nouveaux d'origines diverses ne risquaient pas de la remettre en cause.

III. UNE STABILISATION REMISE EN CAUSE

La stabilisation progressive de l'AFSSAPS à un régime de croisière exigeant constitue un objectif à la fois essentiel au regard des impératifs de sécurité sanitaire et ambitieux par rapport aux « rigueurs du terrain » du domaine et aux mouvements institutionnels qui l'affectent.

Les « rigueurs du terrain » dans le domaine des produits de santé illustreront d'abord les multiples développements qui accroissent sensiblement la charge d'activité de l'AFSSAPS ; la dimension européenne des compétences de l'Agence en est souvent à l'origine.

Les mouvements administratifs et institutionnels recouvrent plus précisément les modifications imprévues, voire intempestives, du périmètre de compétences de l'Agence et qui accroissent ses charges.

Page mise à jour le

Partager cette page