K. UNE CLARIFICATION NÉCESSAIRE

Les compétences de l'AESA sont déterminées en termes clairs. Elles cadrent son fonctionnement et la positionnent face aux autres acteurs du domaine. On pense, en particulier, à la Commission qui est, notamment, gestionnaire du risque et coordonne la recherche. Des difficultés limitées et ponctuelles peuvent d'ailleurs apparaître dans les relations entre l'AESA et la Commission ; l'avenir dira si elles sont liées à la phase transitoire d'installation, à des questions relationnelles entre responsables ou plus durablement à d'autres facteurs.

Le positionnement de l'AESA avec les agences ou instances nationales des Etats-membres constitue un problème d'évidence plus important et exigeant beaucoup de soin de part et d'autre si l'on veut que l'ensemble du mécanisme de la sécurité sanitaire des aliments en Europe fonctionne sans difficulté majeure.

Au début de son fonctionnement, l'Autorité ne peut traiter à elle seule tous les dossiers dont la Commission, les Etats-membres, le Parlement européen pourraient la saisir, sans oublier son pouvoir d'auto-saisine. Mais il est possible qu'à terme elle envisage de jouer dans tous les domaines un rôle central, laissant aux agences nationales un rôle de sous-agences, d'auxiliaire compétent principalement pour des questions locales et la communication adaptée à chaque Etat-membre. Cette perspective apparaît pour l'instant peu probable car les dispositions du Règlement cadrent nettement le mécanisme sur la mutualisation des activités et le fonctionnement en réseau, sans parler du principe de subsidiarité.

C'est donc dans le sens d'une coopération entre l'AESA et les agences nationales sur la base de ces principes que l'on peut espérer s'orienter. Cela veut dire notamment des mécanismes d'échanges d'informations, un partage des tâches coordonné pour une part importante des travaux d'évaluation et une information opérationnelle des agences nationales avant la publication des avis ; par « information opérationnelle », on entend permettant une réaction dans un délai suffisant.

La nécessité d'une bonne articulation entre l'Autorité européenne et les agences nationales a été bien identifiée dans le règlement de 2002 et fait l'objet de nombreuses dispositions à cette fin.

Le Forum consultatif (art. 27) est un élément essentiel dans cet ensemble : on développera ce point avant la conclusion du présent développement. Il en sera de même du « réseau d'organismes opérant dans les domaines qui relèvent de la mission de l'Autorité », tel qu'il est prévu à l'art. 36.

Dans ce qui est le « coeur de métier » de l'AESA, c'est-à-dire la production d'avis scientifiques sur l'évaluation des risques régi par l'art. 29, il est prévu spécifiquement à l'art. 30 la situation et les procédures en cas « d'avis scientifiques divergents ».

Des divergences de ce type ont été enregistrées dans deux dossiers récents : celui des OGM et celui du semicarbazide. Dans ce dernier cas (il s'agit d'un « matériau-contact » utilisé notamment dans les pots d'aliments pour bébés), il y eu des divergences d'appréciation du risque entre l'AESA d'une part et l'AFSSA, de même que la « Food Standards Agency » britannique ; en outre, la Commission européenne a eu tendance à considérer que l'AESA débordait, par ses recommandations, sur le rôle de gestionnaire du risque qui est le sien.

S'agissant d'un OGM, le maïs doux « Bt11 » destiné à l'alimentation humaine, l'avis favorable au niveau européen était celui du comité scientifique sur l'alimentation humaine rendu en avril 2002, antérieurement à la mise en place de l'AESA, mais il a été renouvelé le 19 avril 2004 ; l'AFSSA de son côté a émis successivement deux avis exigeant de nouvelles études pour autoriser la consommation de maïs Bt11, dont le dernier le 15 avril 2004, avis dont la conclusion est la suivante :

« L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments maintient son avis du 26 novembre 2003 qui concluait qu'en toute rigueur, pour évaluer l'impact d'une consommation régulière de maïs doux portant l'événement de transformation Bt11, il conviendrait de disposer d'une étude de toxicité/tolérance chez le rat ou d'une étude de tolérance/alimentarité chez un animal d'élevage (par exemple, le poulet de croissance) réalisée avec du maïs doux portant cet événement de transformation.

« L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments est consciente qu'une telle étude n'est pas exigible dans le cadre de la réglementation actuelle, mais qu'elle pourrait être souhaitable du fait que le métabolisme et la physiologie du maïs doux diffèrent sensiblement de ceux du maïs « champ » et que le maïs doux est le seul destiné à être consommé en l'état par l'homme ».

Il est à noter que c'est ce maïs dont la vente (maïs importé) a été autorisée le 19 mai 2004 par la Commission européenne (faute d'accord au niveau du Conseil européen le 26 avril 2004). Cette décision était conditionnée à l'entrée en vigueur (le 18 avril 2004) des dispositions relatives à la traçabilité.

Sur des saisines de l'AESA, l'AFSSA a rendu des avis ou des rapports de manière partielle. L'Agence Française, interrogée par votre rapporteur, en a indiqué pour le dernier trimestre 2003 sept à titre d'exemples : l'une des saisines (évaluation des risques des acides gras trans dans les aliments) coïncide exactement pour les deux agences ; il a dans cette perspective été précisé par l'AFSSA : « un groupe de travail est d'ores et déjà activé à l'AFSSA sur ce sujet avec la perspective d'un rapport dans six mois. Il conviendra donc sur ce sujet d'optimiser les échanges avec l'AESA afin d'éviter une duplication du travail d'évaluation ».

Sur les sujets d'études en cours dans les deux agences, la réponse de l'AFSSA est la suivante :

« Le programme de travail de l'AESA récemment communiqué fait apparaître peu de sujets d'étude commun sur des thématiques générales.

Il peut être noté parmi les sujets d'étude de l'AESA :

-- nitrates/nitrites dans les viandes sous l'angle microbiologique (tout récemment achevé) ; L'AFSSA est saisie sur des aspects plus vastes de la problématique des nitrates (incluant l'eau) ;

-- approche de l'allergénicité des OGM ; l'AFSSA envisage une réflexion également sur ce thème au sein de son CES compte tenu des diverses activités développées dans ce domaine ;

-- mercure dans les aliments ; l'AFSSA poursuit sa réflexion sur le méthyl mercure dans les poissons (un avis déjà publié) ;

-- contaminants PCB non dioxines like ; l'AFSSA poursuit sa réflexion sur le sujet (plusieurs avis déjà publiés) ;

-- Ochratoxine A ; l'AFSSA initie une réflexion générale sur les mycotoxines dans la chaîne alimentaire de l'homme et de l'animal ;

-- Semicarbazide et acrylamide ; ces sujets se poursuivent à la fois au niveau communautaire et à l'AFSSA (projets de recherche, acquisition de données de contamination).

Sur l'ensemble de ces sujets difficiles, une information réciproque doit être mise en place dans le cadre du réseau européen ».

« Sur les ESST, de nombreux sujets d'étude sont envisagés au niveau européen et par l'AFSSA. D'ores et déjà, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) a transmis à l'AFSSA deux saisines dont elle a fait l'objet de la part de la Commission européenne.

Ces thématiques font ou ont fait l'objet d'une évaluation de l'AFSSA, qui pourra apporter certaines de ses conclusions ou de ses éléments de réflexion à l'Autorité européenne ».

Des évaluations récentes laissent donc à penser que la coopération est souvent réelle, même pour les ESST où pourtant il y a un passé difficile.

Au-delà des difficultés évidentes que pourraient soulever la survenance d'avis scientifiques divergents, mais dont on voit qu'il ne faut pas exagérer la probabilité, c'est l'ensemble de la cohérence du mécanisme qui doit être recherché car le besoin est avéré et certaines évolutions pourraient lui conférer une réelle importance.

-- Les groupes scientifiques spécialisés constituent l'élément essentiel du dispositif d'évaluation du risque. Ils préexistaient à l'AESA et ceux qui existaient lors de la mise en place de celle-ci avaient été formés en 1997. Cinq d'entre eux ont été transférés à l'AESA qui, avec les nouvelles créations, en compte désormais huit outre le comité scientifique (multi sectoriel). Les groupes qui ont donc une ancienneté nettement supérieure à l'AESA elle-même ne semblent pas poser de problème particulier dans leur fonctionnement. En revanche, leur positionnement par rapport à ceux des agences nationales pourrait susciter des problèmes dès lors que des doublons apparaîtraient sur les sujets de saisine ou thème d'études. En cas de double appartenance, la charge de travail et les contraintes pour les experts concernés pourraient être source de difficultés.

Le recrutement des experts lui-même, opération lourde et délicate, exige une certaine coordination entre les instances compétentes européennes et nationales. Si il n'est pas pensable que l'AESA doive passer par les agences nationales pour recruter des experts même pour des sujets spécifiques en vue d'une étude ponctuelle, il n'est pas davantage concevable qu'il n'y ait pas coordination et que, d'une manière générale il n'y ait pas une recherche coutumière d'harmonisation des procédures et des calendriers, sans parler des consultations informelles.

L'insuffisante considération reconnue aux experts dans les milieux universitaires, et pas seulement en France, peut être notamment contrebattue par une harmonisation par le haut des conditions de l'expertise en Europe. L'AESA aura sans doute les moyens de participer à une telle évolution nécessaire. Il ne serait pas souhaitable, en revanche, qu'une concurrence mal coordonnée entraîne un moindre intérêt pour l'expertise au niveau national. L'inverse n'est pas à exclure si le recrutement des experts au niveau européen prenait davantage en compte des critères de représentativité géographique que l'excellence professionnelle. On remarque ainsi que la coordination et la mutualisation prévue dans le Règlement de janvier 2002, notamment son article 36 correspond à une vraie nécessité.

Une concrétisation des mécanismes de coopération

-- « Le forum consultatif (art. 27 du règlement) se compose des représentants des Etats-membres qui accomplissent des tâches analogues à celles de l'AESA à raison d'un par Etat-membre ». Le forum conseille le directeur exécutif, notamment en vue de l'élaboration d'une proposition relative au programme de travail de l'Autorité. Le directeur exécutif peut également demander l'avis du forum sur la hiérarchisation des demandes d'avis scientifiques.

Cet article précise notamment :

« Le forum consultatif constitue un mécanisme pour l'échange d'informations sur les risques potentiels et la mise en commun des connaissances. Il veille au maintien d'une étroite coopération entre l'Autorité et les instances compétentes des Etats-membres, en particulier :

Pour éviter tout double emploi des études scientifiques de l'Autorité avec les programmes des Etats-membres, conformément à l'article 32 ;

Dans les cas visés à l'article 30, paragraphe 4, lorsque l'Autorité et un organisme national sont tenus de collaborer ;

Pour promouvoir le fonctionnement en réseaux européen des organismes opérant dans les domaines qui relèvent de la mission de l'Autorité, conformément à l'article 36, paragraphe 1 ;

Lorsque l'Autorité ou un Etat-membre identifie un risque émergent.

Le forum consultatif est présidé par le directeur exécutif. Il se réunit régulièrement à l'invitation du président ou à la demande d'au moins un tiers de ses membres, au moins quatre fois par an ».

Le forum se réunit effectivement quatre fois par an actuellement et semble fonctionner dans des conditions qui s'inscrivent dans la perspective d'une philosophie de la coopération entre instances nationales, ce qui n'empêche pas celles-ci de se réunir éventuellement entre elles sur des sujets généraux, d'ordre nutritionnel par exemple.

Le fonctionnement en réseau est prévu d'une manière très claire par l'article 36 du Règlement :

« Article 36 : Réseau d'organismes opérant dans les domaines qui relèvent de la mission de l'Autorité.

L'Autorité favorise le fonctionnement en réseaux européens des organismes opérant dans les domaines qui relèvent de sa mission. Ce fonctionnement en réseaux a pour objectif, en particulier, de promouvoir un cadre de coopération scientifique en facilitant la coordination de l'action, l'échange d'informations, l'établissement et l'exécution de projets communs,l'échange de connaissances spécialisées et de meilleures pratiques dans les domaines qui relèvent de a mission de l'Autorité.

Le Conseil d'administration, sur proposition du directeur exécutif, établit une liste rendue publique des organismes compétents désignés par les Etats-membres qui, soit individuellement, soit dans le cadre d'un réseau, peuvent aider l'Autorité dans sa mission. L'Autorité peut confier à ces organismes certaines tâches, en particulier des travaux préparatoires aux avis scientifiques, des tâches d'assistance scientifique et technique, la collecte de données et l'identification des risques émergents. Certaines de ces tâches peuvent bénéficier d'un soutien financier (...) ».

L'articulation de la coopération bien décrite ici tarderait à se concrétiser. A ce titre, des impulsions en provenance des Etats-membres eux-mêmes seraient de nature à développer les mécanismes de coopération en faisant concrètement avancer le partage des tâches pour une réelle efficacité évitant ainsi les risques de dérives ultérieures. A titre d'exemple, en ce qui concerne les « risques émergents » des procédures adaptées impliquant à l'avance tous les acteurs permettraient un réel progrès.

Les progrès réalisés par la mise en place de ces mécanismes devaient être constatés dans un inventaire dans les termes suivants (art. 36, alinéa 4).

« Dans un délai d'un an à compter de l'entrée en vigueur du présent règlement, la Commission publie un inventaire des systèmes communautaires existant dans les domaines qui relèvent de la mission de l'Autorité et prévoyant que les Etats-membres effectuent certaines tâches d'évaluation scientifique, notamment dans le cadre de l'examen des dossiers d'autorisation. Ce rapport, accompagné le cas échéant de propositions, indique notamment pour chaque système existant, les modifications ou améliorations qui sont éventuellement nécessaires pour permettre à l'Autorité d'accomplir sa mission, en coopération avec les Etats-membres ».

Il serait heureux que, plus d'un an après la mise en place effective de l'AESA, on ait prochainement le moyen de mesurer ainsi le fonctionnement en réseau de celle-ci.

*****

**

Pour conclure, on ne peut que souligner les résultats très positifs du travail et de l'action de l'AESA, de l'AFSSA, de la Food Standards Agency et des autres acteurs lors du trouble connu par la filière saumon l'hiver dernier (janvier 2004). Un article de revue dont le caractère scientifique douteux a pu être rapidement et avec certitude mis en cause a illustré l'absence de fondement des inquiétudes soulevées. Certes, les ventes de saumon ont connu une baisse sensible pendant quelques semaines, mais en d'autres temps, on aurait sans doute vu se développer une peur que l'on aurait très abusivement qualifiée de « crise sanitaire ». C'est là un signe de progrès que l'on relève avec intérêt.

RESUME DE LA DEUXIEME PARTIE

Agence entièrement nouvelle créée en 1998, l'AFSSA a répondu aux attentes et a atteint les objectifs qui lui étaient assignés ; des ajustements restent à réaliser et surtout certains rapports doivent être mieux définis avec les autres acteurs de la sécurité des aliments, notamment au niveau européen.

Une évaluation globalement positive

Chargée de l'évaluation du risque pour l'ensemble du domaine de la sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA a su rapidement monter en puissance alors que le climat de crise perdurait avec les rebondissements relatifs à l'ESB (embargo sur la viande britannique, matériaux à risque, abattage sélectif) : la construction ex-nihilo du coeur de l'appareil d'évaluation qu'est la DERNS (Direction de l'évaluation des risques nutritionnels et sanitaires) en est l'illustration la plus concrète.

L'intégration réussie des laboratoires du CNEVA (Centre national d'études vétérinaires et alimentaires) est également à souligner. Elle a permis à l'AFSSA d'atteindre la masse critique pour l'expertise, pour l'appui scientifique et technique ainsi que la recherche.

La crédibilité de l'Agence dans son ensemble s'est rapidement établie, notamment en tant qu'autorité indépendante d'évaluation des risques ; cette constatation est le fait tant des connaisseurs les plus expérimentées du domaine que de ceux, extérieurs aux circuits administratifs, qui ont à en connaître par leurs fonctions professionnelles ou associatives, ainsi que des observateurs étrangers.

Dans le cadre des compétences fort larges qui sont les siennes, les avis de l'AFSSA sont attendus, appréciés et rendus dans des conditions satisfaisantes même si certaines réserves peuvent être formulées sur les modalités de la communication de l'Agence.

Le positionnement nutritionnel de l'AFSSA, que la loi lui a reconnu, est essentiel et elle fait face ici aussi à des responsabilités qui sont devenues particulièrement lourdes avec le problème considérable, et en aggravation accélérée, que constitue l'obésité.

Au-delà de la réussite, quelques ajustements

-- Le principe de séparation entre l'évaluation et la gestion du risque est largement validé par l'expérience. Les quelques remises en cause qui ont pu se faire jour ne justifient pas la réouverture d'un quelconque débat.

En revanche, des progrès restent à faire pour que ce principe soit pleinement appliqué ; il faut en somme que dans ce concert de la sécurité sanitaire des aliments où interviennent plusieurs acteurs majeurs, chacun joue le jeu loyalement et donc efficacement. Concrètement, cela implique que l'Agence ait un mode de communication de ses avis qui laisse une marge au gestionnaire du risque (décideur ministériel). Cela exige aussi que les tutelles des trois directions générales sachent précisément exercer cette fonction de tutelle en respectant les principes de la nouvelle architecture administrative définie en 1998. Cela veut dire enfin que dans les tâches pour lesquelles il existe des interfaces, le partenaire administratif chargé de la gestion du risque n'ignore pas ses obligations (plans de contrôle avec la DGAL par exemple).

-- Les saisines de l'Agence constituent un mécanisme perfectible. En effet, malgré un fonctionnement actuellement satisfaisant, l'analyse montre des dérives de divers ordres. Le volume de l'ensemble des saisines apparaît à la limite supérieure, la justification de certaines n'est pas avérée, en particulier les saisines automatiques sur tous les projets de textes administratifs. L'instauration d'un mécanisme de sélection s'impose et la formation restreinte du conseil scientifique pourrait notamment être utilisée à cette fin. L'exercice de l'auto-saisine paraît devoir de son côté être mieux cadré. Enfin, le droit de saisine par les industriels, actuellement inexistant, pourrait être reconnu, mais dans un encadrement strict lui aussi.

-- L'expertise tout en étant satisfaisante, peut soulever des questions, qui ne sont pas spécifiques au domaine alimentaire (nombre, statut, rémunération des experts).

-- La lacune identifiée avec certitude est celle du non respect de la loi de 1998 sur les produits phytosanitaires : clairement inclus dans le périmètre de l'AFSSA, ils restent exclus au niveau de l'application. La situation doit être redressée, les péripéties survenues avec le « Gaucho » et le « Régent » illustrent encore davantage cette nécessité. Le partage excessif des procédures d'expertises relatives aux OGM doit lui aussi être corrigé.

-- Quelques aspects des activités de l'AFSSA font l'objet de débats récurrents : place de la recherche, structuration des laboratoires ; les orientations prises depuis 1998 sont positives et l'ancrage de l'Agence nationale du médicament vétérinaire au sein de l'AFSSA doit être confirmé.

La sécurité sanitaire des aliments et l'Europe

-- Après les redressements indispensables que la crise de l'ESB exigeait, le niveau de sécurité atteint en Europe est élevé, mais incertain. L'insuffisance des contrôles aux frontières de l'Union, les effets non maîtrisés de l'adhésion de dix nouveaux membres sont des facteurs d'inquiétude qui sont d'ailleurs reconnus. Certains principes d'organisation contenus dans le « paquet hygiène » adopté l'an dernier posent des interrogations, même si par ailleurs la traçabilité fait de réels progrès avec le règlement entré en vigueur au 1 er janvier 2005.

-- Enfin, le positionnement de l'Agence européenne de sécurité des aliments (AESA) dans l'ensemble du réseau des agences nationales fait problème. Le respect de l'esprit et des textes qui président à cette organisation s'impose, ce qui ne semble pas encore acquis dans toutes les dimensions de l'activité de l'Agence.

TROISIÈME PARTIE :
L'AFSSAPS ET LA SÉCURITÉ DES PRODUITS DE SANTÉ

Le positionnement de l'évaluation

L'AFSSAPS est parmi les agences et les entités autonomes créées par les loi du 1 er juillet 1998 et du 9 mai 2001, celle qui a été soumise au plus grand nombre d'examens par les instances administratives et parlementaires.

En effet, la Cour des Comptes a établi un relevé de constatations définitives le 25 février 2003 qui portait essentiellement sur les conditions de mise en place de l'Agence ; elle a également abordé « les conditions de fonctionnement des agences sanitaires » dans le chapitre X de son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale en septembre 2002.

De leur côté, à la demande de la Direction générale de la santé, un audit de l'AFSSAPS a été établi conjointement en décembre 2002 par l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales ; les sept inspecteurs en charge de cet audit ont détaillé leurs travaux à travers douze rapports particuliers et un rapport de synthèse.

Enfin, la commission des finances du Sénat a chargé notre collègue, M. Adrien Gouteyron, d'un rapport d'information sur l'AFSSAPS qui a été adopté par cette commission le 16 juillet 2003. Les informations abondantes ainsi réunies récemment sont non seulement précises, mais encore permettent d'étayer une évaluation à l'aide de travaux que seules des instances juridictionnelles et d'inspection ont les moyens de mener.

Dans ces conditions, l'analyse de l'AFSSAPS à laquelle il est procédé ici se situe dans la perspective de l'évaluation telle qu'elle est prescrite par la loi du 1 er juillet 1998 et des enseignements que l'on peut concrètement tirer. Toutefois, les développements intervenus récemment dans le domaine du médicament et plus particulièrement dans celui de l'expertise obligent à envisager comment les structures actuelles peuvent faire face à ces nouveaux défis.

Deux observations préalables doivent être faites pour éclairer l'orientation de cette analyse. D'une part, des dispositions réglementaires et législatives nouvelles prises récemment vont modifier une partie, certes limitée, du cadre préalablement défini par la loi de 1998 et les textes d'application. D'autre part, la survenance d'événements spectaculaires ou de développements factuels qui n'avaient pas été envisagés il y a cinq ans amènent, au-delà de la stricte évaluation de la loi et des instances et mécanismes qu'elle a crée, à se demander si la sécurité sanitaire ne risque pas d'être mise en cause alors que ces textes et instances paraîtraient atteindre les objectifs qui leur ont été assignés il y a quelques années.

Enfin, une observation liminaire doit être formulée s'agissant de l'appréciation de la valeur de l'expertise qui par définition est un volet important de l'activité de l'AFSSAPS. Il ne saurait être question d'évaluer la qualité du travail scientifique car la tâche n'est pas plus accessible à l'Office qu'elle ne l'est aux deux inspections générales qui ont réalisé l'audit. Celles-ci ont précisé dans leur rapport que « cet examen a porté essentiellement sur l'organisation et les procédures internes, la mission ne pouvant se prononcer sur la qualité scientifique de la production de l'Agence ».

Le Directeur général de la santé, M. Lucien Abenhaïm, dans sa réponse (24 juin 2003) aux deux inspections générales avait fait sur ce point l'observation suivante :

« En premier lieu, le rapport indique que les auteurs ne sont pas en mesure de juger de la qualité scientifique des travaux menés par l'agence. Vous comprendrez que, dans la mesure où il s'agit du fondement même de la mission de l'agence, ce constat me rende perplexe. Le rapport porte donc plus sur des aspects de gestion que de fond, ce qui, sans diminuer son intérêt, limite sa portée et les conséquences que l'on peut en tirer pour l'avenir. La seule remarque sur la qualité globalement satisfaisante des travaux de l'agence dans ses missions de sécurité sanitaire étant celle du directeur général de la santé, je tiens à ce qu'elle apparaisse dans le rapport ».

Quelques mois plus tard, le 17 novembre 2003, en vue de l'évaluation de la loi du 1 er juillet 1998, les quatre inspections générales étaient saisies par une lettre de mission dans laquelle il était précisé notamment :

« Nous demandons aussi à la mission d'apprécier la qualité scientifique et technique de l'activité des établissements : la pertinence scientifique de leurs actions, qu'elles résultent de leur initiative propre ou qu'elles répondent à une commande de l'administration, sera évaluée tant sous un angle individuel que sous celui d'une participation globale au renforcement de la veille et de la sécurité sanitaire ».

Le rapport d'évaluation de mai 2004 comprend sur ce point, en forme de réponse, la précision suivante :

« La deuxième interrogation a porté sur le contenu de « l'évaluation de la qualité scientifique et technique des établissements » demandée dans la lettre de mission. Les experts scientifiques associés à la mission ont estimé, au terme d'une réflexion partagée avec les membres des inspections générales, qu'il ne leur était pas possible dans les délais impartis et dans le format prévu, de procéder à une évaluation de l'activité scientifique des établissements selon les méthodes et standards qui gouvernent ce type de processus ».

Le problème peut se résumer simplement dans la question « qui peut expertiser l'expertise et comment ? ». C'est l'une des difficultés qui caractérise de manière récurrente ce domaine.

On rappellera tout d'abord l'ampleur des missions de l'AFSSAPS et la structure qui a été conçue et développée pour les remplir. Les difficultés de la montée en puissance, déjà largement analysées précédemment, seront précisées et remises en perspective.

La stabilisation en vue sera appréciée en elle-même, mais aussi à la lumière des modifications institutionnelles qui peuvent la remettre en cause.

Enfin, deux aspects plus factuels déjà évoqués constitueront les deux derniers développements : d'une part les interrogations sur la position de l'Agence face à des dossiers d'actualité particulièrement sensibles, notamment au sujet de médicaments ayant fait l'objet d'un retrait, d'autre part les risques émergents.

I. UNE STRUCTURE AUX MISSIONS ÉTENDUES

L'Agence du médicament, préfiguration de l'AFSSAPS, créée par la loi n° 93-5 du 5 janvier 1993 témoignait déjà d'une volonté de conférer une autonomie certaine et des moyens importants à la hauteur des défis passés et à venir. A ces défis, identifiés, la direction de la pharmacie et l'Inspection du ministère de la santé ainsi que le laboratoire national de la santé ne pouvaient plus faire face.

On doit souligner que cette nouvelle forme d'organisation et d'exercice des compétences de l'Etat a essaimé dans d'autres champs de la sécurité sanitaire en 1998 avec l'AFSSA et l'InVS. Elle constitue donc une innovation, un précédent et un cas d'école.

Page mise à jour le

Partager cette page