3. Les potentialités de développement offertes par les filières de demain
Qu'il s'agisse des chefs d'entreprise, des syndicalistes ou des économistes, beaucoup des personnalités entendues par votre groupe de travail se sont accordées sur la nécessité de mieux positionner l'outil industriel français sur les segments de marché fortement créateurs de valeur ajoutée . Ceux-ci, en effet, ne doivent pas être délocalisés , et la France dispose du potentiel pour répondre à la concurrence internationale, qu'elle émane des pays émergents ou des autres pays industriels. Outre qu'elle est la seule à même de garantir à la France des perspectives renouvelées d'enrichissement , cette meilleure insertion dans la division internationale du travail est de nature à permettre le maintien d'activités dans toutes les filières de production , tant celles déjà soumises depuis longtemps à la réalité des délocalisations que celles susceptibles de le devenir.
Dans le passé, la France a su faire la preuve de son savoir-faire en matière de grands projets dans certains secteurs stratégiques de très haute technologie. On évoquera, pour mémoire, l'excellence française en matière aéronautique ( Airbus ), spatiale ( Ariane-Espace ), nucléaire ( Aréva ), etc. On rappellera aussi le savoir-faire français pour la livraison « clé en mains » d'installations à l'unité : réseaux de trains à grande vitesse, centrales nucléaires, barrages, gestion des eaux et des déchets... En ces domaines très techniques et complexes, ce sont la qualité et la fiabilité qui font la compétitivité , bien davantage que les coûts. La France dispose donc d'atouts significatifs en matière de commerce extérieur .
Les récents accords commerciaux et de coopération signés le 11 juin entre le Premier ministre et le vice-Premier ministre chinois témoignent de l'intérêt que suscitent nombre des compétences industrielles françaises : commande de vingt Airbus A330-300 par China Eastern (plus dix options) et d'un satellite de l'entreprise Alactel Space par China Sat pour la retransmission des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, coopération sur une première tranche de vingt centrales nucléaires, l'assemblage d'hélicoptères EC 120 pouvant déboucher sur l'acquisition de plus d'une centaine d'appareils, et la fabrication de locomotives
Votre commission insiste sur la nécessité de persévérer dans cette politique, en l'étendant en outre aux créneaux qui promettent un développement important dans les prochaines décennies.
Le lancement de grands projets nationaux, voire européens, ne peut ainsi plus être retardé dans les domaines qui feront l'industrie de demain : les technologies de l'information, les nanotechnologies, les biotechnologies. La mobilisation sur ces créneaux d'avenir est urgente pour développer une expertise aiguë susceptible de fonder une spécialisation selon les avantages comparatifs. Elle a déjà porté des fruits sur certains segments des télécommunications (conception de centraux numériques, par exemple), mais elle mérite d'être renforcée et élargie .
Par ailleurs, il conviendrait de lancer de nouveaux « grands projets » dans des secteurs porteurs, en particulier dans l'industrie de l'environnement et de la santé : aménagement et ingénierie urbains , gestion de l'eau et des déchet , industrie de la santé , notamment vers le milieu hospitalier, énergies propres ... Dans ces domaines où les besoins s'avèrent immenses - que l'on songe par exemple simplement à la construction des réseaux urbain d'assainissement ou d'électricité dans la quinzaine de métropoles de plus de 10 millions d'habitants que comptent déjà les pays en développement -, notre pays dispose de très grands groupes ( Vinci , Bouygues , Suez , Véolia ) capables, avec l'aide de plus petites entreprises , très innovantes , de se tailler une place de choix.
Lors de son audition, M. Dominique Barjot, directeur à la mission scientifique et pédagogique du ministère délégué à la recherche et aux nouvelles technologies, a ainsi souligné par exemple que la France occupait une situation enviable dans l'industrie des travaux publics (TP) : grâce notamment à ses trois « majors » figurant dans les cinq premiers groupes mondiaux (Bouygues, n° 1 mondial avec 112.000 salariés, Vinci, n° 2 avec 127.000 salariés, et Eiffage, n° 5 avec 46.000 salariés) et qui réalisent 92 % des exportations françaises du secteur, elle occupe le leadership en Europe (25 % des chantiers de TP de l'UE15 sont attribués à des entreprises françaises) et en Afrique, et la quatrième place mondiale sur les autres marchés.
Le positionnement sur ce type de marché est donc essentiel non seulement parce qu'il favorise directement le commerce extérieur, la balance des paiements, ainsi que l'activité domestique de conception, de production et de gestion dans les secteurs considérés, mais aussi parce qu'il enrichit par ailleurs doublement la croissance économique intérieure : en amont, par la stimulation de l'innovation, et en aval, par les flux d'échanges supplémentaires qu'il est susceptible de générer sur d'autres biens et services associés.
Votre commission est ainsi convaincue de la nécessité d'affirmer une volonté politique déterminée pour soutenir la conception de projets d'ampleur dans ces domaines d'avenir , où nos atouts historiques devraient pouvoir être confortés . Mais il faut évidemment que les industriels eux-mêmes s'engagent aussi dans cette voie, en acceptant de prendre des risques et, en particulier, de différer leurs perspectives de gains le temps de s'imposer sur les marchés . A cet égard, les affirmations d'un des interlocuteurs de votre groupe de travail sur le désengagement de Vinci du sous-continent indien, ou le fait que la première voiture « écologique » à double moteur thermique et électrique ( Prius II ) ait tout récemment été mise sur la marché par le constructeur japonais Toyota , sont deux exemples qui témoignent du chemin restant à parcourir.