B. DYNAMISER L'INTÉGRATION EUROPÉENNE
La commission est ainsi convaincue que l'Union européenne offre à l'économie française une opportunité de développement dont elle ne saurait désormais se passer . Encore faut-il, naturellement, franchir le cap de l'intégration des dix nouveaux membres en évitant que l'aide temporaire à laquelle ils peuvent légitimement prétendre ne s'accompagne d'un effet de « vases communicants » définitivement préjudiciable à l'industrie des « 15 ». Durant cette période critique , divers dispositifs devront donc être institués, notamment dans le cadre de la politique communautaire de soutien régional, pour assurer le meilleur équilibre intra-européen .
Mais cet élargissement des frontières de l'Union rend également nécessaires deux démarches nouvelles , qui se conjuguent sans doute. La première est l' édification d'un véritable gouvernement économique européen contribuant à la convergence des politiques économiques nationales des Etats membres et à la définition d'une stratégie économique européenne , notamment dans le domaine de l'industrie. Les récentes discussions franco-allemandes relatives à la création d'un poste de « super commissaire » européen à l'économie vont dans ce sens, tout comme la volonté du Président Chirac et du Chancelier Schröder, exprimée au mois de mai, de créer des « champions industriels européens ». Le groupe de travail souscrit entièrement aux principes qui fondent ces initiatives et espère que celles-ci déboucheront rapidement sur des mises en oeuvres concrètes .
Sa conviction est d'ailleurs si grande que la reprise de la croissance et le maintien de la puissance économique de notre pays sont principalement conditionnés par un tel volontarisme politique qu'il a approuvé le titre de ce rapport, que lui proposait son rapporteur. Faisant référence à notre tradition nationale d'encouragement public à l'activité industrielle , le « néo-colbertisme européen » auquel il appelle devrait ainsi se traduire, dans les faits, par une série de mesures propres à renforcer la puissance industrielle de l'Europe face à la concurrence des autres zones de production du monde . Il s'agit notamment de donner au développement industriel , dans la politique de l'Union, une place aussi légitime et importante , au moment des arbitrages nécessaires, que celle accordée à la politique de la concurrence ou aux préoccupations environnementales .
Une seconde démarche doit permettre d'aller encore plus loin. Le processus d'intégration européenne s'inscrit dans un mouvement général au monde contemporain qui voit se créer de très larges ensembles d'Etats liés par des intérêts économiques et politiques communs . Tous les pays, même les plus puissants, ont engagé ces dix dernières années des stratégies commerciales dans des zones de libre-échange formalisées (tels les Etats-Unis dans le cadre de l'ALENA, créée avec le Canada et le Mexique) ou non (le Japon, avec sa sphère d'influence de l'Asie du Sud-Est et de la Chine). Il n'est pas jusqu'à ce dernier pays à ressentir, malgré la taille gigantesque de son propre marché, la nécessité de tels accords : la Chine vient en effet de s'accorder avec l'Association des nation d'Asie du Sud-Est (ASEAN) sur les modalités de création, à partir de 2010, de la plus grande zone de libre-échange du monde, qui regroupera plus d'1,7 milliard d'habitants. De même l'Union européenne aura-t-elle intérêt à conclure de tels accords, soit avec ses voisins immédiats de l'Europe centrale ou du pourtour de la Méditerranée (conformément à la notion de « zone euroméditerranéenne » préconisée par les industriels de la filière textile), soit encore avec des ensembles d'Etats regroupés au sein d'autres zones (114 ( * )).
Il n'est pas douteux, pour votre commission, que la taille et la puissance de l'Europe élargie doivent lui permettre demain, plus encore qu'aujourd'hui, de tirer parti de l'accroissement des échanges mondiaux. Mais elle ne pourra y parvenir sans reconnaître à l'industrie , quelles que soient les évolutions futures de la structure de l'économie, la place qui lui revient , ni lui donner les moyens de l'occuper pour s'imposer face à la concurrence internationale .
* (114) L'Union européenne et le Mercosur (zone économique regroupant des pays d'Amérique latine) ont échangé le 21 mai dernier des offres d'ouverture commerciale en vue de créer une zone de libre-échange d'ici octobre 2004.