c) Les autres éléments de coûts
Bien entendu, d' autres critères financiers s'ajoutent régulièrement à celui du coût de la main d'oeuvre pour justifier un projet de délocalisation.
Le premier d'entre eux est le niveau des impositions . Aux impôts directs pesant sur l'entreprise (impôt sur le bénéfice), s'ajoutent les impôts locaux (impôts fonciers, taxe professionnelle) et les taxes sur les transactions. Une analyse précise de la situation est indispensable avant toute décision de délocaliser puisque ces taxations sont extrêmement diverses d'un pays à l'autre , non seulement quant à leur existence et à leurs taux , mais aussi à leur assiette comme aux éventuelles exemptions pouvant leur être associées de manière temporaire ou permanente, voire à raison de la branche d'activité concernée. Dans ce domaine, les comparaisons sont donc délicates à effectuer et les indications de portée générale ne sont pas toujours pertinentes : ainsi, le taux d'un impôt sur le bénéfice peut être inférieur de moitié à un autre sans que leurs produits effectifs soient significativement différents si les assiettes et les charges déductibles ne sont pas les mêmes. Cette complexité justifierait à elle seule l'existence des nombreux cabinets de conseils proposant aux entreprises leurs services pour évaluer les avantages et les risques d'un projet de délocalisation.
Reste que, globalement, il n'est pas contestable que la recherche de moindres coûts fiscaux constitue souvent une motivation supplémentaire à la délocalisation, certains Etats en faisant même un puissant outil d'attractivité quand ils instituent des zones franches exemptes de toute imposition .
Viennent ensuite les charges d'installation . Dans cette catégorie figurent le coût d'acquisition du terrain industriel et ceux de la construction de l'unité de production , ou les coûts de location . Là encore, les différences peuvent être sensibles d'un pays à l'autre, d'autant que des politiques publiques d' aide à l'installation , sous forme de subventions ou de réductions des prix du foncier , sont aussi de nature à modifier les coûts apparents .
En outre, l'industriel devra évidemment prendre en compte les divers autres coûts de production, tels le coût de l'énergie ou celui des transports , pour forger sa décision. En effet, comme on le verra ultérieurement, ces postes ne jouent pas souvent en faveur des pays émergents et viennent, à quelques exceptions près comme, par exemple, la Russie s'agissant du gaz naturel, minorer les allègements de charges attendus d'une délocalisation plutôt que les accroître.
Enfin, les circonstances actuelles, où le dollar est sous-évalué de 15 à 20 % face à l'euro en raison notamment d'une politique délibérée de l'administration américaine, conduisent à ne pas négliger l'importance des taux de change . Ce critère est a priori trop volatile pour être retenu dans une stratégie cohérente d'implantation à l'étranger : toutefois, lorsque l'affaiblissement du dollar semble durable, le handicap de compétitivité des produits fabriqués dans la zone euro peut nécessiter une délocalisation pour réduire les coûts de production. Certes, l'appréciation de l'euro amortit la hausse des inputs négociés en dollars, au premier rang desquels figure l'énergie (par exemple le pétrole, dont le prix avoisine les 40 dollars le baril au moment de la rédaction de ce rapport) : mais la balance entre inputs et outputs demeure toutefois déséquilibrée, obligeant les exportateurs européens soit à réduire leurs marges pour conserver leurs parts de marché, soit, le cas échéant, à délocaliser tout ou partie de leur production dans des pays de la zone dollar ou d'une monnaie qui lui est liée (69 ( * )). Des entreprises de toutes tailles sont confrontées à cette alternative : ainsi, par exemple, tant M. Philippe Camus, président exécutif du géant aéronautique et spatial européen EADS , que M. Jean-François Allier, PDG de la PME toulousaine Humirel , leader international des capteurs d'humidité dont la plupart des concurrents sont installés dans la zone dollar, n'excluaient pas, en janvier 2004, de délocaliser leurs investissements futurs dans ladite zone uniquement pour retrouver des marges concurrentielles .
* (69) Telle que la Chine, dont la monnaie nationale, le yuan, est accrochée au dollar.