b) Une réalité territoriale qui risque de se poursuivre
Cependant, quelles que soient les mesures quantitatives du phénomène, les délocalisations existent bel et bien : elles sont durement ressenties localement. Quand un bassin industriel perd massivement des emplois du fait de la globalisation de l'économie, ce sont des centaines voire des milliers d'hommes et de femmes, et donc de familles, qui vivent une forme d'exclusion de la compétition mondiale, exclusion que d'aucuns peuvent d'ailleurs ressentir comme vexatoire . C'est finalement la vie entière de ce bassin qui est menacée et c'est ce traumatisme-là qui justifie l'écho donné aux délocalisations, plutôt que la quantité objective d'emplois concernés .
Un décalage évident apparaît entre l'entreprise, à qui la délocalisation apporte une solution, et le territoire où elle est implantée, qui vit cette délocalisation comme un problème. A cet égard, la délocalisation est bien davantage un enjeu territorial plutôt qu'économique .
En outre, si sa mesure laisse penser aujourd'hui qu'il est de faible ampleur, le mouvement des délocalisations est une tendance lourde dont certains estiment qu'il est appelé à une accélération forte dans les années qui viennent . Ainsi, lors de leur audition, MM. Laurent Petizon, vice-président du cabinet de conseil ATKearney, et Olivier Delrieu, directeur, ont fait observer au groupe de travail que la masse salariale américaine délocalisée, qui était estimée à 4 milliards de dollars en 2000, serait de 24 milliards en 2005 et pourrait être de 65 milliards en 2010. Ils considéraient en outre que l'Europe avait environ trois ans de retard sur les Etats-Unis, évoquant notamment, à titre illustratif, le fait que 20 % des budgets informatiques américains étaient délocalisés en 2003 contre seulement 5 % en Europe.
Les délocalisations méritent donc bien d'être placées sous surveillance.