B. B.- LES CONSÉQUENCES À LONG TERME SUR LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

1. 1.- les mesures sociales d'accompagnement

Dès la première phase, un protocole de « mesures sociales d'accompagnement de la délocalisation du siège » était intervenu le 21 décembre 1994, issu de négociations par l'intermédiaire des deux organisations syndicales représentatives, CFDT et SYCATEA.

La deuxième phase a conduit, après des négociations difficiles, à la signature le 2 juin 1999 d'un nouveau protocole faisant intervenir un médiateur 7 ( * ) désigné par le ministre de l'agriculture. Le protocole signé entre ce médiateur et les organisations syndicales n'a pas eu cependant la même portée que le dispositif précédent. Les mesures nouvelles qu'il comportait ont dû donner lieu à des autorisations ponctuelles, en attendant qu'elles soient reprises dans le nouveau texte portant statut du personnel du CNASEA. C'est dire que les turbulences sociales ne cessèrent pas en juin 1999, d'autant que les personnels ne comprenaient pas les réserves des tutelles alors qu'il leur avait paru qu'ils négociaient avec « un représentant mandaté par le gouvernement ».

Le bilan social fait apparaître dans ses statistiques les importants remous créés dans l'établissement. Ainsi les années 1999 et 2000 ont été l'occasion d'actions du personnel et se sont traduites par des irruptions dans les conseils d'administration (l'un fut même reporté par précaution) ou des manifestations, comme au salon de l'agriculture. L'activité n'a cependant jamais été bloquée. Ces revendications ne pouvaient que se conclure par des mesures coûteuses pour les finances publiques. En outre, le système adopté, reposant pour la plus grande part sur des décisions du ministre du budget souvent antérieures à la base juridique constituée par l'article 41 du décret du 21 juillet 2002 et non sur un texte spécifique, ne répond pas à la règle de transparence des indemnités, ce qui laisse à penser que l'Etat n'a pas souhaité assurer publiquement les conséquences financières de sa décision de délocalisation.

Les trois principes de cet accompagnement social, traduits dans les protocoles successifs, n'appellent pas de critiques particulières mais ne sont pas sans conséquences :

- le premier principe, appliqué dès le premier dispositif, est la règle du volontariat : les personnels ne souhaitant pas aller à Limoges peuvent être mis à disposition dans les services et organismes à Paris, à condition de les trouver. La masse des agents mis à disposition contre remboursement (MAD) ne sera pas négligeable à l'issue du processus ;

- le deuxième principe vise à éviter les défaillances de personnel au moment du transfert par un système de tuilage, en centrant les nouveaux recrutements sur la province, en encourageant les mutations des DR vers le siège, et en recrutant directement des agents en sureffectifs. Ces emplois de précaution ne pouvaient conduire qu'à un gonflement des effectifs sans lien direct avec le niveau d'activité ;

- le troisième principe est celui du cumul de tous les dispositifs généraux d'accompagnement des délocalisations avec les mesures spécifiques à l'établissement, ce qui a pour conséquence d'augmenter le coût de la délocalisation.

L'opération a ainsi conduit à un cumul d'aides financières : mise en place en 2000, une indemnité « différentielle » de départ (pour les agents ayant au moins 55 ans et 15 années d'ancienneté effective au CNASEA ou dans un organisme assimilé) garantit 70 % du salaire brut journalier de référence et ce jusqu'à la retraite à taux plein, et au plus tard à 65 ans. De même, une indemnité « transactionnelle » de départ, en sus de l'indemnité de licenciement (pour les agents ayant 5 ans d'ancienneté au moins), remboursable s'il y a recrutement dans un emploi public dans les cinq ans, et qui ne peut excéder six mois de la rémunération indiciaire brute, a été décidée en 2000. Le dernier avatar de cet empilement de dispositions prévues dans le protocole est une lettre du ministre du budget du 31 mars 2003 autorisant le remboursement des entretiens d'embauche pour les conjoints d'agents du CNASEA dans la limite de trois déplacements.

Le tableau fourni en annexe 1 synthétise l'application de ces différentes mesures, prises dans des conditions peu transparentes, dépassant largement le droit commun, et se caractérisant par la diversité de leurs objectifs puisqu'il s'agit d'aider ceux qui se délocalisent mais aussi, majoritairement, ceux qui refusent le départ.

Ces mesures sont suivies par le directeur général adjoint et par une cellule rattachée à la direction générale, qui comporte 7 personnes (deux de plus qu'un an avant) dont une à Limoges pour l'accueil. S'est également réuni à Limoges, comme cela se fait habituellement, un comité de suivi avec les services de l'Etat et les collectivités territoriales pour les questions concrètes de l'accueil : scolarité, logement et surtout emploi des conjoints.

A la fin de 2002, ces mesures représentaient plus de 4 M€ de dépenses (hors bonification d'intérêts) dont plus de la moitié provient des indemnités différentielles (40 cas) et transactionnelles (28 cas). Les dispositifs de droit commun, indemnité spéciale de décentralisation et complément exceptionnel de localisation en province, ne comptent que pour 11% du total des dépenses (51 cas).

Les conséquences du dispositif sur la gestion du personnel sont importantes : augmentation des effectifs et de la masse salariale ; turn over spectaculaire (80% par exemple à l'agence comptable) conduisant à une perte de la mémoire 8 ( * ) ; rigidification de la masse salariale notamment par la transformation des contrats à durée déterminée (CDD) en contrats à durée indéterminée (CDI) ; constitution d'une imposante catégorie de personnels qu'il faudra gérer sur le long terme : les mises à disposition remboursées (MAD).

2. 2.- l'impact à long terme des mises à disposition remboursées

Le 25 janvier 2000, sept mois après le protocole d'accord, le Premier ministre, par circulaire aux ministres et secrétaires d'Etat, a fixé un cadre et des objectifs d'accueil par ministère pour 145 agents (à comparer aux 88 qui avaient opté en première phase), en faisant supporter la moitié de l'effort aux deux ministères de l'agriculture et de l'emploi (en incluant celui fait précédemment), et la seconde moitié aux autres ministères au prorata de leurs effectifs réels de fonctionnaires et agents publics implantés en région Ile-de-France. Un dispositif de conventions agent-organisme d'accueil et organisme d'accueil-CNASEA a été mis au point.

Pour appuyer cet engagement fort du gouvernement, le comité pour l'implantation territoriale des emplois publics (CITEP) a été chargé d'un rôle particulier dans cette opération. Il a assuré, avec la direction générale et un comité où sont représentés les personnels du CNASEA, le suivi des options des personnels, relativement lentes et parfois instables, ainsi que des réponses des ministères. Ce n'est qu'au début de l'année 2003 que le premier versement des indemnités de délocalisation permet une connaissance fiable des départs sur Limoges et que les soldes apparaissent, d'une part une quarantaine de postes « théoriquement ouverts » dans les ministères, d'autre part une petite vingtaine de cas difficiles. En définitive, les ajustements se feront, mais avec quelques pertes.

Mais c'est surtout la lourdeur de la gestion de ces agents qui est en cause. Le CNASEA a précisé qu'il gérerait indistinctement les MAD, qu'il s'agisse de mobilités ou d'agents non délocalisables, mais que le remboursement de la charge (le coût réel étant supérieur à ce qui est remboursé du fait de l'affiliation au régime agricole) devrait être différencié dans l'avenir entre ces deux catégories.

* 7 M. Guy RAFFI, inspecteur général de l'agriculture

* 8 tout en notant une stabilité exceptionnelle de l'équipe de direction

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