II. II.- LA DÉLOCALISATION DU SIÈGE DE L'ÉTABLISSEMENT
La délocalisation, imposée au CNASEA comme à d'autres établissements publics, a affecté profondément son fonctionnement pendant plus de dix ans, avec des péripéties qui mettent en lumière les incohérences fortes d'une politique de délocalisation mal maîtrisée.
A. A.- UNE OPÉRATION LONGUE DANS UN PROCESSUS CHAOTIQUE
1. 1.- les péripéties de la délocalisation
Le transfert du siège à Limoges a été décidé par le gouvernement lors du comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT) du 29 janvier 1992. Mais alors que le CNASEA semblait prêt à tenir l'échéance de 1997, ayant notamment élaboré et adopté en 1994 un plan social d'accompagnement, la délocalisation a été remise en cause en 1996 : à cette date, elle s'est révélée mal engagée juridiquement, techniquement et financièrement.
Juridiquement, le conseil d'administration du CNASEA a dû délibérer formellement en 1994 pour accepter le transfert (avec avis défavorable du comité d'établissement) du fait de l'annulation par la juridiction administrative de plusieurs opérations pour non-respect de procédures touchant les établissements publics.
Techniquement, des difficultés sont apparues avec l'architecte concepteur qui avait mal évalué le projet (dépassement global de 39% à l'ouverture des plis) et ne paraissait pas capable de réduire les coûts, ce qui a conduit le CNASEA à constater la rupture du contrat aux torts exclusifs du titulaire. Le litige avec l'architecte s'est terminé par un protocole d'accord en décembre 1999, après intervention du comité consultatif national de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics, pour un coût de 0,7 M€.
Financièrement, surtout, les problèmes budgétaires du ministère de l'agriculture ont pris le pas sur la délocalisation. Lors d'un débat budgétaire à l'Assemblée nationale le 24 octobre 1996, 24,85 M€ ont été repris sur la provision financière constituée en vue de la délocalisation, au profit du fonds de gestion de l'espace rural.
Alors qu'à la suite de cette décision l'établissement se considérait comme exonéré de la délocalisation (son conseil d'administration ayant voté l'abandon du projet en décembre 1996), l'opération fut relancée par le nouveau gouvernement, qui, le 15 décembre 1997, décida en CIADT le principe d'un certain nombre de transferts tout en préconisant, à la différence de 1992, un nouveau processus décisionnel. Dans ce cadre, les trois ministres concernés demandèrent le 20 février 1998 à un expert indépendant 5 ( * ) un rapport, remis le 9 juin 1998, sur les conditions de mise en oeuvre et le calendrier.
Le CNASEA a alors estimé inutile de reprendre des travaux déjà menés lors de la première phase et, après la confirmation de la délocalisation, il s'est uniquement consacré au traitement des problèmes sociaux entraînés par cette décision (cf. infra ). Le 3 juin 1999, lendemain de la signature d'un protocole d'accord avec le personnel, le conseil d'administration a délibéré et lancé l'opération de construction du nouveau siège à Limoges.
2. 2.-impacts sur la gestion et l'implantation de l'établissement
La relance de la délocalisation n'a pas contribué à faire progresser les réflexions sur l'organisation du CNASEA puisque seule a été envisagée l'hypothèse d'un transfert à l'identique, sans que soit mise en perspective une redistribution des taches avec le réseau déconcentré. Toutefois, la délocalisation a servi d'aiguillon pour progresser sur la réforme des statuts de l'organisme (décret du 29 août 2000) et pour mettre au point un nouveau statut du personnel (décret du 19 juillet 2002).
De même, la signature le 12 décembre 2000 d'un contrat d'objectifs avec le gouvernement a paru le moyen d'afficher, à défaut d'assurer, une sorte de garantie d'un plan de charge, rassurant le personnel sur l'avenir de l'activité de l'établissement, très liée aux fluctuations des interventions ; cette opération a ainsi fourni l'occasion de consolider le champ de compétences et d'activité du CNASEA vis à vis de ses deux principaux « clients », les ministères chargés de l'agriculture et de l'emploi.
Enfin, l'opération de construction elle-même s'est déroulée dans de meilleures conditions que lors de la première phase, dont le CNASEA a su retenir les leçons en cherchant à éviter les difficultés rencontrées avec le premier concepteur. Le schéma du maître d'ouvrage délégué, aux côtés du maître d'oeuvre et d'un bureau d'études, a été complété par un intervenant supplémentaire chargé d'organiser le pilotage et de coordonner les travaux.
Le nouveau siège est une construction de 12 588 m² de SHON 6 ( * ) et 8 772 m² de surface utile pouvant accueillir 487 agents, sur 6 niveaux, le terrain de 6 397 m² étant fourni par la commune, en centre-ville.
Le coût de construction estimé au niveau du concours de maîtrise d'oeuvre est de 23,68 M€ pour un investissement présenté lors de la pose de la première pierre, le 3 juillet 2001, de l'ordre de 26,20 M€, financé par le seul CNASEA avec un emprunt de 25 M€ et la vente du siège actuel d'Issy-les-Moulineaux. Le chantier lui-même a été conduit dans des conditions qui n'appellent pas d'observations, notamment sur les délais, l'échéance de l'été 2003 ayant été tenue. Le CNASEA a voté à deux reprises des extensions pour faire face à des besoins nouveaux, qui ont pu être intégrées lors de l'avancement du chantier ; le coût global, prenant en compte ces extensions, se monte à 27,20 M€.
Ce transfert du siège a une double conséquence en matière de locaux, sur ce qui restera à Paris et sur l'existant à Limoges.
Une antenne parisienne subsistera dans les locaux actuels, propriété du CNASEA, de la rue du Cherche-Midi (690 m²). Resteront à Paris une vingtaine d'agents : le service de la formation, l'inspection générale et l'audit, le gestionnaire des personnels mis à disposition, la cellule de communication et, à titre temporaire selon les indications du CNASEA, le correspondant du programme informatique Présage, conformément à une demande de la DATAR.
La signature de l'acte de vente des locaux du siège à une filiale d'un grand groupe, pour 11,2 M€, est prévue pour l'automne.
Sur Limoges, le CNASEA doit supporter les conséquences du dispositif de compensation mis en place en décembre 1996 en contrepartie de l'abandon du premier projet : la création d'une nouvelle délégation régionale reprenant les dossiers du Limousin traités à Clermont-Ferrand ainsi que d'une antenne du siège composée de services centraux (recouvrement- cellule d'appui aux développements informatiques). Les locaux achetés (0,55 M€) et aménagés (0,57 M€) ont accueilli 70 personnes dès la fin 1997, en priorité des personnels embauchés en Limousin qui avaient été placés au siège dans la perspective de la délocalisation. Les trois services centraux cités ci-dessus rejoignent désormais le nouveau siège, les surfaces ainsi libérées devant être utilisées pour un service de secours pour l'informatique et des locaux d'archives en sous-sol pour le siège. Reste une délégation régionale, à Limoges, dont la raison d'être initiale a disparu.
* 5 M. Gérard BELORGEY, préfet honoraire
* 6 surface hors oeuvre nette