TITRE I.- LE CNASEA ET SON CONTEXTE
I. I.- LES GRANDES CARACTÉRISTIQUES
A. A.- LA NATURE JURIDIQUE DU CNASEA
Le CNASEA a été créé par une loi du 29 novembre 1965, codifiée à l'article L. 313-3 du code rural, pour assurer l'application des dispositions législatives et réglementaires d'aide à l'aménagement des structures agricoles et mettre en oeuvre des actions socio-structurelles concourant à la modernisation et à la transmission des exploitations agricoles ainsi que différentes actions dans le domaine de la formation et de l'emploi dans le secteur agricole. Au cours des années, l'établissement a étendu son activité à la gestion d'autres aides agricoles, puis, à partir de 1981, à celle des aides à la formation professionnelle et à l'emploi confiées par le ministère du travail, puis par les régions dans le cadre de la décentralisation. Il a enfin assuré des prestations de services pour la gestion des fonds structurels européens.
Cette évolution a creusé l'écart entre la réalité des activités exercées par le CNASEA, d'ailleurs le plus souvent confiées par la loi, et les missions qui lui sont confiées par ses statuts mettant ainsi à mal le principe de spécialité applicable à tout établissement public. Il faut attendre la loi du 3 janvier 1991 pour que soit reconnu au CNASEA le soin de mettre en oeuvre « différentes actions dans le domaine de la formation et de l'emploi », puis le décret du 29 août 2000 modifiant le décret d'origine du 22 décembre 1966 fixant les modalités d'organisation et de fonctionnement du CNASEA pour combler, et encore de manière tardive et incomplète, ce décalage entre les textes et la réalité. L'appellation de « centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles » traduit donc très imparfaitement ses activités actuelles.
La nature juridique du CNASEA a donné lieu à discussion depuis plus de trente ans tant cet organisme présente des particularités traduisant la volonté de l'exonérer des contraintes que lui imposerait un statut juridique de droit commun.
Etablissement public à caractère administratif (EPA), doté d'un agent comptable, il se voit cependant appliquer, pour sa gestion financière et comptable, en vertu de l'article R. 313-29 du code rural, les dispositions du décret du 29 décembre 1962 relatives aux établissements publics industriels et commerciaux (EPIC). Le décret du 29 août 2000 prévoit cependant que le comptable peut déroger aux dispositions prévues à l'article 12 du décret de 1962 en exerçant par sondages les contrôles applicables aux aides payables avant service fait, dans des conditions qui devraient être fixées par un arrêté toujours non publié en juillet 2003.
Un autre décalage pourra être relevé entre les règles de la comptabilité publique et la pratique suivie, l'ordonnateur de l'établissement, son directeur général, ne faisant souvent qu'endosser les décisions prises en dehors de l'établissement par les préfets, conformément d'ailleurs aux textes régissant les dispositifs concernés.
Trente huit ans après sa création, la nature juridique de l'établissement reste ambiguë.
La réforme statutaire du décret du 29 août 2000 a pris en compte les critiques et les souhaits exprimés, notamment par la Cour, d'une modification de la composition du conseil d'administration qui tienne compte de l'évolution des activités du CNASEA, sans toutefois aller jusqu'au bout de cette logique.
Deux représentants du ministère chargé de l'emploi et de la formation professionnelle ont fait leur entrée au conseil d'administration, réduisant d'autant la représentation de l'agriculture, ainsi qu'un représentant du ministère chargé de l'environnement en remplacement de celui chargé de la sécurité sociale. Le conseil d'administration qui compte toujours 20 membres (plus le président) et est resté paritaire (Etat/représentation de la profession agricole), compte également un représentant de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), du budget, du trésor, des corps de contrôle (traditionnellement un membre de la Cour des comptes). Concernant la représentation des organisations syndicales, la parité ne joue qu'au seul bénéfice des professions agricoles, comme à l'origine.
L'équilibre entre les deux ministères n'existe d'ailleurs pas davantage pour le collège des représentants de l'administration, puisque l'agriculture a un siège de plus que le ministère chargé de l'emploi qui n'en a que deux et surtout dispose du siège du Commissaire du Gouvernement et du Commissaire suppléant 3 ( * ).
C'est également le seul ministre de l'agriculture qui propose la nomination du président du conseil d'administration et du directeur général.
Concernant les membres à voix consultative, relativement nombreux pour couvrir le champ d'action de l'établissement, les représentants des syndicats représentés au comité technique paritaire (CFDT et SYCATEA) font leur entrée au conseil d'administration.
Cette réforme n'a cependant pas été complète : il subsiste un déséquilibre réel dans le traitement des deux domaines puisque, si globalement le conseil d'administration connaît de la même manière des programmes des deux ministères, il a à se prononcer spécifiquement sur des sujets agricoles, relativement nombreux du reste du fait de compétences obligatoires. Dans le domaine du ministère de l'emploi, l'ordre du jour du conseil d'administration comporte rarement de débats en dehors du compte rendu d'un groupe de travail « formation professionnelle et emploi » qui expose l'exécution du programme.
Enfin, concernant sa direction, l'établissement public est marqué par une remarquable et exceptionnelle stabilité - qui doit être soulignée - puisqu'il n'y a eu que trois titulaires depuis la création et que le directeur général actuel vient de passer le cap de douze ans de fonctions.
Au total, le CNASEA apparaît comme un établissement public rentrant difficilement dans un cadre juridique bien défini. La composition de l'instance délibérante a été élargie au secteur de l'emploi et de la formation. Mais ses deux tutelles techniques étant, en même temps, donneurs d'ordre, bailleurs de fonds et contrôleurs de l'établissement, cette confusion des fonctions marque l'absence d'autonomie réelle de l'organisme.
* 3 Le directeur général de la forêt et des affaires rurales et le directeur adjoint de la même direction.