II. II.- LA GESTION FINANCIÈRE
A. A.- LES RECETTES DE FONCTIONNEMENT
1. 1.- La structure des recettes
Hors reprises sur provisions les produits de fonctionnement ont augmenté de 23,2 % entre 1995 et 2001 pour atteindre 152,54 M€. Les recettes du CNASEA sont composées de trois grandes masses.
Les subventions et remboursements, qui progressent de 28 % entre 1995 et 2001 pour atteindre 88,4 M€, représentent de l'ordre de 60 % des produits de l'établissement. Ils proviennent pour les premières essentiellement des ministères chargés de l'agriculture et de l'emploi et, pour les seconds, des remboursements effectués par les administrations publiques bénéficiant du concours d'agents mis à leur disposition par le CNASEA, notamment les agents ne souhaitant pas suivre l'établissement à Limoges dans le cadre de la délocalisation de son siège. Le montant de la dotation du ministère de l'agriculture pour le fonctionnement du CNASEA fait cependant illusion dans la mesure où, comme il est expliqué ci-après, une bonne part de ces crédits ne servent pas au fonctionnement de l'établissement mais sont redistribués par lui sous forme de subventions à des organismes agricoles (29,55 M€ en 2001). Il peut être enfin relevé que, pour l'exercice 1997, le faible niveau de la dotation du ministère de l'agriculture (7,56 M€) a été compensé par une reprise sur les provisions constituées en vue de la délocalisation de l'établissement, y mettant ainsi un coup d'arrêt momentané.
Les rémunérations des prestations de service apportées par le CNASEA à différents partenaires progressent de plus de 60 % pour s'établir à 28,89 M€ en 2001 et constituent de l'ordre de 20 % des ressources. Elles consistent essentiellement en frais de gestion d'actions menées par l'établissement pour le compte des collectivités locales qui comptent pour près de 10 % des produits de fonctionnement du CNASEA, et en remboursement des salaires des agents de l'assistance technique aux programmes européens.
Enfin, les produits financiers trouvent leur origine dans le placement de la trésorerie de l'établissement et occupent une place significative avec plus de 20 % en moyenne des recettes annuelles de l'organisme, soit 34,6 M€ en 2001.
(en M€)
Source : Comptes financiers
La structure des recettes du CNASEA se caractérise par une corrélation forte entre les subventions et les produits financiers, les premières diminuant lorsque les seconds augmentent donnant ainsi aux subventions de fonctionnement provenant de l'Etat plus le caractère d'une variable d'ajustement, malgré leur part dans l'ensemble, que celui d'une ressource pérenne de nature à permettre un fonctionnement normal de l'établissement.
2. 2.- Le mode de facturation aux donneurs d'ordre
Le CNASEA n'a pas arrêté un mode de facturation unique des prestations qu'il gère pour le compte de ses trois grands donneurs d'ordre.
Le ministère de l'agriculture verse une subvention calculée sur une base forfaitaire sans que soit évalué le coût réel des prestations servies pour son compte. Elle est davantage fixée en fonction des autres produits financiers de l'établissement que des besoins. Encore faut-il noter que la dotation de fonctionnement du ministère de l'agriculture au CNASEA a un double objet : compenser les prestations apportées par cet établissement mais aussi lui permettre de servir les subventions aux organismes subventionnés : essentiellement la mutualité sociale agricole (MSA) pour le paiement de l'indemnité viagère de départ et les ADASEA. Ainsi, en 2001, sur une subvention au CNASEA de 50,61 M€, ce ne sont que 21,06 M€ qui constituaient la dotation de fonctionnement proprement dite.
Pour le ministère de l'emploi, le calcul se fait sur une base prévisionnelle du volume d'activité, à savoir le nombre de dossiers par dispositif que le CNASEA sera amené à gérer. A chaque dispositif est affecté un ratio correspondant au nombre de dossiers théoriquement gérés par agent ce qui permet d'évaluer le nombre d'emplois budgétaires ; ces ratios ont très généralement été fixés en 1994 à l'issue des travaux menés par une première mission tripartite d'inspection. Une troisième variable est constituée du coût moyen d'un agent auquel sont ajoutés les frais de fonctionnement d'un agent en équivalent temps plein (ETP), soit un coût total de 59 887,61 € en 2001. Au fil du temps se sont ajoutées des dépenses se rattachant à des missions identifiées auxquelles correspondent des emplois : ainsi, pour 2001, les services généraux du siège (134), l'amélioration de la qualité (35), etc.
Pour les collectivités territoriales, la facturation est censée représenter le coût complet des prestations, y compris une partie des investissements, sur la base d'un coût par dossier majoré d'un coefficient de charges de structures de 1,65 représentant le nombre d'agents occupant des fonctions transversales et le nombre d'agents total du CNASEA. Le tarif est fixé par type d'aide et sous forme d'un prix unitaire par dossier géré uniforme sur tout le territoire. Fixés en 1994, ces prix sont réactualisés sur un élément étranger à l'activité de l'établissement, l'évolution de l'indice INSEE des prix, dont la croissance est inférieure à celle des coûts de l'établissement compte tenu des taux de progression de sa masse salariale au cours des années récentes. Pour les actions spécifiques à la collectivité territoriale, les prix sont établis au cas par cas.
Si l'on voulait comparer le taux de couverture des coûts par les dotations de ces trois donneurs d'ordre par référence à celui qui utilise les critères les plus objectifs de calcul du prix du service rendu, à savoir le ministère chargé de l'emploi, et en postulant que le coût moyen calculé pour ce ministère couvre à 100 % les dépenses qui lui reviennent, les collectivités territoriales couvrent leurs coûts à hauteur de 96 % et le ministère de l'agriculture ne couvrirait que 56 % du coût des prestations de ce secteur.
Pour apprécier la pertinence du niveau des prestations facturées, la mission d'inspection tripartite a tenté de reconstituer le coût complet du CNASEA au titre de 2001, puis de le répartir entre chacun des secteurs agricole et FPE et en identifiant enfin les donneurs d'ordre pour le secteur FPE. Pour ce faire, la ventilation des coûts entre chaque secteur a privilégié une clé de répartition calculée au prorata des ETP réels intervenant dans chaque secteur. Cette approche permet, pour le moins, de donner une idée du décalage entre montants versés et coût des interventions. Pour 2001, selon les calculs du CNASEA appliquant la méthodologie de l'IGF, il en ressort que la subvention du ministère chargé de l'emploi couvre les interventions du CNASEA à son profit à hauteur de près de 78 % (31,23 M€ sur 35,02 M€) ; que ce taux de couverture s'établit à hauteur de 83,3 % (13,91 M€ sur 16,69 M€) pour les collectivités territoriales et de 46,2 % (21,06 M€ sur 45,58 M€) pour le ministère de l'agriculture.
Cette méthodologie inclut les coûts d'investissement, mais ne prend pas en compte les produits financiers ; or, ceux-ci, comme il est exposé ci-dessous, proviennent pour une bonne part de la trésorerie procurée par les dispositifs gérés pour le compte du ministère chargé de l'emploi, et, faute de dotations budgétaires par les tutelles, financent de facto les investissements.
La Cour observe enfin que le CNASEA est un établissement public employant en quasi-totalité des agents sous contrat de droit public à durée indéterminée, rendant difficile une adaptation rapide des moyens à l'évolution des charges confiées au CNASEA. L'actuelle méthodologie de fixation des dotations budgétaires ne correspond pas à cette situation.
Il ressort clairement de ces observations que le ministère de l'agriculture laisse peser sur d'autres le financement du CNASEA. Une plus grande équité et une plus grande transparence doivent donc être recherchées pour déterminer le financement de chacun en fonction du service rendu, sans perdre cependant de vue qu'il s'agit d'un établissement public avec les rigidités et des engagements de long terme propres à ce type de structure. Pour atteindre cet objectif, l'établissement doit être capable de mieux rendre compte qu'il ne le fait aujourd'hui de ses coûts de gestion, notamment en rapport avec les dispositifs gérés ou selon les sites, mais l'absence de comptabilité analytique constitue un handicap à cet égard. Les pistes tracées par la mission tripartite mériteraient d'être explorées plus avant de façon à améliorer, grâce à une meilleure connaissance de ses coûts, la transparence du financement de l'établissement et l'équité entre ses divers financeurs.
3. 3.- La trésorerie du CNASEA
A l'occasion de l'examen des mesures en faveur de l'emploi dans le secteur non marchand gérées par le CNASEA pour le compte de l'Etat, la Cour avait déjà relevé que le mode de calcul du financement se traduisait par des avances importantes de trésorerie dans les comptes du CNASEA générant ainsi des produits financiers 11 ( * ) , notamment du fait de l'existence d'un fonds de roulement correspondant à 60 % des dépenses effectives du dernier mois connu.
L'examen des comptes du CNASEA permet d'élargir l'analyse des flux financiers avec ses principaux donneurs d'ordre, ce qui permettra ensuite de déterminer plus précisément la participation de chacun à la constitution des produits financiers de l'établissement.
a) a) L'analyse des soldes de trésorerie
Le tableau présenté en annexe 3 synthétise par secteur et par grands donneurs d'ordre de l'établissement les soldes des flux financiers constitués par la différence entre les encaissements des avances faites au CNASEA et les paiements des mesures effectués par ce dernier sur la période 1998-2001. Il fait clairement apparaître le mode de gestion de chacun des partenaires de l'établissement.
Le ministère en charge de l'emploi utilise, pour chacune des grandes mesures (CES, CEC, CEJ) une procédure d'avance mensuelle basée sur des prévisions d'entrées dans les dispositifs modulées par une constatation des entrées effectives augmentées d'un fonds de roulement correspondant à 60 % des dépenses du dernier mois connu. Un écrêtement est réalisé à la fin de chaque exercice en ne versant pas le fonds de roulement calculé pour le mois de décembre. Cette pratique explique que le solde de trésorerie à la fin du mois de décembre de chaque année retombe à des niveaux plus faibles qu'au cours de l'exercice (par exemple 81,82 M€ en 1998, 15,55 M€ en 2000). Les pics parfois importants constatés correspondent à des prévisions trop optimistes par rapport à la réalité - ainsi peut-on relever un solde de 638,10 M€ en avril 2001 - toutefois le phénomène est amplifié par la consolidation dans ce tableau de plusieurs mesures.
La pratique suivie par le ministère chargé des DOM pour calculer le montant des avances tend à se rapprocher de celle suivie par le ministère chargé de l'emploi.
La mesure gérée par le ministère de l'éducation nationale (versement aux établissements publics locaux d'enseignement du solde restant à leur charge pour l'emploi de CES et CEC) fait apparaître des soldes en fin de mois presque systématiquement négatifs, si ce n'est une petite amélioration de la situation dans la deuxième partie de l'année 2001. Paradoxalement, c'est donc le CNASEA qui fait les avances de trésorerie pour le compte de ce ministère.
Pour les collectivités territoriales, essentiellement les conseils régionaux, qui effectuent généralement des avances trimestrielles, les soldes apparaissent constamment positifs à un niveau élevé et avec une marge de variation relativement limitée.
Les soldes des flux financiers entre le ministère de l'agriculture et le CNASEA varient assez peu autour d'une moyenne de 230 M€. Les ajustements des besoins financiers du CNASEA se font au cours de réunions de trésorerie. On peut cependant relever le niveau élevé des soldes en fin de mois entre mai et septembre 2001, avec un pic à 574,6 M€ en août 2001, correspondant à la poursuite de la perception par l'établissement, jusqu'à cette date, de la taxe sur la distribution des viandes du fait du retard de l'adaptation des applications informatiques de la direction générale des impôts.
Au total, il ressort de cet examen que, compte tenu du mode de gestion des flux financiers et de leur masse, le secteur FPE et singulièrement les crédits de l'Etat destinés aux mesures d'aide à l'emploi contribuent majoritairement à la trésorerie du CNASEA.
S'il n'est pas anormal que des montants importants de crédits d'intervention figurent dans les comptes du CNASEA en fin de mois afin de pouvoir payer les mesures du mois suivant sans incident, un meilleur ajustement des prévisions serait cependant, pour les gros donneurs d'ordre, de nature à en optimiser le volume. D'autre part, la présence d'une trésorerie confortable ne devrait pas dispenser l'établissement de réagir à l'égard des donneurs d'ordre qui lui font supporter la charge des avances.
b) b) La constitution des produits financiers
Les tableaux ci-après présentent par grands donneurs d'ordre les soldes moyens de trésorerie pour les années 1998 à 2001 et la part de chacun dans le total.
Soldes annuels moyens de trésorerie
Les soldes moyens annuels fin de mois progressent de façon régulière entre 1998 (635,15 M€) et 2001 (864,41 M€), soit une augmentation de 36 %. Cette évolution est assez étroitement corrélée avec celle des recettes d'intervention dans le secteur FPE, en hausse de 34,2 % sur la même période. Le tableau suivant détermine la part des produits financiers qui correspond à chacun des donneurs d'ordre en appliquant à ces produits la part de sa contribution au solde annuel moyen de trésorerie qui vient d'être calculé.
Répartition des produits financiers par donneur d'ordre
La contribution du ministère chargé de l'emploi à la trésorerie de l'établissement représente 35 % de sa subvention de fonctionnement pour 1998 ou 63,4 % pour celle de 2001.
Pour ce qui concerne le ministère de l'agriculture les pourcentages s'élèvent respectivement à 28,2 % et 20,9 %.
Ainsi, non seulement, le ministère chargé de l'emploi apporte une dotation supérieure à celle du ministère de l'agriculture pour le fonctionnement de l'établissement, mais de plus, il contribue également plus fortement à ses recettes par les produits financiers.
* 11 Voir notamment rapport public 2001, p. 84 pour les emplois jeunes.