B. B.- LA GESTION BUDGÉTAIRE
1. 1.- Le vote du budget et le suivi de son exécution
Le budget n'est voté en équilibre que par prélèvement sur le fonds de roulement, les prévisions de recettes étant inférieures à celles des dépenses. Cette pratique est ancienne dans l'établissement et s'appuie sur le fait que les réserves dont dispose l'établissement sont essentiellement constituées des produits de la trésorerie qui sont sollicités dès le budget primitif d'autant que les opérations en capital ne font l'objet d'aucune dotation par les ministères de tutelle. Cette pratique conduit cependant à financer des dépenses à caractère pérenne par des ressources à caractère précaire et peut conduire à une flexibilité excessive au regard du caractère limitatif que doit présenter un budget. Elle risque d'autre part d'inciter la tutelle à fixer sa dotation de fonctionnement non en fonction des besoins courants de l'organisme, mais en fonction du niveau des produits financiers attendus ou de ses réserves.
La lisibilité des documents budgétaires soumis au conseil d'administration au titre des exercices sous revue est imparfaite pour ce qui concerne les interventions. Pour l'adoption du budget primitif, deux tableaux (recettes et dépenses) constituant une « résolution » regroupent les interventions par chapitre et sont accompagnés de tableaux annexés à la note de présentation qui ventilent les crédits par mesure en distinguant l'origine des financements. Il est cependant impossible de faire le lien entre ces tableaux détaillés par mesure et la « résolution » car les regroupements qui y sont opérés ne correspondent pas aux chapitres budgétaires et la ventilation des chapitres par mesure n'est pas fournie. De même, les notes sur l'exécution du budget ne regroupent pas les dépenses d'intervention par chapitre budgétaire et il n'est pas possible de procéder à ce regroupement car la nomenclature budgétaire n'est pas fournie. Il est donc permis de s'interroger sur le point de savoir sur quoi porte exactement la délibération du conseil d'administration lors de l'adoption des budgets et sur sa capacité à apprécier le respect de l'exécution des budgets approuvés.
D'autre part, tous les crédits d'intervention étaient gérés selon la procédure des ressources affectées sauf une partie des interventions agricoles financées par le budget de l'Etat qui sont gérées comme des ressources propres de l'établissement ; la ventilation des mesures agricoles entre ces deux modalités de gestion n'obéit à aucune logique particulière et contribue à rendre plus difficile la lecture des documents budgétaires et comptables. Alors que les ressources affectées donnent normalement lieu à des conventions avec les organismes pour lesquels elles sont gérées, ce n'est pas le cas pour les crédits du ministère de l'agriculture.
Le CNASEA a indiqué que certains de ces défauts avaient d'ores et déjà été corrigés pour ce qui concerne tant la présentation budgétaire que le traitement des interventions agricoles qui doivent être gérées à partir de 2003 en ressources propres pour la totalité (cf. infra ).
2. 2.- L'articulation avec le budget du ministère de l'agriculture
Dans le secteur agricole, les budgets du CNASEA et de l'Etat n'avaient pas exactement la même nomenclature jusqu'à l'exercice 2003, ce qui complique le suivi de l'utilisation des crédits votés par le Parlement dans les comptes de l'établissement.
Malgré cette difficulté, il apparaît que le budget primitif du CNASEA n'a pas toujours coïncidé avec la loi de finances initiale et, surtout, que des décisions modificatives prises en cours d'année, avec l'aval ou à l'initiative des ministères chargés de l'agriculture et du budget, ont conduit à une répartition des crédits différente de celle des lois de finances. On peut donner les exemples suivants de ces pratiques:
- en 2000, les ministres chargés de l'agriculture et du budget ont demandé au CNASEA d'augmenter de 18,8 M€ les crédits destinés aux dotations aux jeunes agriculteurs en réduisant d'autant ceux qui étaient destinés à la bonification des prêts agricoles alors même que ces mesures relèvent de chapitres différents du budget de l'Etat et que ceci revenait à corriger l'impact des dispositions inscrites en loi de finances ;
- au cours des années 1997 à 2001, les ministres ont autorisé le CNASEA à opérer des prélèvements sur les crédits d'intervention agricole au profit du fonds de financement du service public de l'équarrissage, ou du fonds de financement de l'élimination des farines animales, qui ont été « remboursés » au cours d'exercices ultérieurs ;
- en 2000 et 2001, des décisions modificatives du budget approuvées par le conseil d'administration ont permis d'accroître les crédits de fonctionnement du CNASEA et de financer en particulier des campagnes de communication pour le compte du ministère de l'agriculture en utilisant des crédits destinés aux aides agricoles, notamment aux CTE ; ses moyens de fonctionnement ont ainsi été relevés de 15 M€ en 2001 sans que la subvention de fonctionnement du ministère de l'agriculture au CNASEA ne soit elle-même modifiée dans le budget de l'Etat.
Ces pratiques ne sont pas récentes et la Cour, par un référé de son Premier président du 31 mars 1999 relatif à la gestion du chapitre 44-41 du budget de l'agriculture, avait déjà eu l'occasion de les critiquer.
3. 3) L'engagement des crédits et le respect du budget
Des dépassements de crédits ont pu être observés pour trois chapitres d'interventions agricoles sur six en 1997 et un en 1999 et le suivi en engagement a donc été insuffisant en 1997 (avant 1997, les crédits d'intervention ne constituaient qu'un seul chapitre). Au niveau de chaque mesure, des dépassements ont été aussi observés.
Les crédits par chapitre approuvés par le conseil d'administration n'ont pas été plus souvent dépassés, en matière agricole, parce que les prévisions de dépenses ont été assez largement surestimées au cours de ces dernières années et parce que les décisions modificatives ont permis d'ajuster les crédits, même si des modifications parallèles n'étaient pas faites dans le budget de l'Etat. Les conditions dans lesquelles sont engagés les crédits du CNASEA rendent pourtant très difficile en pratique de limiter les dépenses aux crédits disponibles.
En effet, le directeur général du CNASEA est l'ordonnateur de droit des recettes et dépenses de l'établissement mais il n'a en pratique aucun pouvoir d'engagement de ses crédits d'intervention, notamment en matière agricole et d'emploi. L'ordonnateur de fait est le préfet qui décide d'attribuer les aides à leurs bénéficiaires, conformément aux textes en vigueur, mais ne connaît pas les crédits disponibles sur le budget de l'établissement public. Lorsque les dossiers d'aides sont transmis au CNASEA pour paiement, les délégués régionaux et les services techniques du siège ne font en outre aucun contrôle de la disponibilité des crédits et des fonds.
Des dispositifs de portée limitée ont été mis en place par le ministère de l'agriculture pour régler ce problème mais ils n'ont concerné que peu de mesures et pas les plus importantes. L'attribution des dotations aux jeunes agriculteurs (DJA) ou des contrats territoriaux d'exploitation (CTE), par exemple, est restée à guichets ouverts ce qui est particulièrement critiquable dans le cas des CTE car il s'agit de contrats entre l'Etat et les exploitants agricoles que les préfets n'ont pas d'obligation de signer.
Un nouveau dispositif de gestion des crédits affectés par le ministère de l'agriculture au CNASEA a toutefois été défini par des circulaires de ce ministère depuis fin 2000 et devait être opérationnel au début de 2003 avec l'installation au CNASEA d'un logiciel dénommé OCEAN spécialement conçu par l'établissement. Les services centraux du ministère de l'agriculture délèguent désormais aux préfets des « enveloppes de droits à engager » que les délégations régionales du CNASEA gèrent dans OCEAN et, avant tout engagement juridique d'une aide par le préfet, la DDAF consulte la délégation régionale qui lui indique s'il reste des crédits sur l'enveloppe.
Ce dispositif permettra sans doute au ministère de l'agriculture de mieux suivre et contrôler le développement des interventions agricoles, en évitant ainsi les déboires connus en 2002 avec la croissance non contrôlée des paiements au titre des CTE. Si les enveloppes de « droits à engager » sont annuelles, les informations par dossier enregistrées dans OCEAN permettent en outre d'établir des échéanciers de paiement et de les suivre sur un horizon pluriannuel.
Il n'en demeure pas moins que pour résoudre les problèmes posés par la séparation entre les ordonnateurs de droit et de fait du CNASEA, le ministère de l'agriculture a mis en place un dispositif très complexe et dont les fondements juridiques sont mal établis ; en effet, les « enveloppes de droits à engager » en question ne correspondent en réalité ni aux crédits de l'Etat, ni à ceux du CNASEA. Ce dispositif établit une relation budgétaire entre les services centraux du ministère de l'agriculture, ses services déconcentrés et les délégations régionales du CNASEA en ignorant le siège et le budget propre du CNASEA.
Dans le cas des aides à la formation professionnelle et à l'emploi, cette situation n'a guère de conséquences dans la mesure où elles sont gérées en ressources affectées, où le ministère chargé de l'emploi a autorisé le CNASEA à globaliser les mesures en trésorerie et, surtout, où les versements des avances de l'Etat au CNASEA font l'objet d'un suivi mensuel et apparaissent en phase avec les engagements dans les services déconcentrés.