b) Des considérations politiques s'opposent à ce que le libre-échange soit généralisé à tous les domaines.
Evaluer à 7 % du PIB européen le coût des protections douanières aux frontières de l'UE, comme le fait P. Messerlin, constitue, a priori , un solide argument en faveur d'un démantèlement de l'ensemble des entraves au libre-échange. Un tel projet serait pourtant irréaliste. Les sociétés humaines poursuivent d'autres finalités que la maximisation du bien-être économique, mesuré en points supplémentaires d'accroissement du PIB. La préservation d'une identité culturelle, ou la défense d'un modèle agricole et rural original, justifient par exemple des aménagements aux principes du libre-échange.
(1) Les migrations internationales
Les
politiques de libéralisation commerciale et financière, qui sont,
on l'a vu, au fondement de la mondialisation, ont été
motivées par la conviction que le fonctionnement libre des
marchés conduirait à une allocation optimale des ressources, et
maximiserait ainsi la croissance. Dans ce schéma théorique, il
devrait être également optimal d'établir une totale
liberté de circulation pour les travailleurs à l'échelle
mondiale. Or, depuis les années 1970, on observe le
phénomène inverse : tous les pays développés
ont décidé de restreindre, voire de supprimer les
possibilités d'immigration légale, et de renforcer les moyens de
lutte contre l'immigration clandestine.
De ce fait, comme le notait le FMI en 1997
14
(
*
)
, «
il n'apparaît pas que les
marchés du travail soient devenus plus intégrés au cours
des dernières décennies
». Le FMI ajoutait :
«
bien que leur part dans la population totale ait augmenté
dans beaucoup de pays développés, le nombre de résidents
nés à l'étranger n'excède pas 5 % dans la
plupart de ces pays et dépasse 10 % dans seulement quatre d'entre
eux
». Si l'on se réfère au nombre de travailleurs
transfrontaliers, il apparaît que les marchés du travail
étaient beaucoup plus intégrés au début du
XX
e
siècle qu'aujourd'hui.
L'ouverture totale des frontières à la libre circulation des
personnes n'est pas une option réaliste. Mais il serait tout aussi
illusoire de nier la réalité du phénomène
migratoire. Environ 150 millions de personnes vivent aujourd'hui hors de
leur pays d'origine. Et ce chiffre ne prend pas en compte les immigrants
illégaux, difficiles, par définition, à dénombrer.
Si la lutte contre l'immigration illégale s'impose, il semble utile
d'ouvrir le débat sur un deuxième volet de la politique
d'immigration, celui
d'une immigration de travail choisie, en fonction des
besoins économiques,
à l'instar des expériences
tentées en Allemagne et au Portugal. Ce débat devrait permettre
de cibler les besoins économiques du pays, mais aussi de
réfléchir aux moyens de faire bénéficier les pays
d'origine de l'expérience acquise en France par leurs ressortissants.
* 14 Cf. World Economic Outlook, FMI, 1997, p.46. Traduction de l'auteur.