3. La mise en évidence de multiples cloisonnements administratifs


a) Les cloisonnements propres au ministère de la santé

La crise sanitaire liée à la canicule, au-delà des insuffisances relevées plus haut, a révélé les nombreux cloisonnements existant à l'époque au ministère de la santé.

Si les directeurs d'administration centrale du ministère ne l'ont pas tous ouvertement reconnu devant la mission, M. Jean-François Mattei s'est pour sa part montré très direct : « Concernant la communication entre les directions, il est probable qu'entre la DGS et la direction de l'hospitalisation les relations n'étaient pas au beau fixe. J'ajoute que cette situation est spontanément rentrée dans l'ordre avec le changement de directeur général de la santé. Toutefois, ce problème a-t-il modifié la situation ? La DHOS a magnifiquement géré tout le problème hospitalier avec la mise en place d'une cellule de crise. L'AP-HP a fait face, de même que les hôpitaux franciliens, parfois dans des conditions de médecine de catastrophe. Il n'y a pas eu de véritable problème entre les directions. La DGS, en réalité, aurait pu tirer des conclusions, si les systèmes avaient été prévus, à partir du nombre d'urgences pour les personnes âgées. Cependant, elle n'a pas été alertée. Ce sont deux domaines relativement séparés même si je me félicite que les administrations, à l'avenir, envisagent de communiquer davantage ». La mission ne peut que souscrire à ce jugement.

Les liens entre la DGS et la DHOS ont en effet été très ténus au cours de cette crise : « La coordination avec la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins s'est faite par un appel téléphonique le 10 août et une réunion le 11 », a indiqué M. Lucien Abenhaïm, même s'il a estimé que la coopération entre les deux directions était satisfaisante et qu'il s'agissait davantage d'une « erreur de modèle » : « ces administrations réagissaient au problème des fermetures de lits en été, à l'engorgement des urgences, pas à une épidémie. La DGS a appelé l'AP-HP le 8 août qui n'a pas parlé d'épidémie mais de tension au niveau de l'offre de lits ».

De même, la direction générale de l'action sociale est restée à l'écart des autres directions, ce qui apparaît en filigrane dans les propos de son directeur, M. Trégoat : « Les communiqués de la DGS n'apparaissent plus uniquement sur le site du ministère mais sont envoyés sur la messagerie des autres services. (...) Nous avons tiré les conséquences de la parcellisation des administrations et nous travaillons ensemble sur les dossiers importants ».

Comme l'a indiqué le docteur Françoise Lalande, « le cloisonnement et la non transversalité des services du ministère de la santé, de même que ceux des autres ministères, est évidemment une bouteille à l'encre. On a fait vingt réformes pour essayer d'améliorer cette transversalité, mais c'est toujours un échec. Nous avons constaté à nouveau que la DGS, la DHOS et la DGAS ont travaillé complètement verticalement avec peu de passages d'information entre les DDASS, les DRASS et la DGS, le seul passage final étant le cabinet, qui ne peut pas être celui qui fait fonctionner tous les jours tous les ministères et assurer à lui seul toute la coordination. Il faudrait un système beaucoup plus permanent et beaucoup plus stable ».

b) Les faiblesses du dialogue entre le ministère de l'intérieur et les ministères sociaux

(1) Le ministère de l'intérieur, mobilisé sur de multiples fronts

• Le ministère de l'intérieur devait gérer simultanément plusieurs difficultés

Comme l'a rappelé M. Nicolas Sarkozy au cours de son audition, son ministère dispose du centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC) et « dès lors que la crise atteint une certaine ampleur (...) a également la responsabilité opérationnelle des sapeurs-pompiers. Nous avons eu à gérer un grand nombre de conséquences de la canicule de cet été : pollution de l'air, réserves en eau, activités agricoles ou bon fonctionnement de l'activité nucléaire ». Les préfets relèvent également de l'autorité du ministre de l'intérieur. Enfin, comme il a été dit, le ministère a été concerné par la canicule au titre de la réglementation des activités funéraires.

• Du 5 au 12 août, le ministère de l'intérieur ne prend pas la mesure de la crise

M. Nicolas Sarkozy a précisé, devant la mission, que l'on pouvait distinguer « du point de vue du ministère de l'intérieur deux périodes. Celle qui court au début du mois, jusqu'au 12 août, durant laquelle la crise sanitaire n'a pas été mesurée et celle qui débuta le 12 août au cours de laquelle les difficultés funéraires ont permis de prendre conscience de l'ampleur de la crise sanitaire ». Du 5 au 12 août, le ministre alors en vacances en Gironde, a toutefois visité une brigade de gendarmerie le 8 août, puis à Toulouse, le 13 août, afin de régler les problèmes posés par l'organisation du « Technival ». Précisant que son directeur-adjoint, M. Daniel Canepa, était présent tout le mois d'août, il a indiqué « qu'il n'aurait pas hésité à revenir à Paris pour faire face à cette crise sanitaire » s'il en avait été informé.

Or, « aucune information » n'a alors permis au ministère de l'intérieur de saisir l'ampleur de la catastrophe. Les rapports d'activité de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris soulignant une augmentation du nombre d'interventions ont été reçus tous les jours au cabinet du ministre, mais les fluctuations d'activités importantes sont récurrentes à la brigade. Selon le ministre, « les interventions des sapeurs-pompiers de Paris sont en moyenne de 800 par jour sur l'année. Le 8 août, 1 000 interventions ont été recensées. (...) Les chiffres de la semaine passée révèlent 950 interventions à victime par jour. (...) A aucun moment, il n'a été signalé à mon cabinet des cas de surmortalité importante, ni même que les sapeurs-pompiers aient rencontré des difficultés particulières pour assurer leur mission ».

La canicule a été brève et brutale, mais aucun signal d'information n'a fonctionné au ministère de l'intérieur qui, par conséquent, n'était pas en mesure de diffuser des alertes pertinentes.

(2) Les faiblesses du COGIC

• Crise sanitaire ou crise de sécurité civile ?

La loi « fondatrice » du 22 juillet 1987 indique que « la sécurité civile a pour objet la prévention des risques de toute nature ainsi que la protection des personnes, des biens et de l'environnement contre les accidents, les sinistres et les catastrophes » 52 ( * ) . Cette définition est large et la responsabilité de la politique de prévention des risques incombe à différents acteurs ministériels : celle des risques sanitaires incombe bien aux experts du ministère de la santé. Mais l'organisation des secours relève théoriquement du ministre de l'intérieur et de la sécurité civile dont il a la charge.

En toute logique, ces missions complémentaires entre administrations sanitaires et sociales et direction de la défense et de la sécurité civiles du ministère de l'intérieur devraient, en pratique, être formalisées par des relations quotidiennes et des échanges d'informations. Le centre opérationnel de gestion interministériel des crises (COGIC), chargé de la veille opérationnelle et de la coordination interministérielle en cas de crise, devrait en particulier être au centre de cette collaboration et animer le réseau de veille de l'Etat face aux risques.

• Le COGIC n'a pas décelé la catastrophe

Selon les déclarations de M. Nicolas Sarkozy devant la mission, « le COGIC (...) a montré son efficacité à plusieurs reprises . » En effet, il faut souligner que l'organisation des secours et la coordination des différents acteurs lors des tempêtes de 1999 ou encore des pollutions maritimes de l'Erika et du Prestige ont été assurées avec succès par le COGIC. Ce dernier dispose d'une veille opérationnelle qui informe en permanence le ministre de l'intérieur de tout événement pouvant occasionner la mise en place d'un dispositif de défense ou de sécurité civile et surtout fournit théoriquement aux ministres les informations et analyses nécessaires à l'exercice de leurs compétences.

Dans le cadre des procédures d'alerte et de vigilance météorologiques sur le territoire métropolitain, le COGIC est « l'échelon privilégié de relation avec les prévisionnistes de la direction de la prévision de Météo France à Toulouse » 53 ( * ) . Toutefois, avant l'été 2003, ces procédures n'envisageaient que les phénomènes de vents violents, fortes précipitations, orages, neige, verglas, avalanches et non les fortes chaleurs.

Intervenant soit dans le champ propre du ministère de l'intérieur, soit à la demande d'autres ministères, il « n'a été saisi par aucun des ministères concernés pour ce type de crise », selon le ministre. Cet isolement a pu être conforté par un certain flou dans la définition du concept de sécurité civile et par l'absence de relations avec le réseau de veille sanitaire et social, en particulier avec l'Institut de veille sanitaire. Par ailleurs, le COGIC était en « formation renforcée » l'été dernier dans le cadre de la lutte contre les incendies de forêts.

M. Christian de Lavernée, directeur de la défense et de la sécurité civiles, a ainsi indiqué à la mission que la « prise de conscience d'un phénomène quantitativement très grave est arrivée tard, en tout cas trop tard pour y remédier immédiatement ». Le COGIC a ainsi été alerté par « le cri d'alarme du docteur Pelloux » sur la surcharge des services d'urgences des hôpitaux le 10 août, puis « la saturation de la chaîne funéraire » le 12 août. Le système de veille de la sécurité civile n'a pas anticipé la crise de l'été dernier, sa détection n'étant pas strictement prévue. Ceci est d'autant plus dommageable qu'il pourrait contribuer à un véritable réseau de veille en raison du nombre et de la qualité de ses correspondants.

• L'absence de coordination interministérielle par le COGIC

A partir de cette prise de conscience, le COGIC a établi, à partir d'une enquête menée auprès des états-majors de zone, que la surcharge d'activité des urgences hospitalières était spécifiquement parisienne. Il a en outre organisé les réponses aux demandes de soutien des préfets d'Ile-de-France et des sociétés de pompes funèbres pour répondre à la situation funéraire.

Il serait donc injuste d'affirmer que le COGIC est resté inactif. En revanche, il n'a pas assuré son rôle de coordination interministérielle qui est théoriquement le sien dans l'hypothèse d'une crise grave. C'est le Premier ministre lui-même qui a demandé le 13 août aux préfets des départements d'Ile-de-France, par l'intermédiaire du ministre de l'intérieur, d'activer « le plan blanc » avant de l'étendre, le lendemain, à l'ensemble du territoire national.

Dans les crises telles que les inondations de 2002 ou les tempêtes de 1999, l'autorité du COGIC s'imposait de fait en tant que structure opérationnelle, unique dans son genre, ayant la capacité d'organiser les secours et de coordonner en son sein, le temps de la crise, les moyens des différents ministères. Par ailleurs, ces évènements étaient des crises « classiques » de sécurité civile, n'appelant pas d'éventuelles interrogations, comme pour la canicule, sur le partage des compétences avec les administrations sanitaires.

(3) La communication difficile entre la brigade des sapeurs-pompiers et la préfecture de police de Paris

Si la brigade des sapeurs-pompiers de Paris a su, sur un plan général, adapter son dispositif pour faire face à l'accroissement de son activité, elle a été « un mauvais indicateur des conséquences sanitaires de la canicule », selon les propos du colonel Thibault. Il en va de même pour la préfecture de police de Paris, qui est l'autorité de tutelle de la BSPP.

• La brigade des sapeurs-pompiers de Paris aurait-elle pu donner l'alerte dès le 8 août ?

Le vendredi 8 août 2003, le colonel-adjoint Grangier, commandant la brigade par intérim, est contacté par la presse ( Le Parisien et TF1 ) sur son activité opérationnelle et en réfère au chef de cabinet du préfet de police de Paris, M. Pierre Lieutaud. A cette occasion, il fait état de sept décès constatés. Instruction est alors donnée à la brigade de diffuser les statistiques de l'activité du secours à victimes et des conseils de prévention mais « d'éviter une dramatisation inutile de la situation en évoquant directement un nombre incertain de sept morts » 54 ( * ) .

Selon le préfet Proust, la brigade « n'avait pas les moyens d'appréhender l'ampleur du phénomène de surmortalité, du moins pas avant le 12 août », car elle « n'avait qu'une vision très partielle de la situation, empêchant toute communication d'information fiable ».

Cette interprétation, confirmée par l'actuel état-major de la brigade, diffère de celle du général Debarnot et du commandant Jacques Kerdoncuff, respectivement ancien commandant et ancien officier de presse de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris. Ceux-ci ont indiqué, lors de leur audition devant la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, que la consigne de la préfecture de police le 8 août était de « ne pas diffuser de message alarmiste et de ne pas donner le nombre de morts ».

Dès le 22 août, dans son rapport 55 ( * ) adressé au préfet Proust, le général Debarnot indiquait que « le choix de ne pas communiquer sur des chiffres paraissant alarmants a (...) peut-être enlevé la possibilité de prévenir la population du risque plus en amont ».

M. Nicolas Sarkozy a écarté, devant la mission du Sénat, les accusations de dissimulation formulées contre la préfecture de police, rappelant « qu'en situation de crise, on ne publie un bilan, fût-il d'étape, que lorsque l'on est sûr de la situation », et que cela ne semblait pas le cas à propos des sept décès constatés par la brigade. Il a ajouté : « a posteriori, on peut regretter cette décision, mais peut-on la condamner pour autant ? ».

Au-delà de polémiques contingentes, force est de constater que la communication de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris pendant la canicule a été hésitante, en raison d'un système statistique imparfait et de procédures lourdes.

• La brigade n'avait pas pour mission d'assurer un suivi de la mortalité

Selon le préfet Proust, cette mission consiste, « après avoir pris les premières mesures d'urgence, à transporter les victimes dans les services d'urgences hospitalières si cela s'avère nécessaire, sans savoir, le plus souvent, ce que deviennent les victimes transportées et admises à l'hôpital (...). Ni les sapeurs-pompiers ni les services de police n'ont connaissance des décès intervenus dans les maisons de retraite ou à l'hôpital. Leur échappe également la majorité des décès intervenus à domicile et constatés par les médecins de ville ».

Le médecin-chef Kowalski a rappelé à la mission d'information que la brigade traitait « d'événements et non de diagnostics ». Les médecins des sapeurs-pompiers ne sont mobilisés sur les interventions qu'à la demande du Samu, seul responsable de la régulation médicale. Les sapeurs-pompiers ne savent pas ce que deviennent les personnes secourues et transportées à l'hôpital, sauf exception (personnes médicalisées en ambulances de réanimation ou victimes d'arrêts cardiaques).

M. Sarkozy a noté pour sa part que, « même si, dans le cadre de leurs missions, les sapeurs-pompiers peuvent constater des décès, ils n'ont ni les moyens ni la responsabilité d'assurer un suivi exhaustif de la mortalité, que ce soit à Paris ou ailleurs ».

• Les insuffisances du système statistique de la brigade

Afin d'éviter toute interprétation erronée des faits, la mission rappellera que les statistiques de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris n'étaient qu'un outil d'évaluation quantitatif (nombre d'interventions quotidiennes réparties en fausses alertes, incendies, circulation, secours à victimes, assistance à personnes, animaux, eau, gaz, électricité, protection des biens, lutte contre la pollution, reconnaissances et recherches, centres de secours les plus sollicités) de son activité opérationnelle et non un outil de veille avant la canicule. La catégorie « secours à victimes » où ont été recensées les multiples interventions liées à des malaises lors de la canicule est très hétérogène.

Comme l'a rappelé M. Nicolas Sarkozy devant la mission, les commentaires accompagnant les statistiques d'intervention avant le 12 août ne semblent pas plus pertinents pour déceler les effets dramatiques de la canicule : « Le mardi 5 août, il nous est signalé une personne décédée dans le RER. Le mercredi 6 août : rien de particulier à signaler. Le jeudi 7 août : un militaire décédé, une intoxication au chlore dans une piscine et deux feux d'entrepôts. Le vendredi 8 août : deux feux signalés. Le samedi 9 août : deux feux signalés. Le dimanche 10 août : un feu signalé. Le lundi 11 août : rien à signaler ».

L'indicateur utilisé par la BSPP n'est donc qu'un « outil artisanal pour une activité industrielle », selon le médecin-chef Kowalski. Il ne permet pas d'évaluer globalement la situation en temps réel, la brigade opérant une comptabilisation manuelle des données.

• Une communication perfectible en situation d'urgence

La brigade des sapeurs-pompiers de Paris a eu des relations avec les acteurs de l'urgence (Samu et urgences médicales) pendant la canicule comme elle en a chaque jour. Selon les propos du professeur Pierre Carli comme du colonel Thibault, les relations entretenues sont bonnes au quotidien et ont permis, le 9 août en particulier, de mettre en place un protocole de refroidissement des personnes secourues.

Toutefois, les faiblesses précitées du système de statistique de la brigade et la procédure d'information systématique au préfet de police qui contrôle sa communication témoignent d'un certain cloisonnement administratif. Elles ont ralenti la recherche d'informations de l'Institut de veille sanitaire alors que la loi de 1998 devait permettre à ce dernier d'obtenir directement toutes les informations utiles des services de l'Etat. L'InVS a appelé la brigade le 11 août afin d'obtenir ses statistiques d'intervention, qui, à l'issue de plusieurs validations hiérarchiques, n'ont été envoyées à l'Institut que deux jours plus tard.

Le maintien de telles procédures pendant la canicule, qui peuvent trouver leur justification dans la nécessité d'obtenir des informations fiables, doit sans doute susciter une réflexion sur l'amélioration de la communication de la brigade, dont les imperfections constatées semblent résulter des circonstances exceptionnelles, mais également d'un formalisme excessif en cas de crise.

c) Une coordination insuffisante des acteurs locaux

Les cloisonnements observés au niveau national ne doivent pas faire oublier l'insuffisante coordination des acteurs au niveau local qui, on l'a vu précédemment, sont très éclatés. En effet, les rapports entre les structures locales, communes, centres communaux d'action sociale (CCAS) ou conseils généraux, et les administrations d'Etat, pourraient sans nul doute être améliorés.

Par ailleurs, ainsi que l'a relevé M. Jean-Jacques Trégoat, directeur général de l'action sociale, « à l'heure actuelle, l'enchevêtrement des responsabilités et surtout la multiplicité des statuts juridiques des maisons de retraite sont un facteur majeur de complexité. En effet, à la différence des hôpitaux, il n'y a pas de direction nationale des maisons de retraite. Celles-ci se divisent en une multitude de statuts, entre autres celles gérées par les congrégations, par les CCAS, par les mutuelles, par les associations ou par l'hôpital pour certaines maisons publiques. De ce fait, le contact est difficile avec ces 10 000 structures différentes, ces 1 700 SIAD et de nombreux services d'aide à domicile ».

Enfin, ainsi que la mission a pu le constater lors de certains de ses déplacements, notamment à Lille, les différents interlocuteurs rencontrés ont fait part du besoin de coordination des acteurs et du renforcement des liens entre le secteur social et le secteur sanitaire au niveau local, afin de croiser les données et d'apprécier de la manière la plus adaptée les événements qui peuvent se produire.

Le Docteur Patrick Pelloux a fourni un témoignage allant dans le même sens : « L'hôpital n'a jamais su avoir une réelle symbiose avec la Cité. Les services sociaux de la ville sont parfaitement étrangers aux services sociaux de l'hôpital. Lorsqu'un plan de catastrophe est déclenché, les élus locaux n'ont pas à être prévenus, ce que je trouve regrettable. Je trouve aussi regrettable le fait que les Agences régionales d'hospitalisation n'ont de comptes à rendre à personne ».

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a également insisté, au cours de son audition, sur le manque de coordination dans le domaine de la prise en charge des personnes âgées au moment de la crise : « la réactivité des interventions de proximité qu'appelait la poussée thermique de début août a été à mon sens ralentie par le partage des compétences dans le domaine des personnes âgées, où interviennent ensemble ou séparément les communes et les centres communaux d'action sociale ; les départements, au titre de l'aide sociale traditionnelle et, plus récemment, de l'allocation personnalisée ; l'Etat, par le biais des DDASS, au titre de la tarification des établissements et services médicalisés et des conventionnements tripartites des établissements pour personnes âgées dépendantes ; l'assurance maladie au titre de financeur, ainsi que l'assurance vieillesse et les régimes complémentaires au titre de l'action sociale en faveur des retraités. Cet émiettement des responsabilités et cet enchevêtrement des compétences sont contraires aux besoins d'un pilotage de proximité ».

Au total, cette crise a été révélatrice des faiblesses d'un système sanitaire et social, fragmenté et cloisonné. C'est à partir de ce constat, sévère mais sans doute fondé, qu'il convient de tracer des pistes pour qu'une telle catastrophe ne se reproduise pas. Il ne s'agit pas seulement de considérer l'épisode de la canicule en tant que tel, mais bien de songer aux moyens d'adapter notre système à toute crise sanitaire susceptible de se produire.

* 52 Loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la prévention des risques majeurs.

* 53 Circulaire NOR/INT/E/01/00268/C des ministres de l'intérieur et de l'équipement, des transports et du logement, en date du 28 septembre 2001 sur la refonte de la procédure d'alerte météorologique.

* 54 Rapport de M. Pierre Lieutaud, chef de cabinet, à M. le préfet de police de Paris, 20 septembre 2003.

* 55 Rapport du 22 août 2003 sur les effets de la canicule.

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