B. LE SYSTÈME D'ALERTE ET DE GESTION DE CRISE N'A PAS PERMIS DE COORDONNER LES EFFORTS D'ACTEURS MULTIPLES ET ÉCLATÉS
1. Des acteurs nombreux et éclatés
La crise de l'été 2003 a monopolisé de nombreux acteurs, tant au niveau national qu'au niveau local. L'enchevêtrement des responsabilités et des compétences impose de rappeler succinctement les différents acteurs concernés par la veille et la gestion de notre système sanitaire et social.
a) Au niveau central
Trois
ministères principaux
ont exercé des compétences au
cours de la crise de la canicule : le ministère de la santé,
de la famille et des personnes handicapées ; le ministère
des affaires sociales, du travail et de la solidarité, duquel
dépend le secrétariat d'Etat aux personnes âgées, et
le ministère de l'intérieur, de la sécurité et des
libertés locales.
Le ministère de la santé, de la famille et des personnes
handicapées prépare et met en oeuvre la politique du gouvernement
dans le domaine de la protection de la santé. Les compétences
ministérielles concernant les personnes âgées sont
partagées entre deux ministères : le ministère de la
santé, de la famille et des personnes handicapées au titre de la
prise en charge sanitaire, et le ministère des affaires sociales, du
travail et de la solidarité au titre de la prise en charge sociale. Au
sein de ce dernier ministère, le ministre des affaires sociales exerce
la responsabilité générale de la politique sociale en
faveur des personnes âgées, sur la base des propositions du
secrétaire d'Etat aux personnes âgées, qui exerce une
compétence spécialisée et met en oeuvre les
décisions gouvernementales.
Au cours de cette crise, le ministère de la santé s'est
appuyé sur l'Institut de veille sanitaire et sur deux directions propres
-la direction générale de la santé (DGS) et la direction
de l'hospitalisation et de l'organisation (DHOS)-, ainsi que sur une direction
partagée avec le ministère des affaires sociales, la direction
générale de l'action sociale (DGAS).
- Créé par la loi n°98-535 du 1er juillet 1998 relative
au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la
sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme,
l'Institut de veille sanitaire
(InVS) est un établissement
national de santé publique placé sous la tutelle du
ministère de la santé, le chef de file de cette tutelle
étant la DGS. Succédant au réseau national de santé
publique, sa mise en place est intervenue en mars 1999.
LA MISSION TRÈS LARGE DE L'INVS
La
mission de l'Institut est particulièrement large, puisqu'il lui incombe,
selon l'article L. 1413-2 du code de la santé publique :
1. d'effectuer la surveillance et l'observation permanente de l'état de
santé de la population, dans le but :
- de participer au recueil et au traitement des données sur
l'état de santé de la population à des fins
épidémiologiques ;
- de rassembler, analyser et actualiser les connaissances sur les risques
sanitaires, leurs causes et leurs évolutions ;
- de détecter tout événement modifiant ou susceptible
d'altérer l'état de santé de la population ;
2. d'alerter les pouvoirs publics en cas de menace pour la santé
publique, quelle qu'en soit l'origine, et de leur recommander toute mesure ou
action appropriée ;
3. de mener à bien toute action nécessaire pour identifier les
causes d'une modification de l'état de santé de la population,
notamment en situation d'urgence.
La réalisation de cette mission et de ces objectifs repose
principalement sur la mise en oeuvre et la coordination d'activités de
surveillance et d'investigations épidémiologiques,
d'évaluation de risque et d'expertise.
L'InVS mobilise, anime et
coordonne un réseau de santé publique qui comprend des
professionnels de santé, des instituts de recherche, des
établissements de soins publics ou privés, des caisses
d'assurance maladie, des associations de malades et d'usagers.
Pour accomplir cette vaste tâche, l'InVS disposait en 2003 de
270 personnes (238,3 équivalents temps plein réels à
la fin août 2003) et d'un budget de 31,874 millions d'euros, contre
23,96 millions d'euros en 2002 et 18,17 millions d'euros en 2001. Il comprend
quatre départements scientifiques thématiques -maladies
infectieuses ; maladies chroniques et traumatiques (cancer,
diabète, maladies cardio-vasculaires...) ;
santé-travail ; santé-environnement-, auxquels s'ajoutent
deux départements scientifiques transversaux -département
international et tropical et département formation-documentation- ainsi
que quatre services transversaux.
- La tutelle de cet institut est exercée par
la direction
générale de la santé
. Le partage des
compétences entre l'InVS et la DGS est apparemment clair et
défini ainsi par M. William Dab, nouveau directeur général
de la santé : «
La loi confère à
l'Institut les compétences qui lui permettent de faire les
investigations épidémiologiques et les évaluations de
risques. Il est équipé pour et a la compétence pour ce
faire. Ce n'est pas le rôle de l'administration de faire ces
investigations épidémiologiques. (...) Il appartient à
l'Institut de mener les investigations de terrain dont nous avons besoin
ensuite, à la DGS, pour agir au nom de la puissance
publique
».
La direction générale de la santé
a pour mission de
définir et conduire la politique de prévention, de
développer la qualité des pratiques de santé, et de
renforcer la sécurité sanitaire.
- A côté de cette direction,
la direction de
l'hospitalisation et de l'organisation des soins
(DHOS) a pour mission
d'assurer la prise en charge globale du malade, de coordonner les
différentes structures et les professionnels de santé, notamment
par la création de réseaux et de filières de soins. Dans
cette perspective,
elle a compétence sur l'ensemble des
établissements de santé :
publics, non lucratifs
participant ou non au service public hospitalier, et lucratifs.
Elle
intervient aussi dans le financement des activités spécifiques de
soins aux personnes âgées, en hébergement et à
domicile.
La DHOS s'assure de la qualité, de la sécurité, de la
continuité et de la proximité du système de soins. Elle
veille à garantir l'égal accès de tous aux soins, ainsi
que le respect des droits des usagers. Parmi ses missions, figurent
également l'organisation de l'exercice et la gestion des
carrières des professionnels de santé. La direction
détermine ainsi les besoins en personnel. Elle définit les
contenus et le déroulement des formations des professions
médicales et paramédicales. Elle élabore les règles
relatives à la fonction publique hospitalière et aux
médecins hospitaliers et s'assure de leur application. Enfin, elle suit
l'évolution des techniques médicales et des stratégies
thérapeutiques, afin de mieux anticiper les mutations engendrées
dans l'organisation des établissements. Elle concourt aussi au
développement de l'utilisation des technologies de l'information et de
la communication dans la prise en charge des patients et l'administration des
soins.
Pour la mise en oeuvre de ses missions,
la DHOS anime et coordonne les
travaux des Agences régionales de l'hospitalisation.
Elle assure
également les relations avec les services déconcentrés.
- La direction générale de l'action sociale (DGAS)
,
sous tutelle conjointe du ministère de la santé et du
ministère des affaires sociales, même si elle dépend en
pratique davantage de ce dernier,
est responsable de la politique sociale et
notamment de la politique en faveur des personnes âgées.
Cette
direction a la tutelle sur les maisons de retraite, les établissements
médicosociaux recevant des personnes âgées, les services de
soins des infirmières à domicile, ainsi que la
responsabilité de l'application et de l'évaluation de politiques
concernant les personnes âgées.
«
De manière schématique,
a indiqué M.
Édouard Couty, directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des
soins, à propos de la répartition des compétences
relatives aux établissements médicosociaux,
la direction
générale de l'action sociale définit la politique et la
met en oeuvre, tandis que notre direction n'est que le comptable et le
payeur.
b) Au niveau local
De
nombreux acteurs interviennent au niveau local, à différents
échelons : interrégional (les cellules
interrégionales d'épidémiologie, réseaux
déconcentrés de l'InVS, par exemple), régional (les
directions régionales des affaires sanitaires et sociales, les agences
régionales de l'hospitalisation), départemental (les directions
départementales des affaires sanitaires et sociales, les préfets
de département, les conseils généraux, les services
départementaux d'incendie et de secours), communal ou zonal
(hôpitaux, maisons de retraite, services d'aide ou de soins à
domicile, Samu, médecins...).
Parmi ces acteurs, il convient de préciser les missions de certains
acteurs dépendant du ministère de la santé ou
placés sous sa tutelle.
- Au nombre de 26,
les ARH
sont des groupements
d'intérêt public associant l'Etat et l'assurance maladie,
placés sous la tutelle du ministre de la santé.
Créées par l'ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme
de l'hospitalisation publique et privée, elles sont chargées :
* de mettre en oeuvre, au niveau régional, la politique
hospitalière définie par le gouvernement ;
* d'analyser et de coordonner l'activité des établissements
de santé publics et privés, de conclure avec eux des contrats
pluriannuels d'objectifs et de moyens (COM) et d'arrêter leurs ressources
;
* d'élaborer, en partenariat avec tous les professionnels de
santé, les schémas régionaux d'organisation sanitaire
(SROS). Ceux-ci programment l'évolution de l'offre de soins
hospitalière, en adéquation avec l'ensemble du système de
santé.
Les ARH sont administrées par une commission exécutive où
siègent, à parité, les représentants de l'Etat et
les représentants administratifs et médicaux des organismes
d'assurance maladie. Leurs directeurs sont nommés en conseil des
ministres.
- Sous l'autorité du préfet de région et des
préfets de département,
les DRASS et les DDASS
assurent,
dans les domaines sanitaire, social et médicosocial, la mise en oeuvre
des politiques nationales, la définition et l'animation des actions
régionales et départementales. En matière sanitaire, cette
autorité est partagée : en effet, pour les questions
hospitalières, la DRASS et les DDASS interviennent sous
l'autorité du directeur de l'ARH.
Les missions des DRASS et des DDASS s'articulent autour de
trois pôles
essentiels
:
la santé publique
(politique régionale de
santé, politique hospitalière, sécurité sanitaire),
la cohésion sociale et le développement social
(animation
des différents dispositifs d'insertion, de solidarité et
d'intégration),
la protection sociale
(tutelle et contrôle
des organismes de sécurité sociale).
L'action des DRASS et des DDASS dans le domaine de la santé est
importante. Ainsi, sous l'autorité du préfet de région, la
DRASS pilote la politique régionale de santé et assure la
prévention de l'apparition d'un risque sanitaire. La DDASS est pour sa
part en charge de la maîtrise et du contrôle de la gestion du
risque sanitaire au niveau départemental.
- Les cellules interrégionales d'épidémiologie
(CIRE), structures mixtes partagées entre l'Etat et l'InVS, au sein
des régions, constituent les relais locaux de l'InVS. Elles sont
installées dans les DRASS qui assurent leurs moyens de fonctionnement et
leur secrétariat.
Les CIRE fournissent aux services déconcentrés de l'Etat un appui
méthodologique et d'expertise en épidémiologie
d'intervention et en évaluation indépendante des risques
sanitaires sur des problèmes de santé particuliers à une
région ou à une spécificité régionale forte.
A ce titre, elles apportent un appui technique et méthodologique aux
services déconcentrés et elles participent à la mise en
oeuvre territoriale des actions de surveillance sanitaire organisées au
niveau national par l'InVS. Elles proposent et mettent en oeuvre, dans le cadre
d'un programme de travail annuel, des actions de surveillance sanitaire
spécifiques au niveau local. Suivant les régions, la CIRE peut
disposer d'une petite équipe ou se résumer à un seul
médecin inspecteur de santé publique, qui malgré sa bonne
volonté, ne peut suffire à assurer un suivi efficace dans tous
les domaines. Il serait judicieux d'établir un état des lieux du
fonctionnement de ces cellules et de réfléchir à leurs
moyens. Là encore, la compétence « personnes
âgées » étant à terme complètement
basculée sur le département, il y aurait lieu de s'interroger sur
une coordination entre les services départementaux et les CIRE sur
ce sujet.
A côté de ces structures administratives interviennent de
très nombreux autres acteurs. Or, le statut de ces acteurs est
très différent, et la répartition des compétences,
comme les champs d'action, ne sont pas toujours très clairs. De plus,
aucune coordination n'est le plus souvent institutionnalisée, ce qui
peut notamment freiner la circulation de l'information.
Ainsi que l'a relevé M. Hubert Falco devant la mission,
«
la gestion de l'hôpital est centralisée. Pour les
maisons de retraite, elle est décentralisée. C'est là que
l'on rencontre la plus grosse difficulté et la raison de ce manque de
remontées. L'information en provenance de 10 000 maisons de
retraite, dont bon nombre ne relève pas d'une organisation pyramidale,
comme l'hôpital, ne peut efficacement remonter vers les instances
nationales que dans le cadre d'un partenariat étroit avec
l'échelon local, en parfaite coordination avec
lui
».