B. UN PHÉNOMÈNE DIVERSEMENT RÉPARTI EN FONCTION DE L'ÉVOLUTION DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE


1. Des disparités géographiques importantes

La répartition géographique des victimes fait apparaître à la fois de très forts contrastes régionaux, une nette surmortalité en milieu urbain et une surreprésentation de l'Ile-de-France et de la ville de Paris dans le total national.

Le tableau exposé ci-après, tiré du rapport de MM. Hémon et Jougla, illustre ces trois tendances. On notera en particulier que, par rapport à une moyenne nationale de surmortalité sur la période considérée évaluée à 55 %, quatre régions se singularisent par des données encore supérieures : la Bourgogne, les Pays de la Loire, et surtout le Centre et l'Ile-de-France.

RÉPARTITION RÉGIONALE DES DÉCÈS DU 1ER AU 20 AOÛT 2003

Régions

Nombre de décès observés (O)

Nombre de décès attendus (E)

Excès :
O - E

Contribution à l'excès global

O / E

France métropolitaine

41 621

26 818,6

14802,4

100,0%

1,6

Alsace

1 023

748,0

275,0

1,9%

1,4

Aquitaine

2 191

1 567,0

624,0

4,2%

1,4

Auvergne

1 022

747,4

274,6

1,9%

1,4

Basse-Normandie

822

697,2

124,8

0,8%

1,2

Bourgogne

1 477

885,1

591,9

4,0%

1,7

Bretagne

1855

1 549,9

305,1

2,1%

1,2

Centre

2 441

1 203,4

1 237,6

8,4%

2,0

Champagne-Ardenne

988

629,1

358,9

2,4%

1,6

Corse

191

143,4

47,6

0,3%

1,3

Franche-Comté

687

494,7

192,3

1,3%

1,4

Haute-Normandie

1 066

764,3

301,7

2,0%

1,4

Ile-de-France

8 506

3 639,1

4 866,9

32,9%

2,3

Languedoc-Roussillon

1 536

1 265,9

270,1

1,8%

1,2

Limousin

651

469,9

181,1

1,2%

1,4

Lorraine

1 526

1 066,4

459,6

3,1%

1,4

Midi-Pyrénées

1 762

1 324,5

437,5

3,0%

1,3

Nord-Pas-de-Calais

2 175

1 792,3

382,7

2,6%

1,2

Pays de Loire

2 399

1 430,9

968,1

6,5%

1,7

Picardie

1 153

817,9

335,1

2,3%

1,4

Poitou Charente

1 432

872,0

560,0

3,8%

1,6

PACA

3 194

2 375,1

818,9

5,5%

1,3

Rhône-Alpes

3 524

2 335,3

1 188,7

8,0%

1,5

Source : rapport d'étape « Surmortalité liée à la canicule d'août 2003 » de M. Denis Hémon et de M. Eric Jougla

Interrogé sur ce point lors de son audition, M. Denis Hémon a tout d'abord insisté sur les différences de conditions climatiques : « Nous avons étudié les disparités régionales de mortalité. Nous avons constaté que la canicule n'a pas frappé de la même façon l'ensemble du territoire. (...) Le long des régions côtières, que ce soient les régions de la façade ouest, ou le sud de la Méditerranée, la canicule a été moins forte. Effectivement, Météo France nous a expliqué que, pour une même chaleur, lorsque les masses d'eau sont importantes, les effets de la chaleur sont moins durement ressentis. »

Ce constat est confirmé par la carte ci-après :

ANALYSE DE LA SURMORTALITÉ NETTE PAR DÉPARTEMENT EN FRANCE
ENTRE LE 1 ER ET LE 20 AOÛT 2003 PAR RAPPORT À LA MOYENNE DES DÉCÈS
DES ANNÉES 2000 À 2002

(Données provisoires au 30 septembre 2003)

Source : rapport InVS - « Impact sanitaire de la vague de chaleur d'août 2003 bilan et perspectives » - 25 novembre 2003

Poursuivant son analyse, M. Denis Hémon a procédé devant la mission à un classement des régions françaises en trois ensembles : « Nous avons distingué trois types de régions. Les régions de la face sud de la France, c'est-à-dire Provence-Alpes-Côte d'Azur, Languedoc-Roussillon et Corse, sont côtières et habituellement chaudes. Il y a fait très chaud, mais de façon continue et non pas avec une vague. La surmortalité a été beaucoup plus modérée qu'ailleurs.

D'autres régions, comme l'Ile-de-France, l'Auvergne, le Centre, la Bourgogne et la Franche-Comté sont des régions intérieures. Elles ont connu une montée de la température pendant dix jours puis une descente. La surmortalité a alors augmenté de façon implacable du 4 au 12 août pour redescendre après.

Enfin, des régions comme la Bretagne ou la Haute-Normandie, c'est-à-dire côtières et situées sur la façade ouest, ont connu des températures variables. Elles ont augmenté du 4 au 6 août, sont redescendues du 6 au 8, pour remonter du 8 au 12, avant de finalement redescendre. La surmortalité a suivi la courbe de ces températures. (...) Cette observation, qui mériterait d'être affinée, montre que le moindre répit de chaleur est immédiatement suivi d'une baisse de la mortalité. Cette dimension doit être prise en compte dans nos réflexions par rapport aux perspectives de prévention ».


On remarquera toutefois, comme le montre la carte présentée ci-dessus, que dans certains départements et dans certaines grandes villes, comme Rennes, Toulouse, Grenoble (+ 28 %), Marseille (+ 25 %) et surtout Lille (+ 0,3 %), le phénomène de surmortalité a été plus limité ou même relativement faible.

Par ailleurs et comme l'a fait remarquer le Professeur Jean-Louis San-Marco devant la mission, certaines parties du territoire ont mieux fait face à la crise que d'autres. Il s'agit notamment de Marseille grâce aux multiples démarches de prévention de l'hyperthermie poursuivie depuis 1983: «  En effet, les chiffres de l'ARH donnent pour l'ensemble des hôpitaux des Bouches-du-Rhône 2 % d'augmentation de la mortalité pendant la crise, alors que ce taux est de 70 % à Nice. Il est donc faux de dire que le sud a résisté. Le sud n'a pas résisté spontanément. En 1983, nous n'avons pas du tout résisté à Marseille car, à l'époque, nous n'avons pas su gérer la situation. »

Page mise à jour le

Partager cette page