2. Un phénomène concentré sur un temps très court

La crise de la canicule s'est développée sur une période de temps très brève, de seulement 19 jours, en cinq phases distinctes : une élévation significative de la surmortalité marquant le début de la crise le 4 août, un accroissement régulier et rapide jusqu'au pic atteint le 12 août, une amorce de retournement de tendance avec une première diminution le 13 août, suivie par une nette régression dans les jours suivants et finalement un retour à une mortalité normale à compter du 19 août.

Il convient tout particulièrement de noter que 80 % des décès liés à la canicule à Paris et 70 % en Ile-de-France sont survenus après le 11 août, c'est à dire en quelques jours. Evoquant ce phénomène, le Professeur Lucien Abenhaïm a ainsi employé le terme de « séisme » ou de « tornade » , tandis que M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, a évoqué les « nuits terribles» de la période du 10 au 14 août.

La crise a pris une ampleur dramatique avec une accélération singulière : la seule journée du 4 août s'est traduite par 286 décès surnuméraires attribuables à la canicule, celle du 8 août par 1 202 décès, tandis que celle du 12 août a marqué son paroxysme avec 2 197 décès supplémentaires par rapport à la valeur habituellement observée en France.

EXCÈS DE DÉCÈS CUMULÉ PENDANT LE MOIS D'AOÛT 2003 ET RELEVÉ
DES TEMPÉRATURES EXTÉRIEURES

Source : rapport d'étape « Surmortalité liée à la canicule d'août 2003 » de M. Denis Hémon et de M. Eric Jougla - Inserm

3. La nécessité de disposer de toutes les données de l'année 2003

Le bilan de 14 802 victimes ne constitue qu'une première estimation du nombre des victimes sur la période comprise entre le 1 er et le 20 août 2003. Ce travail d'évaluation a été réalisé, dans des conditions exceptionnelles de rapidité, par MM. Hémon et Jougla, grâce à la mobilisation totale des différentes sources d'information, qui a permis de contourner la lenteur inhérente au circuit des certificats de décès.

Une évaluation complète de la surmortalité attribuable à la canicule nécessitera de connaître le nombre définitif des décès de l'ensemble de l'année 2003, ce qui ne sera pas possible sur le plan technique avant avril 2004.

a) La nécessaire prise en compte des conséquences sanitaires différées de la canicule

La question qui se pose après la publication du rapport des docteurs Hémon et Jougla porte sur l'évolution de la mortalité après le mois d'août 2003.

Interrogé sur ce point lors de son audition par la mission, le Professeur Jean-Pierre Besancenot a souligné la difficulté de l'exercice et l'utilité relative du recours aux références étrangères : « C'est évidemment la grande question qui se pose. Pour y répondre, il serait intéressant de regarder ce qui s'est passé dans le cadre des vagues de chaleur antérieures en Europe et aux Etats-Unis. D'une vague de chaleur à l'autre, l'on ne retrouve absolument pas le même schéma. Dans certains cas, par exemple durant l'été 1994 en Belgique, le pic de mortalité s'est produit à la période caniculaire et a été suivi d'une période de sous mortalité « compensatrice ». Ainsi, la surmortalité sur l'ensemble de l'année n'est absolument pas de l'ordre de 1 800 décès, comme on l'avait dit sur le moment, mais de 200 ou 250. »

L'analyse de la crise de 1983 à Marseille aboutit à envisager la situation contraire : « Toutefois, dans d'autres cas, on observe le schéma inverse. L'exemple type est celui de Marseille fin juillet 1983. L'on a dénombré 300 décès en surnombre dans les dix derniers jours de juillet. A partir du 1 er août, les températures sont redevenues à peu près normales pour la saison. Cela n'a pas empêché la mortalité de rester excédentaire, même si elle était en diminution progressive jusqu'aux alentours du 15 décembre. En reprenant les dossiers individuels des personnes décédées après la canicule, l'on pourrait constater que nombre d'entre elles avaient été fortement affectées par la vague de chaleur. Elles avaient souvent été hospitalisées pendant la canicule et étaient décédées plusieurs semaines, voire plusieurs mois plus tard. On peut en conclure que la canicule a tué bon nombre de personnes qui auraient survécu, et pour certaines longtemps. En Belgique, la vague de chaleur de 1994 n'a fait que précipiter de quelques jours ou semaines des décès inéluctables. »

Quelle que soit la réponse à cette interrogation, la vie des victimes a été abrégée et celles-ci sont décédées dans des conditions inacceptables pour notre pays.

b) Les premières estimations disponibles

Dans l'attente du décompte définitif des décès de l'année 2003, la mission a eu recours aux deux sources d'information existantes :

- les « premières estimations démographiques pour 2003 » rassemblées pour chacun des pays de l'Union européenne par Eurostat, qui ont été publiées le 9 janvier 2004 ;

- l'estimation mensuelle, actuellement disponible jusqu'au mois d'octobre 2003 inclus, du nombre des décès en France qui est publiée sur le site Internet de l'Insee, généralement avec un décalage de deux mois et demi.

Sur la base de ces données encore provisoires, on remarque ainsi l'ampleur de la crise sanitaire du mois d'août 2003 : avec 56 500 cas, le nombre de décès enregistré au mois d'août 2003 serait le plus élevé depuis 1945. S'agissant des mois de septembre et d'octobre 2003, on observe en revanche un retour à des données comparables à celles des années précédentes.

ÉVOLUTION COMPARÉE DU NOMBRE DES DÉCÈS MENSUELS
AUX SECONDS SEMESTRES 2001, 2002 ET 2003

 

Nombre de décès par mois en 2001

Nombre de décèspar mois en 2002

Nombre de décès
par mois en 2003

Juillet

43 209 (**)

42 200 (*)

43 200 (*)

Août

42 684 (**)

40 100 (*)

56 500 (*)

Septembre

40 964 (**)

40 300 (*)

41 400 (*)

Octobre

43 141(**)

45 200 (*)

44 000 (*)

Novembre

44 565 (**)

43 400 (*)

 

Décembre

48 799 (**)

47 200 (*)

 

Source : Insee (sauf 2003 Eurostat)

(*) valeur estimée

(**) valeur estimée


L'estimation d'Eurostat pour le nombre de décès en France en 2003 (552 800) est supérieure de 2,4 % à celle de l'année 2002 (539 700), soit une augmentation de 13 100 personnes.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DES DÉCÈS EN FRANCE ENTRE 1998 ET 2003

Années

1998

1999

2000

2001

2002

2003

Nombre de décès
(en milliers)

534,0

541,6

538,3

531,0

539,7 (*)

552,8 (*)

Source : Ined (sauf 2003 Eurostat)

(*) valeur estimée


Ces premiers éléments doivent néanmoins être considérés avec prudence, dans l'attente des données définitives qui seront connues fin mars ou début avril 2004.

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