C. L'ÉNERGIE ÉLECTRIQUE EN RUSSIE

1. Une production importante et diversifiée

a) Une capacité de production conséquente

Doté d'une capacité de production de 218 gigawatts, le secteur électrique russe est le quatrième au niveau mondial , après celui des Etats-Unis, de la Chine et du Japon.

Après avoir enregistré une baisse continue au cours des années 1990, en raison de la diminution de la demande du secteur industriel, et notamment des industries lourdes, la production d'électricité a repris en 1999 pour atteindre 890 tonnes de watts/heure en 2002.

Évolution de la production d'électricité dans les années 1990

Source : Mission économique

D'un point de vue géographique, la production est très concentrée , la majorité des 450 centrales du pays étant située dans les zones les plus densément peuplées et industrialisées : la partie européenne de la Russie, l'Oural et le sud de la Sibérie.

b) Des sources d'approvisionnement diversifiées

La production électrique russe est à 65 % d'origine thermique, à 20 % d'origine hydraulique et à 15 % d'origine nucléaire.

L'ORIGINE DE LA PRODUCTION ÉLECTRIQUE EN RUSSIE

Source : Mission économique

L'énergie thermique

Parmi les combustibles utilisés pour produire l'énergie thermique, le gaz domine largement , suivi par le charbon et, de manière plus marginale, par le fuel.

L'utilisation du charbon a eu tendance à décliner. Ce combustible ayant cessé d'être une priorité énergétique depuis les années 60, le secteur du charbon a connu un lent déclin, faute d'investissements. Sa production est aujourd'hui insuffisamment rentable en raison de l'importance des coûts de transport par voie ferrée . Il reste néanmoins une ressource d'avenir, compte tenu de l'abondance des réserves présentes en Russie (estimée à 3.900 milliards de tonnes) notamment dans les bassins du Kouzbass et de Kanz-Atchinsk en Sibérie centrale. C'est pourquoi, le gouvernement russe compte sur une progression du rôle du charbon dans les années à venir .

L'énergie hydroélectrique

La plus grosse partie de la production hydraulique est localisée en Sibérie centrale grâce aux centrales géantes situées sur l'Ienisseï et sur l'Angara. Le bassin de la Volga, entièrement équipé en barrages, fournit également une partie de cette énergie.

Le manque de crédits d'équipement a toutefois freiné les nouveaux aménagements ces dernières années.

L'énergie nucléaire

Si la première centrale date de 1954, le secteur nucléaire russe s'est surtout développé dans les années 1970 et 1980 , jusqu'à l'accident de Tchernobyl en 1986. Depuis cette date et jusqu'à très récemment, le secteur n'avait plus fait l'objet d'aucun investissement sauf en matière de sécurisation, les travaux de construction ayant été interrompus.

La Russie compte aujourd'hui 30 réacteurs en activité répartis sur dix centrales .

Les centrales nucléaires en Russie en 2000

Nom

Production (en milliards de kWh)

Kola

8,8

Leningrad

21,6

Smolensk

20,3

Kalininsk (TVER)

13,3

Voronej

11,1

Koursk

22,2

Balakovskaya (région de Saratov)

27,5

Beloyerskaya

3,8

Bilibinskaya (Tchoukotka)

0,2

Total

130,8

Source : Rosenergoatom

Il existe actuellement un programme de développement de l'énergie nucléaire visant à permettre la production par ce secteur de 23.600 mégawatts à l'horizon 2020. La construction des réacteurs qui avait été suspendue à la fin des années 80 a repris. En 2001, le premier réacteur d'une centrale a ainsi été mis en service à Rostov-sur-le-Don. L'ouverture d'une cinquième tranche à la centrale nucléaire de Koursk est également prévue.

Comme l'a souligné M. Valery Lebedev, directeur de la centrale nucléaire de Leningrad près de Sosnovy Bor, qu'une partie de la délégation sénatoriale a visitée, le problème qui se posera est le renouvellement des équipements à l'horizon 2020 .

L'amélioration de la sécurité des centrales est également une préoccupation constante, d'autant que la Russie cherche à reconquérir une crédibilité internationale dans ce domaine. Ainsi, la centrale que nous avons visitée consacrera 220 millions de dollars à ce poste sur la période 2000-2004, notamment en vue de la construction d'un système de refroidissement d'urgence destiné à faire face à un échauffement accidentel.

Il convient de rappeler que le secteur nucléaire emploie 530.000 personnes et en fait vivre beaucoup plus. A titre d'exemple, la centrale de Leningrad compte 1.065 employés, mais toute l'économie de la ville satellite de Sosnovy Bor (16.000 habitants) en dépend.

La maîtrise de la Russie dans le domaine nucléaire lui permet, en outre, d'exporter sa technologie, en particulier en Chine et en Finlande. La délégation sénatoriale a, à cet égard, constaté que l'Allemagne, qui souhaiterait faire produire ailleurs l'énergie nucléaire dont elle a besoin en raison des réticences de son opinion publique, coopère activement avec la Russie. Il serait souhaitable que la France, compte tenu de l'expérience qu'elle possède dans ce domaine, développe aussi une coopération de ce type.

2. Une réforme bien avancée

a) L'organisation du secteur électrique avant la réforme

Le secteur électrique russe est, jusqu'à présent, organisé de manière monopolistique . La privatisation du secteur en 1992 a, en effet, conduit à la mise en place d'une société unique, la RAO EES Rossii (« Système électrique unifié de Russie »), détenue à 52 % par l'Etat . Cette entreprise publique, qui gère 72,5 % des capacités de production de l'énergie d'origine thermique et hydraulique, ainsi que l'ensemble du réseau de transport et de distribution, a sous son autorité :

- d'une part, une trentaine de centrales fédérales de grande puissance ;

- d'autre part, des compagnies régionales intégrées (les « Energos »), organisées selon une logique géographique, qui assurent, au niveau local, les fonctions de production, transport et distribution d'énergie. RAO EES possède une part variable de leur capital.

Par ailleurs, il existe quelques Energos indépendants.

La production nucléaire est, quant à elle, réunie sous le contrôle d'une holding détenue entièrement par l'Etat, RosEnergoAtom .

Cette organisation monopolistique offre une rentabilité insuffisante au secteur, qui fonctionne en surcapacité. En outre, elle ne lui permet pas d'avoir accès aux financements nécessaires à la réalisation des investissements qui s'imposent. En effet, 38 % des centrales russes ont plus de trente ans et les deux-tiers plus de vingt ans . Selon le ministère de l'énergie de la Fédération de Russie, 60 % des installations devront être remplacées d'ici 2010 et le besoin en investissements du secteur (hors investissements concernant le transport) se monte à trente milliards de dollars pour les dix prochaines années.

b) Le contenu de la réforme

Initiée en 2001, la réforme du secteur électrique a pris la forme d'une loi adoptée en mars 2003 par la Douma , qui tend à la création d'un marché libéralisé de l'électricité.

Elle prévoit que la production d'électricité et les services de distribution et de vente seront progressivement ouverts à la concurrence , alors que le dispatching et les services liés au transport continueront à relever de la sphère publique.

Au niveau de la production, est prévue la création d'une dizaine de sociétés de production concurrentes regroupant l'ensemble des centrales de RAO EES ainsi que les Energos. Ces sociétés auront le statut de producteur indépendant et pourront se positionner librement sur le marché de gros.

S'agissant du transport , la réforme conduite à la création d'un réseau de transport électrique fédéral regroupé dans la Société fédérale de transport à haute tension (FSK) qui sera le garant de l'égalité d'accès des acteurs au réseau.

La distribution est confiée à une filiale de RAO EES , dénommée « opérateur du système » qui est chargée des fonctions de dispatching aux niveaux national et régional. Par ailleurs, la réforme crée des sociétés de distribution dissociées des Energos.

Enfin, en ce qui concerne la tarification , la réforme vise à une suppression progressive de la régulation publique . Un organe fédéral sera chargé de définir les tarifs et d'établir les règles de vente à des prix libres sur le marché de gros. Des tarifs plafonds seront toutefois arrêtés chaque année par le gouvernement et par les autorités régionales. Dans l'hypothèse où les tarifs pratiqués dépasseraient ces plafonds, les autorités fédérales et régionales seraient tenues de compenser la différence à certaines catégories de la population.

Si l'adoption de cette réforme constitue une grande avancée , son calendrier de mise en oeuvre reste toutefois imprécis . Selon la loi, la libéralisation des prix ne peut intervenir avant le 1 er juillet 2005. Cependant, les réticences rencontrées ne permettent pas d' espérer l'aboutissement de la réforme avant 2008 , dans le meilleur des cas.

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