B. LE SECTEUR GAZIER

1. La Russie, premier acteur du marché gazier mondial

Si la production gazière de la Russie n'enregistre pas les mêmes taux de croissance que sa production pétrolière, l'exploitation du gaz est appelée à devenir le secteur majeur de l'économie russe . La Russie est ainsi le premier producteur mondial de gaz (environ 600 milliards de m 3 ) et le premier exportateur mondial (environ 200 milliards de m 3 , soit environ un tiers de sa production). Ses réserves gazières, estimées à 38 % des réserves mondiales, sont considérables.

La production est très concentrée sur le plan géographique , 90 % provenant de la région de Tioumen et, en particulier, du district autonome des Yamalo-Nenets, dans le Grand Nord, où sont situés les gisements géants d'Ourengoï (10.000 milliards de m 3 ) et de Iambourg (5.000 milliards de m 3 ).

D'autres zones de production plus modestes sont implantées dans la République des Komis et en Yakoutie.

En outre, les projets de développement existent dans le Grand Nord, qui se heurtent à des difficultés d'exploitation. C'est notamment le cas des gisements de la presqu'île de Yamal , dont les réserves excèdent 10.000 milliards de m 3 .

La Russie est le premier fournisseur de l'Union Européenne (30 % du gaz consommé), dont la demande ne cesse de progresser. Ainsi, la société Gazprom, qui domine le marché gazier russe, a construit un gazoduc reliant le gisement de Yamal à l'Allemagne. Un projet de construction d'un gazoduc en mer Baltique a, en outre, été récemment établi entre la Russie et la Grande-Bretagne. Gazprom est, par ailleurs, liée par plusieurs contrats de vente à long terme avec les grands acteurs du marché gazier européen (Ruhrgas, GDF...). A titre d'exemple, GDF a signé, en juin 2003, un accord cadre avec Gazprom visant à approfondir leur coopération et établir de nouveaux partenariats, notamment, sous la forme de filiales communes ou d'investissements communs.

En dehors de l'Europe, la Russie alimente d'autres marchés, à l'instar de la Turquie (14 milliards de m 3 ).

Pour éviter d'entreprendre à court terme la mise en exploitation coûteuse de nouveaux gisements, Gazprom cherche, par ailleurs, à s'assurer de nouvelles sources d'approvisionnement à bon marché . C'est en ce sens qu'elle a récemment passé des accords avec le Turkménistan et l'Ouzbékistan .

2. Un secteur qui supporte les finances publiques et l'économie russe

Le marché gazier est essentiellement aux mains de Gazprom, une entreprise monopolistique détenue à hauteur de 51 % par l'Etat fédéral . Ce dernier vient, d'ailleurs, d'augmenter récemment sa part de capital qui s'élevait, jusqu'en 2003, à 38 %, ce qui traduit une volonté de reprendre le contrôle de cette entreprise stratégique . Le Kremlin a également fait nommé, en 2001, à la tête de Gazprom, M. Alexandre Miller, vice-ministre de l'énergie et proche du président Vladimir Poutine.

Gazprom joue un rôle indispensable dans l'équilibre des finances publiques puisque les impôts qu'elle paie représentent près du quart des recettes fiscales du budget fédéral.

Mais, au-delà, son activité soutient l'ensemble de l'économie russe . Il convient, à cet égard, de rappeler que Gazprom, deuxième entreprise de Russie, emploie 300.000 personnes . Elle est un client privilégié pour les industries fabriquant des tubes pour les gazoducs, des turbines à gaz, mais également des hélicoptères, indispensables pour les déplacements dans les zones d'exploitation. Gazprom possède, en outre, une chaîne de distribution alimentaire, des terres agricoles et des parts de capital dans l'audiovisuel et le secteur bancaire, en particulier, à travers sa filiale Gazprombank. Ainsi, Gazprom assure, à elle seule, 8 % du PNB russe .

Enfin, cette entreprise fait bénéficier les autres secteurs de l'économie de facilités par la pratique des subventions croisées et des non-paiements de livraisons. En effet, ses clients, en vertu d'un usage hérité de la période soviétique, se dispensent souvent de régler leurs factures énergétiques. S eules 20 % des livraisons de gaz sur le marché intérieur seraient réglées de manière monétaire . Dans le meilleur des cas, le règlement se fait par troc ou prend la forme d'un crédits inter-entreprises. Ces pratiques pèsent sur la rentabilité du monopole, qui est grevé par l'importance des créances impayées.

Il en est de même pour le gaz destiné aux particuliers qui est, bien entendu, sous tarifé et constitue un soutien aux revenus du plus grand nombre.

3. Un secteur dont la libéralisation est délicate

Le secteur gazier reste monopolistique puisque Gazprom assure 88 % de la production gazière du pays . L'entrée récente sur le marché de quelques compagnies pétrolières possédant des réserves gazières et de la société Itéra, issue du capital de Gazprom, n'ont pas entamé sa suprématie. En effet, Gazprom détenant le monopole du transport et de l'exportation du gaz , ces entreprises sont tenues de lui céder leur production à un prix qu'elles fixent et ne peuvent accéder aux marchés extérieurs.

Cependant, le maintien de la situation actuelle pèse en partie sur la compétitivité du secteur . Force est de constater que Gazprom souffre d'une rentabilité insuffisante alors même qu'elle doit procéder à de nouveaux investissements pour rénover et développer son réseau de transport . Pour l'heure, la manne que représentent les exportations permet à l'entreprise publique d'équilibrer son déficit sur le marché intérieur, d'où l'importance stratégique que revêt le maintien du monopole d'exportation. Cette dépendance expose néanmoins, en permanence, l'entreprise au risque d'une baisse des cours du gaz.

Plusieurs tentatives de réforme ont échoué. Le dernier projet sur la table a été présenté à la fin de l'année 2002. Son objectif est de développer une concurrence modérée dans le secteur gazier en favorisant l'émergence d'opérateurs indépendants de Gazprom. Il s'agit d'introduire le principe de la liberté d'accès des opérateurs au réseau de transport géré par Gazprom et de mettre en place un second marché du gaz non réglementé, sous la forme d'une bourse, permettant aux consommateurs de s'approvisionner auprès de producteurs concurrents (Gazprom pourrait y accéder dans la limite de 5 % de sa production). Cette réforme prévoit aussi l'augmentation des tarifs domestiques réglementés du gaz, mais ne remet toutefois pas en cause le monopole d'exportation de Gazprom.

Aucune échéance n'a pour l'instant été donnée pour l'application de ce projet de réforme qui reste très éloigné d'une libéralisation totale impliquant la séparation entre activités de transport et de production, la suppression du monopole d'exportation et la liberté de formation des prix sur le marché intérieur. Le président Poutine reste d'une grande prudence sur ce sujet. Au-delà des intérêts financiers évidents de l'Etat fédéral et de la dimension stratégique de l'approvisionnement gazier , se pose la question de l'acceptabilité sociale d'une réévaluation des prix sur le marché intérieur.

Il reste que les pressions internationales , exercées notamment par l'Union européenne qui fait de la libéralisation des prix une condition d'accès de la Russie à l'OMC , pourraient, à terme, changer la donne, d'autant que la pérennisation du monopole n'est pas forcément avantageuse pour Gazprom.

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