III. QUEL EST L'IMPACT DES SUBVENTIONS DU FNADT ?
A. UN « SAUPOUDRAGE » ENCORE EXCESSIF
1. Un « saupoudrage » dénoncé depuis longtemps
Le « saupoudrage » des subventions du FNADT a été dénoncé dès 1996 par le ministre délégué au budget, un an seulement après la création du FNADT par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995.
Un saupoudrage dénoncé dès 1996 par M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget
« Lorsque nous avons fait réaliser le bilan de nos mécanismes d'aide au développement régional, nous avons constaté qu'il y avait encore trop de saupoudrage et de crédits inutilisés, malgré les efforts de tous - administration d'Etat, notamment préfectorale, DATAR, collectivités locales à tous les niveaux.
« Ainsi, au titre du FNADT, on a consacré l'année dernière 2 millions de francs pour une maternité collective de truies dans les Hautes-Pyrénées, 2 millions de francs pour une sculpture monumentale dans une vieille ville historique d'Indre-et-Loire, un million de francs pour aménager la terrasse d'un hôtel de ville en Auvergne, 2 millions de francs pour un centre de vacances d'un comité d'entreprise dans une île du littoral atlantique, 1,5 million pour un gîte d'étape dans les Cévennes...
« Chacun de ces investissements est utile, mais avons-nous besoin d'un fonds national d'aménagement et de développement du territoire - et donc du concours de l'ensemble des contribuables français - pour financer des équipements de ce genre à ce niveau-là ? Personnellement, je réponds non, et je considère que c'est probablement du gaspillage financier, et plus encore un gaspillage de temps et une complication de procédure inutile ! Ayons donc le courage de concentrer l'action sur quelques opérations régionales importantes, plutôt que de faire du saupoudrage !
« Le complément logique du saupoudrage est la sous-consommation des crédits. En matière de primes d'aménagement du territoire, l'année dernière, un tiers des crédits à peu près n'a pas été consommé ! »
Source : Jean François-Poncet, Bilan d'application de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, rapport d'information n° 475 (1995-1996), commission des Affaires économiques et du Plan
De même, dans son rapport d'enquête précité 31 ( * ) sur la section générale du FNADT (1998), l'inspection générale des finances préconise la mise en place de critères d'attribution des crédits du FNADT, parmi lesquels un montant minimal des opérations subventionnées (fixé à un million de francs).
2. Des opérations qui restent de petite taille
a) La fixation d'un seuil minimal dans le cas de la section générale
Conformément aux recommandations de l'inspection générale des finances, un montant minimal des subventions a été fixé dans le cas de la section générale . Ainsi, selon la circulaire du 9 novembre 2000, « pour ce qui concerne les opérations d'investissement d'intérêt régional, les préfets de région veilleront à ne proposer au financement par la section générale que les projets pour lesquels les demandes de subvention au titre du FNADT sont supérieures à 2 MF [soit environ 300.000 euros ], et qui concernent des opérations ou des tranches d'opérations dont le coût excède 10 MF [soit environ 1,5 million d'euros ] ».
Il est fréquent que des subventions soient proches de cette limite, comme l'indique le graphique ci-après. L'une d'entre elles lui est même inférieure, semble néanmoins pouvoir se justifier par sa nature.
1 re programmation 2003 du FNADT (section générale) : subventions accordées
(en euros)
Source : DATAR
b) Faut-il augmenter le montant minimal de subvention dans le cas de la section générale ?
Certains estiment que le problème du « saupoudrage » des actions du FNADT n'a pas été résolu.
Ainsi, dans son rapport au président de la République portant sur l'année 2001, la Cour des comptes considère que le FNADT « n'a pas réussi à concentrer ses interventions sur des opérations réellement significatives dans le domaine de l'aménagement du territoire ».
De fait, les opérations financées par le FNADT sont généralement de petite taille. En l'an 2000, il a financé plus de 3.000 projets , dont 2.000 concernaient des subventions de moins de 2 millions de francs (soit environ 300.000 euros) et 600 des subventions comprises entre 2 et 5 millions de francs (soit entre 300.000 euros et 750.000 euros environ) 32 ( * ) .
Ainsi, la plupart des subventions de la section locale sont d'un montant inférieur au seuil minimal fixé dans le cas de la section générale.
Il semble néanmoins utile que la section locale continue de pouvoir subventionner de petites opérations, du moins tant que les crédits correspondants n'auront pas été transférés aux collectivités territoriales.
En revanche, il pourrait être utile d'accroître le montant minimal des subventions de la section générale.
B. AU NIVEAU LOCAL, UN ÉQUILIBRE QUI PRIVILÉGIE FORTEMENT LA « SOLIDARITÉ »
Malgré l'inscription dans la loi du 25 juin 1999 d'objectifs correspondant à une logique d' « efficacité » 33 ( * ) , la logique de « solidarité » domine nettement au niveau local.
Les graphiques ci-après répartissent les engagements de crédits en 2000 et 2001 selon les agrégats retenus par la DATAR, et selon des agrégats déterminés par votre rapporteur spécial , plus proches des objectifs fixés par la loi du 25 juin 1999.
La répartition par objectif des engagements de crédits du FNADT, selon la DATAR
Sources : rapports au Parlement sur l'utilisation des crédits du FNADT
pour les années 2000 et 2001
La répartition par objectif des engagements de crédits du FNADT, selon une nomenclature plus proche de celle de la loi du 15 juin 1999
Sources : rapports au Parlement sur l'utilisation des crédits du FNADT
pour les années 2000 et 2001 ; calculs de votre rapporteur spécial
1. Une logique qui demeure avant tout celle de la « solidarité »
Il ressort des chiffres fournis par la DATAR que le FNADT continue de privilégier une logique de « solidarité ».
Les actions relatives à « l'aide au développement des territoires » correspondent à près de la moitié des crédits. Cette proportion tombe néanmoins à 40 % ou 45 % si l'on excepte de cet agrégat les actions destinées à la conversion économique.
La part des engagements destinés à la « structuration du territoire » est de l'ordre de 30 % selon la DATAR, et d'environ 25 % si l'on en exclut les actions en faveur des services publics locaux.
Les engagements correspondant aux objectifs législatifs répondant à une logique d' « efficacité » (« organisation d'agglomérations » et « renforcement de pôles de développement à vocation européenne et internationale ») sont donc faibles. Ils se limitent en effet à une partie de ceux destinés aux grandes opérations d'aménagement (de l'ordre de 15 millions d'euros par an) et aux agglomérations 34 ( * ) .
2. Les territoires les plus en difficulté sont-ils suffisamment pris en compte ?
Les territoires les plus en difficulté bénéficient cependant moins du FNADT que les agrégats retenus par la DATAR pourraient le laisser penser.
Selon le rapport annuel au Parlement, les actions en faveur des territoires les plus en difficulté , regroupées dans l'agrégat « mise en valeur des espaces », correspondraient à environ un quart des engagements.
Néanmoins, si l'on retranche de cet agrégat les « grandes opérations d'aménagement » (respectivement 17 % et 16 % en 2000 et 2001), qui concernent surtout les pôles de développement existants, et si on lui ajoute les actions en faveur des services publics locaux et de la conversion économique (respectivement 4 % et 8 % en 2001), c'est moins de 20 % des engagements qui correspondent aux territoires les plus en difficulté.
Ces considérations doivent cependant être nuancées par le fait que la frontière entre les agrégats « aide au développement du territoire » et « soutien des territoires en difficulté » semble assez floue , dans la mesure en particulier où la ventilation des crédits entre les différents objectifs est laissée à l'appréciation des services régionaux, ce qui peut conduire à des pratiques différentes d'une région à l'autre.
C. LA RÉPARTITION DES SUBVENTIONS ENTRE RÉGIONS EST-ELLE SATISFAISANTE ?
La loi du 25 juin 1999 ne fixe pas explicitement l'objectif d'un rééquilibrage territorial au niveau interrégional 35 ( * ) . Néanmoins, elle prévoit, à l'article 1 er de la loi du 4 février 1995, que la politique d'aménagement du territoire permet « un développement équilibré de l'ensemble du territoire national », et tend à « réduire les inégalités territoriales ». Par ailleurs, le rééquilibrage interrégional a longtemps été un objectif privilégié de la politique d'aménagement du territoire.
Il peut donc sembler intéressant de se demander dans quelle mesure les crédits du FNADT concourent à cet objectif.
Interrogée à ce sujet par votre rapporteur spécial, la DATAR a indiqué ne pas disposer du montant des subventions cumulées par région. Votre rapporteur spécial a donc calculé ces montants à partir des différents rapports au Parlement.
1. Une répartition proche de celle des contrats de plan Etat-régions
Il convient tout d'abord de rappeler que le FNADT contribue, par sa section locale, au financement des contrats de plan Etat-régions. Les engagements concernés sont de l'ordre de 45 millions d'euros par an.
Ainsi, la répartition des engagements du FNADT entre régions est évidemment très proche de celle prévue pour la contribution de l'Etat par les contrats de plan Etat-régions 2000-2006, financée à hauteur d'environ 7 % par le FNADT, comme l'indique le graphique ci-après.
CPER 2000-2006 : part de l'Etat et engagements du FNADT
(euros/ habitant)
(engagements de crédits du
FNADT 1997-2001)
(contribution de l'Etat pour
les CPER
2000-2006)
Sources : Datar, Insee
2. La Corse est la région de loin la plus subventionnée
Les graphiques ci-après indiquent la répartition des crédits et des engagements entre les différentes régions depuis 1997.
La courbe correspond à la relation tendancielle entre le PIB par habitant et les aides du FNADT. Les régions situées au-dessus sont donc plus aidées que les autres compte tenu de leur revenu par habitant, celles situées en-dessous sont moins aidées.
Ils montrent que, tout comme les contrats de plan Etat-régions, le FNADT a fortement favorisé la Corse , comme l'indiquent les graphiques ci-après.
PIB par habitant et dépenses du FNADT
Régions de métropole
1° Répartition des crédits décidée en CIADT et réunions interministérielles
Répartition des crédits du
FNADT 1997-2000 (euros/ habitant)
PIB/habitant (moyenne = 100) (1996)
Sources : Insee, rapports au Parlement sur l'utilisation des crédits du
FNADT
2° Engagements de crédits
Engagements de crédits du
FNADT 1997-2001 (euros/ habitant)
PIB/habitant (moyenne = 100) (1996)
Sources : Insee, rapports au Parlement sur l'utilisation des crédits du
FNADT
Ces graphiques permettent également de mettre en évidence le caractère privilégié de l'Ile-de-France en matière de PIB par habitant , deux fois plus élevé que celui des régions les plus pauvres. Les subventions par habitant dont elle bénéficie étant quasiment nulles, il semble difficile d'en critiquer le montant, à moins d'envisager une contribution négative.
3. Le cas des autres régions métropolitaines
Les graphique ci-avant montrent qu'en règle générale, plus une région est riche, moins elle bénéficie de subventions du FNADT .
Sur la base des engagements de crédits, les régions bénéficiant le plus du FNADT (plus de 25 euros par habitant depuis 1997) sont, outre la Corse, les suivantes :
- les régions minières en reconversion (Nord-Pas de Calais, Lorraine) ;
- le Massif central (Auvergne et Limousin) ;
- la région Midi-Pyrénées ;
- la Franche-Comté.
Cela correspond globalement à ce qu'on peut attendre d'une politique visant à limiter les déséquilibres entre régions 36 ( * ) .
4. Les investissements en infrastructures privilégient les régions minières et la Corse
Les économistes s'accordent généralement à penser que les dépenses contribuant le plus au développement économique sont celles en infrastructures. Ceci s'explique par l'impact positif d'une bonne dotation en équipements publics sur les productivités du travail - la main d'oeuvre - et du capital - investissements privés - des secteurs économiques marchands. En particulier, les équipements dits de « réseaux » (transports, eau, assainissement...) auraient une contribution sur l'efficacité productive de l'économie nettement supérieure à celle des équipements dits de superstructures (éducation, culture, santé, protection sociale...) 37 ( * ) . Par exemple, les investissements de transports diminuent les coûts en même temps qu'ils élargissent la taille des marchés, celui du travail notamment.
Or, la logique du FNADT est de concentrer ces subventions sur les zones minières. On peut rappeler à cet égard que l'un des cinq fonds regroupés lors de la création du FNADT était le fonds de restructuration des zones minières (GIRZOM). Ainsi, dans le cas de la section locale, la circulaire du 9 novembre 2000 prévoit qu' « à l'exception des programmes concernant la restructuration des zones minières inscrits dans les contrats de plan, le subventionnement d'infrastructures classiques (voirie et réseaux divers en milieu rural ou urbain), de mobilier urbain et d'immobilier d'entreprise est exclu du financement des projets d'investissement sous maîtrise d'ouvrage publique » 38 ( * ) .
Certaines zones minières ont d'ailleurs moins bénéficié des aides de l'Etat que d'autres. On peut en particulier s'interroger sur le traitement de certaines d'entre elles, celles du Massif Central en particulier (telles que Decazeville).
Ainsi, de 1997 à 2001 les subventions du FNADT destinées à financer des infrastructures ont nettement privilégié le Nord-Pas de Calais , la Lorraine et, dans une moindre mesure, la Corse , comme l'indique le graphique ci-après.
Investissements d'infrastructures
Crédits engagés de 1997 à 2001
Montant des investissements (euros/ habitant)
PIB/habitant (moyenne = 100) (1996)
Sources : Insee, rapports au Parlement sur l'utilisation des crédits du FNADT
Il n'est donc pas impossible que le FNADT ait surtout contribué au développement économique de trois régions : le Nord-Pas de Calais, la Lorraine et la Corse.
Cette appréciation doit cependant être considérée avec prudence . Il est en effet probablement trop schématique d'opposer des investissements en infrastructures, qui contribueraient fortement au développement économique, et les autres dépenses, qui y contribueraient peu. Il est cependant difficile d'être plus précis, compte tenu des insuffisances de l'évaluation de l'impact des opérations financées.
On peut néanmoins s'interroger sur la pertinence de l'interdiction, dans le cas de la section locale, des financements d'infrastructures . Il s'agissait, selon les indications fournies par la DATAR, de mettre fin à « certaines dérives » constatées par la Cour des comptes. Ces dernières concernaient en particulier l'immobilier d'entreprises, qui fait l'objet de règles d'encadrement extrêmement strictes, de niveau national ou communautaire. L'objectif était également d'éviter que le FNADT se transforme en outil de financement des infrastructures, ce qui l'empêcherait d' « exister » face au budget du ministère de l'Equipement (qui doit financer 35 % des contrats de plan Etat-régions, contre 7 % pour le FNADT). On peut cependant se demander si l'on n'est pas allé trop loin.
* 31 Rapport d'enquête de Madame Valérie Desmouceaux, inspecteur des finances, sur le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) - section générale, février 1998.
* 32 Source : rapport au Parlement sur l'utilisation des crédits pour l'année 2000.
* 33 La distinction entre logiques d' « équité » et d' « efficacité » est présentée en page 37 du présent rapport.
* 34 Le rapport au Parlement ne permet pas de distinguer ces derniers, inclus dans un objectif de « recomposition des territoires » comprenant également les crédits correspondant à la politique de « pays ».
* 35 On a vu que ses objectifs, inscrits à l'article 2 de la loi du 4 février 1995 modifiée, étaient au nombre de quatre : soutien des territoires en difficulté, développement local, organisation d'agglomérations et renforcement de pôles de développement à vocation européenne et internationale.
* 36 Il faut cependant souligner certains points.
Certaines régions au PIB par habitant inférieur à 85 % de la moyenne nationale sont peu subventionnées : Languedoc-Roussillon et, surtout, Poitou-Charentes et Picardie.
D'une manière générale, des régions au PIB par habitant analogue bénéficient de subventions par habitant différentes : par exemple, alors que la Franche-Comté et la région Centre ont un PIB par habitant de l'ordre de 90 % de la moyenne nationale, la première a reçu 32 euros par habitant, et la seconde 7,5.
* 37 TETRA, L'impact économique des grandes opérations d'aménagement : rapport final, ministère de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme. Direction des affaires économiques et internationales, 1996.
* 38 Une dérogation n'est possible que dans le cas de certains dossiers, en raison de leur qualité environnementale, du niveau de service induit ou parce qu'ils répondent à l'impératif de renouvellement urbain. La décision est prise par le comité de programmation de la DATAR.