DEUXIÈME PARTIE :
UN CONSTAT : L'ABSENCE DE DÉFINITION DES MOYENS ET DES MISSIONS FONDÉE SUR LES BESOINS PRIORITAIRES EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ PUBLIQUE

L'analyse des observations convergentes des experts d'ACCENTURE et de la mission interministérielle sur les régimes de service dans la police et la gendarmerie nationales conduit votre rapporteur à souligner deux insuffisances majeures qui entravent l'accomplissement des missions de sécurité publique :

- d'une part, une répartition des effectifs sous-optimale, bien que les réorganisations en cours traduisent les efforts actuellement entrepris pour corriger ces inégalités ;

- d'autre part, une utilisation incomplète de ressources informatiques mal réparties et insuffisantes pour opérer un suivi et une programmation de l'activité.

L'examen des conditions d'exercice de leur mission de sécurité publique par la police et la gendarmerie montre en outre un poids excessif des tâches administratives sans lien direct avec la sécurité.

I. UNE RÉPARTITION DES MOYENS HUMAINS INSATISFAISANTE

La répartition des moyens accordés à la politique de sécurité intérieure n'est pas satisfaisante d'un double point de vue :

- dans l'espace : la répartition des effectifs n'est qu'imparfaitement adaptée à la carte de la délinquance ;

- dans le temps : malgré la politique de renforts saisonniers, la répartition du nombre de fonctionnaires ne prend qu'insuffisamment en compte les variations saisonnières de la population ; en outre, des décalages importants peuvent apparaître entre les horaires de travail et les heures où surviennent les faits de délinquance.

Ces inégalités doivent être identifiées et résorbées, afin que les forces de sécurité intérieure exercent pleinement leur mission au service des citoyens.

La réorganisation des forces en cours devrait toutefois permettre de corriger ces importantes disparités.

A. UNE RÉPARTITION DES EFFECTIFS INADAPTÉE AUX ÉVOLUTIONS DE LA DÉLINQUANCE

1. Une préoccupation ancienne du Parlement

Ainsi que le soulignait dès 1998 le rapport au Premier ministre de notre regretté collègue député Roland Carraz et de notre collègue Jean-Jacques Hyest 14 ( * ) , la répartition des forces de sécurité intérieure ne donnait alors pas clairement la priorité aux régions les plus touchées par la délinquance ; les différents projets devaient être appréciés à l'aune d'une véritable obligation de résultats ; les deux forces et l'ensemble des administrations devaient s'engager dans des partenariats pour faire reculer l'insécurité.

Les experts d'ACCENTURE ont mis en exergue quelques exemples particulièrement frappants de décalages persistants entre les effectifs disponibles et les besoins (cf encadré ci-dessous) 15 ( * ) .

L'inadéquation entre la répartition des effectifs et des besoins :
quelques exemples relevés

« Exemple : une des brigades de gendarmerie visitées est affectée du ratio le plus courant d'un gendarme pour 1.000 habitants et dispose de 10 gendarmes pour près de 14.000 résidents à l'année. Toutefois, dès la sortie de l'hiver, a fortiori en pleine saison estivale, la population à protéger est presque décuplée. Pour renforcer cette brigade, l'effectif est augmenté de seulement 28 militaires qui ne resteront que pendant les deux mois d'été, alors que le tourisme se poursuivra plusieurs semaines encore.

« Exemple : la jeunesse des effectifs en Région Parisienne et la difficulté à obtenir des encadrants expérimentés constitue un facteur de risque très important. Nombreuses sont ainsi les patrouilles d'un des commissariats de la Préfecture de Police constituées d'un stagiaire et d'un ADS encadrés par un Gardien de la Paix d'un an et demi d'ancienneté. De même, dans une brigade de gendarmerie, la proportion de gendarmes non titulaires (« mono-galons ») observée témoigne de la très grande pénurie de sous-officiers expérimentés dans une zone où la pénibilité du travail est pourtant reconnue par la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale.

« Exemple : dans un commissariat central, le mois de septembre correspond systématiquement à un sous-effectif. A cette période en effet, les mutations ont pris effet dans le sens Région Parisienne - Province, mais les remplacements ne sont pas encore réalisés ».

Source : rapport d'ACCENTURE en annexe

Les incitations fiscales à l'occupation de postes dans les quartiers urbains difficiles se caractérisent par une certaine dispersion et elles ne représentent qu'une part relativement faible de l'ensemble des primes versées, comme l'ont montré les rapports successifs de la Cour des Comptes sur la fonction publique d'Etat.

En ce qui concerne la police nationale, des crédits ont été votés dans la loi de finances pour 2003 à hauteur de 1,7 million d'euros au titre de l' « indemnité pour exercice sur poste difficile allouée à certains fonctionnaires actifs de la police nationale » et de 32,9 millions au titre de l'indemnité de fidélisation. L' « indemnité pour exercice sur poste difficile allouée à certains fonctionnaires actifs de la police nationale » ne bénéficie plus qu'aux agents des corps de maîtrise et d'application, suivant différents barèmes spécifiques aux zones géographiques, en particulier les secrétariats généraux pour l'administration de la police (SGAP) de Paris et de Versailles et les fonctionnaires affectés en Corse.

L'indemnité de fidélisation est versée aux agents exerçant des fonctions à risques dans des zones difficiles pour les inciter à rester. La Cour des Comptes a reproché à cette indemnité de faire double emploi avec des primes propres aux fonctionnaires des SGAP de Paris et de Versailles, de ne pas être suffisamment ciblée, d'être excessivement complexe et de ne présenter qu'une utilité discutable, dans la mesure où les mutations n'interviennent pas avant un délai de 7 à 9 ans, ce qui signifie une fidélisation de fait.

Des adaptations locales peuvent répondre à la nécessité de renforcer la présence des forces de sécurité intérieure à certains lieux ou à certaines heures. A Toulouse, le directeur départemental de la sécurité publique a obtenu que les horaires des policiers de proximité soient décalés vers la soirée (de 18 heures à 21 heures), conformément à l'évolution des données de la délinquance au cours de la journée. Cette adaptation a donné lieu à un accord local avec les syndicats de police, puisque le règlement général d'emploi des forces de police fixe à 18 heures l'horaire de fin de service.

Mais une réponse au plan national suppose de pouvoir corréler la répartition des moyens aux besoins. Dans le rapport de votre commission sur le projet de loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure, votre rapporteur soulignait déjà la nécessité de disposer d'un indicateur de référence : le nombre de faits de délinquance rapporté aux effectifs des forces de sécurité intérieure. Tel est l'objet de la notion d'effectifs de référence .

* 14 Roland Carraz et Jean-Jacques Hyest, « Une meilleure répartition de la police et de la gendarmerie pour une meilleure sécurité publique », la Documentation française, 1998.

* 15 Cf. rapport d'ACCENTURE p. 104 de l'annexe.

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