CONCLUSION
A l'évidence, les rapports issus des travaux des groupes constitués au sein de la commission des comptes de la sécurité sociale peuvent contribuer à terme, par les analyses et les réflexions qu'ils comportent, à une évolution maîtrisée des dépenses d'assurance maladie.
Il est certain que des responsabilités clairement établies dans la gestion de la branche maladie du régime général ne pourraient avoir que des effets positifs là où s'instaurent aujourd'hui des griefs croisés : intrusion de l'Etat, dont le temps politique relève du court terme et la faiblesse à l'égard des intérêts catégoriels se révèle constante ; a contrario , plainte rituelle des partenaires sociaux à l'égard de cette intrusion qui les dispense souvent d'agir.
Il est non moins évident qu'il serait hautement souhaitable que les efforts de pédagogie des régimes obligatoires à l'égard tant des professionnels de santé que des assurés ne soient plus annihilés par les ajustements opérés en sens contraire par les assureurs complémentaires.
Enfin, il serait logique qu'un ONDAM médicalisé, construit à l'issue d'une longue concertation avec les professionnels de santé, voire les usagers, ait plus de chance d'être spontanément ou conventionnellement respecté qu'un objectif comptable et vain se résumant à un taux de progression arbitraire.
Mais, au-delà de ces vérités d'évidence, comment ne pas considérer que M. Jean-François Chadelat profère une vérité première lorsqu'il déclare devant votre commission : « si les dépenses de santé continuent à évoluer au rythme actuel, mon exercice, comme celui de M. Coulomb et de Mme Ruellan, n'a plus de sens » 61 ( * ) .
De fait, il est inenvisageable que les dépenses d'assurance maladie puissent continuer à progresser au rythme de 6 à 7 % par an. Aucune recette mise face à ces dépenses ne peut afficher un tel dynamisme. Ce qui veut dire que, tous les cinq ans, il faudra affecter de nouvelles taxes ou de nouvelles cotisations à l'assurance maladie.
Cela veut dire également que, si l'on retient une hypothèse, qui aujourd'hui serait optimiste, d'une progression des dépenses d'assurance maladie de deux points seulement supérieure à la croissance de la richesse nationale, les premières atteindraient, en 2040, plus de 16 % du PIB contre 8 % en 2003, soit un doublement.
Ce contexte incite à la plus grande prudence quant à la distribution généreuse de nouveaux points de CSG que d'aucuns proposent. Ces points ont été successivement évoqués pour combler le déficit de l'assurance maladie, pour garantir la pérennité de l'allocation personnalisée d'autonomie - avancée aussi généreuse que peu financée par le précédent gouvernement - et naturellement pour équilibrer les régimes de retraite par répartition. Il resterait à mentionner encore le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) auquel il manque également une fraction de CSG.
Sans même s'interroger sur l'augmentation massive des prélèvements obligatoires qui en résulterait, la « multiplication des points » de CSG, impôt dont chacun souligne les mérites - son assiette large et son taux bas - conduirait inéluctablement cet impôt dans la voie des exonérations, des abattements et des niches fiscales qui caractérisent les défauts de notre impôt sur le revenu.
Il reste que si, aujourd'hui, chacun peut mesurer le bien-fondé d'une réforme réfléchie et profonde de l'organisation de notre système de santé et d'assurance maladie, la réflexion est passablement bousculée par la grave crise financière que connaît aujourd'hui la CNAMTS.
Cette situation constitue un phénoménal retour en arrière, à l'époque où l'actualité de la sécurité sociale était faite de « trous » et de plans de redressement d'urgence destinés à les combler, généralement par des mesures de court terme.
Les lois de financement de la sécurité sociale créées par les réformes constitutionnelle et organique de 1996 devaient précisément ouvrir une période nouvelle, celle d'un rendez-vous annuel devant le Parlement permettant d'apporter en temps utile les inflexions nécessaires dans le cadre d'un débat démocratique et transparent.
Ce rendez-vous annuel, le précédent gouvernement n'a pas voulu le faire vivre tout au long de la précédente législature. Il s'est contenté de constater une prétendue « robustesse du redressement des comptes sociaux », c'est-à-dire de se féliciter qu'une conjoncture exceptionnellement favorable masque un bref moment la dégradation des « fondamentaux » et permette de surcroît de ponctionner les finances sociales au profit de la coûteuse politique des trente-cinq heures.
Aujourd'hui, il appartient au Gouvernement tout à la fois de résoudre la crise financière de l'assurance maladie, de mettre en oeuvre sa réforme différée et de redonner un sens aux lois de financement qui ont pour mission de garantir notre protection sociale contre une gestion « au fil de l'eau » qui en compromet les acquis. Nul doute que la tâche est considérable.
* 61 Cf. compte rendu des auditions annexé au présent rapport.