B. DES EFFETS MARQUANTS SUR L'AGRICULTURE FRANÇAISE
1. Une concentration et une spécialisation marquées des exploitations
Au cours des dix dernières années, les exploitations agricoles françaises se sont agrandies dans leur ensemble, tandis qu'on assistait à un mouvement continu de restructurations.
La « superficie agricole utilisée » (SAU) moyenne a augmenté de 37 %, tandis que le nombre d'exploitations professionnelles françaises diminuait de 23 %. Au niveau national, l'augmentation des surfaces s'est accompagnée d'un accroissement de la main d'oeuvre totale et surtout salariée par exploitation (en moyenne + 43 %). La surface cultivée par travailleur s'est cependant accrue de près de 30 %.
Du fait de l'agrandissement des exploitations, les charges ont fortement augmenté (+ 43 % par exploitation ; + 5 % par hectare), cette tendance à l'agrandissement de la taille des exploitations constituant d'ailleurs un frein à l'installation.
2. Un revenu en croissance
a) Analyse générale
On note que la valeur ajoutée moyenne par exploitation s'est stabilisée (+ 3 %) sur la période, ce qui correspond néanmoins, à surface constante, à un important recul (- 25 %).
Malgré la baisse des prix garantis (céréales et viande bovine), le produit brut moyen des exploitations professionnelles françaises a progressé de 27 % sur la période, avec l'augmentation combinée des surfaces, des rendements et de la taille des cheptels.
D'une manière générale, la situation économique et financière des agriculteurs français s'est donc sensiblement améliorée au cours des dix années écoulées. Les exploitations se sont agrandies, les revenus ont augmenté, le poids du service de la dette est resté stable. Le taux d'endettement global s'est toutefois accentué.
On soulignera cependant le problème constitué par l'érosion des prix payés aux producteurs, s'agissant notamment des produits « standards » (sans origine ou signe de qualité particuliers).
b) Résultats sectoriels
S'agissant des grandes cultures , on sait que les réformes de 1992 et 1999 se sont traduites par une baisse des prix garantis partiellement compensée par une augmentation des aides directes découplées des volumes produits. A la veille des accords de Berlin, les « céréaliers » percevaient près de la moitié des aides directes octroyées aux agriculteurs français, ces transferts permettant juste de compenser les pertes liées aux baisses de prix payés aux producteurs.
Le total des revenus perçus par les producteurs de céréales, d'oléagineux et de protéagineux représente aujourd'hui entre un quart et un tiers du revenu global du secteur agricole, proportion identique à celle constatée il y a dix ans.
Les exploitations ont évolué au même rythme que la moyenne nationale, tant quant au nombre de producteurs que de la superficie agricole cultivée, tandis que les recettes augmentaient d'environ 220.000 francs par exploitation.
En 1999, les transferts publics directs ont représenté, en moyenne, 91 % du revenu disponible des exploitations « grandes cultures ». Les mesures adoptées dans le cadre d'Agenda 2000 n'ont pu que renforcer ce pourcentage. L'avenir de ces entreprises est donc lié au sort qui sera réservé aux aides compensatoires de la « boîte bleue ». Selon les professionnels, le maintien du revenu des producteurs français à son niveau de 1999 supposerait, en l'absence de toute aide directe, des prix payés aux producteurs d'environ 30 % supérieurs aux cours actuels. On relève que la « productivité du capital » des exploitations « grandes cultures » s'est améliorée au cours des dix dernières années en raison d'un recours accru au fermage.
L'autosuffisance en matière de céréales (au profit du secteur de l'alimentation animale et des productions dérivées que sont le porc et les volailles) a constitué une des grandes réussites des réformes de la PAC .
Dans le secteur bovin, on a assisté à une augmentation considérable de la « superficie agricole utilisée » des exploitations de viande bovine (+ 27 %) et de leur cheptel (+ 40 % de vaches allaitantes par exploitation). Dans le même temps, on a relevé une disparition de plus de 10 % des exploitations d'élevage. Au niveau national, l'augmentation généralisée des surfaces s'est accompagnée d'un accroissement, par exploitation, de la main d'oeuvre totale et notamment salariée.
Malgré la baisse des prix garantis décidée en 1992, le produit brut des élevages bovins a progressé de 23 % par exploitation sur la période, et ce directement du fait de l'augmentation des cheptels.
L'accroissement des soutiens publics, combiné aux baisses d'impôts et taxes, ont conforté l'excédent brut d'exploitation des exploitations, qui a crû de 55 % sur la période. Le résultat disponible a gagné ainsi près de 75 % par exploitation, soit 37 % pour un résultat ramené à l'hectare. Enfin, l'autofinancement net a augmenté sur la période, et ce malgré une progression des prélèvements privés de l'exploitant.
Au même titre que les autres exploitations, celles du secteur viande bovine se sont de plus en plus spécialisées tandis que la dépendance de leurs revenus vis-à-vis des soutiens publics s'accroissait au cours des dix années, les rendant très vulnérables à toute modification de politique agricole.
On sait que c'est le secteur laitier qui a connu la plus forte réduction du nombre d'exploitations agricoles durant la décennie 90 (un tiers des disparitions des exploitations françaises). Ce sont les petites exploitations de plaine qui ont subi, au demeurant, la plus grande désaffection pour ce système de production.
Au niveau de la « filière lait », les exploitations spécialisées ont perdu une part importante des quotas au profit des exploitations laitières diversifiées. Cette transformation, lancée en 1984 avec l'apparition des quotas, s'est accrue avec la mise en place de la préretraite.
Les produits bruts de ces exploitations ont enregistré un accroissement légèrement supérieur à celui de l'ensemble des exploitations françaises, essentiellement grâce à la stabilité des prix du lait induite par le régime des quotas . L'action des quotas et les mesures de restructuration ont conduit les exploitations laitières à une forte augmentation de la valeur ajoutée, alors que les autres productions sans quota ont enregistré, à cet égard, une stagnation durant la décennie à cause de la baisse des prix.
Les aides reçues par les exploitations laitières ont concerné essentiellement les productions végétales que ce soit en céréales ou en maïs fourrager. Le niveau d'aide a été plus faible que pour les grandes cultures et la viande, et ces exploitations ont été moins dépendantes des aides publiques.
Le revenu des laitiers (plus faible que celui de la moyenne des agriculteurs français) s'est accru grâce à un accroissement soutenu de la productivité du travail .