ANNEXE VI - EXAMEN EN COMMISSION

Dans sa séance du jeudi 3 avril 2003, la Commission des Affaires économiques a procédé à l'examen du à l'examen du rapport d'information de M. Gérard César sur la politique agricole commune.

Observant que, pendant l'année de ses travaux, la mission d'information sur la politique agricole commune (PAC), présidée par M. Marcel Deneux, absent ce jour pour raison de santé, avait entendu plus de cinquante personnes, M. Gérard César , rapporteur, a indiqué que les conclusions qu'il allait présenter, approuvées la veille à la majorité par les membres de la mission, aborderaient le contenu du projet de réforme présenté par la Commission européenne et rappelleraient le contexte dans lequel elle s'inscrivait, avant de prendre position sur le « projet Fischler » et de dégager des propositions pour l'avenir de la PAC.

S'agissant du projet de réforme, M. Gérard César , rapporteur, a tout d'abord présenté les raisons lui paraissant rendre inopportune l'adoption d'une nouvelle PAC en 2003. Il a ainsi constaté l'absence de justification budgétaire interne, le cadre budgétaire de la PAC actuelle défini à Berlin en 1999 devant courir jusqu'en 2006 et, pour la période ultérieure, le Conseil européen de Bruxelles ayant décidé, en octobre 2002, de plafonner les dépenses du premier pilier de la PAC à leur niveau de 2006 pour éviter toute dérive budgétaire après l'élargissement. Il a également contesté qu'une réforme d'envergure de la PAC puisse être nécessaire pour avoir davantage de marges de manoeuvre lors des négociations à l'OMC : au contraire, il a estimé qu'il serait naïf d'offrir d'entrée de jeu des concessions aux partenaires de l'Union européenne, observant que certains d'entre eux, tels les Etats-Unis, avaient augmenté de manière significative leurs soutiens à l'agriculture peu de temps avant le début du cycle, et que procéder à une réforme de la PAC avant l'aboutissement des négociations ferait courir à l'Union le risque « de payer deux fois ». Enfin, M. Gérard César, rapporteur, a considéré que l'adoption d'une nouvelle PAC, trois ans seulement après l'entrée en vigueur de la précédente, bouleverserait les repères des agriculteurs et risquerait de rendre le secteur encore moins attractif auprès des jeunes, qui ont besoin d'un minimum de visibilité pour l'avenir.

Puis M. Gérard César , rapporteur, a détaillé les arguments conduisant la mission d'information à s'opposer sur le fond à la réforme proposée. Il a ainsi observé que le découplage total des aides était une proposition excessivement risquée, dans la mesure où le caractère historique des droits à primes allait susciter des distorsions de concurrence au sein d'un même secteur, puisque tous les producteurs n'auraient pas droit aux aides, et déstabiliser les marchés, notamment en raison des reconversions de production éventuellement opérées par les intéressés. Il a ajouté craindre que les productions, en l'absence d'un encadrement par des instruments spécifiques à chaque filière (primes, quotas) et gérés au plus près du territoire, se délocalisent vers les zones les plus rentables, au risque de favoriser une intensification préjudiciable à l'environnement et d'induire un délaissement des zones les plus difficiles, avec comme conséquence une accentuation de la déprise agricole. Il a enfin estimé que l'attribution d'une aide déliée de toute obligation de produire pourrait conduire à une réduction globale de la production agricole et du nombre des exploitants.

M. Gérard César , rapporteur, a par ailleurs qualifié de « leurre absolu » la proposition visant à procéder à de nouvelles baisses de prix en vue d'un alignement sur les prix mondiaux, dès lors que ceux-ci ne sont pas les prix de l'ensemble des productions agricoles, mais seulement ceux des productions échangées. Or, a-t-il ajouté, le prix mondial subit des pressions à la baisse sous l'effet des soutiens à l'exportation pratiqués par les pays riches, mais aussi en raison des conditions de production dont bénéficient certains pays agricoles. Il a ainsi conclu, après avoir relevé que la variabilité caractérisant les marchés agricoles rendait indispensable le recours à des mesures ponctuelles de régulation, que le démantèlement des instruments de gestion prévu pour accompagner la baisse des prix était également contestable.

M. Gérard César , rapporteur, a enfin considéré que le projet de réforme comportait des lacunes manifestes, en passant sous silence la situation de secteurs pour lesquels des propositions étaient attendues, telles la filière « fruits et légumes », qui souffre d'une insuffisante organisation de la production avec, comme conséquence, d'importantes variations de prix, ou les cultures oléagineuses, dont la production intérieure ne couvre que 25 % des besoins de l'Union européenne en protéines végétales. Il a également relevé qu'aucune mesure structurelle n'était prévue pour sécuriser l'environnement des agriculteurs, citant, en particulier, le dossier de l'assurance-récolte et de l'assurance-revenu, qui lui paraît fondamental pour les secteurs ne bénéficiant pas d'une organisation commune de marché (OCM) structurée.

Après cette analyse critique, M. Gérard César , rapporteur, a présenté les orientations adoptées par la mission d'information.

Il a tout d'abord indiqué qu'elle réaffirmait le choix d'un modèle agricole fondé sur des exploitations moyennes, à l'opposé des grandes exploitations intégrées qui se développent dans les pays où l'agriculture est entièrement libéralisée, et qu'elle plaidait pour que la PAC reste le garant d'un tel modèle.

S'agissant de la réforme proprement dite, il a insisté sur le maintien du rôle structurant du premier pilier, véritable pierre angulaire de la PAC. A cette fin, il a déclaré que la mission refusait les baisses de prix proposées et demandait la conservation des instruments de régulation conjoncturelle du marché et le rétablissement de ceux qui ont été supprimés (telle l'intervention publique en viande bovine). Souhaitant également que soient préservés les mécanismes de maîtrise de l'offre, comme la possibilité de faire varier le taux de jachère applicable aux grandes cultures ou les quotas laitiers, il a souligné l'intérêt de prendre, dès à présent, la décision de maintenir les quotas laitiers jusqu'en 2013, la présence des nouveaux Etats membres à partir de 2004 risquant de rendre cette décision plus aléatoire.

Puis M. Gérard César , rapporteur, a précisé que la mission refusait le schéma de découplage total et demeurait attachée au maintien d'aides spécifiques par secteur de production, et préconisait aussi une simplification dans le secteur de la viande bovine par le remplacement des différentes aides bovines par une seule aide directe, dont le calcul tiendrait compte, non seulement du taux de chargement, mais également d'autres critères, comme l'emploi et les potentialités des régions naturelles.

Considérant par ailleurs qu'un renforcement modéré du deuxième pilier par un mécanisme de modulation généralisé serait positif, M. Gérard César, rapporteur, a estimé que ce deuxième pilier pouvait aider les agriculteurs à répondre aux attentes de la société, en matière d'environnement, d'aménagement du territoire, de qualité des produits ou de bien-être animal, toutes considérations qui influencent l'évolution des pratiques agricoles. A cet égard, il a souligné que le champ des actions susceptibles d'être ainsi financées pourrait être élargi pour, par exemple, encourager le développement de l'assurance-récolte, accroître la production d'oléagineux ou faciliter les mises aux normes. Considérant qu'il faudrait toutefois simplifier le fonctionnement de ce deuxième pilier, notamment en assouplissant les règles de gestion des crédits et en reconnaissant une plus grande autonomie aux Etats membres, il a ajouté que la mission d'information était également favorable à une diminution du cofinancement exigé en la matière, car cette contrainte en freinait considérablement la mise en oeuvre. Enfin, se déclarant opposé au prélèvement, sur le premier pilier, de crédits en vue de financer des démantèlements ultérieurs d'OCM, tels que celles du lait ou du sucre, il a estimé que la double finalité du dispositif de modulation/dégressivité proposé par la Commission européenne en faisait un mécanisme très complexe qui rendrait difficile la lecture de la répartition des dépenses agricoles.

Enfin, M. Gérard César , rapporteur, a présenté les autres orientations que devrait, selon la mission d'information, prendre la PAC. Il a tout d'abord plaidé en faveur d'un positionnement différent de l'Union européenne sur les marchés mondiaux, considérant que les écueils du libre-échange intégral en agriculture, notamment pour les pays les moins avancés, justifiaient le droit pour chaque pays ou ensemble de pays à conduire des politiques agricoles autonomes. Dans ce contexte, il a préconisé une restauration de la préférence communautaire, notion renvoyant à une ouverture raisonnable aux importations et à des concessions mesurées sur ce volet dans le cadre de l'OMC, et nécessitant de remédier aux distorsions existantes tant dans le domaine douanier (secteur de la volaille, concurrencé par les importations saumurées du Brésil, ou secteur céréalier, éprouvé par les importations en provenance de la Mer noire) qu'en matière de normes sanitaires et qualitatives, qui sont souvent moins exigeantes que celles appliquées par l'Union européenne. Il a, de plus, estimé que la préférence communautaire devrait également conduire l'Europe à développer sa propre production d'oléo-protéagineux par une forte revalorisation des soutiens spécifiques, relevant qu'une telle politique nécessiterait de renégocier l'accord de Blair House qui, au demeurant, paraît de moins en moins justifié compte tenu de la libéralisation croissante du secteur céréalier.

S'agissant des effets de la PAC sur les pays en développement (PED), M. Gérard César , rapporteur, s'est interrogé sur la légitimité de certains instruments au regard de leurs effets pour les PED. Il a ainsi indiqué que la mission d'information estimait que les restitutions aux exportations devraient être progressivement réduites, à condition, toutefois, que les pays développés recourant à des soutiens moins transparents à l'exportation, tels que les crédits à l'exportation, les suppriment également, et qu'elle soutenait l'idée de préférences commerciales spécifiques dans le domaine agricole en faveur des pays les plus pauvres.

Enfin, M. Gérard César , rapporteur, a souligné que le rapport de la mission d'information préconisait d'accompagner l'intégration des nouveaux Etats membres à l'Union européenne à partir de 2004 par l'attribution d'aides et de prêts destinés à faciliter la modernisation de leurs agricultures et par le développement de coopérations et de transferts de savoir-faire en matière de gestion des aides PAC, par exemple pour la mise en place des services vétérinaires ou au niveau des organisations professionnelles. Evoquant les enseignements tirés du déplacement effectué par la mission en Pologne, il a souligné le puissant désir de contacts de ces pays et l'importance pour la France de ne pas laisser ce champ de la coopération aux seuls Etats membres de sensibilité anglo-saxonne, tels que la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas, afin notamment que leur influence ne contrarie pas nos espoirs d'alliance sur la PAC avec des pays qui restent très attachés à l'agriculture.

Un débat s'est engagé à l'issue de cette présentation.

M. Gérard Larcher, président , s'est interrogé sur la manière dont l'accord de Blair House de 1992 pourrait être renégocié. Il a souligné l'intérêt du deuxième pilier et souhaité que la France mette davantage à profit les possibilités qu'il offre. Enfin, il a mis en garde contre la dérive anthropomorphique qui est à l'oeuvre dans la législation sur le bien-être animal.

Rappelant qu'avec l'accord de Blair House, l'Union européenne s'était engagée à ne pas soutenir ses cultures oléagineuses en contrepartie de l'acceptation, par les Etat-Unis, d'une organisation commune de marché forte en faveur des céréales, dans le cadre de la PAC, M. Gérard César , rapporteur, a estimé qu'une renégociation devrait avoir pour objet de permettre à l'Union européenne d'accorder des soutiens spécifiques suffisamment incitatifs à la production d'oléagineux, en contrepartie de la diminution, déjà largement appliquée, des aides aux céréales. Il a par ailleurs fait observer que la sous-consommation des crédits du premier pilier de la PAC par rapport aux plafonds définis à Berlin en 1999 constituait une marge de manoeuvre budgétaire pouvant permettre d'appliquer une modulation raisonnable, afin de renforcer le deuxième pilier, sans affecter l'intégrité du premier pilier.

M. Gérard Le Cam a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen partageait un grand nombre des orientations retenues dans le rapport, tout en mettant davantage l'accent sur la nécessité de rééquilibrer le budget de la PAC en faveur du développement rural, de revoir les critères de répartition des primes et de développer le volet social de la politique agricole. Il a ajouté que ces thèmes seraient développés dans la contribution écrite de son groupe, figurant en annexe du rapport sur lequel il exprimerait une abstention positive.

Considérant que la Commission européenne avait acquis trop d'influence dans le processus de réforme de la PAC, M. Gérard César , rapporteur, a souhaité que les Etats membres réaffirment leur volonté au sein du Conseil des ministres. Il a en outre relevé que l'Autriche tirait intelligemment profit des deux piliers de la PAC, au grand bénéfice de son agriculture, comme l'avaient constaté les sénateurs de la mission d'information en se rendant, en janvier dernier, dans ce pays.

Après avoir souligné les aspects positifs du rapport, M. Daniel Reiner a considéré que l'existence d'un cadre budgétaire pour la PAC sur le long terme ne devait pas interdire des avancées sur des sujets tels que le découplage partiel des aides directes. Il a également appelé l'Union européenne à rechercher des alliés dans le monde, afin de ne pas rester isolée dans les négociations agricoles de l'OMC, M. Gérard César, rapporteur, admettant la difficulté de s'opposer aux critiques virulentes contre la PAC exprimées, sous l'impulsion des Etats-Unis, par les pays du Groupe de Cairns.

M. Daniel Reiner a en outre estimé nécessaire d'aider les futurs Etats membres de l'Union européenne à moderniser leur secteur agricole pour éviter que des écarts trop importants ne se creusent au sein de l'agriculture européenne. Enfin, après s'être déclaré favorable à une modulation raisonnable, non préjudiciable au premier pilier, il a mis en garde contre le risque de renationalisation des politiques agricoles.

Relevant que la notion de découplage partiel était intéressante, mais devait encore être clarifiée, M. Gérard César , rapporteur, a indiqué que le rapport demandait la réalisation, au niveau européen, d'une synthèse de diverses propositions formulées dans ce domaine, assortie de simulations précises.

M. Gérard Larcher , président, a souhaité que le rapport insiste sur la notion de découplage partiel des aides, ainsi que sur la nécessité de préserver l'environnement industriel de l'agriculture, telles les technologies du machinisme agricole permettant de disposer de grosses motorisations, qui fait partie intégrante du « pouvoir vert » de l'Union européenne.

M. Hilaire Flandre a rappelé que les deux principaux objectifs de la PAC étaient d'assurer la sécurité alimentaire de l'Union européenne et de garantir un revenu aux agriculteurs. Observant que les échanges agricoles internationaux étaient très faibles par rapport à la production agricole mondiale, il a déploré que la PAC soit sans cesse accusée de nuire aux intérêts des pays en développement, alors que l'Union européenne constitue le premier débouché pour leurs importations.

M. Yves Détraigne s'est félicité du travail accompli dans le cadre de la mission d'information, constatant que le rapport dénonçait utilement certaines idées reçues, comme la nécessité de réformer la PAC avant l'aboutissement des négociations à l'OMC ou de chercher à aligner les prix européens sur les prix mondiaux. Il a considéré que ces travaux donnaient une véritable ligne au Sénat, avec des propositions réalistes, mais néanmoins susceptibles de faire évoluer la PAC.

Après avoir rappelé l'importance des surfaces agricoles consacrées aux cultures céréalières, M. Bruno Sido a souhaité que les aides allouées à ce titre varient selon les coûts de production de chaque Etat membre ou région. Faisant valoir l'intérêt d'une adaptation de la PAC à chaque situation locale, il a indiqué que, dans les zones intermédiaires, les soutiens alloués aux céréaliers leur permettaient à peine de vivre décemment. Constatant l'existence de nombreuses inégalités, il a plaidé pour une remise à plat des régimes de l'ensemble des produits agricoles couverts par la PAC. Enfin, il a considéré que l'actuel statut du fermage contribuait à fausser le prix des terres agricoles, qui ne correspond plus désormais à leur valeur économique réelle.

M. Gérard César , rapporteur, a souligné que le rapport s'opposait à la baisse des prix des céréales proposée par le commissaire Fischler et proposait de mobiliser divers instruments pour apporter des revenus supplémentaires aux zones intermédiaires, tels que le deuxième pilier et les fonds structurels. Il s'est néanmoins déclaré favorable à l'instauration d'une modulation raisonnable pour développer le deuxième pilier. Enfin, il a affirmé que la question du fermage pourrait être abordée au moment de l'examen du projet de loi sur les affaires rurales.

Relevant que le calcul des aides compensatoires aux céréales en fonction des rendements historiques régionaux était à l'origine de profondes injustices, y compris entre des régions très proches, M. Hilaire Flandre a confirmé que le statut du fermage était inadapté en expliquant, à titre d'exemple, que le renouvellement automatique des baux rendait quasiment impossible la reprise des terres par les propriétaires.

M. Gérard Larcher , président, constatant que la situation des zones intermédiaires posait une vraie question, a souhaité que des compensations leur soient attribuées, en cas d'instauration de la modulation, et a estimé que les problèmes liés au statut du fermage pourraient faire l'objet d'un rapport ciblé de la commission. Enfin, s'agissant de la mise à plat de l'ensemble des organisations communes de marché, il a défendu le régime sucrier, insistant sur son efficacité et sur son faible coût, même si, a-t-il ajouté, le volet des restitutions aux exportations posait aujourd'hui problème.

Enfin, en réponse à une question de M. Yves Détraigne, M. Gérard César , rapporteur, a indiqué que le rapport insistait bien sur l'intérêt des cultures à finalité industrielle.

La commission a ensuite adopté, après que M. Gérard Larcher , président, eut formulé des voeux de prompt rétablissement pour M. Marcel Deneux, président de la mission d'information, le rapport de la mission, le groupe socialiste et le groupe communiste républicain et citoyen faisant part de leur abstention positive .

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