2. Des améliorations souhaitables
a) Assouplir son fonctionnement
Le deuxième pilier connaît des difficultés d'application, inhérentes à la multiplicité des mesures proposées, à la complexité du montage des dossiers, et au grand nombre d'intervenants, au plan national comme au plan communautaire, ce qui se traduit par un allongement des délais administratifs, alors même que les montants sollicités sont souvent faibles.
Selon les termes employés par les auteurs d'une étude 18 ( * ) commandée par le CNASEA, « les moyens financiers et humains mis en oeuvre [dans le cadre du développement rural] apparaissent parfois disproportionnés au vue des réalisations concrètes ».
Pour faciliter la mise en oeuvre du deuxième pilier, la mission d'information propose plusieurs mesures :
Il conviendrait, tout d'abord, de conférer une plus grande autonomie aux Etats membres pour la gestion de leur programmation relative au développement rural .
Comme l'ont expliqué plusieurs représentantes du ministère de l'agriculture entendues par la mission d'information, toute demande de modification des mesures programmées doit être examinée et approuvée par le comité de gestion des structures agricoles et du développement rural (dit comité STAR) placé auprès de la Commission européenne. Cette règle s'applique dans tous les cas, y compris lorsqu'il s'agit de l'une des 150 sous-mesures agri-environnementales, qui sont les déclinaisons locales de la mesure agri-environnementale (f) du RDR. Cette centralisation , contraire au principe de subsidiarité qui est censé prévaloir dans ce domaine , se traduit par des délais importants (environ un an) entre le moment où la demande est formulée et celui où son contenu est appliqué.
Par ailleurs, s'agissant de la mise en oeuvre au niveau français, une plus grande implication des collectivités territoriales , en particulier des régions , devrait être recherchée , afin de rapprocher les mesures programmées des spécificités locales et des acteurs du monde rural.
Pour la prochaine programmation (2006-2013), il pourrait être envisagé de permettre l'élaboration de véritables plans de développement rural régionaux , distincts des DOCUP, pour les mesures à forte dimension territoriale, cependant que le plan national demeurerait pour les soutiens impliquant des paiements de masse, tels que les indemnités compensatoires de handicaps naturels ou les mesures agri-environnementales.
Il serait, par ailleurs, souhaitable d'adapter la gestion des crédits à la nature des mesures de développement rural . Celles-ci s'inscrivent, en effet, le plus souvent dans une logique de projet impliquant des engagements pluri-annuels, alors que les enveloppes allouées par le FEOGA-Garantie gardent un caractère annuel. Un assouplissement de la règle de l'annualité budgétaire serait donc bienvenu.
Enfin, une simplification des mesures du RDR et une clarification de leur articulation s'imposent , dans un souci de lisibilité et d'efficacité . Il pourrait s'agir, par exemple, de regrouper en une seule mesure l'ensemble des soutiens susceptibles d'être accordés pour le financement des investissements sur les exploitations agricoles, actuellement dispersés dans six mesures différentes selon l'objectif visé (vente directe, diversification, gestion des ressources naturelles...). D'autre part, les critères retenus dans les cahiers des charges devraient être assouplis afin de ne pas exclure des bénéficiaires potentiels.
b) Elargir son contenu
La mission d'information propose d'élargir le champ d'application du deuxième pilier.
Les aides prévues pour aider les exploitants à procéder aux mises aux normes qui leur sont imposées en matière de préservation de l'environnement , de sécurité sanitaire des aliments ou encore de bien-être animal sont loin d'être suffisantes.
Or, comme l'a fait observer Mme Jeannette Gros, présidente de la Confédération nationale de la Mutualité, du Crédit et de la Coopération agricole (CNMCCA), lors de son audition par la mission d'information, ces mises aux normes, qui se sont multipliées ces dernières années, coûtent cher et contribuent à fragiliser la situation financière des exploitations.
Si cette normalisation est très en phase avec les aspirations de la société actuelle, le surcoût qu'elle génère n'en constitue pas moins une distorsion de concurrence au détriment des agriculteurs européens. Il serait donc souhaitable de leur attribuer, dans le cadre du deuxième pilier, des soutiens suffisants pour qu'ils puissent s'y conformer . Si la projet de la Commission européenne évoque cette possibilité, il ne va pas assez loin puisqu'il exclut le versement d'aides pour les mises aux normes déjà entrées en application.
Il pourrait également être envisagé de prévoir, dans le cadre du deuxième pilier, des soutiens incitatifs à la mise en place de dispositifs d'assurance-récolte , voire d'assurance-revenu .
La notion de risque agricole connaît déjà un début de prise en charge à travers la mesure « u » du règlement de développement rural, dénommée « reconstitution du potentiel de production endommagé par des catastrophes naturelles et mise en place des instruments de prévention appropriés ».
La mise en oeuvre de cette mesure s'est, par exemple, traduite par la remise en état d'équipements de lutte contre les accidents climatiques dans la région Centre.
Certes, il ne s'agit pas ici de remplacer les instruments de gestion des marchés mis en oeuvre dans le premier pilier, mais d'apporter davantage de sécurité financière aux exploitations , en particulier pour les productions qui, comme le porc ou les fruits et légumes, ne bénéficient pas d'une organisation commune de marché forte .
Appliquée uniquement dans le cadre des DOCUP, la mesure « u » ne s'adresse pas aujourd'hui aux exploitants de manière individuelle. Il conviendrait donc de permettre la prise en charge d'une partie des cotisations des agriculteurs souscrivant à un système d'assurances privé.
La mission d'information souhaite également qu'une plus grande ampleur soit donnée au dispositif d'aide à la rotation des cultures , afin de favoriser le développement des productions oléagineuses.
Enfin, comme le suggère le bilan d'étape précité du ministère de l'agriculture, il conviendrait aussi de prévoir, au sein du deuxième pilier, davantage de crédits d'animation et de communication, afin de mieux faire connaître aux bénéficiaires potentiels les mesures de développement rural proposées , en particulier dans le cadre des DOCUP, et de financer la formation des acteurs locaux chargés de monter les projets.
c) Diminuer voire supprimer l'obligation de cofinancement
Actuellement, les crédits européens attribués dans le cadre du deuxième pilier ne peuvent être débloqués qu'à la condition que l'Etat membre bénéficiaire apporte une contribution financière d'un montant au moins équivalent. Cette obligation de cofinancement à 50 % constitue un frein à la mise en oeuvre des mesures de développement rural.
C'est, en partie, faute de pouvoir mobiliser suffisamment de crédits nationaux pour le cofinancement que la France a eu de mauvais résultats en matière d'utilisation des crédits de développement rural qui lui étaient destinés en 2000 et en 2001.
Cette contrainte peut générer des inégalités entre les Etats membres , dans la mesure où ils ne disposent pas tous des mêmes capacités budgétaires . Ce risque sera accru avec l'arrivée de nouveaux Etats membres, en 2004.
Le caractère inéquitable de ce dispositif est , par ailleurs , renforcé par l'existence de pénalités financières infligées aux Etats ayant consommé moins de 75 % des crédits de développement rural qui leur reviennent. En 2001, année d'entrée en vigueur du dispositif de sanctions, la France s'est vu appliquer une amende de 21,3 millions d'euros, somme qui a été soustraite des crédits alloués au titre de 2002.
C'est pourquoi la mission d'information souhaite que le taux de cofinancement national soit diminué voire , à terme , supprimé . L'une des façons d'y parvenir pourrait être d'utiliser le produit d'une modulation qui serait rendue obligatoire dans l'ensemble de l'Union européenne.
La mission d'information se déclare , en effet , favorable à un dispositif de modulation qui présenterait les caractéristiques suivantes :
- il serait applicable selon un mode de calcul identique dans tous les Etats membres, afin de ne pas générer de distorsions de concurrence ;
- son taux devrait être fixé de manière à ne pas handicaper la viabilité financière des exploitations auxquelles il serait appliquée ;
- enfin, son produit devrait intégralement être affecté au deuxième pilier, et en aucun cas servir au financement de futures réformes des OCM, comme semble le suggérer le projet Fischler.
L'affectation du produit de la modulation à la réduction du taux de cofinancement national permettrait, en outre, de résoudre le problème posé par l'obligation de cofinancement qui s'appliquait également, dans le système prévu par l'accord de Berlin de 1999, aux crédits issus de cette modulation.
C'est en application de cette règle que la France n'a pu débloquer le produit de la modulation qu'elle avait appliquée de manière volontaire en 2000.
* 18 Contrats et territoires : étude comparée de la mise en oeuvre du deuxième pilier de la PAC en Europe, CLAN Public Affairs pour le CNASEA, novembre 2002