B. LE DEUXIÈME PILIER
1. Une chance à saisir pour la France et pour l'Union européenne
a) Une réelle opportunité
La mission d'information serait favorable au développement du deuxième pilier de la PAC. Ceci impliquerait, bien entendu, une augmentation des crédits qui lui sont consacrés, lesquels, rappelons-le, ne représentent aujourd'hui que 10 % du budget de la PAC en moyenne pour la période 2000-2006.
L'intérêt du deuxième pilier réside, tout d'abord, dans les mesures structurelles de soutien qu'il offre aux agriculteurs en vue d'acquérir une formation, de rénover leurs équipements ou de procéder à des investissements. Il peut ainsi contribuer à l 'amélioration de la compétitivité des exploitations .
Il répond également aux préoccupations de la société en matière de protection de l'environnement, mais aussi d'occupation de l'espace et d'entretien du paysage . Ces nouvelles exigences, dont la prise en compte conditionne l'avenir des territoires, peuvent être génératrices, en retour, de sources complémentaires de revenus pour les agriculteurs et pour le monde rural, à travers des activités comme l'agro-tourisme.
De même, il comporte des mesures de soutien aux agriculteurs souhaitant s'engager dans des démarches de qualité et d'identification des produits . Votre rapporteur souligne que les filières de qualité constituent des créneaux pouvant offrir des prix plus élevés aux producteurs.
Le deuxième pilier est, en outre, indispensable pour favoriser le maintien de l'activité agricole dans les zones souffrant de contraintes particulières, telles que les zones de montagne ou les zones arides. A titre d'exemple, l'Autriche, dont les trois quarts de la superficie et la moitié des exploitations agricoles sont situés en zone de montagne, y attache une importance toute particulière. Il en est de même pour les régions méditerranéennes, qui recourent à l'irrigation sur une bonne partie de leur territoire.
Enfin, il convient de souligner l'intérêt du deuxième pilier pour accompagner la modernisation et la restructuration du secteur agricole des futurs Etats membres de l'Union européenne . Il fait, à cet égard, l'objet d'une attente forte de son pays, en particulier de la Pologne, où s'est rendue une délégation de la mission d'information. A cette occasion, M. Truszczynski, négociateur principal de l'adhésion à l'Union européenne au ministère polonais des affaires étrangères, a expliqué que la politique de développement rural devait permettre à l'agriculture polonaise de continuer à jouer, un temps encore, son rôle de « coussin social ». La situation économique de son pays ne permettant pas d'absorber la population active susceptible de se dégager de l'agriculture sous l'effet de l'ouverture des marchés à la concurrence européenne, il convient, selon lui, de favoriser son maintien temporaire en milieu rural, en particulier grâce aux préretraites financées par le deuxième pilier, afin que la transition se fasse en douceur.
La politique européenne de développement rural est aussi une réelle chance pour la France , dont la superficie cumulée des terres agricoles (33 millions d'hectares) et des terres boisées (15 millions d'hectares) est la plus importante de l'Union européenne : 48 millions d'hectares, soit 87 % du territoire.
Agriculture et sylviculture restent ainsi les deux principales activités permettant la valorisation des espaces ruraux français. Nous avons donc tout à gagner d'un volet de la PAC destiné à dynamiser ces activités dans leur rapport au territoire.
Il convient, à cet égard, de rappeler que la France bénéficie de la plus grosse enveloppe au titre du développement rural : 5,32 milliards d'euros, soit 17,5 % du budget du FEOGA-Garantie. Cette somme représente un financement européen annuel de 760 millions d'euros, ce qui est loin d'être négligeable.
b) Une architecture néanmoins complexe
La réforme de la PAC de 1999 consacre la naissance d'une véritable politique de développement rural en rassemblant dans un cadre unique, le règlement 15 ( * ) du 17 mai 1999, dit règlement de développement rural (RDR), un grand nombre de mesures apparues progressivement depuis les années 1970.
Ainsi, les aides à la modernisation des exploitations et à l'amélioration de la formation professionnelle ont, par exemple, été créées par les directives socio-culturelles de 1972. Les indemnités compensatoires de handicaps naturels ont été instaurées en 1975, dans le cadre d'un programme d'aide spécial en faveur des zones de montagne. D'autres, telles que la pré-retraite agricole, les mesures agri-environnementales ou encore l'aide au boisement, sont des « mesures d'accompagnement » de la réforme de la PAC de 1992.
Fondé sur une logique de subsidiarité, le deuxième pilier est mis en oeuvre par les Etats membres, qui choisissent librement parmi les vingt-deux mesures du règlement européen, celles qu'ils souhaitent appliquer, et les soumettent à la Commission européenne sous la forme d'une ou plusieurs programmations.
C'est pourquoi l'application du règlement de développement rural diffère fortement selon l'organisation institutionnelle et la répartition territoriale du pouvoir de chacun des Etats membres . Ainsi, certains, comme l'Autriche ou le Danemark, ont fait le choix d'une programmation unique, à travers un seul plan de développement rural national, alors que d'autres Etats à forte tradition décentralisatrice, tels que l'Italie et la Grande-Bretagne, ont exclusivement établi des plans régionaux. Il existe également des systèmes « mixtes », comme en Allemagne, où un plan-cadre national est complété par les plans des Länder.
La France s'est, quant à elle, dotée de deux instruments de programmation : un plan de développement rural national (PDRN) unique, applicable sur l'ensemble du territoire, et 20 documents uniques de programmation (DOCUP) , qui mettent en oeuvre des mesures de manière complémentaire dans les zones d'objectif 2.
Le plan de développement rural national (PDRN) programme dix-sept des vingt-deux mesures proposées par le règlement européen. Le montant des aides européennes attribuées dans ce cadre s'élève à 4,55 milliards d'euros, six mesures totalisant 90 % de la programmation.
RÉPARTITION DES FINANCEMENTS DU PDRN ENTRE LES DIFFÉRENTES MESURES SUR LA PÉRIODE 2000-2006
Source : Ministère de l'agriculture
Afin d'attribuer ces aides en favorisant des démarches de projet, la France s'est dotée d'un instrument particulier, le contrat territorial d'exploitation, récemment renommé « contrat d'agriculture durable » (CAD) . S'il semble aujourd'hui avoir trouvé sa place, sa montée en puissance a toutefois été longue, notamment en raison de la lourdeur des formalités administratives requises pour le montage et l'instruction des dossiers.
Les DOCUP sont des documents-cadres pluriannuels, élaborés par l'Etat en partenariat avec les régions, dans les zones d'objectif 2 et les zones de soutien transitoire 16 ( * ) , qui comportent un volet « développement rural ». Ils sont abondés non seulement pas le FEOGA-G, mais également par les autres fonds communautaires (FEOGA-Orientation, Fonds social européen et Fonds européen de développement régional), ce qui permet de concentrer les moyens sur les zones rurales en difficultés et d'intégrer le développement rural dans le développement régional. Par rapport aux montants mis en jeu dans le cadre du PDRN, les crédits FEOGA-G de développement rural transitant par les DOCUP sont relativement modestes (768 millions d'euros sur la période 2000-2006).
A priori, l'utilisation des deux instruments se veut complémentaire, le PDRN étant plutôt axé sur l'aide aux exploitations agricoles alors que les DOCUP s'adressent davantage aux structures collectives.
Cependant, une partie des mesures du règlement de développement rural (RDR) sont applicables indifféremment dans le cadre du PDRN ou dans celui des DOCUP, ce qui est source de difficultés, comme le souligne un bilan d'étape sur l'application du développement rural 17 ( * ) en France établi par le ministère de l'agriculture. Le tableau reproduit en annexe II résume la situation.
L'architecture complexe du deuxième pilier a contribué à la lenteur de sa mise en application , d'autant que l'adoption, en 1999, d'un nouveau cadre pour le développement rural s'est accompagnée d'un transfert de la gestion de l'ensemble des crédits correspondants au FEOGA-Garantie.
C'est pourquoi plusieurs Etats membres ont connu un retard au démarrage, se traduisant par une sous-utilisation des crédits alloués. C'est notamment le cas de la France, qui a seulement consommé 70 % de son enveloppe européenne en 2000 et 68 % en 2001, ce qui correspond à 477 millions de crédits non utilisés.
Ce taux de consommation s'est cependant considérablement amélioré en 2002 (84 %), notamment grâce à la priorité donnée par le Gouvernement, dans le cadre du budget du ministère de l'agriculture pour 2003, au cofinancement national et à la simplification des mesures éligibles.
* 15 Règlement du Conseil n° 1257/1999 du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le FEOGA.
* 16 Il s'agit des zones en difficulté et des zones rurales en déclin, qui concernent une population de 27 millions d'habitants, 21 régions et couvrent 46 % du territoire.
* 17 Application du développement rural en France, Bilan d'étape, Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, juillet 2002.