II. LE CONTEXTE : DES INTERFÉRENCES AVEC L'ÉLARGISSEMENT ET LES NÉGOCIATIONS AGRICOLES À L'OMC

Pour justifier une réforme aussi ambitieuse, la Commission européenne évoque un certain nombre de raisons : meilleure prise en compte de la protection de l'environnement, adaptation aux attentes de consommateurs (modes de production plus traditionnels, sécurité alimentaire), mais aussi perspectives de certaines échéances internationales, sur lesquelles votre rapporteur souhaite faire le point.

A. LE DOSSIER DE L'ÉLARGISSEMENT

1. Le processus de l'élargissement aux PECO

Il n'est peut-être pas inutile de rappeler la chronologie des décisions qui vont déboucher, dès l'année prochaine, sur une Union européenne de 25 membres, élargie à huit anciens PECO (« pays d'Europe Centrale et Orientale », dans la terminologie des années 1990) plus Chypre et Malte, avant d'en relever les principaux effets sur l'Europe agricole.

Il y a dix ans, le Conseil européen de Copenhague définissait les critères économiques et politiques ouvrant droit à l'adhésion. Les critères économiques étaient « l'existence d'une économie de marché viable ainsi que la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union ».

Quatre ans plus tard, au mois de décembre 1997, le Conseil européen de Luxembourg décide que le processus de négociations sera lancé au printemps 1998 -à travers des conférences intergouvernementales bilatérales- avec un groupe de six pays : Chypre, la Hongrie, la Pologne, l'Estonie, la République tchèque et la Slovénie.

De fait, les négociations avec ces six Etats commencent le 31 mars 1998.

En décembre 1999, le Conseil européen d'Helsinki décide, pour février 2000, un autre cycle de conférences intergouvernementales bilatérales avec six autres pays : la Roumanie, la Slovaquie, la Lettonie, la Lituanie, la Bulgarie et Malte.

Entre temps, les accords de Berlin du 25 mars 1999 ont déterminé un cadre pour le financement de l'élargissement : les dépenses globales liées à ce dossier ne devront pas dépasser 1,27 % du produit intérieur brut annuel de l'Union européenne.

En juin 2001, le Conseil européen de Göteborg prend acte des progrès accomplis par les candidats sur les critères d'adhésion et en conclut que les négociations avec les pays « qui sont prêts » pourraient se conclure à la fin 2002, l'objectif étant que ces Etats puissent, « en tant que membres », participer aux élections au Parlement européen en 2004.

Un élément décisif du processus est, sans doute, le document présentant une « stratégie d'intégration » en même temps qu'un cadre financier , que la Commission européenne publie le 30 janvier 2002 .

Ce texte constate que les critères politiques définis par le Conseil européen de Copenhague sont respectés par tous les pays candidats pour lesquels les négociations sont en cours en précisant, par ailleurs, que la Turquie ne paraît toujours pas remplir la condition relative aux « institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'homme, le respect des minorités et leur protection ».

S'agissant des critères économiques, la Commission fait une différence entre les pays candidats. Elle relève :

- que Chypre et Malte remplissent les critères économiques ;

- que la République tchèque, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Slovaquie et la Slovénie sont des économies de marché viables et qu'elles devraient être en mesure de faire face à court terme à la pression concurrentielle et aux forces du marché au sein de l'Union ;

- que la Bulgarie est en voie de mettre en place une économie de marché viable et qu'elle devrait être en mesure de faire face à moyen terme à la pression concurrentielle et aux forces du marché au sein de l'Union ;

- que la Roumanie ne répond encore à aucun des critères économiques.

Sans se prononcer sur les dates d'adhésion, la Commission souligne que le cadre financier défini à Berlin permet l'adhésion d'un maximum de dix nouveaux Etats membres en 2004 (Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Slovaquie, Slovénie, République tchèque, Chypre et Malte) en laissant entendre que l'entrée de la Roumanie et de la Bulgarie sera reportée.

Sur le plan financier, le document de la Commission prévoit une enveloppe de 25,6 milliards d'euros au titre des aides structurelles et de 9,7 milliards d'euros pour l'agriculture .

Sur le volet agricole, les candidats bénéficieraient, dès l'adhésion , de mesures de soutien des marchés, les quotas de production étant calculés sur la période de référence présentant des données fiables : 1995-1999.

Afin de tenir compte, notamment, de prix de revient plus faibles chez les candidats, les paiements directs seraient introduits progressivement aux taux de 25, 30, 35 % du niveau communautaire en 2004, 2005 et 2006, pour atteindre 100 % en 2013. Pendant trois ans, renouvelables deux fois un an maximum, ces aides pourraient être distribuées de manière forfaitaire à l'hectare. Des paiements nationaux complémentaires pourraient être autorisés pour que le niveau d'aide totale ne baisse pas au moment de l'adhésion.

D'autre part, des mesures de développement rural renforcées seraient, dès 2004, cofinancées, à hauteur de 80 % maximum, par l'Union européenne.

Une période transitoire d'une dizaine d'années (2004-2013) était donc préconisée pour accélérer la modernisation et la mise à niveau des structures agricoles des candidats.

Quel sera, globalement, l'effet de l'élargissement sur l'agriculture européenne ?

Quelques « chiffres-clés » donneront la mesure du changement.

Les quinze Etats membres

Les dix pays candidats

Population (millions d'habitants)

377

74

dont population agricole

4 %

14 %

Nombre de fermes (millions)

7

4,5

Surface agricole utile (millions d'hectares)

135

38,5

Surface en céréales (millions d'ha)

38

16,2

Productions en céréales (millions de t)

210

58

Production d'oléagineux (millions de t)

15

3,5

Source : Organisation des producteurs de grains

Ainsi, la superficie agricole utilisée de l'Union européenne devrait passer de 135,8  à 174,3 millions d'hectares (+ 28 %), et sa population active agricole de 6,9 à 10,9 millions de personnes (+ 59 %). Avec la Roumanie et la Bulgarie, relevons que l'on parviendrait à une superficie agricole utilisée de 194,6 millions d'hectares (+ 43 %) et à une population active agricole de 16,6 millions de personnes (multiplication par 2,4) pour une Union européenne à « vingt-sept ».

Le tableau ci-dessous présente les principales caractéristiques structurelles de treize pays candidats (y compris la Turquie) :

Part de l'emploi agricole dans l'emploi total

Superficie en terres arables (en millions d'hectares)

Pologne

19 %

17,1

République tchèque

5 %

3,1

Hongrie

7 %

4,7

Slovaquie

7 %

1,5

Lituanie

20 %

2,9

Lettonie

14 %

1

Slovénie

10 %

0,2

Estonie

7 %

0,9

Chypre

9 %

-

Malte

2 %

-

Sous-total

14 % (e)

31,3

Roumanie

43 %

9,3

Bulgarie

27 % (e)

4,3

Total des dix pays

21 % (e)

44,9

Turquie

35 %

27,3

Union européenne à quinze

5 %

76,3

Source : Commission européenne et INRA.

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