2. Le refus de certains établissements d'hébergement habilités d'assumer leur mission au pénal
L'inadaptation des institutions de prise en charge des mineurs délinquants provient en grande partie d'une dérive institutionnelle : les établissements semblent davantage adaptés aux besoins -légitimes- des personnels, qu'à ceux des adolescents accueillis .
Les jeunes sont acceptés au regard de leur capacité à s'adapter à l'institution . D'une part, l'admission en foyer donne lieu à un tri arbitraire de la part des directeurs : trop de foyers sélectionnent le type de mineurs accueillis . D'autre part, de nombreux foyers recherchent l'adhésion du mineur à son placement , au mépris de la notion même de décision judiciaire. La signature d'un contrat par le jeune à son arrivée est monnaie courante, alors même qu'une telle pratique n'a aucun fondement légal.
La commission juge tout à fait anormal qu'à Paris, en 2001, le secteur associatif habilité n'ait pris en charge en hébergement qu'un seul mineur au titre de l'ordonnance de 1945.
La réticence des foyers associatifs à prendre des mineurs délinquants est aggravée par la pratique des magistrats, qui, n'ayant à leur disposition que très peu de structures disponibles pour placer ces jeunes, sont tentés de placer des mineurs délinquants au titre de l'assistance éducative 107 ( * ) ou de solliciter excessivement les foyers qui acceptent ces mineurs. Comme l'a indiqué M. Claude Fonrojet, président de l'Union nationale des associations de sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence : « Je parlais récemment d'une association à laquelle le juge envoyait des jeunes en urgence. Dans un premier temps, l'habilitation lui a été refusée. On lui a même dit qu'elle était en marge de la loi et qu'on allait peut-être lui interdire de poursuivre son action. Dans un deuxième temps, l'association a été reconnue parce que les juges étaient contents de trouver un concours dans les situations d'urgence. A ce moment là , le doublement des moyens de l'association a été imposé par l'autorité publique ! »
La commission estime que, si les associations doivent participer pleinement au service public de la Justice, et à ce titre prendre en charge les mineurs délinquants ou les mineurs déstructurés, il convient toutefois de respecter leur projet de service , afin qu'elles soient en mesure de remplir leur mission dans les meilleures conditions.
Afin que le secteur associatif habilité se réinvestisse au pénal, la commission d'enquête propose la création d'une incitation financière versée pour chaque place effectivement occupée par un mineur placé au titre de l'ordonnance de 1945.
* 107 Lors de sa visite au foyer d'action éducative « Les Marronniers » en Seine-Maritime, la commission a appris que sur 19 mineurs ayant commis des crimes ou délits placés au foyer, seuls 4 l'avaient été au titre de l'ordonnance de 1945.