5. M. François Rain, directeur général de la Société nationale d'électricité thermique (SNET)
Je développerai trois thèmes :
L'ouverture du marché est un processus de longue haleine
L'ouverture à la concurrence est à l'origine de l'émergence de plusieurs marchés différents les uns des autres, de par leur produit, mais aussi de par leur taille. Par exemple, les marchés de gros réunissent les producteurs, les traders, et les transporteurs chargés de l'équilibre de l'offre et de la demande. Il faut également distinguer la vente de l'énergie de la vente de la réserve, car l'électricité ne se stockant pas, il faut des capacités disponibles et prêtes à intervenir en fonction des besoins.
En parallèle de la diversité des marchés, une multiplicité de produits (la base, la pointe, l'ajustement) commence à être échangée sur des bourses selon des durées différentes : du court terme (spot, infrajournalier), au long terme (contrats d'assurance).
Nous sommes donc dans un système complexe où se côtoient plusieurs marchés, différents prix et de nouvelles logiques.
L'ouverture du marché de l'énergie, non encore pleinement réalisée, est un processus de long terme. C'est, selon moi, l'affaire d'une décennie.
Les freins à l'évolution de l'ouverture du marché
Des freins politico-juridiques existent, avec notamment la deuxième directive en débat à Bruxelles qui pose le problème de l'éligibilité pour tous.
Partielle en France (30 % du marché aujourd'hui, 33 % demain), l'ouverture du marché est plus large dans d'autres pays d'Europe. Une incertitude demeure ainsi quant à la réalisation effective de l'ouverture.
Des freins technico-juridiques sont également des obstacles à l'ouverture. La mise en place du marché de l'ajustement, par exemple, a dû être retardée à cause de problèmes techniques.
Enfin, des freins de nature structurelle et économique ne doivent pas être sous-estimés. Les compétiteurs sont d'autant plus limités que le « ticket d'entrée » est élevé, car la compétition se fait et se fera par l'interconnexion.
Les limites économiques sont réelles malgré l'existence de bourses d'électricité (comme Powernext) qui n'en sont encore qu'à leur début. Ainsi, la quantité des produits échangés est minime et les durées sont encore courtes. Les parts de marché ne commenceront véritablement à se redistribuer que d'ici à une dizaine d'années.
La nécessité de contrepoids au marché
Il existe aujourd'hui un certain nombre d'organismes régulateurs de la concurrence qui fonctionnent bien et qui devront continuer leur tâche en prenant en compte le problème à venir de la distribution. Mais ces instruments, encore insuffisants, posent les questions suivantes. Le bon niveau de la régulation se situe-t-il au niveau national ou européen ? En effet, compte tenu du paysage contrasté de l'ouverture en Europe, il faudra très certainement une régulation au niveau européen. Enfin, concernant la question du trading, les traders peuvent-ils agir en dehors de tout contrôle, sachant que les dispositions législatives françaises ne sont pas aujourd'hui adaptées ? Une réflexion doit impérativement également être menée sur ce dernier problème.