4. M. Pierre Gadonneix, président de Gaz de France (GDF)
L'évolution du marché
Le secteur du gaz naturel est en forte croissance, que ce soit en France, en Europe et dans le monde. Le taux de croissance est de l'ordre de 3 %, et le bilan énergétique européen fait apparaître une augmentation très nette de la part du gaz naturel dans le mix énergétique (23 %). Nous constatons une volonté générale des États d'introduire davantage de compétition dans ce secteur, depuis vingt ans aux États-Unis, plus de dix ans en Grande-Bretagne, et à partir de 1998 pour l'ensemble de l'Union européenne avec la directive gaz.
Le processus de libéralisation qui en résulte, s'est traduit par une évolution significative des règles du jeu économique, marquée par l'apparition de nouveaux acteurs, qui viennent concurrencer sur leur marché les « opérateurs historiques ». Parallèlement, cette libéralisation s'est accompagnée d'une concentration des opérateurs qui recherchent une plus grande internationalisation et l'accession à la taille critique.
L'industrie du gaz naturel se transforme profondément avec la multiplication des opérations de court terme, alors que, jusqu'à présent, le marché européen des approvisionnements était essentiellement caractérisé par des contrats de long terme. Ce phénomène répond à des attentes : la fluidification des marchés, l'optimisation des portefeuilles d'approvisionnement et la couverture des risques, à condition qu'il ne représente qu'une part limitée du volume global des transactions.
L'état de la libéralisation
La directive européenne de 1998 avait une date limite d'application fixée au mois d'août 2000. Depuis cette date, la libéralisation s'est incontestablement mise en place. Une autorité de régulation a été créée dans quasiment tous les pays européens, avec quelques variantes liées à leurs traditions.
Même si elle n'est pas encore totale, l'ouverture du marché est une réalité partout en Europe, à des degrés divers, et elle va s'accentuer. Les opérateurs anticipent cette évolution, ce qui explique l'apparition de nouveaux acteurs. Les frontières géographiques sont en train de tomber, il n'y aura plus de monopole comme en France, et les opérateurs deviendront au moins européens. Ce seront les producteurs, des opérateurs de trading et des opérateurs multi-énergie (électriciens en particulier).
On voit également apparaître, comme je l'ai souligné, des marchés de court terme qui sont très volatils et spéculatifs.
Gaz de France a anticipé ces changements en ouvrant, en août 2000, son réseau de transport de façon transparente et concurrentielle aux clients éligibles (consommant plus de 25 millions de m3 par an). Offrir des prestations de transport représente pour GDF un nouveau métier. Il faut pouvoir demain garantir la même qualité de services que nous offrions hier. Cela implique une sécurité d'approvisionnement à long terme au meilleur prix (aux États-Unis, les prix du gaz naturel ont augmenté de 500 % l'été dernier, de 30 % seulement en France).
L'ambition de GDF est, bien sûr, de prendre des parts de marché dans d'autres pays. Il faut pour cela gérer les risques, répondre aux sollicitations sur les marchés de court terme à travers la filiale de trading et consolider la production avec le développement de gisements.
La sécurité d'approvisionnement
La situation gazière est très différente de celle de l'électricité où le lieu d'approvisionnement est proche du lieu de consommation. En matière gazière, l'Europe est, et sera, de plus en plus dépendante de sources lointaines. Ce qui implique des investissements d'infrastructures gigantesques. Le coût du transport est très important pour cette énergie, puisqu'il est dix fois plus lourd que pour le pétrole. Les opérateurs ne prendront ces risques qu'avec une visibilité à long terme de l'enjeu. L'équilibre doit donc se trouver entre plus de concurrence à court terme et le financement des infrastructures nécessaires à long terme.
La sécurité d'approvisionnement est à mon sens un enjeu majeur d'une politique européenne de l'énergie, les chiffres repris dans le Livre Vert sur l'évolution de la dépendance externe de l'Union en énergie en témoignent (de 50 % aujourd'hui à 70 % dans vingt ans). Le choix du mix énergétique peut constituer une réponse décisive, dans la mesure où la diversification des risques est la réponse adaptée à cette question de la sécurité d'approvisionnement. De ce point de vue, la place du gaz naturel dans ce mix énergétique augmentera encore à l'avenir.
Le Livre Vert de la Commission souligne bien à cet égard le dialogue énergétique indispensable avec les pays producteurs (Algérie, Norvège et Russie pour le gaz naturel).
D'une manière plus générale, il importe que l'impératif de la concurrence ne porte pas préjudice à la sécurité d'approvisionnement et au rôle essentiel des contrats de long terme.
Enfin, il faut rappeler qu'en matière de développement durable, le gaz naturel occupe une place capitale. La diversification des sources d'énergie est la seule solution raisonnable, et le gaz naturel répond aux critères de sécurité tout en réduisant la combustion de CO2.
Finalement, le charme de notre industrie est de trouver l'équilibre entre plus de concurrence, une politique à long terme équilibrée et la régulation, sans pour autant perdre la marge de manoeuvre due à l'initiative.