1.2.2. LA THÉRAPIE GÉNIQUE
La thérapie génique est la fille de la génomique, qui en est l'indispensable préalable.
1.2.2.1. Origine et application de la thérapie génique
Le
défi de la thérapie génique est de parvenir à
corriger, à l'intérieur des cellules d'un organisme humain, les
anomalies qui, en affectant son génome, sont responsables de pathologies
graves et, le plus souvent, actuellement incurables.
L'objectif est d'atteindre et de supprimer la cause de la maladie et de ne plus
se contenter d'atténuer ou d'effacer les symptômes.
" La thérapie génique est l'insertion
délibérée de matériel génétique dans
l'organisme d'un patient pour corriger un défaut précis à
l'origine d'une pathologie, que ce soit à titre curatif ou
préventif "
29(
*
)
.
Cette définition inclut à la fois la thérapie du
gène (réparation de gènes dont l'altération est
responsable de maladies), objectif qui prévalait pour les maladies
génétiques en 1983, après la mise au point des premiers
vecteurs, et l'utilisation de gènes comme nouveaux types de
médicament.
À l'origine, la cible la plus logique de la thérapie
génique a paru être le domaine des maladies monogéniques
héréditaires : pour ces affections, on était certain
que les personnes porteuses d'un gène sain ne développeraient pas
la maladie. Par ailleurs, on connaissait précisément les
gènes responsables de nombreuses maladies génétiques
grâce à l'action menée notamment par l'Association
françaises contre les myopathies. Mais les champs d'application de la
thérapie génique se sont ensuite diversifiés.
Le principe de cette thérapie, est d'introduire un
gène-médicament à l'intérieur de la cellule cible
afin de :
- corriger une maladie génétique en introduisant dans les
cellules malades un gène-médicament faisant défaut ;
- inhiber ou stimuler la synthèse d'une protéine
donnée.
Il existe trois méthodes de thérapie génique :
- La thérapie génique
ex vivo
consiste à
prélever sur le patient les cellules cibles, à les modifier
génétiquement avec le vecteur viral porteur du gène
thérapeutique puis à les réintroduire chez le patient.
Cette méthode est utilisée en particulier pour les cellules
sanguines qui sont faciles à prélever et à
réintroduire.
- La thérapie génique
in situ
consiste à placer
directement au sein du tissu cible le vecteur de transfert. Cette technique est
expérimentée, notamment, dans les cas de mucoviscidose (transfert
de vecteurs dans la trachée et les bronches), de cancer (injection dans
la tumeur d'un vecteur portant le gène d'une toxine, par exemple), ou de
dystrophie musculaire (injection dans le muscle d'un vecteur porteur du
gène de la dystrophine) ;
- La thérapie génique
in vivo
consiste à injecter
le vecteur portant le gène thérapeutique directement dans la
circulation sanguine ; le vecteur est alors censé atteindre
spécifiquement les cellules cibles.
1.2.2.2. Les obstacles techniques
La
thérapie génique suppose nécessairement :
- un gène-médicament ;
- un vecteur pour le transporter ;
- une cellule cible où le gène puisse s'exprimer.
Aujourd'hui, l'évolution de la thérapie génique repose
essentiellement sur le développement des systèmes de transfert
des gènes : ils doivent être sûrs, efficaces, capables
d'exercer leur fonction dans des cellules qui ne se divisent pas et d'assurer
la stabilité de l'expression du gène thérapeutique.
Les principaux types de vecteurs
Les
virus ont la capacité de franchir, dans certains conditions, les
barrières de protection que dresse le corps humain en cas d'introduction
d'ADN étranger dans son génome. Ils sont capables d'introduire
leur matériel génétique dans les cellules qu'ils
infectent. C'est pourquoi les chercheurs ont eu l'idée de les utiliser
pour transférer les gènes thérapeutiques dans les cellules
des patients.
Bien entendu, les virus utilisés ne doivent présenter aucun
danger : on transforme donc génétiquement les virus en
ôtant, dans leur propre génome, les séquences
nécessaires à leur réplication et leur virulence (les
gènes E 1 et E 4). Différents types de virus sont
utilisés comme vecteurs :
-
Les rétrovirus
ont été les premiers virus
testés. Leur qualité principale est de pouvoir intégrer
leur matériel génétique de façon permanente dans le
génome des cellules qu'ils infectent. Actuellement, 60 % des
protocoles cliniques sont fondés sur l'utilisation de vecteurs
rétroviraux, dérivés des rétrovirus de la
leucémie murine (MLV, virus de Moloney en particulier). Ils peuvent
contenir un ADN exogène de taille relativement grande : huit
kilobases
30(
*
)
. À
l'exception du VIH (virus de l'immunodéficience humaine), ces virus ont
évolué sous des formes peu pathogènes et leur utilisation
présente des risques limités.
Ils sont utilisés selon la technique
ex vivo
. La
pénétration des rétrovirus dans les cellules cibles se
fait grâce à la reconnaissance, par un récepteur
cellulaire, d'une protéine présente sur l'enveloppe virale. Mais,
pour être efficace, c'est-à-dire pour s'intégrer dans le
chromosome cellulaire, le vecteur ne peut se contenter d'être
entré dans le cytoplasme de la cellule : il doit
pénétrer jusqu'au noyau de la cellule. Ce n'est possible qu'au
moment où la cellule se divise pour se reproduire (mitose), car la
membrane du noyau est alors momentanément rompue. Cette
particularité explique que l'on doive utiliser la technique
in
vivo
car, lorsque l'on cultive, en laboratoire, les cellules humaines, la
plupart d'entre elles sont réceptives aux rétrovirus MLV et se
divisent activement lors de l'exposition aux rétrovirus qui peuvent
ainsi pénétrer dans leurs noyaux.
Mais l'approche
ex vivo
a ses limites. Les cellules sanguines qui
pourraient être ainsi traitées, car elles sont faciles à
prélever et à réintroduire dans l'organisme, sont
malheureusement peu réceptives au MLV : elles expriment peu le
récepteur à ce virus, qui pénètre donc
difficilement en elles.
L'utilisation des rétrovirus
in vivo
est encore plus
délicate :
- Les vecteurs doivent atteindre principalement les cellules cibles ;
or, les cellules endothéliales expriment naturellement un
récepteur au MLV ; de ce fait, les rétrovirus
modifiés peuvent pénétrer dans ces cellules
rencontrées sur le chemin qui doit les mener aux cellules cibles. Dans
la mesure où les vecteurs rétroviraux ne peuvent pas être
produits à des concentrations élevées, le fait qu'ils se
fixent partout dans la circulation sanguine les empêche de parvenir en
quantité suffisante pour une transduction
31(
*
)
efficace dans les cellules cibles.
- La plupart des cellules considérées comme des cibles
potentielles pour une thérapie génique ne prolifèrent pas
activement
in vivo
. Les rétrovirus ne peuvent profiter de la
mitose pour s'introduire dans leur noyau. La solution de l'avenir sera
peut-être l'utilisation des lentivirus, (tel que le VIH) qui sont
capables de pénétrer dans le noyau des cellules ne se divisant
pas. Le risque principal présenté par ces virus est une
éventuelle recombinaison entre le génome viral et le
génome des cellules transduites, susceptible de produire un virus
pathogène.
C'est pourquoi les recherches portent sur des systèmes hybrides incluant
le génome modifié du VIH (débarrassé des
gènes responsables du caractère pathogène du virus) dans
un vecteur rétroviral. Cette méthode paraît
intéressante mais n'en est qu'à ses balbutiements.
-
Les adénovirus
ont des caractéristiques
intéressantes : leur grande taille permet le transfert de
très larges séquences d'ADN (plus de 35 kb) ; ils sont
capables d'infecter un grand nombre de types de cellules différentes,
même si elles ne sont pas en phase de mitose ; ils peuvent
être produits à des concentrations élevées. Ils ont
aussi des défauts, notamment celui de provoquer de fortes
réactions inflammatoires et immunitaires. C'est pourquoi les vecteurs
adénoviraux de deuxième génération contiennent des
génomes réduits des virus. On doit toutefois noter qu'ôter
des séquences des génomes viraux présente des
inconvénients : ainsi, il peut être nocif de retirer les
séquences correspondant à des régions dites
" activatrices " qui aident à maintenir la stabilité du
génome viral dans la cellule.
Aujourd'hui, pour lutter contre ces réactions, l'utilisation des
vecteurs adénoviraux suppose d'administrer des gènes viraux
contenant des gènes immunosuppresseurs. Une autre solution consisterait
à administrer un traitement " classique " de produits
immunodépresseurs au patient parallèlement au traitement par
thérapie génique. Parvenir à supprimer les
réactions immunitaires est essentiel car les vecteurs adénoviraux
ne s'intègrent pas dans le génome de la cellule cible et ont
tendance à disparaître au fil des divisions cellulaires. Il faut
pouvoir les administrer de façons répétées sans
déclencher de réaction immunitaire.
-
Les adéno-associated virus (AAV)
sont des virus non
pathogènes très répandus chez l'homme. Ils ne peuvent se
répliquer qu'en s'associant avec des adénovirus ou des virus de
l'herpès. Ils peuvent transduire efficacement les cellules du cerveau,
du foie et certaines cellules sanguines. Ils peuvent infecter des cellules en
dehors des phases de mitoses. Malheureusement cette qualité essentielle
disparaît lorsque l'on modifie le génome des AAV pour y introduire
le gène-médicament : les vecteurs restent capables
d'infecter des cellules ne proliférant pas mais ne s'intègrent
plus dans leur génome. Par ailleurs, les AAV présentent un autre
inconvénient : celui de ne pouvoir contenir que des petites
séquences d'ADN (4,8 kb).
Ces AAV pourront donner des vecteurs peu dangereux et présentant
certains avantages mais ils sont actuellement inexploitables dans le domaine
clinique.
-
Les vecteurs synthétiques
ont plusieurs qualités :
facilement produits, ils sont stables et peuvent contenir des séquences
d'ADN de grande taille. Ce sont des lipides, des peptides ou des
polymères dits cationiques car ils sont porteurs d'une charge
électrique positive. Celle-ci leur permet de compacter les milliers de
paires de bases d'une molécule d'ADN (chargées
négativement) et de donner une charge positive à l'ensemble
(vecteur + ADN) qui peut interagir avec les charges négatives des
membranes des cellules.
La pénétration
in vitro
des vecteurs synthétiques
dans les cellules ne pose pas de problèmes ; malheureusement les
résultats
in vivo
sont très décevants. Il semble
que, injectés par voie intraveineuse, les vecteurs s'agrègent en
particules de grande taille mécaniquement retenues par les deux
principaux filtres du corps humain (poumon et foie).
Compte tenu de ces difficultés, l'une des utilisations envisagée
à terme, pour les vecteurs synthétiques est le traitement de la
mucoviscidose par instillation du gène-médicament dans les
poumons (dans ce cas, il suffirait semble-t-il d'atteindre 5 % des
cellules pulmonaires) :
Les défauts actuels des vecteurs synthétiques pourraient
être corrigés au prix d'importants efforts de recherche dans le
domaine de la chimie et de la biochimie. Or l'industrie pharmaceutique est
prête à valoriser son savoir-faire traditionnel en chimie en
étudiant de près les vecteurs synthétiques. Les
retombées en seraient positives pour les groupes pharmaceutiques et pour
la thérapie génique.
VECTEURS |
CARACTÉRISTIQUES |
TAILLE DE L'INSERT |
VOIX D'ADMINISTRATION |
INDICATIONS CLINIQUES |
COMMENTAIRES |
Adénovirus |
-
Efficace (vecteur de référence)
|
10-14 kb |
-
intratrachéale
|
-
Oncologie
|
-
Production industrielle OK
|
Adeno Associated Virus (AAV) |
-
Efficacité modérée
|
4,5 kb |
-
intratrachéale
|
- Oncologie |
-
Production industrielle difficile
|
Rétrovirus |
-
Efficacité modérée
|
4-6 kb |
-
ex
vivo
|
-
Oncologie
|
-
Production industrielle : OK
|
Vecteurs synthétiques |
-
Efficacité modérée/limitée
|
illimitée (en théorie) |
-
intramusculaire
|
-
Maladies génétiques
|
-
Production industrielle : +/-
|
Pox Virus |
-
Efficaces
|
20 kb |
- intramusculaire |
- Immunothérapie (cancers et infectieux) |
-
Production industrielle : OK
|
Vecteurs cellulaires |
-
Efficaces
|
30 kb |
-
intramusculaire ou
|
- Immunothérapie (cancers) |
-
Production industrielle : OK
|
L'expression des gènes
Si le
problème de l'efficacité du transfert du
gène-médicament par des vecteurs est résolu à
terme, il conviendra d'obtenir du gène une expression durable et au bon
niveau
.
L'intérêt de la thérapie génique, du moins telle
qu'elle était conçue à l'origine, est en effet de traiter
la cause de la maladie et non seulement ses symptômes : apporter
dans l'organisme du patient des gènes destinés à compenser
le dysfonctionnement de certains gènes ou leur absence n'est efficace
que si le gène de remplacement exerce réellement ses fonctions,
c'est-à-dire s'il exprime les protéines indispensables à
la santé du patient.
Ce problème est loin d'être résolu
Une expression stable et à un bon niveau
Plusieurs facteurs empêchent le maintien de l'expression
des
gènes après leur transfert :
- les séquences régulatrices
32(
*
)
contrôlant l'expression du
gène thérapeutique sont souvent reconnues comme
étrangères et inactivées par la cellule qui les
reçoit ;
- si l'efficacité du gène-médicament n'est pas
atteinte, c'est alors la cellule " d'accueil ", celle qui a
reçu le gène, qui est détruite par le système
immunitaire du patient, ce système reconnaissant et éliminant les
produits de gènes étrangers et les cellules qui les expriment.
Une expression régulable
Si les
problèmes précédents sont résolus, il faudra
obtenir une expression régulable du gène. En effet, plusieurs
gènes importants, tel que celui par exemple qui permet la production
d'insuline, ne s'expriment pas au même taux en continu mais
répondent à des signaux physiologiques. Il faudrait donc que les
séquences génétiques insérées puissent
répondre aux signaux physiologiques du corps et fonctionnent comme les
autres gènes de l'organisme. Devant la complexité de ce
problème une autre possibilité est envisagée :
utiliser des substances chimiques administrées de façon
traditionnelle et permettant de contrôler le niveau d'activité du
gène.
Cette combinaison du gène-médicament et du produit pharmaceutique
classique est étudiée avec intérêt par l'industrie
pharmaceutique : cela lui permettrait d'exercer un certain contrôle
sur le marché de la thérapie génique. Des recherches sont
déjà en cours : ainsi, les chercheurs de l'Institut de
thérapie génique de l'Université de Pennsylvanie,
associés à ceux de la société Ariad Pharmaceuticals
ont conçu une approche dans laquelle un vecteur biologique (virus) est
utilisé pour délivrer aux patients des gènes
thérapeutiques ayant une particularité intéressante :
ils sont inactivés au départ et les patients doivent
ingérer une pilule composée de produits chimiques pour
déclencher leur expression.
Pour conclure, on peut noter que :
- si la vectorologie progresse, la thérapie génique
ex
vivo
permettra vraisemblablement, d'ici quelques années,
d'améliorer la situation clinique des patients. En revanche, la
thérapie génique
in vivo
semble beaucoup plus difficile
à mettre en oeuvre ;
- compte tenu des problèmes de contrôle à long terme de
l'expression des gènes-médicaments, une réorientation des
finalités de la thérapie génique est en cours.
1.2.2.3. La réorientation des applications de la thérapie génique
" Il existe autant de thérapies géniques que de maladies à traiter, chaque type de tissu comportant des problèmes particuliers. Le fait de traiter une maladie acquise ou d'essayer de corriger une maladie héréditaire implique des problèmes de nature très différente " 33( * ) . Les maladies héréditaires monogéniques, les maladies acquises et les vaccins ont des horizons thérapeutiques très différents.
Les maladies héréditaires
Leur
horizon thérapeutique est lointain. La seule solution, en matière
de thérapie génique est d'introduire une bonne version du
gène déficient, ou de moduler l'expression de certains
gènes. Or, ainsi que l'a montré le paragraphe
précédent, les techniques actuelles ne permettent pas de
contourner les réactions inflammatoires ou immunitaires ni d'obtenir une
expression stable et persistante du gène.
Les maladies héréditaires monogéniques sont régies
par deux grands mécanismes l'un de perte, l'autre de gain de fonction.
En cas de perte de fonction, la carence fonctionnelle d'un gène aboutit
à un déficit (tel est le cas, par exemple, de l'hémophilie
ou de la mucoviscidose) ; la stratégie consiste alors à le
remplacer par un gène en état de fonctionner.
Lorsqu'il y a gain de fonction (drépanocytose, chorée de
Huntington, polykystose rénale héréditaire), les
symptômes de la maladie sont liés à la synthèse
d'une protéine anormale à effets délétères
sous la direction du gène muté ; l'apport d'un gène
fonctionnel ne suffit pas à avoir des effets
thérapeutiques ; il faut inhiber le fonctionnement du gène
muté ou inactiver son produit protéique.
Lorsqu'un effet thérapeutique peut être espéré par
la production dans la circulation d'une substance très active, par
exemple une hormone, une cytokine ou un facteur de coagulation, un certain
optimisme est raisonnable, même si les difficultés ne sont pas
toutes résolues.
En revanche, lorsqu'il s'agit de faire pénétrer un gène
fonctionnel dans un très grand nombre de cellules affectées et si
une expression prolongée du gène thérapeutique est
nécessaire, on ne peut être optimiste, du moins à court et
moyen terme.
Ces difficultés ne condamnent nullement les recherches. Cette solution
serait particulièrement mal venue en France, compte tenu des efforts
humains, scientifiques et financiers des associations de malades telles que
l'Association française contre les myopathies (AFM).
" Chaque jour apporte un lot de nouvelles découvertes. Partout
dans le monde, des chercheurs contribuent à leur développement.
Après le cancer, les essais cliniques débutent pour les maladies
génétiques. Même si tout est loin d'être
résolu, et que des questions importantes sont encore sans
réponse, nous y croyons plus que jamais. Parce que nous savons que de la
masse critique de connaissances accumulées grâce à nos
efforts au cours des dernières années, doivent émerger de
nouvelles idées, de nouveaux concepts qui permettront de lever les
derniers obstacles à la mise au point de
traitements. "
34(
*
)
Dans un premier temps, la thérapie génique progressera
plutôt, dans le domaine des maladies acquises.
Les maladies acquises
Les
maladies aiguës nécessitent des vecteurs efficaces qui
transfèrent de fortes quantités de gènes n'ayant pas
obligatoirement une expression prolongée. On peut noter par ailleurs que
les réactions inflammatoires liées à l'emploi de certains
vecteurs sont de moindre importance dans la mesure où les
gènes-médicaments ne sont pas destinés à être
administrés de façon régulière et continue.
-
Le cancer
est une cible majeure de la thérapie
génique. L'oncologie mobilise aujourd'hui la majorité des essais
cliniques. Une grande variété d'approches sont actuellement
expérimentées :
La technique du gène-suicide : on transfère dans des
cellules (généralement des lymphocytes) le gène d'une
enzyme, la thymidine-kinase (TK), du virus de l'herpès (HSV). Ces
cellules génétiquement modifiées sont injectées
dans la tumeur maligne. Le " gène-suicide ",
c'est-à-dire le fragment d'informations génétiques issu du
virus de l'herpès, s'introduit au sein des cellules malignes. Les
médecins administrent alors au patient un médicament qui n'est
actif qu'en présence d'affections virales herpétiques (Cymevan ou
Ganciclovir). Ce médicament provoque la destruction sélective des
cellules tumorales.
La lutte contre l'angiogenèse :
La capacité, pour une tumeur cancéreuse, de grossir et de
métastaser est étroitement liée à la
prolifération des nouveaux vaisseaux sanguins qu'elle induit. Ce
phénomène, appelé angiogenèse, permet la
transformation d'un petit amas de cellules anormales en une grosse masse
pouvant se disséminer dans tout l'organisme.
Bloquer l'angiogénèse est un bon moyen de lutter contre les
tumeurs. Cela peut être réalisé grâce à
l'angiostatine, une protéine existant naturellement dans le corps. On
peut notamment citer, dans ce domaine, les travaux d'une équipe
franco-américaine
35(
*
)
qui a mis au point une technique
de thérapie génique pour fabriquer deux
anti-angiogenèses : l'angiostatine et l'endostatine et leur
permettre d'agir efficacement ; les gènes qui codent pour la
protéine inhibitrice de l'angiogénèse sont introduits dans
un rétrovirus puis transférés dans des cellules souches de
moelles osseuses cultivées
in vitro
qui sont ensuite
transplantées dans l'organisme. Cette technique semble toutefois plus
efficace à l'heure actuelle chez la souris que chez l'homme.
L'immunothérapie
est également un moyen de lutte
contre le cancer. Cette technique sera étudiée dans le chapitre
consacré aux nouveaux vaccins.
La destruction spécifique des cellules tumorales
peut
également être envisagée grâce à des produits
cytotoxiques. On utilise alors la brièveté d'expression du
gène comme un atout ce qui, dans le cas d'autres thérapies
géniques appliquées à des maladies
héréditaires chroniques, est un handicap.
Certains vecteurs cellulaires mis au point par la Société
Transgène ont une expression brève et une forte
efficacité. Il s'agit de cellules dites " vero ", provenant
d'un rein de singe ; elles ont la capacité de
" sur-exprimer " le gène-médicament avant d'être
détruites rapidement. D'où leur intérêt, par
exemple, pour stimuler la fabrication d'un cytotoxique comme
l'interleukine II, au niveau d'une tumeur, sans risque d'affecter,
à cause d'une expression trop durable du gène, les autres
cellules de l'organisme.
Le gène P 53
. Cette thérapie est actuellement
en phase III des essais cliniques
36(
*
)
; elle semble assez efficace
notamment contre le cancer de la sphère ORL appelé aussi cancer
" tête et cou ". On envisage d'associer le traitement à
une chimiothérapie ou une radiothérapie.
Il s'agit d'une injection dans les tumeurs cancéreuses du gène
suppresseur de tumeurs, P 53, surnommé " gardien du
génome ". Ce gène est naturellement présent dans les
cellules. Lorsque des mutations surviennent, il fait en sorte qu'elles soient
aussitôt réparées. Si les dégâts sont trop
importants, il amorce le programme d'autodestruction de la cellule.
Malheureusement, ce gène est lui-même parfois victime d'une
mutation et n'effectue plus son travail. La cellule est alors livrée
à elle-même et risque, à tout moment, de dériver
vers la cancérisation. La moitié des cancers portent la marque de
ce défaut. La thérapie génique permet de compenser cette
mutation en introduisant un exemplaire actif du gène dans les cellules
cancéreuses pour réactiver les mécanismes de correction ou
d'autodestruction. Des essais cliniques de thérapies génique,
avec le gène P 53, sont actuellement conduits sur des cancers aussi
variés que le cancer du poumon, du sein, de l'ovaire, de la prostate, du
cerveau..., mais ils en sont encore à des phases précoces.
En tout état de cause, même si la thérapie génique
peut offrir, à terme, des opportunités pour le traitement des
cancers, il faut rester très prudent et garder à l'esprit le
récent abandon, par le groupe Novartis, des recherches sur le
glioblastome (cancer du cerveau). Celles-ci avaient atteint la phase III
des essais cliniques et les Drs David KLATZMANN et Jean-Loup SALZMANN
avaient constaté des pourcentages de rémission jamais atteints
par un autre traitement. Toutefois, l'essai de phase III, mené en
aveugle (patients et médecins ignorant qui prend le médicament ou
le placebo) a donné des résultats trop peu significatifs pour que
Novartis envisage une commercialisation.
-
Les maladies cardiovasculaires
pourraient aussi
bénéficier de thérapies géniques. On évalue
en particulier les possibilités de stimuler la repousse de vaisseaux
sanguins par transfert de gènes de facteurs de croissance des cellules
endothéliales vasculaires (VEGF). Une maladie vasculaire avancée
peut en effet déboucher sur la survenue d'ischémie dans les
extrémités des membres ; on pourrait remédier
à celle-ci par l'injection directe de vecteurs exprimant le VEGF
permettant ainsi d'accroître l'apport sanguin dans les territoires
atteints.
Dans ce cas encore, la limitation dans le temps de l'expression de gène
n'est pas un handicap car il suffit que celle-ci dure un mois pour que les
vaisseaux repoussent. Selon le Dr. LEBOULCH, l'efficacité de cette
technique peut être accrue si l'on injecte directement les vecteurs dans
les zones ischémiques à l'aide d'un cathéter
spécial.
" La stratégie consistant à faire développer de
nouveaux vaisseaux sanguins (ou angiogénèse) pour pallier
l'obstruction des artères est une situation relativement accessible
à une thérapie génique
car il n'est ici pas
nécessaire ni même souhaitable d'obtenir une expression
prolongée des gènes thérapeutiques. En effet une
expression prolongée des gènes induirait probablement la
formation de nouveaux vaisseaux sanguins dans d'autres régions de
l'organisme, ce qui pourrait conduire à la formation de tumeurs.
Les scientifiques de l'Université de Cornell à New-York, (US)
financés par Gen Vec ont injecté le gène codant le VEGF
(un facteur de croissance des vaisseaux sanguins) directement dans le muscle
cardiaque tout en réalisant une opération de pontage. Les
résultats de ces essais viennent d'être rendus publics. Ils sont
extrêmement encourageants. De leur côté les chercheurs de
Collateral Therapeuties ont utilisé le gène codant le facteur de
croissance des fibroblastes. Ils prévoient d'administrer le
gène-médicament par un
cathéter dans les
artères coronaires des patients. Les essais cliniques de phase I/II
doivent débuter au cours du premier trimestre 1998. Sous réserve
d'un succès, des essais de phase III pourraient démarrer
dès l'année prochaine ce qui signifie que le produit pourrait
être commercialisé dans trois ans. Les
essais
menés
par Gen Vec devraient concerner une dizaine de patients
avec
un calendrier
relativement similaire à celui de
Collateral Therapeutics. Les deux approches, utilisant des vecteurs
adénoviraux, ont probablement chacune leurs avantages et leurs
inconvénients. Par exemple, la
technique d'administration de
Collateral Therapeutics semble d'emblée plus simple et moins invasive.
En revanche, il est possible que l'approche de Gen Vec permette de conserver le
gène au site où il doit s'exprimer. D'autres
sociétés ont déjà démarré des essais
utilisant le même type de gènes pour traiter des troubles
vasculaires périphériques (autres que
cardiaques). "
37(
*
)
-
Les autres pathologies :
D'autres voies thérapeutiques actuellement à l'étude
visent les maladies infectieuses comme le SIDA et l'hépatite B, les
affections articulaires inflammatoires, la maladie d'Alzheimer et la
sclérose en plaques.
Dans le domaine du SIDA, de nombreux projets existent mais beaucoup se heurtent
à deux problèmes : les difficultés de transfert des
gènes et le peu de modèles animaux.
Les maladies sensibles aux protéines thérapeutiques
Certaines maladies peuvent être traitées par la
sécrétion dans l'organisme d'une protéine
" manquante ".
Cette protéine peut être l'érythropoïétine, qui
favorise la production des globules rouges ou, dans le cadre de maladies
lysosomiales, l'enzyme déficiente susceptible d'être captée
par les cellules de l'organisme. Dans le diabète
insulino-dépendant, il faut fournir à l'organisme de l'insuline
en quantité suffisante.
D'autres protéines dont l'insuffisance provoque des maladies graves
peuvent être produites
in situ
par l'organisme : la
facteur VIII, l'urokinase, la calcitonine (maladie de Paget). On peut
alors parler de protéines de troisième génération,
la première génération étant celle des
protéines purifiées et la deuxième celle des
protéines recombinantes.
" Avec la thérapie génique, le gène devient un
possible médicament. La thérapie génique pourra
s'appliquer, évidemment, à des maladies génétiques,
et, plus généralement, à toutes les affections,
héréditaires ou acquises, qui peuvent bénéficier du
traitement par une protéine thérapeutique. En effet, il est, en
principe, toujours possible de remplacer un médicament protéique
par le gène qui va en commander la synthèse dans les propres
cellules du malade qu'il faut soigner. En ce sens, la thérapie
génique constitue la troisième étape de l'utilisation des
protéines médicamenteuses. La première est celle de la
purification à partir de tissus ou de fluides animaux ou humains ;
la seconde est le génie génétique, où l'on asservit
des micro-organismes à produire le médicament protéique en
leur transférant le gène correspondant ; la thérapie
génique, enfin, transfère directement l'ADN dans l'organisme
qu'il faut soigner, des cellules de celui-ci devenant des microfabriques du
médicament et des microsystèmes de sa délivrance au
malade. "
38(
*
)
Ainsi, la firme américaine Chiron a récemment lancé des
essais de thérapie génique susceptible de traiter les personnes
atteintes d'hémophilie A. Ces essais visent à
vérifier les possibilités d'injection, par voie intraveineuse, de
gènes codant pour la production directe par l'organisme d'un facteur
sanguin précis : le facteur VIII.
De même, la société Avigen a déposé un brevet
relatif au traitement de l'anémie par l'injection, par
l'intermédiaire du vecteur viral AAV, du gène codant pour l'EPO
(erythropoïétine).
La thérapie génique associée
Cette
approche thérapeutique semble très intéressante. C'est la
combinaison de la thérapie génique et d'un traitement
médical ou chirurgical classique. On peut citer quelques exemples :
- Lors des greffes de moelle osseuse, on est amené à injecter au
patient des lymphocytes du donneur de moelle ce qui présente
l'inconvénient d'exposer le patient à un risque de maladie de
greffon contre l'hôte qui peut être très grave.
L'une des parades possibles est de prélever des lymphocytes du donneur
et d'y transférer un gène-suicide (enzyme TK du virus de
l'herpès, comme dans le cas des tumeurs cancéreuses) avant de les
injecter au patient greffé. Si ces lymphocytes entraînent
effectivement une réaction sévère du greffon contre le
receveur, on peut administrer à ce dernier une molécule comme le
Ganciclovir. Les lymphocytes modifiés, rendus sensibles à cette
substance seront détruits.
- Les cellules cancéreuses résiduelles peuvent
également être détruites :
Lors de traitements de cancers par chimiothérapie, l'on envisage souvent
des greffes autologues de cellules sanguines (à l'origine des
défenses immunitaires). Dans ce cas, on réinjecte au patient ses
propres cellules, qu'elles aient ou non été
modifiées ; souvent il peut rester des cellules cancéreuses
dans les populations cellulaires sanguines que le patient reçoit. Une
équipe américaine (université de Yale) vient de mettre au
point un système de thérapie génique par gène
suicide permettant de se débarrasser des cellules cancéreuses
résiduelles.
- La thérapie génique peut également protéger
les patients des effets négatifs de la chimiothérapie
anticancéreuse.
Une des limitations de la chimiothérapie est l'excessive toxicité
des molécules utilisées s'exerçant notamment
vis-à-vis des cellules sanguines et conduisant à une
immunodépression sévère. Des stratégies de
thérapie génique proposées reposent sur le transfert chez
le malade de gènes protecteurs dans les cellules à l'origine des
lignées sanguines et présentes dans la moelle osseuse. Dans ce
type de méthodes, le transfert de gène est d'abord entrepris sur
des cultures de cellules de moelle osseuse du malade (ex vivo), et les cellules
modifiées sont ensuite ré-injectées au patient. Celui-ci
peut alors recevoir sans risque un traitement chimiothérapique
intensif.
1.2.2.4. Le point sur la thérapie génique
Les maladies concernées par la thérapie génique
TÊTE |
Cécité : |
- thérapie génique pour neutraliser un gène déficient. |
|
Maladie de Parkinson : |
- ralentissement de la mort des neurones et stimulation de leur repousse. |
MUSCLES |
Myopathie de Duchenne (1 naissance/ 3000) : |
- injection du gène de l'utrophine pour rétablir la liaison muscle-cerveau. |
|
Dégénérescence musculaire due au vieillissement : |
- injection d'un facteur de croissance des muscles (IGF-1). |
SANG |
Diabète insulino-dépendant : |
- restitution d'une enzyme impliquée dans la synthèse du glycogène et de l'insuline. |
|
Hypercholestérolémie familiale : |
- mécanisme de fixation du cholestérol déficient. |
|
Anémie (déficit dans le transport d'oxygène) : |
- injection d'un facteur de croissance des muscles (IGF-1). |
|
Hémophilie A (1 naissance/5000) et B (1 naissance/50000) - défaut de coagulation du sang : |
- injection dans les muscles ou le foie du gène manquant. |
|
Intolérance au lactose (sucre présent dans le lait) : |
- introduction du gène codant pour la galactoridase. 50 % de la population mondiale touchée. |
POUMONS |
Mucoviscidose (1 naissance/2000, espérance de vie, environ 20 ans) - affection des poumons : |
- transfert du gène CFTR par voie orale. |
COLONNE VERTÉBRALE |
Sclérose latérale amyotrophique (paralysie progressive) : |
- on injecte un facteur de croissance des neurones ou un gène pour stopper la mort des neurones. |
CoeUR ET ARTÈRES |
Maladies cardiovasculaires : |
- revascularisation autour des veines obturées. |
SYSTÈME IMMUNITAIRE |
Maladie chronique granulomateuse (défaut de la lutte anti-infectieuse qui provoque infections sévères pluriviscérales) : |
- on introduit le gène codant pour l'enzyme NADPH oxydase. |
|
Maladies infectieuses : SIDA, paludisme, hépatite B, herpès, tuberculose, grippe, athérosclérose : |
- système de vaccination ADN. |
CANCERS |
Cerveau, ORL, prostate, reins, peau, sein, poumon, leucémie : |
- certains gènes injectés poussent les tumeurs à s'autodétruire, d'autres les asphyxient ou les empêchent de migrer, ou encore stimulent le système immunitaire contre elles. |
Source : L'Usine nouvelle - Hors série - Mars 1999. |
Les essais cliniques en cours 39( * )
PAYS |
PROTOCOLES |
PATIENTS |
|||||
|
Nombre |
% |
Nombre |
% |
|||
Amérique
|
277
|
75,5 |
2210
|
71,5 |
|||
Europe
|
70
|
19,1 |
510
|
16,5 |
|||
Asie |
10 |
2,7 |
29 |
0,9 |
|||
Autres |
10 |
2,7 |
369 |
11,1 |
|||
Total : |
367 |
100 |
3118 |
100 |
|||
PHASE |
PROTOCOLES |
PATIENTS |
|||||
I |
241 |
1463 |
|||||
I / II |
92 |
857 |
|||||
II |
32 |
520 |
|||||
III |
2 |
249 |
|||||
Total : |
367 |
3089 |
|||||
|
PROTOCOLES |
PATIENTS |
|||||
Cancer |
230 |
2099 |
|||||
Cardiovasculaires |
11 |
39 |
|||||
Maladies infectieuses |
29 |
405 |
|||||
Maladies génétiques |
53 |
286 |
|||||
Maladies auto-immunes |
5 |
28 |
|||||
Autres |
39 |
232 |
|||||
Total : |
367 |
3089 |
Marché et industrie de la thérapie génique
- Alors que, en 1997, le marché de la
thérapie
génique de 2010 était estimé à 3,2 milliards
d'euros (selon la Business Communications Company), en 1998, les estimations
étaient passées à 41 milliards d'euros vers 2010
(estimation de la Federal Trade Commission).
- Les grands groupes pharmaceutiques impliqués sont :
Rhône-Poulenc Rorer et Hoechst Marion Roussel (Aventis), Schering-Plough,
Novartis, Glaxo Wellcome et, depuis peu, Roche.
- La thérapie génique en France
40(
*
)
:
Les laboratoires : |
|
|
CNRS |
|
INSERM |
|
Généthon : association financée par le Généthon, entièrement consacrée à la recherche et à la production de vecteurs de thérapie génique |
Les entreprises : |
|
|
Gencell RPR avec un centre de production à Vitry |
|
Transgène avec un centre de production à Strasbourg |
|
Génopoïétic avec un centre de production à Lyon |
Les principaux centres de traitement : |
|
|
Hôpital Pitié-Salpêtrière |
|
Hôpital Necker |
|
Institut Gustave-Roussy |
|
Institut Curie |
|
Centre hospitalier de Nantes |
|
Centre Léon-Bérard de Lyon |
|
Centre hospitalier de Lyon-Sud |
|
Hôpital Debrousse, Lyon |
|
Établissement de transfusion sanguine de Besançon |
|
Institut Curie (Institut Calmette, à Marseille) |
|
CHU de Nantes |
LES TRÈS RÉCENTS PROGRÈS DE LA THÉRAPIE GÉNIQUE
1. La
réparation des gènes
41(
*
)
À côté de l'approche classique de la thérapie
génique, qui consiste à introduire dans l'organisme une
" copie " correcte d'un gène dysfonctionnel, une nouvelle
technique vient d'apparaître : la réparation
in situ
des gènes mutés. Elle serait efficace dans le cas de maladies
provoquées par des mutations génétiques ponctuelles,
c'est-à-dire lorsqu'une seule base incorrecte est responsable de la
production défectueuse d'une protéine. Parmi les pathologies
notables causées par la mutation d'une seule base figure notamment
l'anémie falciforme.
Les nucléotides employés pour la réparation
génétique sont des " chimères "
c'est-à-dire des molécules constituées non plus d'ADN mais
d'ARN-ADN.
Les résultats obtenus
in vivo
sont très encourageants et
méritent d'être confirmés.
2. L'électroporation
in vivo
pour l'injection d'ADN
nu :Améliorer le transfert du gène grâce à des
impulsions électriques
42(
*
)
La génétique et l'électricité n'ont au
départ aucun point commun et n'avaient jusqu'à présent pas
mêlé leurs applications. Aujourd'hui, deux équipes de
chercheurs français du CNRS dirigées respectivement par Luis MIR
(Institut Gustave Roussy, Villejuif) et Daniel SCHERMAN (unité mixte
CNRS-Rhône-Poulenc Rorer Vector Developpment) rapportent que
l'électricité pourrait jouer un rôle de stimulant dans le
cadre de thérapies géniques en améliorant le
fonctionnement des gènes injectés. Au cours de leurs
expériences, les scientifiques sont parvenus à
" introduire durablement un gène dans les muscles de souris en
obtenant, sous l'action d'impulsions électriques, une efficacité
au moins cent fois supérieure à la simple injection
d'ADN "
.
Un tel résultat est prometteur car cette technique appliquée aux
muscles pourrait, par exemple, permettre de traiter des myopathies ou encore
d'obtenir une sécrétion d'hormones.
" Les impulsions
électriques rendent perméables les cellules, elles ouvrent la
porte des cellules pour y faire entrer le produit choisi "
, explique
Luis MIR.
3. Suivre le chemin des gènes
43(
*
)
" Il est désormais possible de visualiser in vivo le cheminement de
brins d'ADN grâce à la tomographie à émission de
positons.
C'est une avancée méthodologique importante pour le
développement de la thérapie génique.
La fabrication d'une nouvelle molécule aux effets physiologiques
prouvés ne suffit pas à la promouvoir au rang de
médicament.
À cet effet, de multiples expérimentations sont
nécessaires. Entre autres, il faut pouvoir suivre son trajet sinueux
à l'intérieur du corps d'un animal, puis d'un homme -un des
obstacles auquel se heurte le développement de la thérapie
génique.
L'unité INSERM U 334 et le Service Hospitalier
Frédéric Joliot de la Direction Sciences du Vivant du CEA a
Orsay, ainsi que le Service de pharmacologie et d'immunologie (CEA/Saclay)
viennent de relever le défi.
En utilisant une technique d'imagerie médicale, la tomographie à
émission de positons (TEP), ils visualisent, dans un organisme vivant,
le cheminement d'oligonucléotides, ces brins d'ADN ou d'ARN sur lesquels
reposent les espoirs de la thérapie génique.
Utilisée en recherche fondamentale et en pharmacologie, la TEP permet la
localisation corporelle d'une molécule marquée par un
radio-isotope. On peut alors mettre en évidence des fonctions, observer
les dégâts causés par un accident vasculaire grâce
à la mesure du débit sanguin cérébral ou encore
localiser des tumeurs en visualisant la forte consommation de glucose par des
cellules cancéreuses...
Dans leur étude, publiée dans Nature Medicine, les chercheurs se
sont intéressés aux oligonucléotides, molécules qui
agissent au sein des cellules. Selon leur nature, les oligonucléotides
permettent à certaines cellules malades de synthétiser une
protéine dont elles sont dépourvues, ou ils s'opposent à
l'action d'une protéine défectueuse, soit en empêchant sa
fabrication, soit en perturbant son fonctionnement.
Actuellement, il est possible de vérifier le chemin emprunté par
ces molécules à l'intérieur d'un organisme, mais
uniquement chez des animaux de laboratoire et par des méthodes longues
et laborieuses. La nouvelle technique permet de réduire le temps
nécessaire à ces études de manière
considérable : une fois les oligonucléotides
radiomarqués, les chercheurs peuvent suivre leur trajet dans un
organisme vivant en quelques heures seulement. Ils ont directement accès
à une image de tous les organes, ce qui limite le recours à
l'expérimentation animale. Non invasive et sensible, cette technique
pourrait être applicable à l'homme. "