3. Le choix de l'entreposage ou du stockage et la problématique de la réversibilité

Alors que l'opinion dominante des acteurs de la filière nucléaire était à la fin des années 80 de considérer le stockage définitif en profondeur comme la seule solution rationnelle pour gérer les déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, la loi du 30 décembre 1991 a diversifié les approches en introduisant non seulement l'idée de la séparation-transmutation étudiée précédemment mais aussi celle de la réversibilité du stockage en profondeur et enfin celle du conditionnement et de l'entreposage de longue durée en surface.

L'attention tant du Gouvernement 90( * ) que des cercles suivant de près la gestion des déchets nucléaires se porte depuis peu mais avec un intérêt croissant sur le stockage ou l'entreposage en sub-surface et sur la notion connexe de réversibilité.

En réalité, les efforts de réflexion sur cet axe de recherche, qui avaient pris un retard dénoncé dès 1996 par l'Office 91( * ) , ne font que débuter. Certaines difficultés de fond commencent à apparaître. Vos Rapporteurs ne prétendent pas dans ce chapitre clore la recherche sur le sujet mais essayer de mettre en évidence les arbitrages qui seront vraisemblablement nécessaires et introduire une réflexion sur les critères de choix à mettre au point dans cette perspective.

La question de la sûreté du stockage en couche profonde est examinée dans un premier temps, notamment à la lumière des résultats des modèles de dissolution élaborés par le CEA et à l'aune des études réalisées sur les réacteurs nucléaires naturels que l'on peut trouver au Gabon.

Ces éléments sont ensuite comparés avec les contraintes générées par la présence des dépôts de déchets en surface ou en sub-surface.

La notion de réversibilité est enfin abordée notamment au regard de sa durée de mise en oeuvre et de son coût.

Introduction

Pour dégager la problématique de l'entreposage et du stockage des déchets, il est indispensable de rappeler la classification française des déchets radioactifs et leur mode de conditionnement. Un récapitulatif des politiques de gestion des déchets à l'étranger est également présenté ci-après.

la classification française des déchets radioactifs

Pour resituer le problème des déchets à haute activité et à vie longue dans un cadre d'ensemble, on trouvera dans le tableau suivant la classification française des déchets, ainsi que les volumes générés annuellement et les stocks.

Tableau 44 : classification française des déchets radioactifs et estimations des volumes 92( * )

type de déchet

nature, origine et conditionnement

activité

durée

de vie

quantités/an

stocks

Déchets TFA (très faible act.)

gravats et ferrailles, démantèlement (prochainement)

pas de conditionnement spécifique

1 - 100 Bq/g

 

4 000 m3/an

9 millions m3 en 2020 - pas de décision pour site

Déchets FA (faible activité)

déchets radifères issus du traitement de l'uranium au sortir de la mine

100 -

100 000 Bq/g

vie longue (30-10 000 ans)

2 800 m3/an

pas d'estimation précise - pas de décision pour site

Déchets A

résines, filtres, gants, etc. : exploitation des centrales, des usines de retraitement, des labos médicaux ou industriels, etc.

blocs de béton

1 000 - X00 000 Bq/g

vie courte (<30 ans)

20 000 m3/an

dont 4 000 m3 issu du retraitement ;

90 % des déchets produits annuellement

520 000 m3 sur le centre de stockage de surface de la Manche

actuellement 50 000 m3 à Soulaines (capacité max : 1 million m3 ; saturé en 2045)

Déchets B

déchets produits lors du retraitement et de la fabrication du plutonium

coques et embouts provenant des gaines de combustible

boues issues du retraitement

matrice de béton, de bitume ou de verre enchâssée dans du béton

résidus métalliques compressés dans containers d'inox

X00 000 Bq/g

vie longue

3 000 m3/an

selon le Gvt 93( * ) : 57 000 m3 en 2020

Déchets C

déchets du retraitement : PFVL et AM 94( * )

par extension combustible irradié non retraité,

milliards de Bq/g

vie courte

ou longue

verres : 200 m3/an

combustible irradié non retraité : 350 t/an

verres : selon le Gvt 95( * ) : 5 000 m3 en 2020

Ainsi que cela a été vu plus haut, les déchets au centre des attentions, sont ceux qui présentent la double caractéristique d'être fortement radioactifs et d'avoir une période longue. Les déchets C sont les " résidus du retraitement " . Par extension voire abus de langage, si l'on considère qu'ils ne seront " jamais " retraités, les combustibles non retraités peuvent être considérés comme des déchets C, de par leur radioactivité.