L'aval du cycle nucléaire
M. Christian Bataille et Robert Galley, députés
Rapport de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques No 612 (1997 / 1998)
Table des matières
- AVANT - PROPOS
- Introduction générale
-
1. La problématique recyclage - stockage pour le combustible
irradié et le plutonium de retraitement
- Introduction
- 1.1. le plutonium : flux et stocks
- 1.2. la montée des isotopes pairs du plutonium au cours de l'irradiation, une donnée fondamentale pour les combustibles et les réacteurs actuels ou futurs
-
1.4. le plutonium considéré comme un combustible et son recyclage
dans le Mox : contraintes techniques
- Plusieurs types de Mox et plusieurs configurations de coeur contenant du Mox
- Un maximum de 12 % de plutonium dans le Mox
- La modification du design initial des réacteurs 900 MWe et la limitation du pourcentage d'assemblages Mox à 30 % du total
- L'introduction du Mox dans les réacteurs de 1300 MWe envisageable à l'horizon 2005
- Le Mox dans les réacteurs de 1 450 MWe : un problème analogue à celui des réacteurs 1 300 MWe
- Le Mox et l'EPR : une question stratégique
- La faisabilité et l'opportunité du retraitement du Mox
- Le combustible Mix : une solution coûteuse et peu efficace vis-à-vis du plutonium
-
1.5. EDF bloquée à 16 tranches moxées mais candidate pour
12 autorisations supplémentaires
- Une stratégie globale de l'aval du cycle
- EDF soucieuse d'obtenir l'autorisation de moxer 28 tranches
- En cas de limitation à 16 tranches, l'abandon du principe d'égalité des flux ou la diminution des quantités retraitées et donc des suppressions d'emploi
- Une attitude prudente pour le reste du parc
- Pour un EPR moxé à 15 %
- L'urgence de prendre une décision sur l'EPR
- Adaptations stratégiques et transposition de la directive européenne sur l'ouverture du marché de l'électricité
- 1.6. Le plaidoyer de Cogema en faveur de l'équilibre économique du cycle du combustible
-
1.7. la nécessité de prendre parti pour le Mox mais aussi
d'augmenter les marges disponibles pour l'entreposage du combustible
irradié non retraité
- La France dans la ligne internationale pour le recours au Mox
-
• Le Mox promu aux Etats-Unis par les négociations stratégiques avec la Russie5151 entretien avec M. Daniel Leroy, attaché nucléaire à l'ambassade de France à Washington, 21 avril 1998 - Le Mox irradié : une bonne matrice d'immobilisation du plutonium
- La nécessité d'augmenter les marges d'entreposage du combustible irradié
-
2. Les limites probables de la séparation et de la transmutation et le
dilemme transmutation-stockage
-
2.1. les difficultés de la séparation
- La séparation du neptunium et du technétium, un problème réglé
- L'américium et le curium : deux actinides mineurs particulièrement encombrants
- Le bloc difficile à entamer de l'américium et du curium
- La séparation des produits de fission
- Le butoir du césium
- Une connaissance de plus en plus fine des combustibles irradiés
- Le coût probablement important de la séparation
- La diminution des volumes des rejets et des déchets B
-
2.2. les limites des études sur la transmutation avec Phénix
- La remontée en puissance de Phénix
- Les conséquences de la fermeture de Superphénix sur les études relatives à la transmutation
- Les conditions techniques des expériences de transmutation
- Les expériences CAPRA utiles pour l'étude du recyclage du plutonium
- Les expériences SPIN pour la transmutation des actinides mineurs et des produits de fission à vie longue
- 2.3. le réacteur Jules Horowitz et les études sur la transmutation : un lien hypothétique
-
2.4. Le réacteur hybride, médaille d'or du marketing
scientifique
- De nombreux projets diversifiés et à objectifs multiples, proposés dans le monde entier
- Le projet français de réacteur hybride
- Un démonstrateur de réacteur hybride original
- Un investissement international
- Quels intervenants pour la France ?
- L'attitude prudente des Etats-Unis oui à la spallation, non à un réacteur hybride
- Un projet dont la finalité et le coût doivent être précisés
- Des options techniques et une sûreté encore bien floues
- Une application opérationnelle après la décision ?
- 2.5. la question des quantités transmutables et le problème du tout ou rien
-
2.1. les difficultés de la séparation
-
3. Le choix de l'entreposage ou du stockage et la problématique de la
réversibilité
- Introduction
-
3.1. la sûreté maximale est-elle apportée par le stockage
en couche profonde ?
- La multiplication des barrières
- Un confinement satisfaisant selon les modèles de cinétique de dissolution
- L'immobilisation naturelle de radioéléments sur des millions d'années
- Avec les céramiques, peut-être l'immobilisation des actinides mineurs et des produits de fission sur 2 milliards d'années, sauf accident naturel ou provoqué par l'Homme
- La nécessité de construire au moins deux laboratoires souterrains profonds
- Des investissements et des coûts d'exploitation à la portée de la filière
- 3.2. les contraintes de sûreté de la surface ou de la sub-surface
- 3.3. le prix de la réversibilité
- 3.4. la charge pesant sur les générations futures
- 3.5. la nécessité d'éviter des décisions hâtives
-
4. Le jeu institutionnel : réussites et débordements
-
4.1. La commission nationale d'évaluation : du jury de thèse
au gouvernement mandarinal
- La mission fixée par la loi : aider le Gouvernement à informer le Parlement
- Une solennité et une séquence symboliques
- L'affaire du site granitique : information, évaluation ou décision ?
- Un jury de thèse souverain
- L'impossibilité d'un gouvernement mandarinal de la recherche sur les déchets radioactifs
- 4.2. le nouvel engagement du CEA
- 4.3. l'Andra, un organisme qui doit affirmer sa compétence scientifique
-
4.1. La commission nationale d'évaluation : du jury de thèse
au gouvernement mandarinal
- 5. Optimiser la durée et les coûts
- Conclusion
- RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS
- EXAMEN DU RAPPORT PAR L'OFFICE
- ANNEXE 1
- ANNEXE 2
AVANT - PROPOS
Malgré les campagnes de dénigrement et les
attaques
insidieuses ou non fondées dont elle fait l'objet dans le monde et,
depuis quelque temps, dans notre pays, l'énergie nucléaire n'est
pas condamnée, loin s'en faut. On peut même affirmer qu'il s'agit,
à partir des considérations techniques, économiques et
politiques actuelles, d'une énergie décisive à l'horizon
du siècle qui vient.
Il ne sert à rien de proclamer que l'on veut réduire les
émissions de gaz à effet de serre si l'on se refuse à
utiliser le seul mode actuel de production massive d'électricité
qui soit à la fois efficace et sans rejet carbonique dans
l'atmosphère. Toutes les ressources potentielles de production
électrique à partir de l'énergie hydraulique doivent
être exploitées. Les énergies renouvelables peuvent et
doivent être développées ; cependant leur faible
rendement ne permet pas, pour le moment, de les considérer comme une
énergie de substitution, mais au mieux comme une énergie de
complément.
L'abandon du nucléaire se traduirait de fait par un recours accru aux
énergies fossiles, charbon, pétrole et gaz, et donc par une
augmentation conséquente de l'effet de serre. Il faut redire, de ce
point de vue, que le gaz naturel n'offre pas d'avantages particuliers par
rapport au charbon ou au pétrole et que le dilemme dans notre pays se
situe entre l'énergie nucléaire ou le gaz, la
gestion des
déchets
ou
l'effet de serre
.
A l'aune de l'histoire, l'énergie nucléaire à partir de la
fission représente, comme bien d'autres, une solution transitoire. Les
progrès scientifiques et techniques permettent d'espérer,
à long terme, une source d'énergie qui n'aurait pas les
inconvénients liés à la radioactivité. Cependant,
à l'heure actuelle, elle reste la solution la plus
équilibrée. Prétendre qu'il serait possible de
" sortir du nucléaire "
dans les années qui
viennent relève de l'incantation et du voeu pieu, contradictoire avec
les objectifs du sommet de Kyoto et les fondamentaux de l'économie.
Qu'arrivera-t-il quand les Chinois, les Indiens, se donneront tous les moyens
pour tendre vers notre niveau de consommation d'énergie (ce qui serait
parfaitement légitime de leur part) en recourant exclusivement aux
énergies fossiles ? Les efforts des pays développés,
aujourd'hui les plus voraces en énergie à effet de serre, n'en
seraient que plus justifiés.
Ces évidences n'exonèrent pas l'industrie nucléaire des
critiques qui s'imposent. Comme cela a été dit, à maintes
reprises, dans les rapports de l'Office parlementaire d'évaluation,
cette industrie est une industrie qui manipule des produits dangereux et qui,
à ce titre, doit être contrôlée par les
autorités de sûreté spécialisées, mais
également être étroitement surveillée par les
pouvoirs publics et, en particulier, par le Parlement.
Que ses promoteurs l'acceptent ou non, l'énergie nucléaire est
perçue dans le public comme une industrie particulière dans
laquelle les règles de sûreté doivent être
appliquées sans aucune défaillance et dans laquelle la
transparence doit être totale. C'est un fait ! Par suite d'un
passé lointain, on est bien plus vigilant sur la radioactivité
que sur la présence de mercure ou de plomb, on considère que le
problème de la couche stratosphérique d'ozone n'est pas
urgent !
En quelques années, les esprits ont sensiblement évolué
dans ce domaine et le Parlement, par le biais de l'Office, a accès
très largement à l'information. Notre problème est
plutôt, désormais, de savoir comment nous allons gérer et
exploiter la masse de documents qui nous arrive régulièrement. On
peut toutefois regretter qu'une certaine culture de l'autosatisfaction et de la
non-transparence vienne conforter les arguments de ceux qui ont
décidé, une fois pour toutes, que tout était opaque et
secret dans le secteur de l'industrie nucléaire, comme il l'était
pour l'énergie atomique militaire.
Le problème de la dissimulation des informations dans le transport des
combustibles irradiés en est une bien piteuse illustration. Pourtant,
les responsables devraient comprendre que la transparence renforce la
crédibilité du secteur nucléaire vis-à-vis de
l'opinion publique, comme cela a d'ailleurs été le cas pour la
production des centrales électronucléaires d'EDF. A la fin des
années quatre-vingt, il y eut des campagnes de révélations
prétendument sensationnelles qui caricaturaient le problème des
déchets de faible activité. La loi du 30 décembre
1991, en organisant la publication, chaque année, de l'inventaire des
déchets, a largement contribué à apaiser une opinion
inquiète parce que peu ou pas informée.
Allons-nous pouvoir désormais aller plus loin et faire en sorte que les
responsables politiques puissent exercer normalement leurs pouvoirs de
contrôle dans le domaine de l'énergie ?
Le temps où quelques ingénieurs pouvaient décider seuls de
la politique énergétique du pays est révolu. Il ne doit
plus exister de domaine réservé duquel les citoyens et leurs
représentants seraient exclus au profit d'une technostructure qui
imposerait une pensée unique qu'elle serait seule à
définir.
Discuter ouvertement, librement, avec l'esprit critique, des grandes
orientations du cycle du combustible nucléaire ne porte pas, au
contraire, condamnation de l'ensemble de la filière. Par contre, cette
industrie, comme toutes les autres, doit pouvoir s'adapter aux
réalités nouvelles et aux attentes des citoyens.
L'industrie nucléaire française a, en son temps, surmonté
l'abandon de la filière graphite-gaz. De la même manière,
elle acceptera les adaptations du cycle du combustible avec la souplesse
nécessaire.
La gestion de l'aval du cycle est aujourd'hui un problème
décisif. Le temps est venu de réviser certains dogmes qui ne
correspondent plus à la réalité économique et
industrielle. Le
" tout retraitement "
fait partie de ces
dogmes qui ont fait leur temps. Dire clairement, comme nous l'avions fait dans
un précédent rapport de l'Office, que tout le combustible
irradié ne sera plus retraité ne porte pas atteinte à
l'industrie nucléaire, mais doit entraîner des adaptations claires
de la stratégie industrielle.
Au lieu de continuer à se comporter comme si les problèmes ne se
posaient pas, il vaudrait mieux se donner les moyens pour approfondir la
réflexion et, ensuite, prendre des décisions sur la destination
finale qui sera réservée aux éléments de
combustible qui ne seront pas retraités.
Il en est de même pour le combustible Mox usé que, de toute
évidence, l'utilisateur EDF ne souhaite pas voir retraité.
Ce rapport démontre, par ailleurs, que nous avons un stock de plutonium
de 65,4 tonnes, très supérieur à la marge de
réserve de 20 tonnes estimée nécessaire par EDF. Nous
devons, dès aujourd'hui, examiner la manière dont nous pourrons
soit utiliser, soit stocker une partie du plutonium déjà extrait
et qui ne trouvera pas de débouché à moyen terme.
Toutes les voies pour la gestion de l'aval du cycle doivent donc rester
ouvertes : la recherche fondamentale, la recherche en laboratoires, et
l'étude de la faisabilité du stockage de longue durée en
surface. Il est possible et même probable que, pour la gestion finale des
déchets nucléaires, il n'y ait pas une voie unique, mais que le
Parlement ait à se prononcer en 2006 sur des solutions combinant les
trois voies de la loi de 1991.
Dans le domaine du nucléaire, comme dans beaucoup d'autres domaines
liés au progrès scientifique, il faut savoir s'adapter et
réviser des conceptions trop rigides et dogmatiques. La pire des
solutions serait, face aux incertitudes que ce rapport recense, de rester
passif et de reporter sur les générations futures la solution de
problèmes que nous avons posés et que nous n'aurions pas le
courage de résoudre. L'avenir de l'énergie nucléaire
repose sur les solutions pour l'aval du cycle.
Le problème est difficile mais n'est pas insurmontable. Il faut poser
les problèmes, soutenir les recherches, préciser les
étapes du calendrier, avancer les solutions les unes après les
autres.
La voie est étroite entre un pouvoir technicien antidémocratique
et opaque et l'agitation désordonnée de minorités qui nous
conduisent à l'impasse ou nous emmèneraient au désastre.
Chacun voudrait imposer ses a priori, ses idées toutes faites. Or,
ce qui est décisif est de préserver une pluralité de
réponses possibles et, de ce point de vue, l'évolution des
connaissances, les résultats des recherches examinés
objectivement nous apporteront des enseignements précieux.
Divers rapports de l'Office ont déjà souligné les aspects
néfastes d'une culture nucléaire monolithique et dépourvue
de souplesse. Ils ont, avant tout, mis en exergue la nécessité
d'une pratique tolérante, maintenant dans l'avenir le plus grand nombre
de solutions possibles. D'aucuns veulent aujourd'hui fermer les portes
maintenues ouvertes par la loi de 1991. Par-delà l'irrationalité
de cette réaction, faut-il voir un avatar supplémentaire de la
pensée unique ?
La démocratie a encore bien des domaines à défricher et
à conquérir, là où le débat public doit se
substituer aussi bien à l'autoritarisme qu'aux conciliabules de couloir.
L'énergie nucléaire et sa domestication sur tout le
XXI
e
siècle est un de ces nouveaux territoires que la
démocratie doit irriguer.
Notre société, ses élus, ses dirigeants s'interrogent sur
la pérennité de choix qui, au demeurant, se sont jusqu'alors
révélés pertinents. Quoi de plus naturel que ces
interrogations, surtout quand il s'agit de poursuivre à long terme ?
Mais il faut aussi avancer en rythme et sans précipitation. Nous pouvons
sortir de cette étape par le haut. Une pratique plus transparente, plus
tolérante, plus démocratique sera plus en harmonie avec le temps
qui vient.
Introduction générale
Depuis
1991, pour répondre aux attentes des citoyens et aux impératifs
de la filière nucléaire, la question de la gestion des
déchets nucléaires est traitée au grand jour. La loi du 30
décembre 1991
1(
*
)
définit d'une
part un cadre législatif qui donne toute garantie sur l'intervention du
Parlement pour les décisions clés. Elle fixe d'autre part un
horizon de temps et une méthode pour les études à conduire
et les réalisations à mettre en oeuvre dans le but d'apporter les
meilleures solutions au traitement des déchets nucléaires.
S'agissant des études à conduire, la loi du 30 décembre
1991, dans son article 4, définit trois axes principaux :
"- la recherche de solutions permettant la séparation et la
transmutation des éléments radioactifs à vie longue
présents dans ces déchets,
- l'étude des possibilités de stockage réversible ou
irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment
grâce à la réalisation de laboratoires souterrains,
- l'étude des procédés de conditionnement et d'entreposage
de longue durée en surface de ces déchets."
Après avoir joué un rôle déterminant dans
l'élaboration et l'adoption de la loi, l'Office parlementaire des choix
scientifiques et technologiques a, quant à lui, continué de
suivre le problème, d'une part en étudiant les rapports annuels
de la commission nationale d'évaluation et, d'autre part, en publiant un
nouveau rapport en mars 1996 sur les déchets nucléaires à
haute activité
civils
2(
*
)
et en
décembre 1997 sur les déchets nucléaires à haute
activité
militaires
3(
*
)
.
L'Office parlementaire a, d'autre part, été associé
à la mission confiée en décembre 1996 à M. Claude
Mandil, Directeur général de l'Énergie et à
M. Philippe Vesseron, Directeur de la prévention des pollutions et
des risques. L'Office avait alors demandé à vos Rapporteurs, en
charge d'une étude transmise à l'Office par la Commission de la
Production et des Échanges, d'assurer le suivi des travaux de cette
mission. La dissolution de l'Assemblée Nationale ne leur avait cependant
permis d'assister que partiellement à ces réunions.
Les travaux réalisés par la mission Mandil-Vesseron, auxquels
avaient été associés tous les différents acteurs du
nucléaire, ont servi de base aux réflexions de l'Office qui
viennent compléter le document correspondant, que les deux membres du
Gouvernement concernés, le Ministre de l'Aménagement du
Territoire et de l'Environnement, et le Secrétaire d'État
à l'Industrie, n'avaient pas souhaité rendre public avant que
l'Office ait été réellement en mesure de se prononcer.
A mi-parcours du délai de 15 ans fixé par la loi pour une
décision concernant un éventuel stockage souterrain des
déchets, la saisine de l'Office prend une nouvelle et brûlante
actualité.
Le moment est en effet venu de prendre une décision concernant la
localisation et la construction des futurs laboratoires souterrains. La loi en
prévoit en effet plusieurs
4(
*
)
. Trois
sites ont fait l'objet d'avis favorables de la part de l'ANDRA, le site de Bure
(Meuse) permettant des recherches sur le comportement des radionucléides
dans l'argile, le site de Marcoule, près de Bagnols-sur-Cèze
(Gard) pour le même type de milieu géologique et le site de La
Chapelle-Bâton (Vienne) pour l'étude des radionucléides
dans le granite.
La Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires
(DSIN) a pour sa part instruit les demandes d'autorisation pour la
création d'un laboratoire souterrain sur chacun des sites, de sorte
qu'il appartient aujourd'hui au Gouvernement de prendre sa décision.
Par ailleurs, la fermeture de Superphénix, annoncée par le
Premier ministre le 19 juin 1997, a été confirmée lors du
comité interministériel du 2 février 1998. Or, depuis le
décret du 11 juillet 1994
5(
*
)
, le
rôle assigné à Superphénix était celui
d'être une installation de recherche pour l'incinération du
plutonium et des déchets nucléaires à haute
activité, cette installation devant occuper ainsi une place très
importante dans le dispositif prévu par la loi de 1991.
Il est certes prévu que Phénix devienne à brève
échéance un outil de remplacement. Mais il y a lieu de
vérifier en détail si cette substitution est possible. Les
puissances de ces deux réacteurs à neutrons rapides
diffèrent en effet fortement : 250 MWe pour Phénix contre
1 200 MWe pour Superphénix. Leurs âges respectifs et donc
potentiellement leurs conditions de sûreté sont également
très différents : Phénix a été mis en
service en 1973 et Superphénix en 1985.
La Commission d'enquête sur Superphénix et la filière des
réacteurs à neutrons rapides, dont vos Rapporteurs sont
Président et Rapporteur, examine actuellement les conditions de la
remontée en puissance de Phénix. Dans le cadre de leur
étude sur l'aval du cycle, vos Rapporteurs ont centré leurs
recherches sur les résultats attendus des expériences
prévues avec Phénix sur l'axe 1 de la loi de 1991.
Une troisième évolution, qui se traduit aujourd'hui avec force
dans le débat politique, renforce la nécessité de nouveaux
rapports de l'Office parlementaire.
Les trois axes de recherche prévus par la loi de 1991 couvrent bien
l'éventail du possible. Les études à réaliser
doivent porter, ainsi qu'on l'a rappelé plus haut, sur le stockage
réversible
ou
irréversible
des déchets
à haute activité.
Dès 1991, il n'était pas en effet exclu que l'on ne puisse en
quinze ans mettre au point les technologies permettant de casser des
composés radioactifs de période
6(
*
)
se comptant en millions d'années comme ceux du neptunium 237 ou du
césium 135 en composés radioactifs de période de quelques
dizaines d'années.
En cette mi-1998, cette question clé ne semble pas avoir encore
reçu de réponse. La reprise des déchets constitue donc
toujours une option à explorer. Elle semble d'ailleurs prendre une
importance critique dans le public et dans le débat politique.
Corrélativement, les techniques de conditionnement et d'entreposage de
longue durée en surface, en sub-surface ou en profondeur revêtent
une importance capitale si l'on veut garantir la réversibilité
des options. Dès lors, il convient d'examiner avec une attention toute
particulière l'état d'avancement des recherches correspondantes.
Le présent rapport examine les résultats obtenus dans chacun de
trois domaines de recherche, leur portée et leurs limites.
Mais la problématique du retraitement constituant la toile de fond de
l'aval du cycle, vos Rapporteurs l'étudient d'abord en n'omettant
évidemment pas de traiter du recyclage du plutonium par la seule voie
désormais possible après la fermeture de Superphénix,
c'est-à-dire la voie du Mox. Les limites que pourraient présenter
les techniques de séparation et de transmutation sont ensuite
examinées. La question décisive pour l'avenir est bien en effet
de savoir quelles quantités de radioéléments à
haute activité et à vie longue pourront être
transmutées, avec quels équipements et à quelle vitesse.
La problématique du choix entre l'entreposage et le stockage en
découle naturellement. Présentée à la fin des
années 80 comme la seule solution rationnelle de gestion des
déchets à vie longue, la méthode du stockage
irréversible est désormais confrontée à celle de
l'entreposage, par définition réversible. L'entreposage devrait
permettre d'assurer la réversibilité et de conserver des marges
d'action, par rapport à l'évolution des techniques et des
marchés. Vos Rapporteurs proposent d'examiner à quelles
conditions de délais, de coûts et de sûreté cet
objectif pourrait être atteint.
En réalité, à mi-parcours du temps prévu par la loi
de 1991 pour réunir les connaissances qui permettront en 2006, et
seulement à cette date, de décider de l'organisation
générale de la gestion des déchets radioactifs à
haute activité et à vie longue, il apparaît bien qu'il
n'existe aucun antagonisme entre les 3 axes de recherche. Sans doute, à
l'avenir, la gestion des déchets hautement radioactifs mettra-t-elle en
oeuvre une combinaison de techniques relevant de ces trois domaines.
Incinération, entreposage ou stockage, en surface ou en
profondeur : ces trois techniques de gestion des déchets
radioactifs à haute activité doivent, en tout état de
cause, continuer d'être explorées simultanément et à
parité, afin qu'en 2006, le Parlement puisse décider en toute
connaissance de cause des solutions que la communauté scientifique et le
Gouvernement lui présenteront.
1. La problématique recyclage - stockage pour le combustible irradié et le plutonium de retraitement
Plus
qu'aucune autre question portant sur la filière nucléaire, la
question du retraitement suscite des controverses. Il paraît important de
reprendre les données de base du problème.
Pour les uns, le retraitement, par l'ampleur et la durée des
investissements qu'il nécessite, introduit une rigidité dans les
choix de la filière. Pour les autres, le retraitement est effectivement
la clé de la cohérence de celle-ci, en ce qu'il apporte une
double contribution économique et dans un certain sens écologique
à l'équilibre de la filière.
La problématique recyclage-stockage est bien sûr
conditionnée en France par l'existence d'une industrie qui a un poids
économique très important. Il faut par ailleurs souligner que le
recyclage du plutonium et de l'uranium des combustibles usés permet une
réduction de la toxicité des déchets.
Une fois rappelées ces données fondamentales, vos Rapporteurs
examinent dans la suite l'importante question du plutonium sous le triple
aspect de sa physique, de ses stocks et des flux correspondants. La question du
plutonium considéré comme déchet est ensuite
traitée. Mais, compte tenu du potentiel énergétique et de
la toxicité du plutonium, la France s'est engagée dans la voie du
recyclage et de sa valorisation dans le combustible Mox
7(
*
)
. Les différentes contraintes techniques portant
sur la composition et l'utilisation du Mox sont détaillées
ultérieurement. EDF souhaite porter à 28 réacteurs sur 58
les autorisations de chargement. Cogema quant à elle souligne que les
installations du cycle du combustible sont calibrées pour cette
situation et verraient leur rentabilité économique ruinée
si l'on s'arrêtait
" au milieu du gué "
.
Au total, il apparaît clairement à vos Rapporteurs que la France
est désormais dans une situation de retraitement d'une partie encore
indéfinie des combustibles irradiés. Deux ans après que
votre Rapporteur a révélé en mars 1996 qu'une partie
substantielle du combustible n'allait pas être retraitée, il se
confirme que l'aval du cycle nucléaire est désormais dual en
France.
Une partie du combustible est retraitée et une autre, un tiers, ne l'est
pas. Il s'agit d'une situation de fait qui ne traduit pas la victoire des
partisans du non-retraitement sur ceux du retraitement mais qui est la
résultante d'arbitrages économiques. Pour commencer à en
tirer les conséquences, peut-être faut-il redonner une marge
d'évolution à un ensemble d'entreposage à court terme
proche de la saturation. Mais il faut surtout tirer les conclusions de cette
situation pour l'avenir et prévoir avec plus de précision des
techniques d'entreposage à moyen terme voire de stockage à
très long terme pour les combustibles irradiés non
retraités.
Introduction
Le contexte de l'aval du cycle français est sans équivalent dans le monde, dans la mesure où l'objectif de l'ensemble des opérateurs a été de maîtriser l'ensemble des techniques susceptibles d'intervenir dans la filière. A la prise en compte du contexte économique doit s'ajouter, pour recenser tous les paramètres de décision, une inscription des problèmes dans une réalité physique de base, celle de la fission des éléments lourds que sont l'uranium et le plutonium.
Des installations de retraitement opérationnelles jusqu'en 2030
L'industrie française du retraitement est la 1 ère du monde. Il s'agit là de l'un des domaines où une politique volontariste et globale, conjuguée à un savoir-faire technologique de premier plan, a porté la France à la pointe des industries mondiales. Pour les détracteurs du retraitement, cette singularité dénote, au contraire, un isolement de la France et, somme toute, remet en cause la pertinence du choix du recyclage. En réalité, vos Rapporteurs estiment que c'est sans doute cette position dominante qui a permis à l'industrie française de vendre des centrales à l'étranger. C'est aussi d'ailleurs la raison de la concentration des attaques d'organisations internationales qui visent plus la France que les choix industriels qu'elle incarne.
Tableau 1 : l'industrie du retraitement dans le monde 8( * )
Pays |
opérateur |
site |
capacité finale |
France |
Cogema |
La Hague |
1 600 t/an |
Royaume-Uni |
BNFL |
Sellafield |
900 t/an |
Japon |
JNFL |
Rokkasho-Mura (mise en service après 2003) |
800 t/an |
|
PNC |
Tokaï-Mura (arrêt après 2003) |
90 t/an |
Russie |
|
Tcheliabinsk-65 |
400 t/an |
|
|
Krasnoïarsk (inachevée) |
1 500 t/an |
Les
principales étapes de la construction de l'outil industriel
français du retraitement civil sont les suivantes :
- 1960 : choix du site de La Hague
- 1962 : définition du procédé, des matériels
et des installations de retraitement
- 1966 : démarrage de l'usine UP2 de La Hague pour le retraitement
du combustible uranium naturel graphite gaz (UNGG)
- 1976 : construction au sein de l'usine UP2 d'un nouvel atelier de
400 t/an (atelier HAO destiné au traitement du combustible des REP
- 1987 : arrêt du retraitement du combustible UNGG à La
Hague et transfert à l'usine UP1 de Marcoule
- 1990 : mise en service de l'usine de retraitement UP3 de La Hague,
dimensionnée pour 800 t/an
- 1994 : mise en service de l'usine de retraitement UP2-800
- 1998 : démantèlement de l'usine UP1 de Marcoule
commencé le 1
er
janvier
Au
final, le site de La Hague est un complexe industriel de très grande
taille comprenant 6 installations nucléaires de base (INB). Le montant
des investissements réalisés dans l'usine de La Hague est
évalué à 90 milliards de F.
L'usine de La Hague est un outil fonctionnant selon les prévisions. Il
devrait être amorti sur le plan financier vers 2001. Alors, la
rentabilité augmentera fortement. Mais plus probablement, le coût
total d'exploitation et par conséquent les prix de traitement des
combustibles et corrélativement celui du plutonium s'abaisseront.
S'agissant de la durée de vie des installations, celles-ci devraient
pouvoir fonctionner jusqu'en 2030-2040 environ avant d'être
déclassées. L'exemple d'UP1 de Marcoule, construite entre 1955 et
1959 et opérationnelle jusqu'en 1998 montre que l'exploitation d'une
telle installation peut s'étendre sur une période de 40 ans. La
nature des équipements et la qualité de la maintenance à
La Hague laissent présager la possibilité de gagner un large
nombre d'années supplémentaires.
La logique économique voudrait donc que ces installations soient
utilisées jusqu'à cette période et que l'option du
retraitement soit confirmée d'ici à une vingtaine
d'années.
Le poids économique du retraitement
Le
chiffre d'affaires de Cogema en 1997 s'est élevé à 32,65
milliards de francs, dont 16,2 milliards de F pour le retraitement
9(
*
)
. Les contrats en cours d'exécution à La
Hague pour des clients étrangers représentent un chiffre
d'affaires de 7 milliards de F par an sur 10 ans. Un autre indicateur du poids
économique du retraitement est celui des provisions passées pour
financier le futur démantèlement des installations. Le
démantèlement des installations de La Hague est estimé
à 26 milliards de francs. Les provisions déjà
constituées atteindraient 20,6 milliards de francs et se
traduiraient par des prises de participation conséquentes dans le
capital de grandes entreprises nationales.
Sur le plan local, l'importance économique de l'usine de La Hague est
majeure. Cogema emploie localement 3 000 personnes environ. Avec les personnels
des entreprises sous-traitantes, le total des emplois liés au site
s'élève à 6 - 8 000 personnes. Au total, le site de La
Hague apporte à l'économie du nord Cotentin un quart à un
tiers de son activité. Hier encore l'un des plus grands chantiers jamais
conduits dans l'hexagone, La Hague continue de monter en puissance, même
si la progression s'est fortement ralentie. Les travaux de modernisation de
différents ateliers génèrent aujourd'hui une
activité importante. On citera, à titre d'exemple, l'impact des
deux derniers gros chantiers de La Hague - le nouvel atelier de conditionnement
R4 et l'achèvement de l'atelier de compactage des coques et embouts -
Ces constructions se sont traduites par des contrats de 280 millions de francs
et d'un million d'heures de travail dont 60 % vont aux entreprises
locales.
Les deux faces du retraitement : le recyclage des actinides majeurs - uranium et plutonium - et donc la réduction de la toxicité des déchets,
D'une manière générale, le plutonium suscite l'inquiétude essentiellement par les utilisations militaires qui en ont été faites. Cette inquiétude est renforcée par sa radiotoxicité, la période de ses isotopes les plus abondants étant de surcroît de très longue durée (voir tableau ci-après). Or le plutonium apparaît inévitablement au cours de l'irradiation de l'uranium 238 par capture de neutrons thermiques, dans le combustible nucléaire classique à l'oxyde d'uranium.
Tableau 2 : période des différents isotopes du plutonium 10( * )
isotope |
période |
radioactivité spontanée |
Pu 236 |
2,85 années |
- vers U 232 |
Pu 238 |
86 années |
- vers U 234 |
Pu 239 |
24 400 années |
- vers U 235 |
Pu 240 |
6 580 années |
- vers U 236 |
Pu 241 |
14,4 années |
- |
Pu 242 |
3,79. 10 5 années |
- vers U 238 |
Pu 243 |
4,96 heures |
|
Le
combustible à l'oxyde d'uranium comprend de l'uranium 235 fissile qui,
dans les réacteurs à eau pressurisée, est présent
en moyenne à hauteur de 3,5 %, le reste étant de l'uranium 238.
C'est cet uranium 235 qui donne lieu à la réaction de fission et
à la production d'énergie. Il n'est toutefois pas consommé
en totalité : en moyenne sur 1 000 kg de combustible, on compte 35
kg d'uranium 235 au départ et on en retrouve 8 kg après
l'irradiation
11(
*
)
.
L'isotope uranium 238 fertile quant à lui représente au
départ 96,5 % du total. Lors de l'irradiation, l'uranium 238 se
transforme en partie par capture d'un neutron thermique en uranium 239 instable
qui donne par émission du neptunium de période très
courte et qui par le même processus se transforme en plutonium 239.
Celui-ci peut capturer à son tour un neutron thermique alors qu'il subit
la fission sous l'action de neutrons rapides et ainsi de suite, plusieurs
isotopes du plutonium coexistant au final, selon les réactions
ci-après.
U 238 U
239 Np 239 Pu 239
Pu 240 Pu 241 Pu 242 Am 243
Am 241
L'isotope 239 du plutonium est le plus abondant car il est formé par simple capture d'un neutron par l'uranium 238 12( * ) . Les autres isotopes sont d'autant plus abondants que le taux de combustion est plus élevé, ainsi que le montrent les tableaux suivants. Notons qu'en fin d'irradiation, la totalité de l'uranium fertile n'est pas consommée : pour 1 000 kg de combustible, on retrouve 941 kg d'uranium 238 pour une quantité de 965 kg au départ.
Tableau 3 : isotopes du plutonium dans le combustible oxyde d'uranium irradié - taux de combustion : 33 000 MWj/t - après refroidissement de 3 ans 13( * )
kg/TWh(é) |
après irrad.+3ans |
% isotopique |
Pu 238 |
0,6 |
1,6 |
Pu 239 |
22,3 |
58,7 |
Pu 240 |
8,6 |
22,6 |
Pu 241 |
4,6 |
12,1 |
Pu 242 |
1,9 |
5,0 |
total Pu |
38 |
100,0 |
kg/TWh(é) |
après irrad.+3ans |
% isotopique |
Pu 238 |
0,9 |
3,1 |
Pu 239 |
15,4 |
52,4 |
Pu 240 |
7,2 |
24,5 |
Pu 241 |
3,6 |
12,2 |
Pu 242 |
2,3 |
7,8 |
total Pu |
29,4 |
100,0 |
Le
retraitement du combustible irradié se justifie pour deux raisons
essentielles. En premier lieu, l'intérêt de
récupérer les matières énergétiques non
consommées : y figure en effet l'uranium 235 non brûlé
et l'uranium 238 non transformé. En second lieu, se trouve la
matière énergétique formée au cours de la
combustion - le plutonium qui est elle-même une matière fissile -.
Pour 1 000 kg de combustible présents au départ, le plutonium
formé au cours de l'irradiation représente environ 9 kg. Or le
plutonium a lui aussi un contenu énergétique encore plus
élevé que l'uranium 235 en raison du fait que sa fission donne
lieu à la naissance de deux fois plus de neutrons utiles pour la
réaction en chaîne que ce dernier. Il n'est pas faux à cet
égard de constater, en termes simplificateurs mais imagés qu'un
gramme de plutonium équivaut à environ 1 tonne de pétrole.
A cet égard, l'industrie nucléaire propose trois voies pour le
traitement du plutonium. La première est celle de l'utilisation du
plutonium dans des réacteurs à neutrons rapides qui permettent de
le brûler avec efficacité, tout aussi bien que d'en
régénérer. La deuxième voie est celle du recyclage
du plutonium dans les réacteurs à neutrons thermiques par la voie
du Mox (voir plus loin). Une troisième voie consiste à
considérer le plutonium comme un déchet et donc à
envisager son stockage.
Mais, en tout état de cause, en poursuivant un but de valorisation
énergétique, le retraitement atteint aussi un but potentiellement
écologique. En effet, en extrayant l'uranium et le plutonium, on
réduit la radiotoxicité des résidus puisque ces
éléments sont responsables de la part la plus importante de
celle-ci, comme les montrent les graphiques ci-après.
La première constatation que l'on peut faire sur la base de ce graphique, c'est que la radiotoxicité totale du combustible usé décroît progressivement et devient inférieure à 1 Sv/tonne au bout de 1000 ans. La deuxième constatation est que le plutonium joue un rôle prédominant dans la radiotoxicité totale. La figure suivante, qui présente une version normalisée des mêmes résultats, permet d'expliciter le rôle des différents éléments.
Figure 3 : radiotoxicité normalisée du combustible usé
Au bout
de 200 ans environ, la part des produits de fission s'annule presque quasiment.
L'impact du plutonium devient massif de 100 à 50 000 ans environ.
Ensuite l'uranium et les actinides mineurs américium et curium
contribuent plus fortement à la radiotoxicité.
Par ailleurs, il faut signaler que les différents isotopes du plutonium
sont eux-mêmes radioactifs et subissent des dégradations
spontanées selon le tableau suivant.
L'organisation de la filière française de l'aval du cycle
découle directement de deux constats essentiels liés à la
toxicité des éléments contenus dans le combustible
usé.
En premier lieu, il est clair qu'en valorisant par recyclage le contenu
énergétique du combustible à l'uranium, on réduit
aussi la toxicité des déchets. Bien évidemment, pour
apprécier l'intérêt global de l'opération quant
à la protection de l'environnement, la quantité de déchets
intermédiaires générés par le retraitement doit
aussi être prise en compte. Par ailleurs, le devenir des déchets
ultimes (produits de fission à vie longue et actinides mineurs) doit
trouver une solution. Mais le raisonnement à la base de la
stratégie du retraitement doit être gardé en mémoire
pour le cas de l'entreposage direct. En effet, l'entreposage direct du
combustible irradié peut se justifier dès lors que l'on
souhaiterait attendre la mise au point de techniques meilleures pour
neutraliser la radioactivité. Dans ce cas, il y a tout lieu de penser
que le premier objectif serait de résoudre les cas de l'uranium et
surtout du plutonium. Ce qui est très exactement l'apport principal du
procédé Purex qui porte sur la séparation de ces
éléments.
En deuxième lieu, le plutonium est le principal responsable de la
radiotoxicité du combustible usé. Ainsi, au bout de deux cents
ans, sa part dans la radiotoxicité totale atteint 90 %. C'est pour cette
raison que des normes très strictes ont été fixées
pour le retraitement du combustible. Lors de la conception et de la
réalisation de l'usine de La Hague, il a ainsi été
fixé comme contrainte fondamentale l'obtention d'un rendement de 99 %
pour la séparation du plutonium, corollaire d'une épuration
à 99,9 % du plutonium en produits de fission. Les performances
enregistrées ont dépassé les attentes, avec un taux de
séparation de 99,9 %.
1.1. le plutonium : flux et stocks
L'évaluation des quantités de plutonium produites, réutilisées ou " sur étagère " est une question sensible. Pour des motifs de sécurité, les statistiques correspondantes ont longtemps été classées secret défense. La situation a récemment changé.
Une récente transparence sur les stocks de plutonium
Les 9 pays possédant les plus importants stocks de plutonium ont en effet donné leur accord sur les " Guidelines for the Management of Plutonium " (Infcir/549) proposées par l'AIEA et échangé des informations sur les spécificités de leurs stocks 15( * ) . Les recommandations de l'AIEA portent sur une comptabilité publique des stocks. Différentes catégories de plutonium doivent être distinguées :
- plutonium
séparé et non irradié sur étagère
- combustibles Mox non irradiés
- autres produits contenant du plutonium et non irradié
- et en général tout le plutonium utilisé dans des
activités nucléaires pacifiques, ainsi que le plutonium
classé comme inutile ou inutilisable pour des activités de
défense.
Les 9 pays sont les suivants :
- pays ne possédant pas l'arme nucléaire : Belgique, Japon,
Allemagne, Suisse
- pays possédant l'arme nucléaire : Chine, France, RU, Etats-Unis
Sur les 9 pays ayant adhéré aux recommandations de l'AIEA, 8 ont
fourni des statistiques, seule la Chine arguant du fait que les stocks ne sont
pas distincts selon qu'ils sont à usage civil ou militaire.
Le tableau suivant présente les statistiques déclarées par
la France pour les années 1995 et 1996.
I. Statistiques annuelles pour les stocks de Plutonium civil non irradié et séparé |
au 31/12/96 |
au 31/12/95 |
1. Plutonium séparé et non irradié stocké dans les usines de retraitement |
43,6 tonnes |
36,1 tonnes |
2. Plutonium séparé et non irradié en cours de fabrication et plutonium contenu dans des produits semi-finis non irradiés localisés dans les usines de fabrication de combustible ou autres |
11,3 tonnes |
10,1 tonnes |
3. Plutonium contenu dans des combustibles Mox non irradiés ou d'autres produits finis, dans les centrales ou ailleurs |
5,0 tonnes |
3,6 tonnes |
4. Plutonium séparé et non irradié détenu ailleurs |
5,5 tonnes |
5,5 tonnes |
total I |
65,4 tonnes |
55,3 tonnes |
remarques : |
|
|
(i) Plutonium inclus dans les catégories 1 à 4 et appartenant à des propriétaires étrangers |
30 tonnes |
25,7 tonnes |
(ii) Plutonium sous l'une des formes 1 à 4 et détenus dans d'autres pays et donc non inclus dans les catégories 1 à 4 |
0,2 tonne |
0,2 tonne |
(iii) Plutonium en cours d'expédition à l'étranger sous la responsabilité de la France et inclus dans les catégories 1 à 4 |
0,0 |
0,0 |
II. Quantités estimées de plutonium contenu dans les combustibles usés des réacteurs à usage civil |
au 31/12/96 |
au 31/12/95 |
1. Plutonium contenu dans les combustibles usés entreposés sur les sites des réacteurs à usage civil |
64,9 tonnes |
64 tonnes |
2. Plutonium contenu dans les combustibles usés entreposés sur les sites des usines de retraitement |
87,6 tonnes |
87 tonnes |
3. Plutonium contenu dans des combustibles usés entreposés ailleurs |
0,0 |
0,0 |
total II |
152,5 tonnes |
151 tonnes |
remarques |
|
|
(i) le traitement statistique des combustibles entreposés ou stockés directement sera mis au point lorsque les décisions pour un stockage direct se seront traduites dans des réalisations concrètes |
|
|
(ii) définition du II.1. : le chiffre correspond au combustible déchargé des réacteurs civils |
|
|
(iii) définition du II.2. : le chiffre correspond aux quantités de plutonium contenu dans les combustibles reçus dans les usines de retraitement et non encore retraités |
|
|
Les
statistiques distinguent le plutonium séparé de celui contenu
dans le combustible non retraité. En termes de prolifération,
cette distinction a une portée évidente, les techniques de
séparation étant difficiles à maîtriser. Il faut
donc se garder de faire la somme du plutonium séparé de celui
contenu dans le combustible irradié qui, si on le retraite devient du
plutonium déchet.
Mais on ne peut que noter une augmentation de 1995 à 1996 une
augmentation du plutonium dit
" sur étagère "
.
Les chiffres 1997 sont en cours d'élaboration. Les indications
données à votre Rapporteur laissent penser que cette augmentation
s'est poursuivie de manière linéaire.
Par ailleurs, il faut souligner le fait que les 65,4 tonnes plutonium
séparé sur étagères fin 1996 comprennent 30 tonnes
de plutonium appartenant à des sociétés
étrangères. De même, les 152,5 tonnes de plutonium contenu
dans les combustibles usés comprennent aussi les combustibles
étrangers en attente de retraitement.
Quant aux chroniques relatives aux périodes antérieures, le
secrétariat d'Etat à l'industrie, arguant du fait qu'elles
reposaient sur des conventions statistiques différentes, n'a pas
souhaité les communiquer à vos Rapporteurs.
Cogema transparente sur le plutonium : il suffisait de le demander
L'ordre de grandeur des stocks doit être discuté si l'on veut s'assurer de la plausibilité des chiffres affichés. A cet égard, il est intéressant de faire un parallèle entre les montants de stocks et les quantités retraitées. Ces quantités de combustibles irradiés sont indiquées dans le tableau suivant, fourni par Cogema.
Tableau 6 : quantités annuelles de combustibles retraités à UP2 et UP3 (La Hague) 17( * )
année - tonne |
quantité retraitée à UP2 |
quantité retraitée à UP3 |
quantité de Mox retraité |
quantité de combustible de RNR retraité |
total
|
1976 |
14,6 |
- |
- |
- |
14,6 |
1977 |
17,9 |
- |
- |
- |
17,9 |
1978 |
38,3 |
- |
- |
- |
38,3 |
1979 |
79,3 |
- |
- |
2,2 |
81,5 |
1980 |
104,9 |
- |
- |
1,5 |
106,4 |
1981 |
101,3 |
- |
- |
2,2 |
103,5 |
1982 |
153,5 |
- |
- |
- |
153,5 |
1983 |
221,0 |
- |
- |
2,0 |
223,0 |
1984 |
255,1 |
- |
- |
2,1 |
257,2 |
1985 |
351,4 |
- |
- |
- |
351,4 |
1986 |
332,6 |
- |
- |
- |
332,6 |
1987 |
424,9 |
- |
- |
- |
424,9 |
1988 |
345,7 |
- |
- |
- |
345,7 |
1989 |
430,3 |
30,0 |
- |
- |
460,3 |
1990 |
331,0 |
195,0 |
- |
- |
526,0 |
1991 |
311,1 |
351,4 |
- |
- |
662,5 |
1992 |
219,9 |
448,0 |
4,5 |
- |
672,4 |
1993 |
354,0 |
600,0 |
0,0 |
- |
954,0 |
1994 |
575,9 |
700,4 |
0,0 |
- |
1 276,3 |
1995 |
758,1 |
800,6 |
0,0 |
- |
1 558,7 |
1996 |
862,0 |
818,9 |
0,0 |
- |
1 680,9 |
1997 |
849,6 |
820,3 |
0,0 |
- |
1 669,9 |
1998 (3 mois) |
104,3 |
276,0 |
4,9 |
- |
385,2 |
total |
7 236,7 |
5 040,6 |
9,4 |
10,0 |
12 296,7 |
Le tableau suivant, fourni par Cogema, donne les chiffres précis relatifs à l'utilisation du plutonium issu du retraitement des réacteurs à eau légère. Ces chiffres excluent les quantités de plutonium de qualité militaire extraites par retraitement des combustibles UNGG.
Tableau 7 : fabrications, réexpéditions et stocks de plutonium provenant du retraitement à La Hague des combustibles à eau légère 18( * )
en tonnes de plutonium total |
EDF |
Clients étrangers |
Total |
Production cumulée de plutonium (76-97) |
44,8 |
51,5 |
95,9 |
Total des expéditions pour fabrication de combustibles |
28,6 |
22,1 |
50,7 |
Stock PuO2 |
16,2 |
29,0 |
45,2 |
Ainsi,
au total, ce sont 95,9 tonnes de plutonium qui ont été
fabriquées à La Hague de 1976 à 1997 par retraitement
des combustibles irradiés des réacteurs à eau
légère.
Ces données correspondent aux ordres de grandeur attendus. De 1976
à fin 1996, 10 241,6 t de combustibles irradiés ont
été retraitées à La Hague. Or en première
approximation, le plutonium issu du retraitement représente 0,9 % du
tonnage retraité, ce qui représente 92 tonnes environ. Par
différence, le plutonium extrait du combustible UNGG représente
environ 3,7 tonnes.
Les réexpéditions se font à destination d'usines
françaises ou étrangères de fabrication de combustibles.
EDF a dans le passé repris une partie de son plutonium pour fabriquer du
combustible pour Superphénix et Phénix et ne le fait plus que
pour Phénix, ce qui représente des tonnages faibles. Le Japon
continue de reprendre du plutonium pour ses RNR Joyo et Monju. Mais le
débouché principal est bien entendu la fabrication de Mox.
S'agissant du plutonium provenant des combustibles EDF, la
réexpédition se fait désormais vers l'usine Melox,
à 100 % en 1997. Les expéditions de plutonium fabriqué
à La Hague vers l'usine de Belgonucléaire à Dessel ont
cessé depuis la fin 94. La part de l'usine de Cadarache s'est
annulée en 1997. Le tonnage réexpédié vers Melox en
1997 a atteint 5,7 tonnes. Le tableau suivant présente
l'évolution des réexpéditions de plutonium à partir
de La Hague.
tonne de Pu total |
1976 |
1977 |
1978 |
1979 |
1980 |
1981 |
1982 |
1983 |
1984 |
1985 |
1986 |
|||||||||||||
Belgonucléaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
0,2 |
|||||||||||||
Melox |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|||||||||||||
Cadarache |
|
|
|
|
0,4 |
0,3 |
0,2 |
0,2 |
0,1 |
0,4 |
0,4 |
|||||||||||||
Total |
|
|
|
|
0,4 |
0,3 |
0,2 |
0,2 |
0,1 |
0,4 |
0,6 |
|||||||||||||
tonne de Pu total |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
total |
||||||||||||
Belgonucléaire |
0,9 |
0,9 |
1,2 |
2 |
1,1 |
0,8 |
1,4 |
0,4 |
|
|
|
8,9 |
||||||||||||
Melox |
|
|
|
|
|
|
|
0,4 |
2 |
3,5 |
5,7 |
11,6 |
||||||||||||
Cadarache |
0,3 |
0,6 |
|
0,5 |
|
0,7 |
0,9 |
0,8 |
2,1 |
0,2 |
0 |
8,1 |
||||||||||||
Total |
1,2 |
1,5 |
1,2 |
2,5 |
1,1 |
1,5 |
2,3 |
1,6 |
4,1 |
3,7 |
5,7 |
28,6 |
S'agissant du plutonium provenant du retraitement des
combustibles
étrangers, il faut signaler l'augmentation du stock entreposé
à La Hague
La montée en charge de l'usine UP3 consacrée au retraitement des
combustibles étrangers est en effet rapide depuis 1990. Les
quantités produites ont donc augmenté rapidement. Or les
réexpéditions ont été très lentes. Sur la
période 1990-1997, la moyenne des tonnages
réexpédiés atteint seulement 1,8 tonne par an, avec
toutefois un doublement par rapport à ce chiffre en 1997. Le tableau
suivant présente la chronique des réexpéditions vers
l'étranger.
tonne de Pu total |
1976 |
1977 |
1978 |
1979 |
1980 |
1981 |
1982 |
1983 |
1984 |
1985 |
1986 |
|||||||||||||
Total |
0,1 |
0 |
0,3 |
0 |
0,3 |
0,3 |
0,5 |
0,7 |
1 |
1,6 |
0,6 |
|||||||||||||
tonne de Pu total |
1987 |
1988 |
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
total |
||||||||||||
Total |
0,5 |
0,8 |
0,7 |
1,2 |
0,7 |
2,4 |
0,3 |
1,6 |
1,7 |
3,2 |
3,6 |
22,1 |
La loi
du 30 décembre 1991 dispose dans son article 3 que
" le stockage
en France de déchets radioactifs importés, même si leur
retraitement a été effectué sur le territoire national,
est interdit au-delà des délais techniques imposés par le
retraitement. "
La réexpédition des verres contenant les actinides mineurs et les
produits de fission est évidemment une obligation aux termes de la loi.
On peut discuter du délai d'entreposage nécessaire pour la
décroissance de leur charge thermique et radioactive. Pour le plutonium,
les délais imposés par le retraitement sont courts. Au contraire
d'imposer une attente, une bonne gestion technique du plutonium exige une
réutilisation rapide, faute de quoi le plutonium s'empoisonne, du fait
de la décroissance radioactive - spontanée du plutonium 241 qui
se transforme en américium 241 avec une période de 14,4
années.
On conçoit bien le manque d'ardeur des clients étrangers à
rapatrier leur plutonium. En réalité, ce sont plutôt les
autorités politiques qui n'encouragent pas les retours, notamment en
période d'élections. Le respect de la loi de 1991 commande que
des calendriers clairs de réexpédition soient adoptés et
respectés. Les retards risqueraient de ne jamais être
rattrapés et La Hague n'a pas vocation à être un
entrepôt de plutonium, ni pour EDF, ni pour les clients étrangers
de Cogema.
Le stock total de plutonium d'EDF stabilisé à une vingtaine de tonnes
EDF recycle une partie du plutonium contenu dans ses combustibles irradiés sous forme de Mox (voir plus loin). Un stock outil est donc nécessaire. Son montant est stabilisé à une vingtaine de tonnes depuis 1997. La figure ci-après présente l'évolution de ce stock depuis 1989.
Figure 4 : évolution des stocks de plutonium issus du retraitement des combustibles EDFRéglementation sur le plutonium et coût du retraitement
Dans la
conception française actuelle du retraitement et des résidus
" ultimes "
, la teneur en plutonium des verres contenant les
produits de fission et les actinides mineurs ne doit pas dépasser 0,1 %,
sans cette limite posée a priori ait un fondement logique
20(
*
)
. Dans l'hypothèse où l'on envisage un
stockage souterrain, ceci revient à dire que l'on exclut d'y mettre des
déchets contenant du plutonium à plus de 0,1 %. Cette contrainte
a une incidence lourde sur le coût du retraitement. Le groupe de travail
Mandil-Vesseron l'a évaluée.
La figure suivante illustre quels peuvent être les différents
concepts de traitement des combustibles usés et leur traduction en
termes source.
Stockage Retraitement Retraitement Retraitement
direct simplifié actuel poussé
Pu
100% 1 à 3 % 0,1 % 0,01 %
AM 100% 100 % 100 % 1 %
La
référence est la situation actuelle, soit une teneur de 0,1 % des
verres qui contiennent au demeurant 100 % des actinides mineurs. Le coût
d'investissement d'une usine de technologie actuelle et d'une capacité
de 800 à 1 000 t/an est de l'ordre de 28 à 40 milliards de F 1997.
L'entreposage en surface ou le stockage direct en sub-surface correspondant au
non-retraitement, conduit à accepter 100 % du plutonium et des actinides
mineurs dans les conteneurs.
A l'autre extrémité de l'échelle
" d'exigence "
, le retraitement poussé correspond
à une situation où la teneur en plutonium est limitée
à 0,01 % et celle des actinides mineurs à 1 %. Le groupe
Mandil- Vesseron a estimé que le coût du retraitement
poussé serait plus élevé de 30 à 50 %, soit un
surcoût d'investissement de l'ordre de 14 milliards de F.
Le retraitement simplifié correspond quant à lui à une
norme d'acceptation du plutonium à une concentration variant de 1
à 3 %, pour 100 % d'actinides mineurs. L'économie par rapport
à la situation actuelle serait de 30 %, soit 10 milliards de F en
investissements, les économies de fonctionnement n'étant pas
encore précisées.
Au total, le passage de la norme plutonium de 1 % à 0,01 % se traduit
par une variation de 87 % du coût d'investissement de renouvellement
d'une installation de la taille d'UP3.
Figure 6 : impact de la norme plutonium sur le coût de renouvellement de La Hague - usine similaire à UP3 -
Stockage Retraitement Retraitement Retraitement
direct simplifié actuel poussé
investissement en milliards de F 1997 pour une nouvelle usine de retraitement :
24 32 45
1.2. la montée des isotopes pairs du plutonium au cours de l'irradiation, une donnée fondamentale pour les combustibles et les réacteurs actuels ou futurs
L'irradiation du combustible à l'oxyde d'uranium
conduit, on
l'a rappelé plus haut, à la formation de plutonium à
partir de l'uranium 238 fertile. Plusieurs isotopes apparaissent, le plus
abondant de loin étant le plutonium 239. Différents facteurs
influent sur la proportion de ces isotopes. Or les isotopes du plutonium n'ont
pas la même qualité fissile dans les réacteurs à
neutrons thermiques. De sorte que le plutonium issu du retraitement est plus ou
moins adapté à un recyclage éventuel dans les
réacteurs à eau pressurisée.
Dans la situation actuelle où, du fait de la fermeture de
Superphénix, la filière des réacteurs à neutrons
rapides - qui eux peuvent brûler tous les types de plutonium - perd de
son actualité, cette question de la qualité du plutonium de
retraitement doit occuper une place fondamentale dans les décisions sur
l'aval du cycle.
Montée des isotopes pairs et recyclage du plutonium
Le taux
de combustion est un paramètre fondamental de l'exploitation d'un
réacteur nucléaire. Par hypothèse, on cherche à le
maximiser afin de rentabiliser le coût du combustible et de maximiser le
rendement de la centrale, en réduisant les arrêts pour
rechargement. Ceci peut se faire en enrichissant le combustible de
départ, soit en uranium 235, soit en plutonium 239.
Des améliorations très importantes ont été
apportées au combustible à l'oxyde d'uranium, aux alliages des
aiguilles de combustible ainsi qu'à l'architecture des coeurs,
principalement par l'industrie française qui a pu, de ce fait, renforcer
ses positions dans la filière nucléaire. C'est grâce
à ces améliorations que les taux d'irradiations ont pu progresser
significativement. Des 33 000 MWj/t des années 70, l'on est aujourd'hui
passé à une moyenne de 43 000 MWj/t, l'irradiation maximale
autorisée étant de 47 000 MWj/t. On n'exclut pas d'ailleurs de
repousser cette limite à 52 000 MWj/t.
La limite à respecter dans cette montée des taux de combustion
est bien sûr celle fixée par des considérations de
sûreté. En effet, l'enveloppe des aiguilles de combustible se
fragilise quelque peu au fur et à mesure de l'irradiation. Par ailleurs,
les produits de fission formés au cours des réactions
s'accumulent dans la gaine, nuisent à sa tenue mécanique et dans
une certaine mesure empoisonnent le combustible lui-même. Afin
d'éviter des ruptures de gaine qui se traduiraient par une pollution
radioactive du circuit primaire de refroidissement, des limites d'exploitation
très précises sont imposées par les autorités de
sûreté, en fonction du type de combustible et de réacteur.
Il semble bien qu'un autre facteur doive être pris en
considération dans l'augmentation du taux de combustion, c'est celle la
montée des isotopes pairs du plutonium qui rend celui-ci de plus en plus
difficile à recycler dans les réacteurs à eau
pressurisée.
Le tableau ci-après illustre la montée des isotopes pairs du
plutonium en fonction du taux de combustion.
taux de combustion (MWj/t) |
33 000 |
40 000 |
45 000 |
50 000 |
55 000 |
60 000 |
Pu 238 en % |
1,5 |
2,0 |
2,8 |
3,3 |
3,8 |
4,3 |
Pu 239 en % |
58,6 |
55,8 |
53,7 |
51,8 |
50,7 |
48,9 |
Pu 240 en % |
24,7 |
25,6 |
24,5 |
25,2 |
24,8 |
25,3 |
Pu 241 en % |
10,0 |
10,4 |
11,8 |
11,8 |
12,0 |
12,0 |
Pu 242 en % |
5,2 |
6,2 |
7,2 |
7,9 |
8,7 |
9,5 |
Isotopes pairs (%) |
31,4 |
33,8 |
34,5 |
36,4 |
37,3 |
39,1 |
Isotopes impairs : Pu fissile (%) |
68,6 |
66,2 |
65,5 |
63,6 |
62,7 |
60,9 |
Pu total (kg/t) |
9,3 |
10,3 |
10,6 |
10,9 |
11,6 |
11,9 |
Tableau 11 : l'augmentation des isotopes pairs du plutonium dans le Mox en fonction du taux de combustion 22( * )
taux de combustion (MWj/t) |
33 600 |
36 700 |
41 000 |
Pu 238 en % |
3,1 |
2,7 |
3,4 |
Pu 239 en % |
37,1 |
36,7 |
35,5 |
Pu 240 en % |
33,7 |
33,8 |
34 |
Pu 241 en % |
14,4 |
14,9 |
14,3 |
Pu 242 en % |
11,8 |
11,8 |
12,8 |
Isotopes pairs (%) |
48,6 |
48,3 |
50,2 |
Isotopes impairs : Pu fissile (%) |
51,5 |
51,6 |
49,8 |
Un autre
phénomène plus important dans le cas du Mox doit être
souligné. C'est la montée des isotopes pairs du plutonium au fur
et à mesure du recyclage.
Le combustible Mox - voir plus loin - est un mélange d'oxyde d'uranium
et de plutonium. La concentration moyenne en oxyde de plutonium est de
5,3 %. Afin de maximiser les performances du combustible, un
mélange isotopique particulier est effectué où les
isotopes impairs représentent environ les deux tiers du total. Le
phénomène fondamental est que, comme l'indique le tableau
suivant, une montée des isotopes pairs se produit au cours de
l'irradiation du combustible Mox.
kg/TWh(é) |
avant irrad. |
% isotopique |
après irrad+4 ans |
% isotopique |
bilan matière |
Pu 238 |
6,8 |
2,9 |
7,5 |
4,4 |
0,7 |
Pu 239 |
126 |
53,0 |
63,5 |
37,4 |
-62,5 |
Pu 240 |
59,5 |
25,0 |
52,8 |
31,1 |
-6,7 |
Pu 241 |
26,9 |
11,3 |
24,6 |
14,5 |
-2,3 |
Pu 242 |
18,7 |
7,9 |
21,5 |
12,7 |
2,8 |
total Pu |
237,9 |
100,0 |
169,9 |
100,0 |
-68 |
total isotopes pairs du Pu |
|
35,8 |
|
48,2 |
|
Après une irradiation correspondant à 43 500 MWj/t, la part des isotopes pairs passe de 35,8 % du total à 48,2 %.
- • les isotopes pairs du plutonium, poisons des réacteurs à neutrons thermiques et excellents combustibles pour les réacteurs à neutrons rapides
Les isotopes pairs du plutonium constituent un poison de la réaction en chaîne dans les réacteurs à eau pressurisée. En revanche, les réacteurs à neutrons rapides sont indifférents à la composition isotopique. La raison en est exposée dans le tableau suivant.
Tableau 13 : ordre de grandeur des sections efficaces des différents isotopes du plutonium 23( * )
isotope du plutonium |
nb de neutrons émis par neutron absorbé en spectre thermique |
nb de neutrons émis par neutron absorbé en spectre rapide |
Pu 238 |
0,2 |
1,29 |
Pu 239 |
1,84 |
2,17 |
Pu 240 |
0,007 |
1,09 |
Pu 241 |
2,01 |
2,44 |
Pu 242 |
0,04 |
0,98 |
Le cas
du plutonium 240 est éclairant à cet égard. En spectre
thermique, le nombre de neutrons qu'il réémet pour un neutron
capturé est de 0,007. Autrement dit, cet isotope absorbe les neutrons et
compromet la poursuite de la réaction en chaîne. Il en est de
même pour les autres isotopes pairs. Les isotopes impairs, au contraire,
fissionnent en nombre suffisant et réémettent des neutrons,
participant ainsi au processus de la réaction en chaîne et en
parallèle générant de l'énergie.
Les réacteurs à neutrons rapides sont en conséquence
souvent décrits comme des réacteurs
" mange-tout "
. Ceci vaut pour les actinides mineurs mais bien
évidemment et au premier chef pour le plutonium. Mais la fermeture de
Superphénix, décidée sans explications par le
Gouvernement, signifie l'abandon pour une cinquantaine d'années de la
filière des réacteurs à neutrons rapides, technique
où la France se trouvait à la pointe mondiale de ce type de
réacteurs. Le phénomène de la montée des isotopes
pairs du plutonium sous la double action de l'accroissement des taux de
combustion et du nombre de recyclage pèse donc de tout son poids sur les
réacteurs à eau pressurisée actuel (REP paliers CP1-CP2)
et sur les réacteurs à eau pressurisée du futur, en
particulier le
" European Pressurized Reactor "
(EPR).
1.3. le plutonium considéré comme déchet et son immobilisation dans des matrices à longue durée de vie
Le plutonium est considéré à juste titre comme une matière à haut potentiel énergétique en France comme dans certains pays en raison de ses caractéristiques fissiles. A l'inverse, d'autres pays le considèrent comme un déchet au demeurant dangereux en raison de son utilisation militaire potentielle mais aussi en raison de sa radiotoxicité. L'immobilisation et la dénaturation du plutonium viennent aujourd'hui au premier plan des préoccupations, en raison de l'abondance des stocks de plutonium militaire. Des travaux de plus en plus nombreux portent sur ce thème. La problématique de l'usage ou du non-usage du plutonium civil pourrait en être modifiée.
Le plutonium militaire issu du démantèlement des armes, un sujet brûlant mais bloqué aux Etats-Unis
Le
démantèlement des armes nucléaires opéré
suite aux accords de limitation des armements stratégiques, ainsi que
l'augmentation de leurs puissances unitaires et la miniaturisation ont
divisé par deux le nombre de têtes nucléaires. Au milieu
des années 1980, le nombre d'armes s'élevait à 70 000
environ. Aujourd'hui, des estimations concordantes font état de 36 000
têtes dont 14 000 sont en attente d'être
démantelées
24(
*
)
.
La neutralisation du plutonium est un sujet de préoccupation croissant
aux Etats-Unis. Ceux-ci doivent en effet non seulement traiter leur propre
stock mais ont également signé en 1994 un accord avec la Russie
aux termes duquel ils doivent lui acheter des quantités importantes de
plutonium - dans un premier temps 500 tonnes -. En janvier 1997
l'administration américaine annonçait sa politique pour traiter
son propre plutonium : d'une part le recyclage en Mox et d'autre part son
immobilisation dans des matrices de céramique. Depuis 15 mois, le
" Department of Energy "
(DOE), responsable de la gestion de
toutes les matières nucléaires, n'a toutefois pas pris de
position.
Le WIPP ou le tabou brisé du plutonium en stockage géologique
Sauf
blocage de dernière minute, le premier centre de stockage souterrain de
déchets contenant du plutonium doit être opérationnel aux
Etats-Unis à la mi-98. Il s'agit du Waste Isolation Pilot Plant (WIPP).
Même s'il ne s'agit pour l'instant que de déchets faiblement
contaminés, c'est un précédent important qui pourrait
ouvrir la voie au stockage souterrain de matrices à longue durée
de vie contenant du plutonium en quantités importantes.
En l'occurrence, 150 000 m3 de déchets nucléaires de la guerre
froide actuellement stockés sur 23 sites aux Etats-Unis devraient
être stockés dans le WIPP, sur le site de Carlsbad au
Nouveau-Mexique. L'
"Environmental Protection Agency "
(EPA) a
donné son feu vert au
" Department of Energy "
(DOE).
C'est une évolution considérable dans un pays qui , après
avoir lancé la problématique des déchets en avance,
s'était bloqué non pour des raisons techniques mais pour des
raisons d'opinion publique, dans un immobilisme du pouvoir politique qui
pouvait se prolonger.
Ce résultat est obtenu après un affrontement aigu entre le
Congrès et l'EPA. Cette agence avait fixé des normes de
radioprotection à long terme particulièrement
sévères. Il s'agissait de garantir qu'un forage, même
pratiqué après la disparition de toute archive concernant le
site, n'entraînerait pas de contamination de l'environnement. Le
Congrès n'a pas hésité en 1995 d'une part à fixer
lui-même une norme de radioprotection et, d'autre part, à menacer
l'EPA de lui retirer toute responsabilité dans le domaine du
nucléaire.
Les transports devraient commencer en juin 1998. Les déchets sont des
outils, des vêtements et des objets contaminés par du plutonium
lors de la fabrication ou du démantèlement des armes
nucléaires. Le stockage est effectué dans une couche de sel
souterraine déposée par un ancien océan il y a 225
millions d'années, ce qui donne une échelle de la durée.
Cette couche située à - 650 m est considérée comme
géologiquement stable.
Dans la même ligne, il semblerait que la décision pourrait
être prise aux Etats-Unis de stocker en profondeur 50 tonnes de plutonium
militaire après l'avoir immobilisé dans des matrices de
céramique
25(
*
)
.
De nouvelles matrices d'immobilisation à très long terme pour le plutonium
Les
techniques de piégeage d'un élément lourd comme le
plutonium font à l'heure actuelle de nombreux progrès.
L'insertion dans une matrice de verre est une technique industrielle
démontrée chaque jour par Cogema à La Hague. En
complément à ce procédé, apparaissent d'autres
techniques comme celles des céramiques, qui semblent
particulièrement prometteuses pour le plutonium.
Ainsi, en France, des chercheurs de l'IN2P3 ont réussi à
synthétiser un phosphate de thorium de formule
Th
4
(PO
4
)
4
P
2
O
7
dans
lequel on peut remplacer une partie des ions thorium par des ions uranium ou
plutonium, sans que la structure cristalline du phosphate de thorium change. On
crée ainsi une solution solide dans laquelle des atomes de plutonium
remplacent de 25 à 41 % des atomes de thorium
26(
*
)
.
Des équipes australiennes et américaines développent quant
à elles des composés à base de silicate et de titanate qui
présentent des propriétés similaires à celles des
roches trouvées dans la nature
27(
*
)
.
Ces techniques s'inspirent de ce que l'on trouve dans la nature où de
nombreuses roches conservent à l'état de trace de l'uranium ou
thorium. On a en effet mis en évidence à Oklo (Gabon) des piles
atomiques spontanées qui ont fonctionné pendant 500 ans et ceci
il y a 2 milliards d'années. Un confinement efficace des sous-produits
des réactions nucléaires a été
réalisé, naturellement, par des roches du même type que
celles étudiées, pendant la même durée, soit la
moitié de l'âge de la Terre.
Les matrices cristallines synthétiques actuellement
étudiées -phosphates diphosphates de thorium, silicates de
zirconium, monazites, apatites - devraient être assez stables pour
immobiliser des matériaux radioactifs jusqu'à des milliards
d'années.
Le tableau suivant présente une évaluation des performances
comparées des différentes matrices.
matrice |
fraction
de masse dissoute
|
Diphosphate de thorium |
10 -7 |
Monazites (CaPO 4 ) |
10 -6 |
Zircon (ZrSiO 4 ) |
10 -5 |
Synroc |
10 -5 à 10 -4 |
Les
chiffres ci-dessus sont relatifs à la dissolution dans de l'eau
distillée, un milieu beaucoup plus oxydant et corrosif que les eaux
basiques et réductrices que l'on trouve en sous-sol. Ils peuvent sembler
décevants, dans la mesure à la durabilité des matrices
doit se compter en millions d'années. En réalité, dans le
cas du diphosphate de thorium, le mécanisme de dissolution porterait en
lui-même un auto-blocage. En effet, le passage en solution du solide est
rapidement contré par la très faible solubilité du
phosphate. A peine dissout, le diphosphate de thorium précipite
rapidement à la surface de la matrice. Une sorte de réparation
automatique de l'attaque initiale se produit donc. Des expériences sont
en cours pour vérifier la portée de ce mécanisme et
estimer la durabilité à long terme.
Dans ce créneau prometteur, la France, grâce au CNRS, qui a bien
sûr déposé les brevets nécessaires, semble avoir une
avance sur les autres pays. Selon certaines informations, les Etats-Unis
testeraient le procédé français.
En tout état de cause, des céramiques des types ci-dessus
devraient être préférées aux verres pour
piéger des déchets radioactifs à haute activité,
dès lors que les éléments sont séparés. La
technique du verre s'appliquerait mieux aux mélanges
d'éléments différents
30(
*
)
.
De plus les céramiques semblent mieux résister dans la
durée à la lixiviation
31(
*
)
que
les verres.
Il est donc vraisemblable que la voie inaugurée par l'IN2P3
débouche sur des applications. La condition en est évidemment que
ses coûts de mise en oeuvre deviennent compétitifs. Les verres,
compte tenu des volumes actuellement fabriqués, garderont toutefois
longtemps une avance à cet égard. Une autre condition,
fondamentale, est aussi que l'on ne puisse facilement récupérer
le plutonium une fois celui-ci placé en solution solide.
Différents stratagèmes peuvent être imaginés
à cet égard, comme la pollution du plutonium par des poisons
radioactifs. Ces poisons pourraient être introduits au moment de la
fabrication ou au contraire être fabriqués par irradiation
neutronique.
En tout état de cause, des résultats complémentaires sont
nécessaires pour éventuellement confirmer que l'on peut
immobiliser des quantités importantes de plutonium pour des
durées très longues, avec efficacité et
sûreté, notamment en prévenant toute possibilité
d'extraction du plutonium des céramiques.
Si cette possibilité était avérée, c'est toute la
problématique du plutonium - déchet ou combustible - qui pourrait
être déplacée.
1.4. le plutonium considéré comme un combustible et son recyclage dans le Mox : contraintes techniques
Le Mox, mélange d'oxyde d'uranium et de plutonium, constitue un combustible utilisable dans les réacteurs à eau pressurisée moyennant quelques adaptations des réacteurs et sous certaines limites. Le bilan d'introduction du Mox en France est positif. C'est pourquoi EDF entend l'étendre progressivement à un nombre accru de tranches nucléaires. La poursuite de cette introduction conditionne l'équilibre économique de l'aval du cycle.
Plusieurs types de Mox et plusieurs configurations de coeur contenant du Mox
Le Mox
(Mixed Oxide Fuel) est composé d'oxydes d'uranium et de plutonium. Des
variantes existent tant pour le ratio uranium 235 fissile / uranium 238 fertile
de l'oxyde d'uranium que pour la teneur globale de l'oxyde de plutonium et sa
composition isotopique. Par ailleurs, il faut noter que le nombre d'assemblages
combustibles contenant du Mox varie, selon les cas, par rapport au nombre total
d'assemblages du coeur d'un réacteur.
Le minerai d'uranium comprend en moyenne 0,1 à 0,5 % d'uranium. La
composition isotopique de cet uranium naturel est de 0,7 % en uranium 235
fissile. Après enrichissement, l'on aboutit à une teneur de 3,5 %
en uranium 235. L'uranium appauvri résultant de l'enrichissement
comprend quant à lui 0,2 % d'uranium 235. L'oxyde d'uranium
utilisé pour fabriquer le Mox était traditionnellement l'uranium
naturel. L'uranium appauvri produit en aval des usines d'enrichissement lui est
de plus en plus souvent préféré. L'abaissement de 0,7 %
à 0,2 % de la teneur en uranium 235 ainsi réalisé permet
en effet d'augmenter la concentration en oxyde de plutonium, donc sa
consommation globale.
Le Mox est placé dans des crayons qui eux-mêmes sont
assemblés de différentes façons. Les réacteurs
à eau bouillante utilisaient dans le passé des assemblages
à îlot de plutonium. Au sein de chaque assemblage, les crayons Mox
étaient placés dans une zone centrale et les crayons à
uranium enrichi à la périphérie. Au contraire, les
réacteurs à eau pressurisée " moxés "
contiennent des assemblages
" tout Mox "
qui ne contiennent
que des crayons Mox
32(
*
)
. Les réacteurs
REP 900 MW du palier CP1-CP2 se caractérisent par des assemblages tout
Mox. Au sein de chaque assemblage, l'on fait varier la teneur en oxyde de
plutonium. La périphérie, le centre et la zone moyenne comportent
des crayons de teneurs différentes en plutonium - selon le schéma
ci-après -.
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légende : |
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zone 1 : périphérie - 64 crayons à faible teneur - 3,35 % de plutonium |
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|
zone 2 : 100 crayons à teneur moyenne - 5,10 % de plutonium |
|
|
zone 3 : centre - 100 crayons à forte teneur - 6,75 % de plutonium |
|
O |
tubes guides et tubes d'instrumentation |
Globalement, deux paramètres peuvent être utilisés pour faire varier le contenu global en Mox d'un réacteur à eau pressurisée : d'une part la teneur en oxyde de plutonium de chacun des assemblages et d'autre part le nombre d'assemblages de Mox par rapport au nombre total d'assemblages présents dans le coeur. Ces deux paramètres permettent, dans des limites précises fixées par la sûreté, de faire varier le tonnage de plutonium recyclé dans un REP.
Un maximum de 12 % de plutonium dans le Mox
Au cours
de l'irradiation d'un combustible classique à l'oxyde d'uranium, il se
crée, on l'a déjà mentionné, du plutonium sous
différents isotopes. En réalité, la proportion de
plutonium 239 se stabilise globalement dans l'ensemble du coeur. En effet, le
taux de transformation de l'uranium 238 en plutonium 239 équilibre la
disparition de celui-ci par fission. En revanche, apparaissent au fur et
à mesure du fonctionnement du réacteur et de plus en plus, les
isotopes Pu 240, Pu 241 et Pu 242. Comme on l'a vu plus haut, la part des
isotopes pairs est d'autant plus importante que l'irradiation du combustible
est plus élevée.
Or les propriétés neutroniques des différents isotopes du
plutonium diffèrent de celles de l'uranium. Elles diffèrent
également les unes des autres. En particulier, les isotopes pairs du
plutonium empoisonnent la réaction de fission dans les réacteurs
à eau pressurisée. On considère qu'une réaction en
chaîne peut avoir lieu pour un nombre de neutrons émis par neutron
absorbé supérieur ou égal à 1,3. Les isotopes pairs
du plutonium - Pu 238, Pu 240 et Pu 242- avec des valeurs très
inférieures en spectre thermique, sont donc des poisons de la
réaction en chaîne.
Sur un plan général, la fission d'un noyau d'uranium 235 produit
deux fragments qui réémettent deux à trois neutrons de
haute énergie (environ 2 MeV). Dans un réacteur à eau
pressurisée, ces neutrons perdent rapidement leur énergie
à la suite de chocs contre les noyaux d'hydrogène de l'eau. En
tout état de cause, cela est nécessaire à un bon entretien
de la réaction en chaîne.
Si la fission de l'uranium 235 se produit sous l'action des neutrons de tout
type d'énergie, la probabilité de fission est plus importante
lorsque le neutron incident est faiblement énergétique.
Grâce à l'eau, les neutrons sont ralentis par chocs
élastiques. Leur énergie diminue jusqu'à atteindre un
niveau, inférieur à 0,5 eV, où la probabilité
d'absorption par le noyau et donc de fission est plus importante.
La présence de plutonium dans le combustible Mox modifie la situation.
Les isotopes 239 et 241 du plutonium présentent une résonance
d'absorption pour des valeurs d'énergie voisines de 0,5 eV. Ceci veut
dire que l'absorption de neutrons peut être multipliée par 10 ou
100. En conséquence, les neutrons susceptibles de voir diminuer leur
énergie jusqu'au niveau optimal sont moins nombreux. Le spectre est dit
durci. Il y a moins de neutrons de basse énergie et plus de neutrons
d'énergies intermédiaires, dits épithermiques. Les poisons
de contrôle - le bore dans les réacteurs à eau
pressurisée - sont moins efficaces. Les grappes de commande le sont
également.
Par ailleurs, le plutonium produit moins de neutrons retardés que
l'uranium 235. On constate donc que le coeur est plus nerveux.
Pour toutes ces raisons, une limite à la teneur en plutonium du
combustible Mox doit être fixée. Pour ce faire et pour chaque
concept de coeur envisagé, des calculs complexes doivent être
réalisés en examinant les conséquences des
différents incidents et accidents potentiels de fonctionnement du
réacteur. Pour simplifier, les résultats de ces calculs montrent
que le pourcentage maximal admissible de plutonium par rapport à
l'uranium est d'environ 12 %.
La modification du design initial des réacteurs 900 MWe et la limitation du pourcentage d'assemblages Mox à 30 % du total
La
limitation à 12 % de la teneur en plutonium du Mox n'est pas la seule
contrainte portant sur le recyclage du plutonium dans les réacteurs
à eau pressurisée. En réalité, l'utilisation du Mox
impose des modifications de la conception et des investissements
complémentaires sur les REP des tranches CP1-CP2. Ainsi que l'a
indiqué Framatome à vos Rapporteurs, ces modifications sont
d'ampleur limitée mais incontournables
34(
*
)
.
Du fait de la présence de plutonium fissile dans le combustible, des
neutrons à haute énergie non ralentis provoquent un nombre de
fissions plus important que dans le combustible classique. La première
conséquence en est que les moyens de contrôle de la
réactivité qui agissent principalement sur les neutrons lents
sont moins efficaces. Il faut donc les renforcer. Des grappes de contrôle
supplémentaires sont donc installées dans ce but sur les
réacteurs et les teneurs en bore sont augmentées. Dans le cas
particulier des réacteurs 900 MWe, ce sont quatre grappes noires
supplémentaires qui ont été rajoutées.
Par ailleurs, les réacteurs " moxés " se
caractérisent par une diminution des contre-réactions de vide et
l'on peut atteindre avec des quantités moindres, en dehors de la
présence d'eau, la criticité. En outre, un nombre plus
réduit de neutrons retardés étant émis après
une fission, le combustible est plus sensible à des variations rapides
de réactivité. Ces phénomènes sont prévenus
par des exigences précises sur la maîtrise de certains transitoire
et par un renforcement des capacités de refroidissement à long
terme. C'est ainsi que, sur les réacteurs 900 MWe, la concentration en
bore et les volumes disponibles des réservoirs d'appoint en bore sont
augmentés, de même que la concentration du réservoir de
stockage de la piscine.
Une fois effectués ces changements mineurs d'équipement et de
modes de conduite, le réacteur présente des
caractéristiques intéressantes pour l'exploitation, comme une
perte de réactivité moindre qu'avec le combustible classique.
Dans tous les cas, la pratique actuelle française est que les
assemblages combustibles confectionnés avec du Mox ne
représentent que 30 % du total. Par ailleurs, des contraintes de gestion
particulières sont assignées au combustible Mox qui ne peut
séjourner aussi longtemps en réacteur que le combustible à
l'oxyde d'uranium. Un réacteur 900 MWe fonctionnant au combustible
standard à l'oxyde d'uranium est rechargé par quart de coeur,
avec une longueur de campagne de 12 mois, c'est-à-dire tous les ans. Un
réacteur " moxé " continue d'être rechargé
par quart de coeur pour le combustible UO2, mais est rechargé par tiers
de coeur avec du combustible Mox, la durée de la campagne restant de 12
mois .
caractéristiques |
assemblages Mox |
assemblages UO2 |
nombre d'assemblages en % du total |
30 % |
70 % |
teneur en plutonium |
5,3 % |
- |
équivalent enrichissement en U 235 |
- |
3,25 % |
épuisement maximal de décharge autorisé |
39 000 MWj/t |
48 000 MWj/t |
nombre de cycles en réacteur |
3 |
4 |
La
montée des taux de combustion des combustibles à l'uranium que
l'exploitant appelle de ses voeux pour augmenter la rentabilité, induit
une nouvelle contrainte en aval. En effet, le combustible ultérieurement
retraité comporte du plutonium de qualité dégradée,
ainsi qu'on l'a vu plus haut. En termes techniques, on parle d'une
dégradation du vecteur isotopique du plutonium, ce qui veut dire que le
plutonium retraité comporte une proportion accrue d'isotopes pairs. En
conséquence, il est nécessaire d'augmenter la teneur en plutonium
du Mox.
Un dossier en cours d'instruction par les autorités de
sûreté depuis 1996 sollicite en conséquence l'augmentation
de la teneur en plutonium. Le tableau suivant présente les
caractéristiques de la gestion projetée si les autorisations
demandées sont accordées.
|
assemblages Mox |
assemblages UO2 |
nombre d'assemblages en % du total |
30 % |
70 % |
teneur en plutonium |
7,08 % |
- |
nombre de cycles en réacteur |
3 |
4 |
Par ailleurs, la gestion séparée des assemblages Mox - 3 cycles - et des assemblages standards - 4 cycles - complique l'exploitation pour EDF. En conséquence, un projet a été lancé par EDF, intitulé " Parité Mox " , pour s'affranchir de cette contrainte. Le tableau suivant indique quelles pourraient alors être les caractéristiques d'exploitation des réacteurs ainsi moxés.
Tableau 17 : objectifs du projet " Parité Mox " à horizon 2002 37( * )
caractéristiques |
assemblages Mox |
assemblages UO2 |
nombre d'assemblages en % du total |
30 % |
70 % |
teneur en plutonium |
8,65 % |
- |
nombre de cycles en réacteur |
4 |
4 |
L'étude de faisabilité a récemment conclu
que
la teneur en plutonium du Mox doit être de 8,65 % et que quatre grappes
d'arrêt supplémentaires sont nécessaires ainsi qu'une
augmentation du réservoir de stockage de la piscine. Compte tenu des
rapports de sûreté à élaborer et des modifications
à réaliser sur les tranches, cette gestion pourrait être
mise en service à la fin de l'année 2002.
Quant aux perspectives d'augmenter le pourcentage d'assemblages de Mox, elles
sont peu encourageantes. Framatome écrit
38(
*
)
:
" pour utiliser le Mox à des
taux supérieurs à 30 %, des modifications devront être
faites, dont la mise en oeuvre sur les tranches existantes sera coûteuse
avec des délais d'intervention importants. En tout état de cause,
un taux de recyclage supérieur à 40 % n'est pas envisageable sans
une refonte complète de ces tranches et une nette remise en cause de
leur capacité de suivi du réseau "
.
L'introduction du Mox dans les réacteurs de 1300 MWe envisageable à l'horizon 2005
L'introduction du Mox dans les réacteurs des paliers
P4-P'4
de 1 300 MWe est envisageable sur un plan technique, même si son
opportunité n'est pas actuellement discutée.
Les réacteurs de 1 300 MWe présentent huit emplacements
disponibles pour des grappes de contrôle supplémentaires. Ce
facteur favorable est en partie compensé par l'absence dans ces
réacteurs de réservoir de bore concentré dans le
système d'injection de sécurité
39(
*
)
. Selon Framatome, il est vraisemblable que cet
inconvénient puisse être compensé par l'augmentation de la
concentration en bore des réservoirs pour des quantités de
plutonium modérée.
Des études sont en cours pour déterminer les conditions d'une
introduction du Mox dans les réacteurs du palier 1300 MWe. Le tableau
suivant en résume les grandes lignes.
|
% d'assemblages Mox |
taux de plutonium total |
horizon |
projet à court terme |
20-30 % |
9,4 % |
2005 |
projet à moyen terme |
100 % |
9,6 % |
2010-2015 |
Il
apparaît que le recyclage du plutonium dans les REP 1 300 MWe devrait
être possible à un taux modéré de l'ordre de 20
à 30 %, moyennant une conclusion positive sur les situations
accidentelles de refroidissement.
Le passage à 100 % d'assemblages Mox nécessiterait selon toute
vraisemblance un redimensionnement de certains systèmes après des
études poussées et donc des modifications coûteuses et des
temps d'arrêt importants.
Le Mox dans les réacteurs de 1 450 MWe : un problème analogue à celui des réacteurs 1 300 MWe
Les réacteurs du palier N4 sont équipés d'un schéma de grappes renforcé. Des marges importantes existent en conséquence pour l'arrêt en cas d'accident de refroidissement. L'ajout de grappes supplémentaires permettrait de répondre à la question. Le palier N4 se présente en conséquence de façon voisine de celle du palier P4-P'4.
Le Mox et l'EPR : une question stratégique
Le
réacteur du futur EPR peut-il servir à recycler en masse le
plutonium issu du retraitement ? Telle est la question fondamentale pour
les 50 prochaines années du nucléaire sur laquelle il convient de
se pencher en détail.
Il importe en particulier de savoir si de nouvelles tranches - en l'occurrence
des EPR -, venant en supplément du parc actuel, pourraient contribuer
à la consommation du plutonium issu du retraitement.
Si l'on considère l'avenir à plus long terme, il s'agit aussi de
déterminer si les tranches venant en renouvellement des premiers
réacteurs du palier CP0 pourraient modifier l'équilibre du cycle
du combustible.
La définition du réacteur européen à eau
pressurisée du futur a commencé en 1992. NPI, filiale commune de
Framatome et de Siemens créée en 1989 en assume la
maîtrise. Les principales dates de la progression de ce projet sont les
suivantes. A la fin 1993, un document relatif aux concepts de
sûreté retenus est adressé aux autorités de
sûreté françaises et allemandes. En 1994, le groupe
permanent réacteur étudie le document correspondant. Une lettre
cosignée par les autorités de sûreté
française et allemande manifeste l'approbation pour les orientations
initiales. La conception de base
" Basic Design "
commence
alors. Les études sont terminées en juin 1997. Le rapport
résultant intitulé
" Basic Design Report "
est
déposé en octobre 1997 auprès des autorités de
sûreté en octobre 1997. L'année 1998 est employée
à l'optimisation des conditions d'exploitation du futur réacteur,
notamment sur le plan des coûts.
Ce réacteur évolutionnaire
41(
*
)
devrait avoir une puissance de 1 525 MWe, encore qu'on étudie à
l'heure actuelle dans quelles conditions celle-ci pourrait être
portée à 1 700 - 1750 MWe. La durée de vie de l'îlot
nucléaire devrait être portée à 60 ans contre 40 ans
initialement prévus pour les réacteurs actuels. Le premier
objectif est celui de l'augmentation de la sûreté par rapport
à celle déjà remarquable des réacteurs actuels les
plus avancés. Parmi les dispositifs devant y conduire, figurent le
renforcement de l'enceinte, l'introduction d'un système de
refroidissement dédié par aspersion, des systèmes de
dépressurisation, des recombineurs catalytiques d'hydrogène et un
dispositif étanche de récupération du corium. Un
deuxième objectif est celui d'accroître la simplicité
d'exploitation. Elle sera obtenue grâce à une amélioration
de la fiabilité des composants, un fonctionnement et une maintenance
facilités, une réduction des marges d'erreur humaine et une
radioprotection meilleure
42(
*
)
.
Au plan de son architecture technique, l'EPR serait relativement proche du
réacteur N4. A ce titre, le circuit primaire principal comprendrait 4
boucles comprenant chacune un générateur de vapeur et un
système de pompes associées. Les réserves d'eau seraient
accrues pour des motifs de sûreté. Le coeur comprendrait 245
assemblages combustibles contre 205 pour le réacteur N4.
La question du recyclage du plutonium, fondamentale pour l'étude de
l'aval du cycle, est à l'heure actuelle en cours d'approfondissement. La
version de base de l'EPR permet le monorecyclage du plutonium au taux de 50 %
dans des gestions de 18 mois. La teneur moyenne en plutonium est de 11 %. Le
vecteur isotopique correspond à un combustible uranium
déchargé à 60 000 MWj/t. Fort opportunément et
d'une certaine manière en contrepartie, les systèmes de l'EPR
sont conçus pour utiliser du bore enrichi en bore 10.
Cette option apporte une souplesse importante vis-à-vis de l'utilisation
du Mox. En conséquence, pour aller au-delà de 50 % d'assemblages
Mox, seules quelques modifications mineures devraient être
apportées aux systèmes de la chaudière.
Vos Rapporteurs ont pu obtenir des précisions supplémentaires de
Framatome, sur les études en cours relatives à un recyclage accru
du plutonium dans l'EPR, à propos duquel les études CAPRA
menées sur Superphénix auraient été fort utiles. Le
tableau suivant récapitule les différentes possibilités
qui devraient être offertes par ce réacteur du futur.
EPR |
%
d'assemblages
|
teneur moyenne en plutonium |
durée
|
taux
d'épuisement
|
nombre de crayons par assemblage |
rapport
|
version de base |
50 % |
11 % |
18 mois |
60 000 MWj/t |
" 17x17 " |
2 |
version
|
100 % |
11 % |
18 mois |
60 000 MWj/t |
" 17x17 "-36 |
2,2 |
Les
études en cours montrent qu'un arbitrage sera vraisemblablement
nécessaire entre l'augmentation de puissance, telle qu'elle est
projetée, et le passage à 100 % de Mox dans le réacteur.
Pour passer à 100 % d'assemblages Mox, il faudra en effet utiliser des
assemblages à rapport de modération légèrement
accru. Ceci sera obtenu par suppression de 36 crayons combustible de
l'assemblage standard de l'assemblage standard 17x17. Ainsi que l'écrit
Framatome :
" l'utilisation de ces assemblages efface en partie la
perte d'efficacité que subissent le bore et les grappes de
contrôle dans un coeur Mox par rapport à un coeur UO2. La
possibilité d'enrichir le bore en bore 10 vient encore augmenter
l'efficacité de ce moyen de contrôle. Le résultat est que
vis-à-vis du contrôle de la réactivité, le coeur 100
% Mox n'est pas plus pénalisant qu'un coeur 50 % Mox. Par ailleurs,
l'introduction de 36 trous d'eau par suppression des crayons combustible
correspondant a pour conséquence une augmentation de la puissance
linéique, ce qui se traduit par une perte de marges sur le coeur. Cela
est acceptable pour le niveau de puissance actuel de l'EPR,
mais ne
permettrait vraisemblablement pas une augmentation de 15 % de puissance
envisagé aujourd'hui
. La pénalité pourrait être
de l'ordre de 5 %, pour des coeurs 100 % Mox. "
Un autre arbitrage devrait par ailleurs être effectué entre le
passage à 100 % Mox et la durée de vie de la cuve, qui devrait en
tout état de cause être diminué par la présence
accrue d'assemblages Mox.
Il reste que l'EPR moxé permettrait, ainsi que le montre le tableau
ci-après, une consommation nette de plutonium, avec toutefois comme
conséquence un accroissement des quantités produites d'actinides
mineurs (américium, neptunium et curium), ce qui accroît les
difficultés du stockage à long terme.
type d'EPR |
EPR - UO2 - 60 GWj/t |
EPR -50 % Mox - 60 GWj/t |
EPR - 100 % Mox - 60 GWj/t |
Plutonium total (kg/Twhe) |
+ 26,4 |
- 24,8 |
- 67,5 |
Américium (kg/Twhe) |
+ 0,8 |
+ 3,7 |
+ 4,8 |
Neptunium (kg/Twhe) |
+ 2,1 |
+ 1,1 |
+ 0,3 |
Curium (Kg/Twhe) |
+ 0,4 |
+ 2,5 |
+ 4,0 |
En première approximation, on peut considérer qu'une tranche EPR moxé à 100 % serait susceptible de consommer environ 3 tonnes de plutonium par an.
La faisabilité et l'opportunité du retraitement du Mox
Le
combustible Mox irradié contient davantage de plutonium et d'actinides
mineurs que le combustible standard. Toutefois, la démonstration a
été faite que le procédé Purex s'adapte sans
grandes difficultés au Mox irradié.
En 1991-1992, le CEA, dans son atelier pilote de Marcoule, retraitait avec
succès 2,1 tonnes de Mox provenant de la centrale allemande de
Graffenheinfeld. La COGEMA, quant à elle, retraitait en 1992 à La
Hague-UP2 4,7 tonnes de Mox issu d'Obrigheim-Neckar-Unterweser.
Deux et peut-être trois recyclages du plutonium semblent en tout
état de cause possibles, ainsi que l'expose le document Mandil-Vesseron.
La durée des opérations de stockage et de traitement est
toutefois à prendre en considération.
Compte tenu de la lenteur relative de la décroissance radioactive et
thermique du Mox irradié, un recyclage du plutonium dans le Mox
prendrait une douzaine d'années. Deux à trois recyclages
s'étendraient sur une durée de 24 à 36 ans. En tout
état de cause, les actuelles installations de retraitement pourraient
convenir, à condition toutefois que leur fonctionnement et en
particulier leur niveau de sûreté permettent d'en prolonger
l'usage.
L'un des problèmes restant à examiner a trait à l'impact
de la composition du Mox irradié sur les déchets, les rejets et
les effluents. Il est à l'étude.
Le deuxième problème à résoudre - probablement le
plus important - porte sur la modification de la composition du Mox qu'il
faudrait introduire au fur et au mesure des recyclages.
Le Mox actuel comprend 5,3 % de plutonium. Au fur et à mesure de
l'irradiation, les isotopes pairs du plutonium, notamment le plutonium 242,
voient leur concentration augmenter dans le combustible. Or leur neutronique
dans les REP est beaucoup moins favorable à la réaction en
chaîne que les isotopes impairs. Deux réponses sont alors
possibles. La première consiste à augmenter la teneur en
plutonium au-delà des 5,3 % actuels. Cette solution présente une
limite en termes de nombre de recyclages possibles. L'autre réponse
consiste à accroître non pas la teneur en plutonium mais celle de
l'uranium 235 fissile.
Le recours à un uranium davantage enrichi est considéré
par le CEA comme à la fois plus novateur et plus prometteur. L'impact de
cette solution sur les déchets radioactifs à haute
activité reste à mesurer.
Mais dans la mesure où l'ensemble du combustible à l'oxyde
d'uranium ne serait pas retraité, il paraît inutilement
compliqué de recycler le Mox.
Le combustible Mix : une solution coûteuse et peu efficace vis-à-vis du plutonium
L'on a
vu précédemment que l'augmentation de la teneur en plutonium du
Mox est limitée par la physique neutronique. La deuxième solution
consiste à préparer des coeurs à 100 % d'assemblages Mox.
Mais ceci ne peut se faire actuellement. Les combustibles existants ne peuvent
convenir. Les systèmes de commande des réacteurs - les grappes de
contrôle - sont quant à eux insuffisants.
Une autre solution peut être en conséquence imaginée, celle
du combustible Mix. L'idée est de diluer du plutonium dans
tous
les assemblages combustibles des réacteurs à eau
pressurisée. Cette solution est possible à condition que l'on
augmente la teneur en uranium 235. Les calculs montrent que des taux de
combustion de 55 000 MWj/t pourraient être atteints pour des teneurs de
2% en plutonium et de 3,8 % en uranium 235.
Un premier inconvénient de cette solution est que l'ensemble des
réacteurs à eau pressurisée devraient être
adaptés pour utiliser ce combustible. La viabilité
économique du combustible Mix reste ainsi à démontrer.
Framatome évalue le surcoût total de passage à ce
combustible à 3 milliards de francs par an.
Par ailleurs, les stocks de plutonium seraient bien stabilisés avec le
Mix. Mais ceci n'arriverait qu'au bout de 50 ans, alors que dans l'intervalle
une croissance du stock net de plutonium se produirait.
On peut signaler également un autre inconvénient. Selon toute
vraisemblance, la technique du Mix conduirait certes à stabiliser le
plutonium mais parallèlement à augmenter inévitablement la
proportion d'actinides mineurs dans le combustible irradié.
1.5. EDF bloquée à 16 tranches moxées mais candidate pour 12 autorisations supplémentaires
La
France ne fait pas cavalier seul pour le recyclage du plutonium dans le Mox.
Bien au contraire, elle n'est venue qu'en deuxième ligne sur cette
question, par rapport à l'Allemagne. Pour autant, la
détermination d'EDF est claire. Il s'agit pour l'exploitant d'introduire
du Mox dans tous les réacteurs du palier CP1-CP2 pour lesquels cela peut
se faire sans modification majeure des réacteurs. Au total, l'objectif
est donc bien de moxer 28 tranches dans les meilleurs délais. Pour les
paliers P4-P'4, la question n'est pas à l'ordre du jour. Quant au futur
EPR, EDF l'appelle de ses voeux, sous certaines conditions toutefois.
La politique d'EDF d'introduction du Mox s'inscrit dans une démarche
responsable vis-à-vis de l'ensemble du cycle du combustible. Il est
cependant clair que l'ouverture du marché de l'électricité
début 1999, après transposition de la directive
européenne, devrait renforcer l'impératif de
compétitivité du prix du kWh, ce qui risque de lui faire
évoluer à la marge sa stratégie
nucléaire.
Une stratégie globale de l'aval du cycle
Ainsi
que M. Pierre Daurès, son directeur général l'a
exposé à vos Rapporteurs, la stratégie d'aval du cycle
d'EDF repose sur deux choix fondamentaux.
Le premier choix est relatif au plutonium qu'EDF considère actuellement
comme une matière première énergétique. L'objectif
est donc de le recycler dans les réacteurs REP 900 MWe. Pour ce faire,
EDF recourt au retraitement proposé par Cogema. Mais, en tout
état de cause, c'est la capacité d'absorption recyclage du
plutonium dans les réacteurs du palier CP1-CP2 qui conditionne le volume
des combustibles retraités. EDF entend ainsi respecter le
" principe d'égalité des flux "
, afin de ne pas
accumuler du plutonium sur
" étagères "
, ce qui
paraît être de bonne gestion.
Le deuxième choix fondamental a trait à la composition des
déchets finaux. En premier lieu, lors du retraitement, une extraction
maximale du plutonium est recherchée afin de minimiser sa
présence résiduelle dans les stockages finaux et de tirer le
meilleur des installations de séparation. En deuxième lieu, EDF
se fixe comme objectif de minimiser les volumes des déchets ultimes.
EDF soucieuse d'obtenir l'autorisation de moxer 28 tranches
Le flux
annuel de combustibles usés et déchargés des
réacteurs EDF est d'environ 1 200 tonnes par an. Ce flux
baisse légèrement d'une année sur l'autre en raison de
l'augmentation régulière de la performance des combustibles qui
peuvent rester plus longtemps en réacteur. Mais l'ordre de grandeur ne
change pas.
Sur ces 1 200 tonnes par an, l'utilisation optimale des capacités de
retraitement de La Hague a conduit EDF à retenir une part de
combustibles retraités " rapidement " d'environ 850 tonnes par
an. Ceci correspond, avec la gestion hybride UO2/Mox, à la fabrication
de 21 à 22
" recharges "
de combustibles Mox par an.
Aucun stock tampon n'existe sur les sites. EDF souhaite donc disposer d'une
certaine souplesse dans la gestion du parc et donc d'un nombre de tranches
autorisées un peu plus élevé que le strict nombre de
recharges. D'où le souhait d'EDF d'être autorisé à
moxer les 28 tranches des paliers CP1-CP2. Le tableau suivant indique la
situation administrative et opérationnelle des 28 tranches de ce
palier.
tranches |
autorisées |
chargées |
Tricastin 1 - 4 |
oui -décret d'autorisation de création incluant le Mox |
Tri 2 et
3 en 1996
|
Dampierre 1 - 4 |
oui -décret d'autorisation de création incluant le Mox |
Dam 1 en
1990
|
Gravelines 1 - 4 |
oui -décret d'autorisation de création incluant le Mox |
Gra B3 et
B4 en 1989
|
Le Blayais 1 & 2 |
oui -décret d'autorisation de création incluant le Mox |
Bla 2 en
1994
|
Saint Laurent des Eaux B1 & B2 |
oui -décret d'autorisation de création incluant le Mox |
StL B1 en
1987
|
total tranches autorisées |
16 |
16 à l'été 1998 |
Chinon 1 - 4 |
|
- |
Le Blayais 3 & 4 |
|
- |
Cruas 1 -4 |
|
- |
Gravelines 5 & 6 |
|
- |
total tranches en attente |
12 |
|
TOTAL général tranches Moxables |
28 |
16 |
Début janvier 1998, le décret d'autorisation de
chargement de Mox dans les 4 tranches de Chinon 1-4 est déposé
à la signature des ministres de l'industrie et de l'environnement,
après que l'enquête publique a été
réalisée en 1997 et que la CIINB a donné son avis
favorable en décembre 1997.
Quant aux tranches de Gravelines 4 et 5, Le Blayais 3 et 4 et Cruas 1 à
4, les demandes d'autorisation de lancement de l'enquête publique ne sont
pas accordées pour l'instant, bien que de l'avis d'EDF, aucun
problème technique ne se pose.
En cas de limitation à 16 tranches, l'abandon du principe d'égalité des flux ou la diminution des quantités retraitées et donc des suppressions d'emploi
Selon
EDF, le nombre maximal de recharges Mox que l'on peut charger chaque
année avec 16 tranches est de 14. Pour fabriquer ces 14 recharges, il
faut retraiter 550 tonnes par an, s'il s'agit de combustible à faible
taux de combustion ou 650 tonnes par an s'il s'agit de combustible avec un fort
taux de combustion
44(
*
)
.
En conséquence, EDF se verrait contrainte d'adopter l'une des solutions
suivantes : l'abandon du principe d'égalité des flux ou la
réduction du flux annuel de retraitement.
L'abandon du principe d'égalité des flux ne paraît pas
souhaitable à EDF. L'accumulation de plutonium inutilisé n'est
pas prévue dans l'organisation actuelle de l'aval du cycle. La
quantité du stock de plutonium appartenant à EDF correspond
à un stock outil, nécessaire dans la perspective de la
fabrication du Mox. Ce stock outil est limité à son minimum et se
stabilise à une vingtaine de tonnes.
En cas de non-autorisation de moxage de 28 tranches, pour des raisons qui
échappent à la sagacité des auteurs du rapport et de
continuation du retraitement au rythme actuel, comme l'impose le contrat
passé avec Cogema, le stock augmenterait annuellement de 2,7 tonnes, ce
qui serait à tous égards regrettable.
L'entreposage pour un éventuel réemploi ultérieur de cet
excédent de plutonium ne serait pas en tout état de cause une
solution satisfaisante. En effet, le plutonium subit une dégradation
spontanée et progressive, avec la formation d'américium 241
à partir de plutonium 241. Au-delà de 3 à 4 ans, il est
nécessaire de le traiter à nouveau pour extraire
l'américium. Une opération de ce type se fait à des
coûts voisins de ceux du retraitement. Enfin, l'entreposage d'une
quantité accrue de plutonium poserait par ailleurs d'évidents
problèmes de sécurité et de sûreté
coûteux à résoudre.
La deuxième solution pour faire face à une limitation à 16
tranches consiste à diminuer la quantité de combustible
usé retraitée à La Hague. Le contrat actuellement en
vigueur entre EDF et Cogema vient à expiration en 2 000. Dès
lors, deux situations se profileraient à l'avenir.
La première serait que les conditions financières du nouveau
contrat de retraitement soient inchangées, en dépit d'une
diminution de 200 tonnes environ des quantités retraitées. Dans
ce cas de figure, Cogema répartirait ses frais fixes sur une
quantité moindre, pour s'assurer un revenu identique. Le coût du
Mox pour EDF risquerait de devenir alors prohibitif et d'entraîner une
perte de compétitivité, compromettant ainsi son
intérêt.
La deuxième éventualité serait que Cogema maintienne ses
tarifs unitaires aux niveaux actuels afin que son offre reste concurrentielle
par rapport à son concurrent britannique BNFL. Dans ce cas, Cogema
serait obligée de réduire son outil industriel de La Hague. Dans
la mesure où une baisse des contrats de retraitement étrangers
est anticipée, il est probable qu'une seule des deux usines serait alors
nécessaire pour satisfaire tant la demande nationale que la demande
extérieure. EDF chiffre à 1 500 le nombre de suppressions
d'emploi direct chez Cogema et à 1 500 emplois
supplémentaires les suppressions chez les sous-traitants.
EDF n'est favorable à aucune de ces solutions. C'est pourquoi la
montée à 28 tranches moxées autorisées lui
paraît une décision indispensable et urgente.
Une attitude prudente pour le reste du parc
L'introduction du Mox n'est pas, en revanche, à l'ordre
du
jour pour les réacteurs des paliers CP0 (900 MWe de première
génération), P4-P'4 (1 300 MWe) et N4 (1 450 MWe). EDF
ne la souhaite pas pour le moment. Pour accroître la rentabilité
des réacteurs précités, Electricité de France
privilégie en effet l'allongement des campagnes à 18 mois. C'est
l'amélioration des performances des combustibles qui permet la
présence accrue des combustibles dans le coeur, avec comme
conséquence heureuse une meilleure rentabilité du combustible et
une diminution des frais de déchargement-rechargement.
Cette politique d'allongement de la durée des cycles d'exploitation est
déjà largement mise en oeuvre pour les tranches 1 300 MWe. Elle
doit faire l'objet d'un accord de l'autorité de sûreté
à la mi-98 pour les tranches CP0. Une réflexion est en cours
à ce sujet pour les 4 tranches N4.
EDF souligne les avantages d'un parc
" bicolore ",
dans lequel
une partie du parc est
" moxée "
avec des campagnes
annuelles, et l'autre partie est chargée uniquement en combustibles UO2,
avec des campagnes à 18 mois.
Pour EDF, cette configuration constitue, " dans les conditions
actuelles ", une sorte d'optimum entre la nécessité de
garantir l'équilibre du réseau par une répartition
judicieuse des arrêts de tranche sur l'année, le souci de baisser
les coûts de maintenance, la performance des combustibles et la
stratégie de l'aval du cycle.
Pour un EPR moxé à 15 %
Pour
avoir une vision à long terme de l'aval du cycle, il est
évidemment nécessaire d'inclure dans les réflexions l'EPR.
L'EPR qu'EDF semble appeler de ses voeux serait moxé à 15 %.
Comme on l'a vu précédemment, Framatome estime qu'il est possible
de monter beaucoup plus haut en pourcentage d'assemblages de Mox. Mais cette
solution ne semble pas retenir l'attention d'EDF qui insiste sur le fait que
l'exploitation ne doit pas être sensiblement modifiée par
l'introduction du Mox.
Les projections effectuées par EDF sur le long terme indiquent qu'un
parc de deuxième génération entièrement
constitué de réacteurs EPR moxés à 15 % serait en
mesure de ramener à zéro vers 2075 le stock de plutonium
provenant du combustible à l'oxyde d'uranium.
L'urgence de prendre une décision sur l'EPR
EDF a
manifesté un soutien constant au projet de réacteur
européen à eau pressurisée (EPR). A la mi-98, ce projet
paraît tout aussi important pour l'avenir de la production
nucléaire d'électricité en France.
La position d'EDF est la suivante : d'accord sur le principe pour
commander une tête de série, mais à la condition qu'il y
ait effectivement une série ultérieure.
Depuis le début de son recours au nucléaire, EDF met en oeuvre
avec constance une politique de paliers. Les effets en sont bien connus :
économies d'échelle, retour d'expérience maximal et, au
final, rentabilité optimale. Il ne saurait en être
différemment pour l'EPR.
Les premières tranches du palier CP0 arrivent en fin de vie. Avec une
durée de vie d'une quarantaine d'années, cette
échéance se profile vers 2015. Il est donc indispensable d'avoir
accumulé une expérience significative sur la tête de
série.
En conséquence, la décision pour la commande du premier EPR - en
tant que tête de série - ne saurait tarder. Pour avoir un
calendrier optimal, il s'agit de passer commande de la cuve en 1999-2000, et de
couler le premier béton en 2003. Plusieurs centrales existantes
pourraient accueillir le nouveau réacteur dans le cadre normal d'une
tranche de centrale supplémentaire. Les préférences
actuelles vont vers Penly et dans une moindre mesure vers Flamanville.
Bien évidemment, à la volonté clairement affichée
d'EDF, doit correspondre un engagement tout aussi clair des industriels, en
l'occurrence Framatome et Siemens.
Adaptations stratégiques et transposition de la directive européenne sur l'ouverture du marché de l'électricité
Alors
que l'ouverture du marché de l'électricité entrera en
vigueur dès le début 1999, il paraît dommageable à
EDF de prendre du retard dans la mise en oeuvre d'une stratégie
économiquement viable, celle du recours au Mox comme moyen
d'épuisement des quantités de plutonium.
Le renchérissement de l'option Mox par limitation du nombre de tranches
moxées nuirait à sa position concurrentielle. La remise en cause
de l'outil industriel de La Hague parait totalement inopportune pour les
mêmes motifs. Il convient que l'organisation prévue de longue date
se mette en place et produise des résultats en régime
stationnaire. Toute décision contraire conduirait à prendre parti
prématurément sur des questions qui doivent rester ouvertes
jusqu'au terme de 2006 prévu par la loi du 30 décembre
1991.
1.6. Le plaidoyer de Cogema en faveur de l'équilibre économique du cycle du combustible
Cogema, acteur majeur du cycle du combustible nucléaire dans le monde, plaide pour la généralisation du Mox, en faisant valoir que seul ce combustible permet de stabiliser l'inventaire de plutonium. Cette considération s'assortit du fait que les performances du combustible Mox s'améliorent constamment. Le respect de la contrainte du plutonium ne pénalise donc pas l'exploitation. Cogema souligne le fait que le dimensionnement de toute la boucle du retraitement et de la fabrication du Mox repose sur le passage à 28 du nombre de tranches autorisées à charger du Mox.
La solution au problème du plutonium : le retraitement et le Mox à 100 %, selon Cogema
Une recharge de Mox à 30 % avec une teneur de 5,3 % en plutonium comprend environ 350 kg de plutonium. Après irradiation, on retrouve la même quantité globale de plutonium. Le bilan est donc nul. Si l'on considère le plutonium présent dans le combustible usé, aucune quantité supplémentaire de plutonium n'est donc créée. Au contraire, dans le cas d'un réacteur chargé en combustible standard à l'oxyde d'uranium, l'inventaire en plutonium s'accroît de 200 kg. Le tableau suivant résume ces résultats incontestables.
Tableau 22 : la non-création de plutonium par un réacteur moxé 45( * )
pour un réacteur |
réacteur fonctionnant à l'oxyde d'uranium |
réacteur fonctionnant avec 30 % de Mox |
Plutonium dans le combustible neuf |
0 kg |
350 kg |
Plutonium présent dans le combustible irradié |
200 kg |
350 kg |
bilan final |
+ 200 kg |
0 kg |
Si l'on étend ce raisonnement à un parc théorique de 50 réacteurs de 1000 MWe, l'on constate également que seuls un parc de 100 % de réacteurs moxés 30 % permet de ne pas augmenter l'inventaire de plutonium.
Tableau 23 : bilan plutonium pour un parc théorique de 50 réacteurs de 1000 MWe 46( * )
part des réacteurs à oxyde d'uranium |
part des réacteurs moxés à 30 % |
quantités nettes de plutonium produites |
100 % |
0 |
10 t/an |
60 % |
40 % |
6 t/an |
0 |
100 % |
0 |
Cogema ajoute que la généralisation du Mox peut être envisagée à terme, en raison de l'augmentation des performances de ce type de combustible (voir tableau ci-après).
Tableau 24 : les performances du Mox bientôt équivalentes à celles du combustible standard
type de combustible |
UO2
|
UO2
|
Mox
|
Mox
|
taux de combustion MWj/t |
35 000 |
47 000 |
37 000 |
46 500 |
suivi de charge |
oui |
oui |
oui |
oui |
tendance du taux de combustion |
en hausse |
en hausse |
en hausse |
en hausse |
Ce raisonnement ne recouvre toutefois pas les souhaits d'EDF, qui, pour le moment, n'envisage en aucune façon un parc tout Mox.
L'équilibre global de l'aval du cycle selon Cogema
Le
dimensionnement de la chaîne de retraitement et de recyclage du
combustible irradié repose, selon Cogema, sur un nombre de tranches
" moxées " égal à 28. EDF est tout à fait
d'accord, ainsi que cela a été vu plus haut. Un examen attentif
des délais qui s'accumulent dans ce cycle montre toutefois un effet
" retard " très important entre le déchargement du
combustible et le recyclage en réacteur du plutonium formé.
Le dimensionnement de l'usine UP2-800 correspond à une capacité
de retraitement de 850 à 1100 t/an. Le tonnage de plutonium
récupéré est alors de l'ordre de 8,5 à 11 tonnes
par an. Ceci permet à l'usine Melox de fabriquer 110 à 135 tonnes
de combustible Mox par an. Ce qui correspond aux besoins de 28 tranches
autorisées à fonctionner avec du Mox. Le schéma suivant
synthétise, selon Cogema, l'architecture du cycle, telle qu'elle a
été pensée et réalisée dans sa
cohérence initiale.
L'examen
des durées de chacune des étapes de ce cycle est utile pour
chiffrer l'effet retard inhérent au cycle du combustible. Entre le
moment où le combustible est déchargé d'une centrale et
celui où le Mox résultant est fabriqué, il s'écoule
en effet 15 ans. Ceci explique qu'il ait été nécessaire
d'anticiper les autorisations de chargement de Mox. Ceci implique qu'il soit
difficile - car mettant en oeuvre des constantes de temps très longues -
de modifier le système actuel, alors que la montée en
régime s'effectue. Selon la Cogema, l'industrie française se
trouve
" au milieu du gué "
.
Une orientation a été prise. Sa cohérence et sa
rentabilité imposent que l'on atteigne l'état stationnaire. Toute
modification d'une partie de l'aval du cycle ruinerait l'ensemble du
système.
Cogema en attente des autorisations de dimensionnement optimal des ses installations de fabrication de Mox
Pour Cogema, le Mox est incontestablement un créneau d'avenir. Ses clients ne sont pas seulement français. Bien au contraire, Cogema fournit des producteurs d'électricité allemands, belges, suisses et japonais. Les perspectives commerciales du Mox sont brillantes. Le tableau suivant indique quelles sont les anticipations de Cogema sur ce marché.
Tableau 25 : perspectives de production de Mox par le groupe Cogema 47( * )
pays |
société |
localisation |
production de Mox en 1997 |
production de Mox prévue en 2000 |
consommation de plutonium en 2000 |
France |
Melox |
Marcoule |
102 t/an |
250 t/an |
10 à 12 t/an |
France |
Cogema |
Cadarache |
28 t/an |
40 t/an |
2 à 3 t/an |
Belgique |
Belgonucléaire |
Dessel |
37 t/an |
40 |
2 à 3 t/an |
Cogema, qui prévoit une augmentation de ses marchés en France et à l'étranger pour le Mox, est en attente de deux décrets relatifs à l'usine Melox. Le premier décret concerne la possibilité d'utiliser les lignes de production actuelles pour la fabrication de combustibles Mox commandés par des clients étrangers. Le deuxième décret porte sur l'autorisation de capacité globale de l'usine.
1.7. la nécessité de prendre parti pour le Mox mais aussi d'augmenter les marges disponibles pour l'entreposage du combustible irradié non retraité
L'extension des autorisations de chargement en Mox à 28 réacteurs semble indispensable à vos Rapporteurs. Les avantages en sont d'une part le freinage des quantités de plutonium séparé sur étagères et d'autre part le recyclage à un coût compétitif d'une matière énergétique précieuse. Mais, à l'inverse, la question de l'entreposage des combustibles irradiés non retraités, que votre Rapporteur avait en mars 1996 mise en pleine lumière.
La France dans la ligne internationale pour le recours au Mox
C'est au
début des années 1970 que les premiers programmes de recyclage de
Mox dans des réacteurs nucléaires à objet commercial ont
débuté. Siemens a en effet introduit des assemblages combustibles
comprenant du plutonium dans le réacteur KWO de la centrale d'Obrigheim
et dans la centrale suisse de Beznau-2 sur la période 1972-1993. La
France, quant à elle, a commencé en 1987, avec un premier
chargement de 16 assemblages Mox dans la tranche B1 de Saint Laurent des Eaux.
Aujourd'hui, le Mox est mis en oeuvre non seulement par la France et
l'Allemagne mais aussi par la Belgique et la Suisse
48(
*
)
. Le tableau suivant présente la situation dans
chacun des pays.
pays |
nombre de réacteurs nucléaires |
capacité installée (MWe) |
nombre de tranches autorisées à charger du Mox |
nombre de tranches chargées en Mox |
France |
56 |
58 500 |
16 |
16 (été 1998) |
Belgique |
7 |
5712 |
2 |
2 |
Suisse |
5 |
3 079 |
4 |
3 |
Japon |
54 |
43 850 |
1 |
1 (en 2 000) |
Allemagne |
20 |
22 282 |
11 |
8 |
S'agissant des Etats-Unis, il faut noter une évolution sensible des responsables et du Congrès et en particulier de Pete Domenici, sénateur du Nouveau Mexique, Président de la Commission du Budget, Président de la Sous-Commission des appropriations pour l'énergie et l'eau ; Président de la Commission de la politique énergétique et de la R&D 50( * ) . Les Etats-Unis ont renoncé au retraitement et à la fabrication de Mox : c'est une erreur selon Pete Domenici. Pour celui-ci, le cycle ouvert comporte au moins deux inconvénients : c'est un gaspillage du contenu énergétique de l'uranium et du plutonium. Cette option entraîne en outre l'obligation de stocker le combustible irradié en site profond alors que le site de Yucca Mountain n'est pas prêt à entrer en service. En outre l'interdiction du Mox prive d'une solution qui pourrait être précieuse pour épuiser les stocks de plutonium militaire.
• Le Mox promu aux Etats-Unis par les
négociations stratégiques avec la Russie51(
*
)
Le
démantèlement d'ogives nucléaires américaines et
russes résulte du traité de limitation des armes
stratégiques. Les deux parties cherchent un strict parallélisme
dans la démilitarisation du plutonium de récupération.
La position de la Russie est que le plutonium constitue une matière
première énergétique de grande valeur. Son recyclage sous
forme de Mox s'impose donc. Pour autant, la construction d'usines de Mox et la
modification des réacteurs existants nécessitent des
investissements financiers importants.
En réalité, la Russie est en situation d'imposer, par souci de
symétrie, la Moxification comme méthode de
démilitarisation du plutonium. Elle pourrait imposer aux Etats-Unis
d'utiliser le Mox. Elle pourrait aussi obliger les Etats-Unis à financer
ses propres dépenses relatives à l'utilisation du Mox.
Ironie de l'histoire, les Etats-Unis ont renoncé depuis la
présidence Carter au retraitement et, subséquemment, à
l'usage civil du plutonium sous forme de Mox. Est-ce à dire que le Mox
pourrait être désormais imposé par les obligations
prioritaires du désarmement ?
Le DOE, quant à lui, tente de populariser la démilitarisation du
plutonium par immobilisation définitive dans des matrices
indestructibles du type céramiques. Le Mox lui paraît difficile
à imposer aux compagnies d'électricité. La symétrie
Etats-Unis - Russie lui semble nécessaire dans le résultat - la
démilitarisation définitive - plutôt que dans ses
modalités.
En vérité, l'utilisation du Mox aux Etats-Unis dépendra de
la volonté de la Russie d'imposer ce combustible pour dénaturer
le plutonium militaire.
Le Mox irradié : une bonne matrice d'immobilisation du plutonium
Or le combustible Mox, non seulement permet de recycler le plutonium, mais au final délivre après irradiation un plutonium disséminé dans la matrice du combustible et moins propre à l'utilisation militaire, en raison de la présence d'une part importante d'isotopes pairs, ainsi que le montre le graphique suivant.
Figure 9 : teneurs comparées en plutonium fissile du combustible standard et du Mox irradiés, selon CogemaToutes ces raisons militent donc en faveur d'une montée en régime du combustible Mox dans les 28 tranches prévues à cet effet. Selon vos Rapporteurs, il importe de porter à son équilibre économique le système initialement prévu. Ses avantages sont supérieurs en termes écologiques à toute solution prématurée d'arrêt. Sa viabilité économique est par ailleurs démontrée. Il paraîtrait dangereux de bouleverser la gestion actuelle alors que des solutions opérationnelles de remplacement ne seront prêtes qu'à l'échéance de 2006.
La nécessité d'augmenter les marges d'entreposage du combustible irradié
Un
éventuel blocage des autorisations de chargement du Mox à 16
tranches n'aurait pas pour seule conséquence une remise en cause de
l'équilibre économique de l'aval du cycle. Il entraînerait
aussi, selon EDF, une saturation rapide des capacités d'entreposage des
combustibles irradiés. Ceci illustre le fait que le système
actuel d'entreposage du combustible irradié, en attente de retraitement
ou non, atteint ses limites.
Il est clair que le blocage actuel des autorisations aurait des
conséquences graves sur toute la filière avec la saturation des
piscines et un accroissement inévitable des stocks de plutonium. C'est
peut-être une autre stratégie de blocage de la filière
nucléaire dont on voit se dessiner les contours.
Les capacités totales d'entreposage du combustible irradié en
piscine s'élèvent à 4 000 tonnes sur les sites
des centrales nucléaires d'EDF. Les capacités actuellement libres
sont de 1 100 tonnes. En cas d'arrêt immédiat des
évacuations de combustibles irradiés vers La Hague, par exemple
à la suite d'un blocage des transports, ces capacités
d'entreposage sur site seraient saturées en un an.
Les piscines de La Hague présentent quant à elles une
capacité de 18 000 tonnes. Ces piscines ne peuvent accueillir
que des combustibles en attente de retraitement, qu'ils proviennent d'EDF ou de
clients étrangers. Les piscines de La Hague ne sont
agréées qu'à ce titre. Il ne s'agit pas in fine d'un
centre d'entreposage. La capacité réservée à EDF
est de 14 000 tonnes.
Le chargement en Mox de 28 tranches correspond au retraitement effectif de 850
tonnes par an. EDF indique que les 350 tonnes non retraitées sont en
réalité considérées comme en attente d'un
retraitement différé. Elles sont donc entreposées à
La Hague. Avec les flux correspondant aux 28 tranches, la saturation des
emplacements réservés à EDF n'interviendrait qu'en 2018.
Des solutions de stockage à sec seront alors vraisemblablement
disponibles. Le système actuel est donc bien calibré.
Au contraire, avec le passage à un retraitement de 550 tonnes par an,
correspondant à 16 tranches ""moxées ", la saturation des
espaces piscine réservés à La Hague pour EDF
interviendrait en 2008. Dans le cas extrême d'un arrêt du
retraitement à l'expiration du contrat actuel d'EDF avec Cogema, c'est
en 2004 que les piscines seraient
" bouchées "
.
Alors que les études de l'entreposage à moyen terme des
combustibles commencent seulement, vos Rapporteurs estiment qu'il n'est pas
opportun de modifier l'équilibre d'un cycle qui semble, au demeurant,
fondé sur le plan économique.
2. Les limites probables de la séparation et de la transmutation et le dilemme transmutation-stockage
La
transmutation se présente comme la solution idéale en
matière de gestion des déchets. Il s'agit, par des
réactions nucléaires appropriées déclenchées
par des bombardements de neutrons, de transformer des éléments
fortement radioactifs en des éléments peu radioactifs et si
possible stables ou au moins à courte période, donc à
faible durée de vie.
La loi du 30 décembre 1991 a introduit cet axe de recherche en un temps
où la solution qui semblait la plus adéquate à l'ensemble
des acteurs de la filière était celle du stockage
définitif en couches géologiques. Un peu plus de 7 années
plus tard, il semble bien que la transmutation soit devenue à son tour
une sorte de solution magique pour régler la question des déchets
nucléaires.
Pour certains experts, il est en effet très probable que la science
trouve une solution à cette question. La base de cette conviction est la
rapidité de développement des sciences et techniques
nucléaires. En un demi-siècle, l'on est en effet passé de
la connaissance de la matière, avec en particulier la découverte
de la structure du noyau atomique, à une application industrielle
l'électricité d'origine nucléaire qui peut fournir
jusqu'à 400 TWh par an dans le cas de la France. Il serait en
conséquence pessimiste de penser que l'on ne puisse pas, au cours du
prochain demi-siècle, trouver la méthode idoine et
économique pour casser les noyaux lourds des actinides mineurs en autant
de noyaux de plus petite taille, radioactifs à courte période
pour donner in fine des produits cette fois stables et inoffensifs et pour
transformer les noyaux légers des produits de fission. Le corollaire de
cette position est que dans l'intervalle qui nous sépare de cet
idéal, toute décision doit être réversible ou ne pas
être.
En réalité, la loi du 30 décembre 1991 a fixé un
rendez-vous - 2006 - pour faire le point sur les résultats de
recherches, qui dans l'intervalle, doivent concerner aussi bien la
séparation et la transmutation que le stockage réversible ou
irréversible dans les formations géologiques profondes et que les
procédés de conditionnement et d'entreposage de longue
durée en surface.
A bien considérer l'avancement de la recherche sur ces questions, force
est de constater qu'en l'état actuel des choses, les deux voies de la
séparation-transmutation et du stockage paraissent plus
complémentaires qu'opposées. Les résultats acquis à
ce jour indiquent que la transmutation est probable pour certains
éléments et semble difficile pour d'autres. Sans doute s'agit-il
d'un état transitoire dans une démarche scientifique et
technologique où les progrès ne sont pas souvent
linéaires. Mais il apparaît probable qu'il faudra le moment venu
sortir du dilemme transmutation-stockage en utilisant des critères sur
la définition desquels la réflexion devrait commencer. Parmi ces
critères, figurent bien évidemment les coûts absolus et
relatifs des différentes méthodes disponibles.
Dans le présent chapitre, vos Rapporteurs traitent du dilemme
transmutation-stockage tel qu'on peut en deviner les contours aujourd'hui. Dans
un premier temps, leurs réflexions portent sur l'étape
préalable et indispensable à la transmutation qu'est la
séparation des différents radioéléments
présents dans les combustibles irradiés. Cette séparation
pose des problèmes techniques difficiles et devra probablement
s'effectuer dans des installations complexes dont le coût ne sera pas
négligeable.
Quant à la transmutation, si elle apparaît théoriquement
fondée, il reste à en explorer la faisabilité
spécifique sans doute pour chaque élément en utilisant
Phénix, la seule installation existante après la fermeture de
Superphénix, mais aussi en imaginant des installations plus durables et
plus appropriées aux études. Parallèlement, il faut
initier la réflexion sur des incinérateurs dédiés
à la transmutation des déchets.
Quant au stockage en couche géologique profonde, il pourrait
représenter une solution de rattrapage en cas d'échec de la
recherche et en cas d'urgence.
Jusqu'où aller dans la transmutation ? A quelles conditions
faudrait-il admettre le recours à la solution de rattrapage qu'est le
stockage ? La réflexion proposée ci-après a pour but
d'éclairer cette problématique, en commençant à
proposer des critères qui pourraient servir à mettre le curseur
sur l'une ou l'autre des extrémités de l'échelle ou
à mi-distance .
2.1. les difficultés de la séparation
Les
recherches sur la séparation sont conduites principalement par le CEA
à Marcoule où elles mobilisent environ 230 chercheurs, et
concernent la faisabilité scientifique et technique de la
séparation.
D'une manière générale, les recherches sur la
séparation ont été, au départ, focalisées
sur les actinides mineurs. Elles portent désormais aussi sur la
séparation des produits de fission à vie longue en raison de leur
mobilité potentielle dans le sol. L'approfondissement des recherches se
poursuit par la prise en compte de produits de fission et d'activation
présents à des concentrations de moins en moins
élevées.
C'est la spécificité de la recherche sur les actinides mineurs et
les produits de fission que de devoir fragmenter toujours avant les morceaux
d'un puzzle que l'on croyait plus grossier au départ.
Pourquoi ce grossissement progressif du microscope et pourquoi cette
volonté d'aller toujours plus loin dans la séparation des
éléments ? Pour une raison essentielle : pour
étudier, à l'étape ultérieure, la transmutation, il
faut pouvoir disposer d'éléments individualisés, sous
peine de ne pouvoir distinguer les différences de
comportement.
La séparation du neptunium et du technétium, un problème réglé
Le
procédé PUREX permet la séparation à 99,8 % de
l'uranium et du plutonium. L'utilisation du tributylphosphate lors du
même procédé permet aussi de séparer le neptunium
sans modification importante des installations techniques actuelles.
Ce résultat est très appréciable. Le neptunium 237 est en
effet présent à hauteur de 430 g par tonne de combustible
UO
2
irradié et sous cette seule forme isotopique. Par
ailleurs, sa période est de 2 100 000 années. Il s'agit d'un
émetteur .
Le neptunium est présent sous le seul isotope 237, quel que soit le taux
d'irradiation du combustible et ceci aussi bien pour le combustible à
l'oxyde d'uranium que pour le Mox
52(
*
)
. La
figure ci-après indique l'origine et l'évolution du neptunium
présent dans le combustible irradié.
Le
technétium 99 est également extrait par le même
procédé. Toutefois, le résultat n'est que partiel. Cet
élément est en effet présent, non seulement en solution,
mais aussi sous forme de résidus solides représentant quelques
dizaines de pour cents, que l'on ne sait pas traiter pour l'instant.
Mais la séparation du neptunium 237 ne suffit pas. En effet, il est
lui-même formé par la décroissance de l'américium
241, ce dernier résultant aussi de la décroissance du plutonium
241. Il importe donc d'extraire aussi ces éléments, faute de quoi
celle du neptunium serait inutile.
L'américium et le curium : deux actinides mineurs particulièrement encombrants
Les figures suivantes indiquent le processus de formation des différents isotopes de l'américium.
Figure 11 : formation et décroissance radioactive de l'américium 242 présent dans le combustible irradié
Figure 12 : formation et décroissance de l'américium 243
présent dans le combustible irradié
Les deux isotopes 241 et 243 de l'américium voient leur proportion inchangée, quel que soit le taux d'irradiation. L'américium 242 n'est présent, et encore à l'état de trace, que dans le combustible irradié.
Tableau 27 : composition isotopique de l'américium présent dans le combustible irradié 54( * )
|
Combustible. UOx - 33 000 MWj/t |
Combustible. UOx N4 - 47 500 MWj/t |
Combustible Mox Rep - 43 500 MWj/t |
|||
kg/TWh(é) |
après irrad.+3ans |
% isotopique |
après irrad.+3ans |
% isotopique |
après irrad+4 ans |
% isotopique |
Am 241 |
0,8 |
66,7 |
1,1 |
64,7 |
8,7 |
61,3 |
Am 242 |
0 |
0,0 |
0 |
0,0 |
0,1 |
0,7 |
Am 243 |
0,4 |
33,3 |
0,6 |
35,3 |
5,4 |
38,0 |
total Am |
1,2 |
100,0 |
1,7 |
100,0 |
14,2 |
100,0 |
Les figures suivantes présentent les chaînes de décroissance des différents isotopes du curium.
Figure 13 : formation et décroissance radioactive du curium 242
Figure 14 : décroissance radioactive du curium 243
Figure 15 : formation et décroissance radioactive du curium 244
Le tableau suivant indique que le curium est l'isotope prépondérant dans le combustible irradié, seul le Mox irradié contenant des isotopes 243 et 244 dans des proportions d'ailleurs très réduites.
Tableau 28 : composition isotopique du curium présent dans le combustible irradié
|
Combustible UOx - 33 000 MWj/t |
Combustible UOx N4 - 47 500 MWj/t |
Combustible Mox - 43 500 MWj/t |
|||
kg/TWh(é) |
après irrad.+3ans |
% isotopique |
après irrad.+3ans |
% isotopique |
après irrad+4ans |
% isotopique |
Cm 243 |
0 |
0,0 |
0 |
0,0 |
0,04 |
1,5 |
Cm 244 |
0,09 |
90,0 |
0,2 |
95,2 |
2,4 |
87,6 |
Cm 245 |
0,01 |
10,0 |
0,01 |
4,8 |
0,3 |
10,9 |
total Cm |
0,1 |
100,0 |
0,21 |
100,0 |
2,74 |
100,0 |
Le bloc difficile à entamer de l'américium et du curium
Il est
possible d'extraire en bloc l'américium et le curium avec les
lanthanides et les produits de fission. Le procédé DIAMEX, dont
la faisabilité technique est aujourd'hui démontrée, permet
d'aller au-delà et de récupérer, d'un côté,
les produits de fission et, de l'autre, un mélange d'américium,
de curium et de lanthanides.
Au-delà, dans une étape ultérieure, le
procédé SANEX permet, dans une étape ultérieure, de
séparer l'ensemble américium-curium des lanthanides. Toutefois,
les performances du procédé semblent jusqu'ici inférieures
aux espérances. Dans l'état actuel des choses, pour une
unité d'actinides mineurs, l'on extrait 50 fois plus de lanthanides.
En pratique, la séparation des actinides mineurs d'une part, et des
lanthanides d'autre part, revêt une grande importance et une grande
difficulté. Les propriétés physico-chimiques de l'ensemble
de ces éléments sont en effet voisines.
L'ingéniérie moléculaire permettra de préparer et
de tester différents types de molécules de séparation.
Selon toute vraisemblance, une ou plusieurs molécules seront disponibles
en 2001, pour isoler l'américium et le curium des lanthanides.
Mais il faudrait aller plus loin. La séparation de l'américium
par rapport au curium, même si elle paraît difficile, semble
également indispensable. La présence de curium compliquerait la
transmutation ultérieure de l'américium, en dépit de sa
concentration faible dans les solutions. Le curium est présent sous la
forme de trois isotopes, comme cela apparaît dans le tableau
suivant.
Isotope |
Période (années) |
Abondance (g/t) |
Teneur isotopique |
Radioactivité spontanée |
Neptunium 237 |
2,1.10 6 |
430 |
100 % |
|
Curium 242 |
|
0,003 |
|
|
Curium 243 |
28 |
0,3 |
1 % |
, neutrons |
Curium 244 |
18 |
21,4 |
94 % |
, neutrons |
Curium 245 |
8 500 |
1,2 |
5 % |
|
Curium 246 |
|
0,2 |
|
|
Américium 241 |
430 |
220 |
67 % |
, mous |
Américium 242 |
|
0,7 |
|
|
Américium 243 |
7 400 |
100 |
31 % |
, mous |
Soumis
à des flux de neutrons, le curium 243 et le curium 244 se
caractérisent par des comportements neutroniques très
différents de ceux des isotopes de l'américium. La
séparation de ces deux éléments paraît donc
nécessaire.
Selon le CEA, une molécule pour la séparation du curium de
l'américium devrait être disponible en 2006. Il restera à
évaluer les coûts de sa mise en oeuvre.
La séparation des produits de fission
La
séparation des produits de fission revêt une importance nouvelle
dans les travaux relatifs à l'axe 1 de la loi du 30 décembre
1991. D'une manière générale, les produits de fission,
émetteurs et sont globalement moins radiotoxiques que les actinides
mineurs. Mais leur mobilité par lixiviation par les eaux de
ruissellement paraît potentiellement plus critique que celle des
actinides.
Les efforts les plus importants pour la séparation des produits de
fission doivent donc porter sur les éléments à vie longue
dont les composés sont solubles dans l'eau. A cet égard, l'iode
et le césium constituent les cas les plus préoccupants.
Toutefois, le paradoxe de la séparation est là encore que l'iode
et le césium ne sont pas les éléments les plus abondants
dans le combustible irradié, ainsi que le montre le tableau
suivant.
élément -
|
concentration en g pour 1 tonne de combustible irradié |
Zirconium (Zr) |
4392,5 |
Césium (Cs) |
2672,7 |
Palladium (Pd) |
1617 |
Samarium (Sm) |
871,7 |
Technétium (Tc) |
810 |
Iode (I) |
208,2 |
Sélénium (Se) |
54,5 |
Etain (Sn) |
42,3 |
Comme pour les actinides mineurs, l'objectif est d'isoler les radioéléments à vie longue manifestant une radioactivité spontanée dangereuse. On trouvera page suivante un tableau général présentant les caractéristiques de radioactivité des différents produits de fission.
Tableau 31 : concentrations des différents isotopes des produits de fission dans le combustible irradié 56( * )
Élément |
Période (années) |
Abondance (g/t) |
Teneur isotopique |
Radioactivité spont. |
Césium 133 |
Stable |
1144 |
42,8 % |
- |
Césium 134 |
2,1 |
38,7 |
1,4 % |
durs |
Césium 135 |
2 300 000 |
360 |
13,5 % |
|
Césium 137 |
30 |
1130 |
42,3 % |
durs |
Césium total |
- |
2672,7 |
|
|
Iode 127 |
Stable |
38,2 |
18,3 % |
- |
Iode 129 |
16 000 000 |
170 |
81,7 % |
-, mous |
Iode 131 |
8 jours |
- |
|
-, durs |
Iode total |
|
208,2 |
|
|
Palladium 104 |
Stable |
198 |
12,2 % |
- |
Palladium 105 |
Stable |
382 |
23,6 % |
- |
Palladium 106 |
Stable |
288 |
17,8 % |
- |
Palladium 107 |
6 500 000 |
200 |
12,4 % |
- |
Palladium 108 |
Stable |
129 |
8,0 % |
- |
Palladium 109 |
0,0001 |
|
0 |
- |
Palladium 110 |
Stable |
420 |
26,0 % |
- |
Palladium total |
|
1617 |
|
- |
Sélénium 77 |
stable |
0,7 |
1,3 % |
- |
Sélénium 78 |
stable |
2,5 |
4,6 % |
- |
Sélénium 79 |
65 000 |
4,7 |
8,6 % |
- |
Sélénium 80 |
stable |
13,8 |
25,3 % |
- |
Sélénium 82 |
stable |
32,8 |
60,2 % |
|
Sélénium total |
|
54,5 |
|
|
Samarium 147 |
1,1. 10 11 |
186 |
21,3 % |
|
Samarium 148 |
8. 10 15 |
118 |
13,5 % |
|
Samarium 149 |
4. 10 14 |
3,7 |
0,4 % |
|
Samarium 150 |
stable |
275 |
31,5 % |
- |
Samarium 151 |
90 |
16 |
1,8 % |
- |
Samarium 152 |
stable |
143 |
16,4 % |
- |
Samarium 153 |
0,005 |
100 |
11,5 % |
|
Samarium 154 |
stable |
30 |
3,4 % |
- |
Samarium total |
|
871,7 |
|
- |
Etain 115 |
stable |
0,1 |
0,2 % |
- |
Etain 116 |
stable |
2 |
4,7 % |
- |
Etain 117 |
stable |
4,2 |
9,9 % |
- |
Etain 118 |
stable |
3,6 |
8,5 % |
- |
Etain 119 |
stable |
3,7 |
8,7 % |
- |
Etain 120 |
stable |
3,6 |
8,5 % |
- |
Etain 121 |
55 |
0,3 |
0,7 % |
- |
Etain 122 |
stable |
4,8 |
11,3 % |
- |
Etain 124 |
stable |
|
|
|
Etain 126 |
100 000 |
20 |
47,3 % |
, |
Etain total |
|
42,3 |
|
|
Technétium 99 |
210 000 |
810 |
100 % |
|
Zirconium 90 |
stable |
58,5 |
1,6 % |
- |
Zirconium 91 |
stable |
602 |
16,8 % |
- |
Zirconium 92 |
stable |
644 |
18,0 % |
- |
Zirconium 93 |
1 500 000 |
713 |
19,9 % |
- |
Zirconium 94 |
stable |
765 |
21,4 % |
- |
Zirconium 95 |
0,02 |
|
0 |
durs |
Zirconium 96 |
stable |
800 |
22,3 % |
- |
Zirconium total |
|
4392,5 |
|
- |
Le problème de la séparation du technétium et de l'iode semble convenablement résolu par le procédé Purex. Au contraire, le cas du césium est particulièrement difficile.
Le butoir du césium
L'extraction de l'ensemble des isotopes du césium
devrait
être possible avec des molécules telles que les
calixarènes
. Mais le césium est présent dans les
solutions sous quatre formes isotopiques qui présentent des
propriétés de radioactivité très
différentes.
Les isotopes 134 et 137 du césium pourraient justifier d'un stockage en
surface, parce que leur période est courte. L'isotope 135 est quant
à lui à vie longue et devrait être entreposé en
profondeur. Une complication du problème apparaît avec l'isotope
133 du césium qui, lui, est stable. En effet, par irradiation
neutronique, il donne naissance au césium 135. Par conséquent, si
l'on ne parvenait pas à extraire le césium 133, l'irradiation
neutronique conduirait à renforcer la teneur en césium 135,
compromettant le rendement global de l'opération.
La séparation des différents isotopes du césium constitue
donc un objectif théorique essentiel. Mais elle sera très
difficile. Les molécules utilisées pour l'extraction
différencient les composés en fonction de leur cortège
électronique qui sont identiques pour les isotopes d'un même
élément.
C'est pourquoi on étudie également l'immobilisation du
césium dans des réseaux cristallins. Les verres pourraient
convenir. Les matrices du type de celles présentées dans le
précédent chapitre pour l'immobilisation du plutonium :
phosphates de calcium - apatites -, titanates ou zircons pourraient
également servir. Leur durabilité se compte sur plusieurs
millions d'années comme l'a montré l'analyse des roches
présentes dans le réacteur naturel formé dans les roches
à Oklo au Gabon.
Une connaissance de plus en plus fine des combustibles irradiés
L'avancement des études sur la séparation des
produits
de fission s'accompagne d'une prise en compte de plus en plus fine de la
réalité. Ce sont à la fois les techniques d'analyse et les
modèles chimiques qui progressent et permettent de traiter le cas de
produits de fission ou d'activation à vie longue présents en
solution à des concentrations de plus en plus faibles.
Le tableau suivant présente cette définition de plus en plus fine
de la connaissance que l'on a du combustible irradié.
Ainsi des radioéléments comme le carbone 14 ou le chlore 36
provenant de la fission sont désormais étudiés. De
même, les produits d'activation des gaines et des embouts comme le
manganèse 53, le nickel 59 ou 63 sont eux aussi compris dans les
études.
radionucléide |
provenance |
période |
radioactivité spontanée |
inventaire |
|
|
combustible |
structures |
(années) |
|
(g/tMLi 58( * ) ) |
Carbone 14 |
98 % |
2 % |
5 730 |
|
0,16 |
Calcium 41 |
100 % |
0 |
80 000 |
|
0,36 |
Chlore 36 |
91 % |
9 % |
300 000 |
mous |
2,4 |
Césium 135 |
100 % |
0 |
2 300 000 |
|
480 |
Iode 129 |
100 % |
0 |
15 000 000 |
|
230 |
Manganèse 53 |
10 % |
90 % |
1 000 000 |
|
4. 10 -7 |
Molybdène 93 |
59 % |
41 % |
3 500 |
|
0,1 |
Niobium 94 |
5 % |
95 % |
20 000 |
|
1,9 |
Nickel 59 |
4 % |
96 % |
75 000 |
|
50 |
Nickel 63 |
5 % |
95 % |
100 |
|
9,5 |
Palladium 107 |
100 % |
0 |
6 500 000 |
|
320 |
Sélénium 79 |
100 % |
0 % |
65 000 |
|
6,2 |
Samarium 121 |
100 % |
0 |
90 |
|
18 |
Etain 121m |
95 % |
5 % |
60 |
durs |
0,5 |
Etain 126 |
100 % |
0 |
100 000 |
|
30 |
Technétium 99 |
100 % |
0 |
210 000 |
|
1 100 |
Zirconium 93 |
94 % |
6 % |
1500000 |
durs |
1 000 |
Les recherches correspondantes sont à la frontière de la recherche et du développement de procédés. Il est normal que des paramètres de coût ne soient pas introduits dans la décision de poursuivre dans cette voie. Mais, en cas de pénurie de ressources budgétaires, des arbitrages pourraient être inévitables, vu l'extrême dilution de certains éléments.
Le coût probablement important de la séparation
Sur le
plan industriel, la séparation du neptunium nécessitera des
modifications relativement simples des installations de La Hague. Celles-ci
pourraient être réalisées dans les dix ans. En revanche, la
séparation des actinides mineurs ne se pourra se faire que dans des
chaînes d'atelier complexes nouvelles. Elle sera sans doute
onéreuse.
La raison essentielle en est que les actinides mineurs ont une
radioactivité spontanée telle qu'il faut prendre des
précautions pour les manipuler.
Le neptunium 237 est un émetteur qui en tant que tel ne présente
pas de danger à manipuler. Une faible épaisseur de matière
suffit à arrêter ce type de rayonnement. Mais dans sa chaîne
de décroissance radioactive, le neptunium 237 donne naissance à
un isotope du protactinium qui, lui, est un émetteur . D'où la
nécessite de prévoir une protection plus forte contre ce
rayonnement parasite.
Quant à l'américium 241 et à l'américium 243, ce
sont des émetteurs et . Le curium 243 et le curium 244, pour leur part,
sont des émetteurs mais le bombardement des atomes d'oxygène
proches par ces noyaux d'hélium génère des neutrons, de
sorte qu'il faut aussi prendre en compte le flux neutronique associé.
La question de la criticité de l'américium et du curium ne
préoccupe pas le CEA outre mesure. Si le neptunium peut être
manipulé en boîte à gant, l'américium et le curium
doivent l'être dans des installations plus protégées. On
sait résoudre les problèmes de criticité afférents.
La forte radioactivité de ces corps préviendra d'ailleurs tout
risque.
Il n'en reste pas moins qu'en raison des protections à prendre contre
les rayonnements, le coût de la séparation risque d'être
élevé, aussi bien en investissements qu'en fonctionnement.
Le coût d'installation d'un atelier pilote comme ceux de Marcoule
s'élève à 450 millions de F. Le coût unitaire
d'un atelier industriel hautement protégé comme ceux de La Hague
est de l'ordre du milliard de francs. Plusieurs ateliers étant
nécessaires selon toute probabilité, le coût de la
séparation des actinides mineurs et des produits de fission devrait
atteindre 5 milliards de F, en termes d'investissement initial.
Ces coûts prévisibles sont à mettre en rapport avec les
quantités concernées. La figure suivante rappelle que pour une
tonne de combustible irradié, l'on récupère 3 kg de
radionucléides à vie longue, soit 0,3 %.
uranium : 955 kg
plutonium : 10 kg
1 tonne de
combustible
UOx
33 000 MWj/t
radionucléides stables ou à vie courte : 32 kg
produits de fission et actinides mineurs : 35 kg
radionucléides à vie longue
3 kg
produits de fission et d'activation à vie longue
2 kg
actinides mineurs
1 kg
Il
pourrait y avoir à l'évidence, dans l'état actuel des
choses, une difficulté à expliquer la pertinence de tels
investissements, par rapport à l'entreposage de combustibles
irradiés ou par rapport à la situation actuelle où les
actinides mineurs et les produits de fission sont immobilisés de concert
dans des verres.
Lorsque les recherches auront abouti, il faudra sans aucun doute poser la
question du coût. Pour minimiser les déchets ultimes - ceux qui ne
pourraient être transmutés, faudra-t-il investir dans des
installations de séparation très coûteuses.
La diminution des volumes des rejets et des déchets B
Le
programme SPIN comprend deux volets. Le premier intitulé ACTINEX vu plus
haut concerne la séparation des radionucléides à vie
longue en vue de leur transmutation. Le second intitulé PURETEX est
relatif à la réduction de l'activité et du volume des
déchets B ainsi qu'à celle de l'activité
rejetée sous la forme de rejets atmosphériques et d'effluents
liquides.
Les progrès enregistrés dans ce domaine sont d'ores et
déjà considérables. Le programme PURETEX qui entrera en
service en 2000 donnera un élan supplémentaire.
En 1980, les volumes destinés à un stockage de
sécurité en profondeur s'élevaient à 3
m
3
par tonne de combustible irradié retraité,
comprenant les déchets bitumés, les déchets technologiques
coulés dans des blocs de béton, les ciments des coques et embouts
et les verres comprenant les actinides mineurs et les produits de fission.
En 1995, le total n'atteignait plus qu'1 m
3
par tonne de combustible
UO
x
. Il est prévu de descendre à 0,5 m
3
en
fin de période 1996-2000. Par comparaison, le volume des déchets
à stocker en profondeur dans l'hypothèse du non-retraitement
s'établit à 2 m
3
.
Il reste, semble-t-il, à déterminer l'impact du retraitement
poussé
59(
*
)
, sur les volumes des
déchets technologiques. Ce point semble fondamental pour l'acceptation
par le public de la séparation et la transmutation. Une diminution
significative de la période des déchets ultimes sera d'autant
plus convaincante qu'elle ne s'accompagnera pas d'une augmentation importante
des déchets générés par les opérations de
séparation.
2.2. les limites des études sur la transmutation avec Phénix
La
transmutation de noyaux lourds s'opère avec des flux neutroniques de
grande intensité. En réalité, soumis à un flux de
neutrons, ceux-ci réagissent de deux façons. Certains d'entre eux
absorbent purement et simplement un neutron et se transforment en un noyau plus
lourd : c'est le phénomène de la capture. D'autres sont
cassés en divers produits par hypothèse moins lourds : c'est
le phénomène de la fission.
La transmutation s'opère principalement par fission dans le cas de
noyaux lourds, comme les actinides mineurs. En revanche, la transmutation
s'effectue par capture pour les produits de fission à vie longue.
Pour que la fission intervienne, il faut que les neutrons aient une
énergie suffisante. La physique neutronique démontre deux faits
essentiels. Plus les neutrons incidents sont énergétiques et plus
l'on fait de fission et moins l'on fait de capture. Plus les neutrons sont
énergétiques et plus la réaction globale de fission est
rapide.
Implicitement, ces résultats posent la question de la source de neutrons
à utiliser pour les expériences de transmutation. En particulier,
celle-ci doit être assez puissante pour permettre des expériences
pas trop longues à réaliser. Mais il faut aussi que cette source
de neutrons soit d'une puissance modulable afin que l'on puisse traiter
à la fois le cas des actinides mineurs et celui des produits de fission.
Les produits de fission à vie longue sont des éléments
dont les noyaux sont de masse atomique moyenne. Etant eux-mêmes le fruit
de réactions de fission de noyaux lourds, ce sont déjà en
quelque sorte des
" cendres ".
Pour les transmuter, il sera nécessaire de disposer de neutrons
d'énergie intermédiaire entre celle des neutrons rapides et celle
des neutrons dits thermiques ; en d'autres termes, il faudra disposer de
neutrons épithermiques.
Considérant ces résultats, certains auteurs ont proposé
dans le passé d'utiliser pour la transmutation des systèmes
hybrides produisant des neutrons lents. Ceux-ci pourraient servir à la
transmutation des produits de fission. La durée d'exposition aux flux de
neutrons serait allongée pour que l'on parvienne aussi à
transmuter les actinides mineurs.
En réalité, pour le CEA, cette solution est à proscrire.
Un consensus existe dans la communauté scientifique pour recommander
l'usage exclusif des sources de neutrons rapides. Il s'agit au premier chef de
disposer des neutrons rapides pour transmuter rapidement et efficacement les
noyaux lourds des actinides mineurs. Pour casser les produits de fission, il
suffira de ralentir les neutrons rapides, ce que l'on sait faire sans
difficulté.
Après la fermeture de Superphénix, Phénix est
désormais le seul réacteur à neutrons rapides disponible
pour soumettre à des irradiations les actinides mineurs et les produits
de fission et examiner plus avant les caractéristiques des
réactions de transmutation. D'où l'importance extrême de sa
remontée en puissance autorisée récemment et prévue
pour la fin du 1
er
semestre 98 et le caractère
stratégique des programmes d'étude SPIN et CAPRA.
La remontée en puissance de Phénix
L'autorisation de création de Phénix,
réacteur
à neutrons rapides d'une puissance de 250 MWe, provient du décret
du 31 décembre 1969. La première divergence du réacteur
intervient en août 1973, le premier couplage au réseau EDF en
décembre de la même année et la mise en service industriel
en juillet 1974. Pendant la période 1974-1989, Phénix fonctionne
3 800 jours équivalents pleine puissance. L'installation démontre
que le cycle du combustible peut être fermé par recyclage du
plutonium à trois reprises. La surgénération de plutonium
est démontrée, avec un facteur de 1,15. Certains assemblages
combustibles ont pu atteindre 144 000 MWj/t, à comparer avec les 43 000
MWj/t moyens des réacteurs à eau pressurisée. Sur 170 000
crayons de combustibles utilisés, seules 15 ruptures de gaines sont
enregistrées. La première phase d'exploitation de Phénix
est donc un remarquable succès. Une deuxième phase plus difficile
intervient à partir de 1990, phase qui devrait se clore cette
année après que d'importants travaux de modernisation, de
jouvence et d'amélioration de la sûreté ont
été réalisés.
A compter de la mise en évidence en 1989 et en 1990 de baisses de
puissance inexpliquées, l'exploitation de Phénix continue au
ralenti. D'une part l'installation est maintenue en température, en
raison de l'utilisation du sodium comme fluide caloporteur, et d'autre part la
DSIN autorise pour des durées limitées la divergence du
réacteur, la dernière autorisation étant intervenue en
février1997
60(
*
)
.
Le CEA met à profit cette période pour se livrer à des
travaux de jouvence de l'installation, notamment en ce qui concerne les
circuits de refroidissement, les échangeurs et les collecteurs sodium
des générateurs de vapeur. Les systèmes d'arrêt du
réacteur sont également complétés. La tenue au
séisme du bâtiment réacteur est renforcée pour
être conforme aux normes antisismiques révisées depuis la
construction de l'installation. Le bâtiment annexe comprenant les
composants du système d'ultime secours est lui aussi renforcé. Le
CEA met au point une méthode d'inspection in situ et à l'aveugle
des soudures des structures de supportage du coeur.
L'ensemble de ces programmes de modernisation représente une
dépense de 600 millions de F. Début 1998, 350 millions sont
déjà investis.
Le 9 avril 1998, la DSIN autorise la remontée en puissance de
Phénix pour un 50
ème
cycle d'exploitation qui devrait
durer environ 6 mois. A l'issue de ce 50
ème
cycle, un
arrêt d'un an sera observé. L'année 1999 sera
consacrée à la révision décennale
programmée, aux travaux d'inspection des structures du coeur et de
renforcement sismique de la salle des machines et du bâtiment des
générateurs de vapeur.
Le début de l'année 2000 verra le début du
51
ème
cycle d'exploitation. L'installation doit alors
décrire 7 cycles d'exploitation qui se termineront fin 2004. La centrale
Phénix devrait alors être arrêtée
définitivement.
Les conséquences de la fermeture de Superphénix sur les études relatives à la transmutation
Le
réacteur à neutrons rapides Phénix est un réacteur
de recherche dont l'utilisation est particulièrement souple. Il ne faut
que 72 heures pour changer un assemblage combustible contre 7 jours pour un
réacteur à eau pressurisée du parc EDF. Dans la conception
initiale des programmes de recherche sur la transmutation, la commission
Castaing avait donné une place prépondérante à
Superphénix, Phénix ne venant que comme un outil d'études
préliminaires. La séquence imaginée par le CEA
était de faire le tri des expériences à conduire avec
Phénix et de passer à une démonstration industrielle avec
Superphénix.
La décision de fermeture de Superphénix a conduit le CEA à
opérer dès juin 1997 le rapatriement de l'ensemble des
expériences qui devaient être conduites à Creys-Malville.
Les conséquences de la fermeture de Superphénix sur le programme
de recherches relatives à l'axe 1 sont les suivantes. Le CEA estime que
la totalité des expériences du programme SPIN relatives à
la transmutation pourront être conduites valablement avec Phénix.
En revanche, le programme CAPRA (Consommation Accrue de Plutonium) ne pourra
être réalisé dans sa totalité, sauf à changer
tout le coeur de Phénix - ce qui n'est aucunement envisagé
-.
Les conditions techniques des expériences de transmutation
La
première expérience de transmutation d'actinide mineur - en
l'occurrence le neptunium 237 - réalisée par le CEA date de 1986.
Il s'agissait de l'expérience Superfact qui a montré la
faisabilité de la transmutation non seulement du neptunium mais aussi de
l'américium. Une première expérience de transmutation de
neptunium avait été prévue pour Superphénix. Elle
devait être réalisée lorsque la décision
d'arrêt est intervenue. Les références
expérimentales sont donc au total peu nombreuses. Mais la
faisabilité ne fait pas de doute.
Phénix est en effet une installation parfaitement adaptée
à la recherche
61(
*
)
. Ses cycles courts
permettent un renouvellement fréquent des expériences. Il dispose
d'un système très efficace de détection et de localisation
des ruptures de gaine. La manutention est rapide. Les dispositifs d'irradiation
- les capsules - sont très pratiques. Par ailleurs, l'installation
dispose d'une cellule chaude attenante qui permet d'effectuer sur place de
nombreux examens après irradiation.
L'intérêt d'un réacteur à neutrons rapides comme
Phénix est que son bilan neutronique est favorable. Il y a plus de
neutrons mobilisables pour la transmutation que dans un réacteur
à neutrons thermiques. Ainsi, le flux neutronique est dix fois plus
élevé dans Phénix que dans les REP. Ceci se traduit par
des temps de destruction proportionnellement plus réduits. Par ailleurs,
l'énergie des neutrons produit dans Phénix peut être
ajustée ou optimisée localement pour obtenir, isotope par
isotope, la transmutation la plus efficace
62(
*
)
.
Pour conduire les expériences de transmutation, on utilise d'autre part
deux techniques alternatives, selon les cas. La première est le
recyclage
" homogène "
: le
radioélément cible est dispersé au sein des pastilles
combustibles. La deuxième technique est le recyclage
" hétérogène "
: le
radioélément est incorporé à une matrice non
fissile.
Les expériences CAPRA utiles pour l'étude du recyclage du plutonium
Le
programme CAPRA a pour objectif l'étude de la consommation massive de
plutonium dans les réacteurs à neutrons rapides.
Le recyclage du plutonium dans les REP avec le Mox, entraîne une
dégradation continue de la qualité isotopique du plutonium qui
limite le nombre envisageable de recyclages successifs. Les réacteurs
à neutrons rapides ne provoquent pas la même dégradation et
peuvent toujours brûler du plutonium devenu impropre à la
consommation en REP. Pour obtenir une consommation massive de plutonium, il
faut optimiser le coeur des RNR et les assemblages combustibles qui le
constituent. Ceci est l'objet du programme CAPRA.
Ce programme comprend deux volets principaux : l'irradiation de
combustibles à forte teneur en plutonium (>30 %) et le test de
combustibles très innovants ne contenant plus d'uranium (oxyde de
plutonium sur matrice inerte).
Les expériences SPIN pour la transmutation des actinides mineurs et des produits de fission à vie longue
Pour le
neptunium 237, c'est un recyclage homogène qui sera utilisé.
L'irradiation CAPRIN doit vérifier la compatibilité d'un tel
recyclage avec les pastilles à haute teneur en plutonium
optimisées pour CAPRA. L'irradiation METAPHIX vise à tester la
transmutation du neptunium en mélange homogène au sein d'un
combustible uranium-plutonium-zirconium. Dans ce programme d'irradiation,
seront aussi présentes quelques cibles d'américium et de petites
quantités de curium.
La transmutation hétérogène sera utilisée pour
l'américium 241 et 243. Il faut donc au préalable
sélectionner la matrice la mieux adaptée aux conditions
d'irradiation, identifier le composé d'américium le plus
compatible avec cette matrice, en optimiser la teneur et mettre au point les
procédés d'incorporation. Ces tâches sont rendues complexes
par la radioactivité de l'américium. Il faudra aussi qualifier
sous irradiation les matériaux modérateurs.
Le programme d'expérience prévu pour les produits de fission
à vie longue comprendra principalement l'évaluation du
technétium 99. Des irradiations consacrées à l'iode 129 et
au césium 135 sont à l'étude. Le CEA semble estimer, en
tout état de cause, que la transmutation des produits de fission
à vie longue n'est pas prioritaire. Même si les solubilités
des produits de fission à vie longue sont supérieures à
celles des actinides mineurs, les activités atteintes par de tels
produits à l'exutoire sont très inférieures aux limites
admissibles.
Au total, les expériences de transmutation avec Phénix seront
riches d'enseignement, même si elles seront réalisées avec
de quantités faibles. Mais il reste que la fermeture de
Superphénix ne permettra pas la validation industrielle des
résultats et compromet la réalisation à 100 % du programme
CAPRA.
La figure suivante présente le planning des expériences
liées à la transmutation que le CEA compte réaliser pour
préparer les décisions de 2006. On remarquera que la plupart
d'entre elles aura lieu avec Phénix mais que quelques autres sont
programmées sur les réacteurs des partenaires étrangers du
CEA.
2.3. le réacteur Jules Horowitz et les études sur la transmutation : un lien hypothétique
Les
travaux de recherche et développement conduits par le CEA dans le
domaine de l'électronucléaire ont comme objectifs
généraux l'amélioration de la compétitivité
et de la sûreté des réacteurs en fonctionnement, ainsi que
la préparation de l'avenir à long terme du nucléaire, en
incluant d'autres filières que celle des REP.
Pour l'accomplissement de tous ces travaux, le CEA a disposé de deux
réacteurs d'irradiation, Siloe et Osiris. Depuis l'arrêt en
décembre 1997 de Siloe, c'est à Osiris de fournir les
capacités d'irradiation dont le CEA a besoin pour l'étude des
matériaux et des combustibles utilisés dans les réacteurs
nucléaires.
Or le réacteur Osiris aura 40 ans en 2005. Même si la durée
de vie de cette installation pourrait, compte tenu de son bon état de
fonctionnement et de sûreté, être prolongée, il
convient de commencer les études d'un nouveau réacteur
d'étude destiné à le remplacer. Ce futur réacteur
d'irradiation porte le nom de " réacteur Jules Horowitz "
(RJH). Sa construction est d'autant plus importante qu'à partir de
2010-2015, le réacteur Jules Horowitz devrait être l'un des seuls,
sinon le seul réacteur d'essai de matériaux en Europe.
Avec l'annonce de l'abandon de Superphénix, et la perspective de
l'arrêt fin 2004 de Phénix, un défi est lancé
à l'équipe de projet chargée de la conception :
comment réaliser un programme d'irradiations à la fois pour les
réacteurs à eau pressurisée et pour les réacteurs
à neutrons rapides, de façon à pouvoir continuer les
recherches pour ces deux filières ?
Deux projets sont donc étudiés par le CEA. Le premier est un
réacteur piscine à coeur ouvert, similaire à celui du
réacteur Osiris mais dont les performances sont poussées au
voisinage des limites théoriques. Le deuxième projet consiste
à disposer dans 2 piscines séparées, une configuration
à coeur ouvert pour les études relatives aux REP et une
configuration à coeur pressurisé pour les besoins des
études relatives aux RNR.
L'étude de faisabilité du réacteur RJH est en cours et
devrait déboucher à la fin de l'année 1998. A cette date,
il sera possible d'évaluer le coût de l'installation. L'ordre de
grandeur, non validé par le CEA, serait de 2 à 3 milliards de F.
Le planning actuel prévoit l'entrée en service en 2006 de ce
réacteur, qui sera installé à Cadarache.
2.4. Le réacteur hybride, médaille d'or du marketing scientifique
Le
réacteur hybride est une idée ancienne. L'idée d'utiliser
les accélérateurs de particules comme le cyclotron pour faire des
essais de matériaux ou produire du plutonium a été
proposée dans les années 50 par E. Lawrence au laboratoire de
Livermore. Ces idées ont ensuite été approfondies par les
équipes de Chalk River au Canada et dans les années 70-80 aux
Etats-Unis au laboratoire national de Brookhaven. Depuis 5 ans, ces techniques
sont réévaluées à Los Alamos. Carlo Rubbia, ancien
directeur général du CERN, prix Nobel de physique, les a remises
sur le devant de la scène en proposant son amplificateur
d'énergie à neutrons rapides de haute puissance fondé sur
l'utilisation d'un accélérateur de protons et sur le cycle
thorium-uranium en réacteur.
Une convergence d'idées et de stratégies de recherche se produit
en France sur ce thème comme on l'a vu plus haut. Cette convergence est
en train de donner naissance à un projet comportant une
multiplicité d'objectifs. Le démonstrateur serait ainsi le
dénominateur commun d'équipes - le CEA et le CNRS - jusqu'alors
peu accoutumées à travailler ensemble sur la conception des
réacteurs. Il est vrai que la réinscription de l'énergie
nucléaire dans un cadre de recherche pluraliste vaut bien quelques
investissements.
La démarche actuelle est certes prudente en prévoyant des
études préalables à la définition du
démonstrateur. Le projet lui-même est poli avec soin de
manière à avoir une acceptabilité maximale auprès
des organismes dispensateurs de crédits. Mais en tout état de
cause, il semble important de soulever quelques questions clé,
même si l'aspect lisse et consensuel que prend le thème des
réacteurs hybrides, les décourage a priori.
De nombreux projets diversifiés et à objectifs multiples, proposés dans le monde entier
Le
principe du réacteur hybride a été exposé en
première partie du présent rapport. Rappelons que la partie
nucléaire du réacteur est constituée d'assemblages
fertiles et fissiles. A ce titre, il ressemble à un réacteur
nucléaire dans la mesure où c'est la fission qui fournit de
l'énergie. Mais ce réacteur est sous-critique : il ne peut
entretenir la réaction en chaîne sans les neutrons provenant de la
cible où se produit la spallation sous l'action des protons
accélérés.
En réalité, le réacteur hybride est une sorte de
" meccano "
, dont les composants peuvent être divers et
dont la finalité peut varier du tout au tout.
Les réacteurs hybrides peuvent être classés en fonction de
leur structure. Alors les critères utilisables peuvent être les
suivants :
- les
réacteurs à cyclotron (accélérateur circulaire)
avec une intensité du courant de protons limitée à 10-15
mA, ce qui limite la puissance possible du réacteur à 200 MWe ou
les réacteurs mettant en jeu un accélérateur
linéaire, avec une intensité du courant de protons et une
puissance électrique pouvant atteindre respectivement 100-200 mA et 1200
MW
- le type de cible utilisée pour la spallation
- le spectre d'énergie neutronique : neutrons rapides, neutrons
thermiques, neutrons de résonance
- la forme du combustible utilisé : solide, liquide, ou quasi-liquide
(lits de boulets)
- la nature du réfrigérant et de l'éventuel
modérateur
- le type de cycle du combustible
Mais ils peuvent aussi être classés par rapport à leur
finalité. On distingue alors :
- les réacteurs électrogènes
- les réacteurs dédiés à la destruction du
plutonium ou à l'incinération des actinides mineurs et des
produits de fission.
Les deux tableaux suivants présentent les caractéristiques essentielles des projets les plus avancés. Il s'agit dans tous les cas de projets " papier ", dont aucun pays n'a entamé la réalisation. La raison en est que des études poussées et des expériences portant sur chaque pièce du " meccano " sont encore indispensables.
Tableau 33 : principaux concepts de réacteurs hybrides à neutrons thermiques 63( * )
nom du projet |
objectifs du projet |
caractéristiques techniques |
ATW
|
production
d'énergie
|
intensité du courant de protons : 250 mA
|
AMSB
|
réacteur électrogène de démonstration |
intensité du courant de protons : 300 mA
|
ABB
|
réacteur électrogène de démonstration |
intensité du courant de protons : 300-350 mA
|
ADFFT
|
réacteur de recherche |
intensité du courant de protons : 25 mA
|
EA
|
réacteur électrogène de démonstration |
utilisation d'un cyclotron
|
Le
réacteur hybride est par nature composé d'un grand nombre de
composants et peut viser différents objectifs. Il n'est donc pas
étonnant de constater, de par le monde, un foisonnement de
" design "
et d'objectifs.
Pour le compte de l'Office, M. Claude Birraux, député de
Haute-Savoie, s'est penché, en particulier au cours de l'année
1996, sur le projet Rubbia
64(
*
)
. Une audition
publique et contradictoire a été organisée le 21 novembre
1996, en présence du père du système. Ce projet se
présentait alors dans sa version initiale de réacteur
électrogène
" plus sûr que les plus
sûrs "
des réacteurs actuels par suite de sa dimension
sous-critique.
Il est de constater que ce projet a pu être conçu initialement
dans le but d'atteindre un niveau de sûreté très
supérieur aux actuels réacteurs à eau
légère, puis devenir un réacteur électrogène
de puissance et adopter enfin sa configuration actuelle d'incinérateur
d'actinides mineurs, devenant ainsi une sorte de grand équipement
adaptable à la configuration politique du terrain.
PHOENIX
|
réacteur électrogène de démonstration |
intensité du courant de protons : 104 mA
|
ATP
|
réacteur de recherche tourné vers la destruction des actinides mineurs |
1
ère
version : cible de sel fondu (NaCl) à
laquelle sont mélangés les actinides mineurs et le
plutonium ; intensité du courant de protons : 25 mA :
énergie du flux incident de protons : 1,5 GeV
|
FSMH
|
réacteur de démonstration pour la production d'électricité et la destruction d'actinides mineurs |
intensité du courant de protons : 270 mA
|
FEA
|
réacteur électrogène reconverti en incinérateur de déchets |
intensité du courant de protons : 12,5 - 20 mA
|
Le projet français de réacteur hybride
Selon un
groupe d'experts, le Comité de suivi des recherches sur l'aval du cycle
(COSRAC), rassemblé régulièrement par la direction
générale de la recherche et de la technologie, les choses sont
mûres en France pour réaliser un démonstrateur de
réacteur hybride. De fait, le CNRS et le CEA se préparent
à rendre public dans quelques semaines un document commun d'une
quarantaine de pages lançant les opérations.
Ce document-programme présentera :
- la vision française actuelle d'un réacteur hybride
spécialisé dans la transmutation des déchets radioactifs
à haute activité
- le programme immédiat de recherche et développement
indispensable pour préciser les options définitives et en
particulier pour satisfaire les critères de sûreté
- l'an 2000 comme date de décision pour la construction d'un
démonstrateur
- une mise en service partielle avant 2006 pour obtenir à cette date des
résultats significatifs
- un fonctionnement régulier à partir de 2008.
Un démonstrateur de réacteur hybride original
Pourquoi
parler de démonstrateur et non pas de prototype de réacteur
hybride ?
Parce que les technologies de ces réacteurs ne sont pas encore
éprouvées, il ne peut être question pour le moment de choix
industriel. De même, il est impossible, pour le moment, de concevoir une
installation d'exploitation régulière satisfaisant des
critères de sûreté exigeants, critères qu'au
demeurant on ne saurait pas définir en l'état actuel des choses.
Le dessin général du démonstrateur de réacteur
hybride est d'ores et déjà assez précis.
Comme tout réacteur hybride, le projet actuel comprend :
- un accélérateur de protons
- une cible où se produit le phénomène de spallation,
c'est-à-dire l'émission de neutrons par des noyaux lourds
percutés par les protons à haute énergie
- un conducteur du faisceau de neutrons
- un réacteur sous-critique fonctionnant à un taux de 0,95
à 0,97.
La première orientation fondamentale du projet est la modularité.
Afin de sérier les problèmes, chaque maillon du réacteur
devra être indépendant et distinct du restant de la machine. Par
exemple, le projet Rubbia assigne un double rôle au plomb fondu :
celui de cible et de fluide caloporteur. Cette option ne sera pas retenue.
S'agissant de l'accélérateur de protons, le projet Rubbia
retenait un cyclotron délivrant un courant inférieur à 10
mA. C'est un accélérateur linéaire qui sera choisi, selon
toute vraisemblance. Sa longueur sera de 100 m. Le courant maximum sera de
100 mA. Il apparaît en effet indispensable de pouvoir disposer de
faisceaux de neutrons très énergétiques. Au fur et
à mesure de la transmutation, le contenu en produits fissiles du
réacteur variera fortement. Il sera en conséquence
nécessaire de réguler la réactivité avec le flux de
neutrons.
La partie réacteur du démonstrateur sera, quant à elle, un
réacteur à l'uranium voire au thorium ou un mélange des
deux. Sa puissance sera de 200 MWe, voisine de celle de Phénix (250
MWe). Son objectif ne sera pas la production d'électricité, bien
que le bilan énergétique de l'installation complète soit
largement positif : seuls 20 à 40 MWe seront consommés par
le fonctionnement de l'accélérateur et du réacteur.
Pour le fluide caloporteur, deux solutions sont possibles. Le sodium
présente des caractéristiques très favorables.
L'expérience acquise avec Phénix et Superphénix est
considérable. Mais son utilisation risque de ne pas être comprise
de l'opinion publique. L'image du réacteur hybride pourrait en
être altérée, alors qu'il s'agit d'une technologie nouvelle
et d'une problématique nouvelle, centrée sur la destruction de
déchets jugés éminemment dangereux par le public. Le plomb
fondu et l'eutectique plomb-bismuth pourraient donc être
préférés. La France n'a aucune expérience en la
matière mais pourrait l'acquérir auprès de la Russie,
ainsi que viennent de le faire les États-Unis.
Faudrait-il enfin utiliser le plomb comme cible ? La solution Rubbia est
d'une grande élégance, en ce que le caloporteur est aussi la
cible. Cette cible possède un rendement très élevé.
Avec le plomb, pour un proton incident, on récupère 80 neutrons.
Mais confondre les deux rôles compromet à la fois l'étude
d'autres cibles et celle d'autres fluides. De toute façon, l'utilisation
du plomb fondu comme caloporteur nécessiterait que l'on sache traiter
les problèmes posés par les produits de fission du plomb.
Telles sont quelques-unes des décisions que le programme de recherche
à lancer dans les prochaines semaines devra permettre de prendre avec la
plus grande rationalité possible.
Un investissement international
Un
comité d'experts regroupant MM. d'Escatha, Dautray, Charpak et
Détraz a été constitué par le ministère de
la Recherche afin d'approfondir des coopérations internationales dans le
domaine de l'énergie, et en particulier avec l'Italie ou l'Espagne pour
la transmutation.
En réalité, l'Italie pourrait être un partenaire
immédiatement disponible pour la France, au contraire de l'Espagne
déjà engagée
Selon certaines informations, le gouvernement espagnol est en effet partie
prenante dans une collaboration - exclusive en première analyse - avec
M. Rubbia. Pour autant, pour M. Détraz, l'Espagne n'a pas la
maîtrise scientifique et technologique suffisante pour construire une
telle installation. Un revirement de l'Espagne par abandon du projet Rubbia
serait possible si une initiative de grande ampleur était prise
conjointement par la France et l'Italie.
Quels intervenants pour la France ?
Ainsi
qu'il l'a indiqué aux membres de l'Office le 4 février 1998, M.
Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la
recherche et de la technologie souhaite donner une mission au CEA, qui, selon
lui, n'en a plus. Une de ses missions pourrait être la recherche et le
développement sur les énergies, à l'exception de celles
relatives aux combustibles fossiles.
La débureaucratisation de la recherche que M. Allègre appelle de
ses voeux et l'action concrète de la direction générale de
la recherche et de la technologie autour du COSRAC laissent penser qu'une
coopération institutionnalisée entre le CNRS et le CEA pourrait
être mise sur pied pour le démonstrateur de réacteur
hybride.
L'attitude prudente des Etats-Unis oui à la spallation, non à un réacteur hybride
Les
réacteurs hybrides ont des adeptes aux Etats-Unis comme en Europe. Le
laboratoire national de Los Alamos et la société General Atomics
ont essayé un temps de populariser le concept d'un réacteur
sous-critique à haute température commandé par un
accélérateur via une source de neutrons. Un projet assez
détaillé avait même été élaboré
en coopération avec le ministère russe de l'énergie
nucléaire (Minatom).
Le Vice-président Al Gore a récemment annoncé le
financement d'une nouvelle source de neutrons faisant appel au
phénomène de spallation
66(
*
)
. Une
somme de 157 millions de dollars a été inscrite au budget pour
1998-1999. Parmi les cibles utilisées, figurerait le tungsten.
Cette source de neutrons aura pour vocation la physique fondamentale et en
aucun cas l'étude préliminaire d'un réacteur hybride. Le
CEA a récemment proposé au DOE une collaboration pour
réaliser un réacteur hybride. La réponse a
été négative.
Un projet dont la finalité et le coût doivent être précisés
La
modularité de l'avant-projet de démonstrateur nourri par le CEA,
le CNRS et EDF, au sein du groupement Gédéon, semble un choix
adapté à la nouveauté de l'installation. Ainsi pourront
être identifiées les questions à résoudre et
peut-être même les coûts pourront-ils être
estimés.
Mais la question de la taille du démonstrateur semble en elle-même
capitale. En tout état de cause, on ne peut donc tenir la dimension
d'une installation comme celle du démonstrateur projeté comme
allant de soi. Il s'agit en effet de construire, au final, l'équivalent
en puissance à peu de choses près du réacteur à
neutrons rapides Phénix auquel viendra s'ajouter un
accélérateur lourd.
Sur le plan financier, une coopération européenne voire
internationale est actuellement recherchée et sera peut-être
trouvée, facilitant le financement d'un équipement ambitieux.
Mais l'accélérateur linéaire, à lui seul,
représente un investissement dont la rentabilité doit être
établie. Certains auteurs indiquent que le coût de
l'accélérateur avec les lignes de transfert, les alimentations et
les protections biologiques pourrait être trois fois plus
élevé que celui du système sous-critique
67(
*
)
. Rappelons, pour fixer les idées, qu'il s'agit
au bas mot de fournir un courant de proton d'intensité minimale de 10
à 15 mA. Lors de l'audition organisée par M. C. Birraux, dans le
cadre de la préparation de son rapport de mars 1997
68(
*
)
, M. Rubbia affirmait :
" l'accélérateur est un des éléments les
plus innovants de l'amplificateur d'énergie "
. On ne saurait le
démentir : aucun accélérateur n'est actuellement
capable de fournir un tel faisceau de protons. Le mieux que l'on sait faire est
d'atteindre 1mA pour 590 MeV (cyclotron de l'institut Paul Scherrer de Zurich)
ou 1 mA pour 800 MeV (accélérateur linéaire de Los Alamos).
S'agissant par ailleurs des coûts globaux d'investissement et de
fonctionnement des réacteurs hybrides, les évaluations
publiées ou annoncées varient - à projets comparables -
dans des proportions si considérables que l'on ne peut que douter de
leur vraisemblance.
L'amplificateur d'énergie proposé par C. Rubbia a fait l'objet
d'études chiffrées par son promoteur et par l'IEPE de Grenoble.
Selon le CERN, le coût d'investissement atteindrait 7417 F par kWh. Selon
l'IEPE, ce coût serait de 8165 F par kWh, à comparer à
l'estimation donnée par la même source pour un REP
69(
*
)
. Les coûts du kWh produit seraient du
même ordre que pour les REP, aux alentours de 16 cts/kWh, toute chose
égale par ailleurs. Le CEA écrit quant à lui :
" on conçoit mal pourquoi on ferait l'effort
(considérable) de développer ces systèmes très
complexes, sans avoir clairement identifié un créneau où
ils ont des chances de se révéler significativement
supérieurs aux réacteurs critiques modernes, REP ou RNR.
Aujourd'hui, il ne semble pas que ce créneau puisse être la
production économique et sûre
d'électricité
"
70(
*
)
.
La version à neutrons rapides de l'amplificateur d'énergie de C.
Rubbia, de plus petite taille et qui pourrait voir le jour dans les cinq ans,
aurait un coût de 850 millions à 1,7 milliard de F
71(
*
)
.
En réalité, il s'agit avant toute chose de déterminer quel
est l'objectif poursuivi. S'agit-il de concevoir un démonstrateur de
réacteur hybride électrogène - auquel cas l'investissement
risquerait d'être très élevé - ? Au contraire
envisage-t-on d'élaborer une machine spécialisée dans la
destruction des déchets - alors le coût, sans être
négligeable, serait davantage compatible avec les budgets des organismes
concernés - ?
L'option retenue par la France semble être celle du démonstrateur
d'incinération de déchets. Mais, même dans ce cas, la
question de sa puissance reste à régler. Si les
spécialistes semblent s'accorder sur une puissance minimale d'une
centaine de mégawatts, il convient de déterminer une puissance
permettant de maîtriser les développements technologiques dont on
sait qu'ils ne sont pas linéaires.
La réflexion sur la finalité et les dimensions du
démonstrateur de réacteur hybride est d'autant plus capitale que
de très nombreux problèmes, fort importants, restent à
examiner.
Des options techniques et une sûreté encore bien floues
Les
études devraient permettre de choisir comme cycle du combustible soit le
cycle de l'uranium, soit celui du thorium, soit les deux. A cet égard,
les équipements existants et le retour d'expérience jouent en
faveur du cycle de l'uranium. Mais il faudra inclure dans les
évaluations financières, les investissements nécessaires
pour mettre en oeuvre un autre cycle.
La question du fluide caloporteur est d'autre part un point
particulièrement épineux. Pour des motifs d'acceptabilité
par l'opinion, la tentation est grande d'envoyer le sodium au purgatoire des
solutions techniques jugées inadéquates pour des raisons qui
n'ont rien à voir avec la rationalité technique.
Or la France a accumulé un capital de connaissances et
d'expérience considérable au cours de l'exploitation de
Phénix et Superphénix. Alors que la corrosion des aciers par le
plomb fondu est connue comme étant particulièrement violente,
l'achat à la Russie des technologies correspondantes - plomb fondu ou
eutectique plomb-bismuth - paraît davantage relever de la volonté
de subventionner la recherche de ce pays que d'un choix raisonné.
Enfin, les questions de sûreté semblent être un point
à ne pas négliger. La première question est celle de la
fenêtre, c'est-à-dire le dispositif séparant
l'accélérateur où règne le vide du milieu
sous-critique à haute température, fenêtre par laquelle
passent les neutrons injectés dans le réacteur.
Par ailleurs, une thèse récente
72(
*
)
indique que
" la sous-criticité en
mode de fonctionnement normal du réacteur au cours du temps ainsi que la
sûreté du système à l'égard des hauts flux
neutroniques mis en jeu méritent d'être revérifiées
au niveau local dans le coeur. En effet les simulations fournies par le code de
calcul Géant indiquent que le système ne se trouve pas
prémuni contre les accidents de criticité ".
Le
même auteur ajoute plus loin
: " les moyens de couplage
neutronique rapide entre l'accélérateur et le réacteur
(rétroaction) demeurent imprécis. Quel sera le temps de
réaction entre la nécessité de rupture du faisceau et sa
rupture effective ? Ainsi de nombreux projets (de réacteurs
hybrides) ne mentionnent pas les moyens de gestion neutronique du coeur. Le
risque d'accident dû à un fonctionnement mal maîtrisé
de l'accélérateur n'est pas
négligeable ".
Une application opérationnelle après la décision ?
Enfin,
le calendrier de réalisation et d'utilisation d'un éventuel
démonstrateur reste nébuleux.
En fixant la date de 2006 pour une prise de décision sur la base de
résultats aussi larges et complets que possible, la loi du 30
décembre 1991 introduit une incitation forte sur les milieux de la
recherche. Mais celle-ci ne devrait pas se transformer en pression pouvant
conduire à des initiatives et surtout des décisions hasardeuses.
A cet égard, comment ne pas relever le prudent réalisme du
CEA
73(
*
)
:
" même en retenant
des options relativement conservatrices, il ne faut pas sous-estimer les
délais de réalisation au plus tôt d'un démonstrateur
européen. Il s'agira d'une installation nucléaire qui ne
s'affranchira pas des procédures réglementaires de
sûreté auxquelles doit se plier toute INB. Il est, en particulier,
évident qu'il ne faut attendre aucun résultat de transmutation
pour l'échéance posée par la loi de 91. Au mieux, le
démonstrateur pourrait être en début de construction
à cette date. Mais la loi de 91 demande d'ouvrir toutes les options et
celle-ci est particulièrement prometteuse pour l'axe 1
(transmutation) "
.
Vos Rapporteurs estiment qu'en tout état de cause, il s'agit non pas de
freiner la réflexion mais de définir des objectifs précis
en matière de réacteurs hybrides. Il ne peut s'agir de concevoir
un outil miracle et tous usages, conçu sur le papier pour atteindre
plusieurs objectifs, mais en réalité, tellement peu
spécialisé qu'il n'en atteindrait aucun. La coopération
internationale actuellement recherchée pour des raisons
d'efficacité dans la recherche et pour en partager le financement,
présente le risque de conduire à la confection d'un monstre
technologique sans finalité claire, suite à des compromis entre
écoles de pensée différentes et au fond des choses rivales.
Il incombe aux responsables techniques d'indiquer si oui ou non une maquette de
réacteur hybride dédié à la transmutation est
envisageable et si oui à quel coût. Il leur revient aussi de
préciser le calendrier non seulement d'étude mais aussi de
réalisation. Au préalable, devra bien entendu être
exposée clairement l'utilité d'une telle installation,
c'est-à-dire son rendement, dans le cadre d'une politique globale de
l'aval du cycle.
2.5. la question des quantités transmutables et le problème du tout ou rien
L'intérêt d'un éventuel recours à la
transmutation dépend essentiellement de trois paramètres
physiques.
Le premier est la quantité d'actinides mineurs et de produits de fission
à vie longue que l'on peut introduire dans un réacteur, quel
qu'il soit. On peut à cet égard imaginer l'introduction des ces
déchets dans un réacteur électrogène, les
quantités relatives étant alors limitées par les
contraintes de fonctionnement du réacteur. Au contraire, un
réacteur dédié pourrait épuiser des
quantités plus importantes.
Le deuxième paramètre est constitué par la vitesse de la
réaction de transmutation. Une vitesse de transmutation lente devrait en
effet être compensée par un nombre important d'installations, ce
qui pourrait augmenter le coût de la transmutation et rendre son
acceptabilité difficile.
Le troisième paramètre est celui des quantités
résiduelles éventuelles, quantités qu'il serait impossible
de parvenir à transmuter pour des raisons physiques. Le rendement de la
réaction de transmutation est donc aussi un élément
fondamental de l'option transmutation. Ceci conduit inévitablement
à la question suivante : est-il utile de réduire de x % les
quantités initiales si celles-ci peuvent être stockées sans
danger ?
Des résultats incontestables sont évidemment indispensables sur
toutes ces questions pour résoudre le dilemme transmutation- stockage.
Il semble bien qu'un long chemin reste encore à faire sur cette voie de
recherche.
Mais en réalité, pour ce faire, on distinguera deux cas. Le
premier est celui des résultats expérimentaux, prolongés
par des calculs, obtenus avec les réacteurs à neutrons rapides
Phénix et Superphénix. Le deuxième est celui des
prédictions tirées de la connaissance encore très floue
des réacteurs hybrides.
Les ordres de grandeur des quantités transmutables
Les ordres de grandeur des quantités des divers radioéléments à vie longue ont été donnés plus haut. Rappelons-en les grandes lignes, synthétisées dans le tableau suivant. Le plutonium formé dans les REP exploité dans les conditions actuelles représente environ 1 % du tonnage de combustible irradié. Les actinides mineurs représentent un peu moins de 0,07 % et les produits de fission à vie longue représentent 0,23 % En première approximation, on peut donc dire que les déchets radioactifs de haute activité et à vie longue représentent 0,3 % du combustible irradié.
Tableau 35 : Estimation des quantités de radioéléments présents dans le combustible irradié 74( * ) , 75( * )
quantités en kg |
Uranium |
Plutonium |
Np+Am+Cm |
Prod. fission (PF) total |
dont PF à vie longue |
pour 21,5t de combustible |
20 400,0 |
209,0 |
16,0 |
745,0 |
50,0 |
pour 1t de combustible |
948,8 |
9,7 |
0,7 |
34,7 |
2,3 |
Ceci étant, quelle est la production d'actinides avec le parc EDF actuel ? Le tableau suivant donne des indications détaillées sur les quantités produites.
Tableau 36 : production annuelle de plutonium non séparé et d'actinides mineurs par le parc EDF 76( * )
radioélément |
quantité annuelle produite |
remarques |
plutonium résiduel dans les déchets |
30 kg/an |
il s'agit du plutonium non séparé lors des opérations de retraitement |
neptunium |
800 kg/an |
une partie du neptunium provient du plutonium 241, de l'américium 241 et du curium 245 |
américium : |
|
|
américium 241 |
250 kg/an |
il apparaît par décroissance - du plutonium 241 |
américium 242m |
0,7 kg/an |
|
américium 243 |
150 kg/an |
la source principale provient du plutonium 239 dans les déchets à partir d'un temps compris entre 10 000 et 100 000 ans |
curium : |
|
|
curium 242 |
|
il donne du plutonium 239 |
curium 243 |
|
il donne du plutonium 239 en quantité négligeable par rapport à l'américium |
curium 244 |
|
il donne du plutonium 239 en quantité 5 fois supérieure aux pertes de retraitement |
curium 245 |
|
il donne à terme du neptunium mais en quantités faibles |
Le
neptunium est donc le plus abondant des actinides mineurs avec 800 kg/an,
dont une part non négligeable provient de la décroissance du
plutonium 241, de l'américium 242 et du curium 245. L'américium
total représente en première approximation 400 kg/an, en tenant
compte des phénomènes de décroissance. Quant au curium, on
peut le considérer comme disparaissant dans la durée au profit
des deux autres actinides mineurs. Au total c'est donc plus d'une tonne
d'actinides mineurs qui est formée dans le combustible.
En première approximation, on peut considérer que la
quantité de produits de fission et d'activation à vie longue est
de 2 tonnes.
Par ailleurs, l'on peut se poser la question légitime de savoir si le
recours au Mox augmente ou non la quantité d'actinides mineurs. La
réponse est positive, ainsi que l'indique le tableau
ci-après.
kg/Twhé |
après la sortie du réacteur |
après 3 ans |
après 10 ans |
|||
UOx |
Mox |
UOx |
Mox |
UOx |
Mox |
|
neptunium |
2 |
0,5 |
2 |
0,5 |
2 |
0,5 |
américium |
0,5 |
6,6 |
1,1 |
10 |
2,4 |
17 |
curium |
0,13 |
3,0 |
0,08 |
2,0 |
0,03 |
1,5 |
total |
2,6 |
10 |
3,2 |
13 |
4,4 |
19 |
Mais l'évaluation des quantités produites ne saurait suffire pour avoir une appréciation complète de la réalité. En effet, la radioactivité contenue dans les actinides mineurs et les produits de fission et d'activation à vie longue est phénoménale : ces éléments sont au total responsables de plus de 95 % de la radioactivité totale, quelle soit , et . Le tableau suivant présente la décomposition de la radioactivité totale des déchets issus du retraitement des combustibles, dans le cas de l'usine UP3-800 de La Hague.
Tableau 38 : la radioactivité des différents types de déchets et en particuliers des verres contenant les produits de fission et les actinides mineurs 78( * )
contenu des déchets |
Produits
de
|
Coques et embouts |
Déchets technologiques B |
Boues de précipitation |
Déchets technologiques
|
Forme physique |
verres |
ciments |
blocs de béton |
|
blocs de béton |
Catégorie |
C |
B |
B |
B |
A |
volumes prévus à la conception (en litre par tonne d'uranium après conditionnement mais sans surconteneur) |
30 |
600 |
1700 |
30 |
3800 |
volumes en 1995 (même unité que ligne précédente) |
130 |
600 |
150 |
0 |
? |
volumes prévus en 2000 (même unité que ligne précédente) |
130 |
150 |
150 |
0 |
? |
pertes en uranium dans tous les déchets |
0,12 % |
||||
pertes en plutonium dans tous les déchets |
0,12 % |
||||
% activité |
99,5 |
0,4 |
0,1 |
||
% activité , |
97,6 |
2,3 |
0,1 |
S'agissant de la toxicité, les données sont
claires.
Comme on l'a vu dans le chapitre précédent, la contribution du
plutonium est prépondérante sur toute l'échelle de temps.
Quant à celle des produits de fission à vie longue elle est
très modeste, encore que leur solubilité et leur vitesse de
migration soient considérablement plus élevées que celles
des actinides.
Le tableau suivant indique la radiotoxicité d'un combustible REP
stocké dans l'état, c'est-à-dire dans l'hypothèse
du stockage direct. Les radiotoxicités des différentes
composantes sont indiquées en Sv. Il comprend également les
déchets générés dans le cycle du combustible :
résidus miniers, uranium appauvri issu des opérations
d'enrichissement, uranium issu des opérations de retraitement. Les
chiffres sont données par Twhé, c'est-à-dire qu'ils sont
ramenés à la quantité d'électricité
produite. Pour avoir une évaluation globale, il suffit de se souvenir
que la production annuelle d'électricité est d'environ 400 TWh.
Rappelons à titre indicatif et pour fixer les ordres de grandeur que les
limites de dose annuelle sont actuellement de 50 mSv/an pour les travailleurs
du nucléaire et de 5mSv/ an pour le public. La CIPR dans sa
recommandation 60 souhaite qu'à partir de mai 2000, ces limites passent
à 20 mSv/an en moyenne sur 5 ans pour les travailleurs du
nucléaire et à 1 mSv/an pour le public
79(
*
)
.
Ce tableau, au demeurant
fondamental
, pose toute la question des
priorités dans la gestion des déchets radioactifs.
Sv/Twhé |
1 000 ans |
10 000 ans |
100 000 ans |
1 000 000 ans |
résidus miniers |
720 000 |
660 000 |
260 000 |
65 |
uranium appauvri |
24 000 |
35 000 |
140 000 |
570 000 |
uranium de retraitement |
21 000 |
48 000 |
220 000 |
140 000 |
plutonium, neptunium, américium, curium et produits de fission ensemble |
310 000 000 |
77 000 000 |
4 000 000 |
380 000 |
contribution en % de chacun des éléments à la toxicité de la ligne précédente : |
|
|
|
|
plutonium |
90 % |
97 % |
93,6 % |
69,4 % |
neptunium |
- |
- |
1,4 % |
18,1 % |
américium |
9,2 % |
2,5 % |
2,9 % |
9,4 % |
curium |
0,3 % |
0,4 % |
- |
- |
produits de fission à vie longue |
0,0006 % |
0,0024 % |
0,034 % |
0,13 % |
Plusieurs remarques importantes doivent être faites sur la base de ce tableau.
La
première qui porte sur le plutonium, a déjà
été faite dans ce rapport mais mérite d'être
rappelée. Le plutonium contribuant pour plus de 90 % à la
radiotoxicité totale du combustible irradié, pendant une
période de 100 000 ans, il est absurde de se préoccuper de la
transmutation des actinides mineurs si le plutonium lui-même n'est pas
éliminé dans du Mox ou dans des RNR.
La deuxième remarque est que les produits de fission contribuent
potentiellement très peu à la radiotoxicité, à
condition d'être emprisonnés suffisamment efficacement pour ne pas
être emporté par les eaux souterraines.
La troisième remarque est qu'au-delà d'un million
d'années, la radiotoxicité de l'uranium appauvri issu de
l'enrichissement possède un impact supérieur à celui des
actinides et des produits de fission à vie longue. Si l'on veut, par une
ambition extrême, se préoccuper de cette échéance du
million d'années, alors le cercle des recherches doit s'étendre
à d'autres domaines non encore couverts.
La quatrième remarque est que l'ordre de grandeur de la toxicité
des produits de fission à vie longue est proche de celui des
résidus miniers. Il y a donc lieu de s'interroger sur l'ascension de ces
derniers dans le palmarès des priorités de recherche.
Deux questions difficiles : la vitesse et le rendement de la transmutation
7 ans après que la loi du 30 décembre 1991 a clairement indiqué l'importance des études sur la transmutation des déchets radioactifs de haute activité et à vie longue, force est de constater la rareté des données chiffrées sur les deux paramètres clés de l'intérêt de cette solution que sont la vitesse et le rendement probables de la transmutation. Or il s'agit bien évidemment de données fondamentales, puisqu'elles conditionnent en particulier le nombre d'installations à prévoir pour effectuer cette opération. L'interrogation de base est la suivante : combien d'incinérateurs faudra-t-il installer pour traiter les déchets de l'ensemble du parc ?
Une dizaine d'années pour transmuter ?
Le tableau suivant donne les résultats de calculs neutroniques effectués à la fin des années 70 pour éclairer la faisabilité de la transmutation en recourant aux réacteurs à eau pressurisés et aux réacteurs à neutrons rapides. Les résultats de ces calculs sont rien moins que décevants.
Tableau 40 : durée en années de transmutation d'actinides mineurs en réacteurs REP ou RNR 81( * ) , 82( * ) , 83( * )
filière/années |
Np 237 |
Am 241 |
Am 243 |
Cm 243 |
Cm 244 |
REP : |
|
|
|
|
|
90 % détruits |
6,4 |
1,7 |
4,2 |
2,6 |
14,2 |
90 % détruits par fissions cumulées |
15 |
15 |
30 |
9 |
27 |
RNR : |
|
|
|
|
|
90 % détruits |
11 |
9 |
11 |
6 |
19 |
90 % détruits par fissions cumulées |
24 |
30 |
30 |
15 |
27 |
On atteint en effet dans les réacteurs REP et RNR des rendements de quelques pour cents à quelques dizaines de pour cents. La durée de séjour doit atteindre une dizaine d'années pour atteindre un rendement de 90 % sur les actinides initiaux et les corps lourds formés à partir d'eux.
De 7 à 12 RNR pour réduire les flux d'actinides mineurs
A la
demande de vos Rapporteurs, le CEA a procédé à des
évaluations des réductions possibles des flux d'actinides mineurs
suivant la composition du parc nucléaire. La référence des
calculs correspond à une situation proche de l'actuelle,
c'est-à-dire un parc d'une puissance de 60 MWe, produisant annuellement
400 TWh mais fonctionnant entièrement avec le combustible standard
à l'oxyde d'uranium.
Par rapport à ce parc, le CEA construit dans ce raisonnement des parcs
fictifs comprenant une part de RNR allant de 14 % à 20 % du nombre total
de réacteurs.
puissance installée :
60 GW
|
Parc 1 |
Parc 2 |
||||
type de réacteur |
REP UOx |
REP Mox |
RNR |
REP UOx |
REP Mox |
RNR |
composition du parc |
100 % |
0 |
0 |
70 % |
16 % |
14 % |
taux de combustion en GWj/t |
55 |
55 |
140 |
|||
mode de gestion |
cycle ouvert (stockage direct) |
multirecyclage du Pu : 2 passages en REP, multirecyclage en RNR |
||||
|
Pu |
AM |
total |
Pu |
AM |
total |
flux annuel de déchets (tonnes) |
11,6 |
1,5 |
13,1 |
0,03 |
3,2 |
3,23 |
facteur de réduction de masse des déchets |
réf. |
4 |
puissance installée :
60 GW
|
Parc 3-a |
Parc 3-b |
||||
type de réacteur |
REP UOx |
REP Mox |
RNR |
REP UOx |
REP Mox |
RNR |
composition du parc |
70 % |
10 % |
20 % |
70 % |
10 % |
20 % |
taux de combustion en GWj/t |
55 |
140 |
55 |
140 |
||
mode de gestion global du combustible |
multirecyclage du plutonium et incinération des actinides mineurs |
multirecyclage du plutonium et incinération des actinides mineurs |
||||
mode de traitement des actinides |
recyclage homogène du Np mélangé au Pu ; multirecyclage des cibles d'Am et de Cm |
recyclage homogène du Np mélangé au Pu ; monorecyclage des cibles d'Am et de Cm (retrait des cibles dès que taux de fission égal à 90 %) |
||||
|
Pu |
AM |
total |
Pu |
AM |
total |
flux annuel de déchets (tonnes) |
0,03 |
0,08 |
0,11 |
0,03 |
0,22 |
0,25 |
facteur de réduction de masse des déchets |
120 |
50 |
On
constate qu'il est possible de réduire d'un facteur 4 le flux annuel de
plutonium et d'actinides mineurs, avec 14 % de RNR et 16 % de REP moxés
(parc 2). En langage " décodé ", cela veut dire que
l'on a une proportion d'un RNR pour 5 REP, soit 7 à 8 RNR au total, en
prenant comme hypothèse que les réacteurs à neutrons
thermiques ou à neutrons rapides sont d'une puissance de 1 000 MWe.
Avec un parc encore plus important de RNR, soit avec un RNR pour 3 à 4
REP, et avec un mode de traitement particulier des actinides, il est possible
d'atteindre un facteur de réduction des flux de plutonium et d'actinides
mineurs allant de 50 à 120.
Deux remarques sont à faire sur ces premiers résultats, qui,
comme les précédents, sont décevants pour l'avenir de la
transmutation.
D'une part, même dans l'hypothèse maximaliste (parc 3-a du tableau
précédent, c'est-à-dire 12 RNR sur 60 réacteurs),
il reste une quantité incompressible d'actinides mineurs, soit 80
kg/an : le rendement de la réaction n'est pas égal à
100 %.
D'autre part, même pour atteindre une réduction d'un facteur 4, il
est nécessaire de mettre en place un parc d'une configuration
très sensiblement différent de celui qu'a la France, surtout
après la fermeture de Superphénix. En effet, pour obtenir cette
réduction d'un facteur 4, on doit recourir à 7 à 8 RNR
pour récupérer au final deux fois plus d'actinides que par
rapport à la situation de référence. Situation paradoxale,
qui permet de douter de l'intérêt de la démarche.
Ces premières approches nécessitent bien entendu d'être
confirmées. Si elles l'étaient, sans doute entendrait-on sonner
le glas pour la transmutation par les RNR. Le CEA entend continuer sa
réflexion, en essayant notamment d'évaluer l'apport des
réacteurs hybrides.
Le miracle attendu des réacteurs " papier "
Les projets de réacteurs hybrides sont nombreux à prévoir pour la plupart l'incinération d'actinides. Le tableau suivant présente les consommations d'actinides mineurs affichées par les concepteurs.
Tableau 43 : estimation des quantités d'actinides mineurs transmutables en réacteur hybride 86( * )
nom du projet |
type de réacteur hybride |
quantités de déchets transmutés par an |
ATW
|
système hybride thermique |
actinides : 675 kg/an
|
ADFFT
|
système hybride thermique |
actinides : 550 kg/an |
ATP
|
système hybride rapide |
actinides mineurs : 250 kg/an |
FSMH
|
système hybride rapide |
actinides mineurs et technétium : |
FEA
|
système hybride rapide |
plutonium |
Les
chiffres annoncés paraissent avoir une vocation autant promotionnelle
que scientifique. En tout cas, aucune expérimentation n'a pour le moment
démontré leur vraisemblance. Mais au-delà de ces
considérations, certains experts estiment que les rendements ne pourront
dépasser une certaine limite. Dans certains cas, l'inventaire
d'actinides en réacteur, c'est-à-dire le stock de ces produits ou
de plutonium, pourrait augmenter en cours d'exploitation.
Une autre opinion a été récemment donnée par M.
Claude Détraz, directeur de l'IN2P3, à la commission
d'enquête de l'Assemblée nationale sur Superphénix et la
filière des neutrons rapide
87(
*
)
. Pour
lui, un parc important de réacteurs hybrides serait nécessaire
pour transmuter les actinides mineurs et les produits de fission issus des
réacteurs à eau pressurisée. L'ordre de grandeur de la
quantité d'actinides mineurs transmutables serait d'une tonne par an
avec un réacteur hybride dédié à
l'incinération. Par conséquent, l'ordre de grandeur du parc de
réacteurs hybrides qu'il serait nécessaire de construire, serait
de 10 à 15 réacteurs hybrides, soit un réacteur hybride
pour 4 réacteurs à eau pressurisée REP.
Pour autant, d'autres voies sont aussi explorées, afin de parvenir
à des rendements acceptables. Pour Jean-Paul Schapira, il est clair que
" la présence d'uranium dans les combustibles conduit non pas
à une destruction poussée des actinides mais à leur
stabilisation. La destruction poussée des actinides et
l'amélioration des taux de transmutation requièrent la
suppression de l'uranium et l'augmentation du produit de la section efficace
par le flux ainsi que l'augmentation du rapport
fission/capture "
88(
*
)
.
Deux types d'installations seraient donc envisageables pour détruire
d'une manière poussée les actinides : d'une part des
réacteurs où le combustible serait constitué uniquement
des actinides à détruire et donc sans uranium et d'autre part des
réacteurs à haut flux.
Les incinérateurs d'actinides présentent pour le moment des
performances médiocres : 18 % d'actinides détruits par an
environ. Les réacteurs à haut flux quant à eux utilisent
des combustibles à uranium hautement enrichi mais produisent
malgré tout du plutonium et des actinides mineurs, même si c'est
en quantité réduite par rapport aux réacteurs
classiques.
La question du tout ou rien
S'il se
confirmait que la transmutation ne peut être réalisée
à 100 %, la question se poserait de l'opportunité de mettre en
oeuvre des processus coûteux, longs et eux-mêmes producteurs de
déchets additionnels, le tout pour atteindre une réduction de
volumes, dont on sait par ailleurs qu'ils sont en réduction constante
grâce aux progrès faits en matière de concentration des
matières radioactives et de compactage des conditionnements.
Un critère de décision, le moment venu, sera, sans conteste, le
gain attendu de la séparation-transmutation, par rapport à la
situation de départ.
On a vu précédemment que la réduction de volume des
déchets concerne principalement les déchets B avec le compactage
des coques et embouts et l'utilisation du béton pour les déchets
technologiques. Seule une stabilisation des volumes est probable à
technologie constante avec les verres contenant les déchets C (actinides
mineurs et produits de fission). Toutefois, il n'est pas exclu qu'à
l'avenir d'autres techniques d'immobilisation fassent leur apparition. De toute
façon, les volumes en cause sont faibles pour les déchets de
haute activité à vie longue : 5 000 m
3
en
2020
89(
*
)
.
L'intérêt de la transmutation est de diminuer la quantité
de déchets de ce type. Mais il faudra, à supposer que les
techniques de séparation et de transmutation soient
opérationnelles, rapporter leur coût au gain obtenu en termes de
réduction de volume et du nombre de gigabéquerels. Il n'est pas
sûr alors que la solution du stockage définitif ne
l'emporte.
3. Le choix de l'entreposage ou du stockage et la problématique de la réversibilité
Alors
que l'opinion dominante des acteurs de la filière nucléaire
était à la fin des années 80 de considérer le
stockage définitif en profondeur comme la seule solution rationnelle
pour gérer les déchets radioactifs à haute activité
et à vie longue, la loi du 30 décembre 1991 a diversifié
les approches en introduisant non seulement l'idée de la
séparation-transmutation étudiée
précédemment mais aussi celle de la réversibilité
du stockage en profondeur et enfin celle du conditionnement et de l'entreposage
de longue durée en surface.
L'attention tant du Gouvernement
90(
*
)
que des
cercles suivant de près la gestion des déchets nucléaires
se porte depuis peu mais avec un intérêt croissant sur le stockage
ou l'entreposage en sub-surface et sur la notion connexe de
réversibilité.
En réalité, les efforts de réflexion sur cet axe de
recherche, qui avaient pris un retard dénoncé dès 1996 par
l'Office
91(
*
)
, ne font que débuter.
Certaines difficultés de fond commencent à apparaître. Vos
Rapporteurs ne prétendent pas dans ce chapitre clore la recherche sur le
sujet mais essayer de mettre en évidence les arbitrages qui seront
vraisemblablement nécessaires et introduire une réflexion sur les
critères de choix à mettre au point dans cette perspective.
La question de la sûreté du stockage en couche profonde est
examinée dans un premier temps, notamment à la lumière des
résultats des modèles de dissolution élaborés par
le CEA et à l'aune des études réalisées sur les
réacteurs nucléaires naturels que l'on peut trouver au Gabon.
Ces éléments sont ensuite comparés avec les contraintes
générées par la présence des dépôts de
déchets en surface ou en sub-surface.
La notion de réversibilité est enfin abordée notamment au
regard de sa durée de mise en oeuvre et de son coût.
Introduction
Pour dégager la problématique de l'entreposage et du stockage des déchets, il est indispensable de rappeler la classification française des déchets radioactifs et leur mode de conditionnement. Un récapitulatif des politiques de gestion des déchets à l'étranger est également présenté ci-après.
la classification française des déchets radioactifs
Pour resituer le problème des déchets à haute activité et à vie longue dans un cadre d'ensemble, on trouvera dans le tableau suivant la classification française des déchets, ainsi que les volumes générés annuellement et les stocks.
Tableau 44 : classification française des déchets radioactifs et estimations des volumes 92( * )
type de déchet |
nature, origine et conditionnement |
activité |
durée
|
quantités/an |
stocks |
Déchets TFA (très faible act.) |
gravats et
ferrailles, démantèlement (prochainement)
|
1 - 100 Bq/g |
|
4 000 m3/an |
9 millions m3 en 2020 - pas de décision pour site |
Déchets FA (faible activité) |
déchets radifères issus du traitement de l'uranium au sortir de la mine |
100 -
|
vie longue (30-10 000 ans) |
2 800 m3/an |
pas d'estimation précise - pas de décision pour site |
Déchets A |
résines, filtres, gants, etc. : exploitation des centrales, des
usines de retraitement, des labos médicaux ou industriels, etc.
|
1 000 - X00 000 Bq/g |
vie courte (<30 ans) |
20 000
m3/an
|
520 000 m3
sur le centre de stockage de surface de la Manche
|
Déchets B |
déchets produits lors du retraitement et de la fabrication du plutonium
|
X00 000 Bq/g |
vie longue |
3 000 m3/an |
selon le Gvt 93( * ) : 57 000 m3 en 2020 |
Déchets C |
déchets du retraitement : PFVL et AM
94(
*
)
|
milliards de Bq/g |
vie courte
|
verres : 200 m3/an
|
verres : selon le Gvt 95( * ) : 5 000 m3 en 2020 |
Ainsi que cela a été vu plus haut, les déchets au centre des attentions, sont ceux qui présentent la double caractéristique d'être fortement radioactifs et d'avoir une période longue. Les déchets C sont les " résidus du retraitement " . Par extension voire abus de langage, si l'on considère qu'ils ne seront " jamais " retraités, les combustibles non retraités peuvent être considérés comme des déchets C, de par leur radioactivité.
le conditionnement des déchets
Le
tableau précédent indique en particulier le type de
conditionnement utilisé pour chaque catégorie de déchets.
On se contentera ici de mettre l'accent sur les points critiques et les
évolutions en cours.
S'agissant du conditionnement des déchets B, une évolution se
produit à l'heure actuelle, avec pour objectif d'améliorer
à la fois la sûreté et la compacité des colis.
Le conditionnement d'origine pour les déchets B était le
béton, avec comme inconvénient des volumes relativement
importants par unité de volume de déchet. Le passage à un
enrobage par du bitume a permis de réduire les volumes résultants
et d'améliorer la résistance à la lixiviation, le bitume
étant à la fois étanche et très insoluble dans
l'eau. Des difficultés existent pour le bitumage de produits organiques
car la température élevée des bitumes lors du coulage peut
échauffer et vaporiser d'éventuels produits organiques. Un
incident a d'ailleurs eu lieu en 1997 à l'usine de Tokai Mura au Japon.
Un feu s'est déclenché en phase chaude de l'opération
d'enrobage, avec dégagement d'aérosols et explosion
résultante.
Cogema a désormais pour objectif d'abandonner le bitume des
déchets B et de recourir au même milieu d'enrobage que pour les
déchets C, c'est-à-dire le verre ou la céramique. Ceci
vaudrait aussi bien pour les déchets technologiques que pour les boues
de retraitement. Les coques et embouts seraient, eux, compactés sous
forme de galettes non enrobées et placées dans des containers
d'inox de mêmes dimensions que les colis de verres.
S'agissant des déchets C, la pratique actuelle est de recourir au
mélange des solutions concentrées à du verre en fusion,
qui est ensuite refroidi pour donner un cylindre de verre. La vitrification est
un procédé qualifié industriellement qui permet
d'atteindre des durabilités très importantes - de 2 000 ans
à 100 000 ans (voir ci-dessous) -. Mais d'autres matériaux sont
actuellement à l'étude, notamment les
céramiques.
les politiques nationales de gestion des déchets radioactifs
Nombreux
sont les pays de l'OCDE à avoir opté d'ores et déjà
et résolument pour une politique de gestion des déchets.
Ainsi l'Allemagne a pris le parti du stockage en profondeur pour l'ensemble de
ses déchets radioactifs. Les anciennes mines de sel ou de fer ont
été utilisées pour réaliser des études de
comportement. Il est prévu, sauf enseignement négatif de
celles-ci, de passer ensuite à la phase de stockage. Recourant à
une politique mixte de retraitement et de stockage direct, l'Allemagne n'a
toutefois pas encore réglé concrètement le problème
des combustibles irradiés et celui des déchets hautement
radioactifs issus du retraitement. La Belgique a aussi opté pour le
stockage souterrain, en sub-surface pour les déchets A et B et à
grande profondeur pour les déchets C.
S'agissant des laboratoires d'étude du stockage en profondeur, la
plupart des pays en possèdent. La Suisse se signale par son souci
d'explorer en détail cette option, avec ses deux laboratoires de Grimsel
en milieu granitique et du Mont Terri en milieu argileux.
Tableau 45 : gestion des déchets dans certains pays de l'OCDE 96( * ) , 97( * )
pays/stratégie |
Déchets de faible et moy. activité à vie courte |
Déchets de haute activité à vie longue |
Combustible irradié |
Laboratoire souterrain |
Allemagne
|
|
|
|
|
Belgique
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|
|
Canada
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Etats-Unis
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|
|
Tableau 46 : gestion des déchets dans certains pays de l'OCDE 98( * ) , 99( * ) (suite)
pays/stratégie |
Déchets de faible et moyenne activité à vie courte |
Déchets de haute activité à vie longue |
Combustible irradié |
Laboratoire souterrain |
Etats-Unis (suite)
|
|
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|
Finlande
|
|
|
|
|
Japon
|
|
|
|
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pays/stratégie |
Déchets de faible et moyenne activité à vie courte |
Déchets de haute activité à vie longue |
Combustible irradié |
Laboratoire souterrain |
Royaume-Uni
|
|
|
|
|
Suède
|
|
|
|
|
Suisse
|
|
|
|
|
3.1. la sûreté maximale est-elle apportée par le stockage en couche profonde ?
Le
problème posé par les déchets radioactifs à haute
activité et à vie longue est simple à formuler mais
évidemment complexe à résoudre. Certains
radioéléments présents dans les déchets,
émetteurs radiotoxiques ayant une période de 7 380 années
comme l'américium 243 ou de 2 millions d'années comme le
neptunium 237, comment concevoir un stockage assurant leur immobilisation sur
une telle durée dont l'échelle dépasse en
réalité notre entendement ?
Le principe de sûreté du stockage profond est l'interposition,
entre le colis de déchets et les populations environnantes, d'une
barrière dont la dimension est telle que la migration des
radioéléments est très peu probable vers la surface.
Le sens commun veut que plus le stockage est profond et plus grande est la
sûreté. Avec un dispositif de stockage en couche géologique
profonde, des durées extrêmement longues, de plusieurs centaines
de milliers d'années, peuvent être envisagées, en termes de
stabilité de la présence des radioéléments en
profondeur.
Ceci est vrai à condition qu'aucun lien, artificiel ou naturel n'existe
ou n'apparaisse entre les cavités et la surface. Les eaux souterraines
peuvent éventuellement parvenir sur les longues durées
étudiées à dissoudre les radioéléments. La
circulation naturelle ou provoquée par l'Homme peut alors assurer la
diffusion ou la remontée de ces éléments toxiques. De
même, des forages intempestifs peuvent entraîner une rupture du
confinement. Enfin, des mouvements géologiques doivent être
envisagés sur la durée de référence,
entraînant une remontée voire une mise à jour du centre de
stockage.
En réalité, des techniques existent pour maximiser la
sûreté des colis. La première méthode est la
multiplication des barrières. La deuxième consiste en
l'utilisation de matrices d'immobilisation d'une durabilité
étendue.
La multiplication des barrières
Les
colis de déchets radioactifs à haute activité et à
vie longue se présentent sous la forme de lingots de verre coulés
dans un container en inox.
La méthode retenue est d'opposer des barrières successives
à la migration éventuelle, par lixiviation, des
radioéléments retenus dans les verres. La figure suivante indique
la forme physique d'un dispositif étudié par le CEA
102(
*
)
.
Pour piéger avec plus de sûreté les radioéléments, on place le conteneur en inox dans une deuxième enveloppe, un cylindre extérieur en acier noir. Puis cet ensemble est placé dans une enveloppe de béton de dimension largement supérieure, le volume étant rempli avec de l'argile. Le schéma ci-après récapitule le système de barrières.
Figure 19 : les barrières successives garantissant le confinement des radioéléments à haute activité et à vie longue 103( * )
colis de
verre acier acier argile milieu
40 cm de diamètre inoxydable noir géologique
1m30 de hauteur épaisseur : épaisseur :
épaisseur épaisseur :
2 cm 7 cm 30 cm
- 1m centaine de m
1
ère
barrière
2
ème
barrière 3
ème
barrière
L'approche est de considérer qu'avec un tel dispositif,
l'on
dispose de 3 barrières. La première est celle du cylindre d'acier
noir ou surconteneur. La 2
ème
est celle de l'argile
remplissant l'enveloppe de béton. La troisième est celle du
milieu géologique. Cette approche est très conservative,
puisqu'elle conduit à ne pas tenir compte du pouvoir d'immobilisation
des verres, de la barrière représentée par le conteneur
d'inox, non plus que celle de l'enveloppe de béton.
La même approche est retenue en Suède par les responsables de SKB
pour leurs études du confinement des combustibles irradiés non
retraités. Les assemblages combustibles sont en effet dans un conteneur
en acier inox. Ce conteneur est lui-même placé dans un
surconteneur en cuivre dont les parois font 5 centimètres
d'épaisseur. Le surconteneur est alors enfoui dans un trou que l'on
comble avec de la bentonite, un matériau qui s'expanse rapidement en
présence d'eau et devient imperméable.
La multiplication des barrières permet de lutter efficacement contre le
phénomène le plus contraignant vis-à-vis de la
sûreté, à savoir la corrosion par les eaux souterraines.
Celles-ci, basiques et réductrices dans la plupart des cas, ne sont pas
une source de corrosion majeure. La modélisation permet en tout
état de cause de vérifier l'étanchéité
à très longue échéance du stockage.
Un confinement satisfaisant selon les modèles de cinétique de dissolution
Le CEA a
mis au point des modèles mathématiques du comportement des
matrices de verres en situation de dissolution. On représente la matrice
saine, la zone de surface attaquée par la corrosion, la barrière
de diffusion, ainsi que le site environnant. La conclusion de ces études
rejoint l'appréciation intuitive que l'on peut avoir. D'une part,
l'altération de la matrice dépend fortement de son environnement.
D'autre part, l'interposition d'une barrière ralentit fortement voire
stoppe le phénomène.
Sous réserve de vérifications expérimentales, ces
modèles montrent que la durabilité d'une matrice de verre en
contact direct avec une eau basique et réductrice est de 100 000 ans. La
présence de la barrière ouvragée argileuse - le contenu de
l'enveloppe de béton selon le schéma simplifié ci-dessus -
permet de multiplier la durabilité par 100 et d'atteindre 10 millions
d'années. Avec la barrière supplémentaire que constituent
les couches profondes jusqu'à la surface, et que l'on peut
considérer comme infinie, une durabilité de 10
11
années est probable, garantissant, sauf événement
accidentel ou géologique, le piégeage sur la durée
requise.
L'immobilisation naturelle de radioéléments sur des millions d'années
Le 7
juillet 1972, des chercheurs du CEA Cadarache découvrent une anomalie
dans le minerai d'uranium provenant d'Oklo au Gabon. Sa teneur en uranium 235
est très inférieure, alors que le ratio uranium 235 / uranium 238
est toujours le même, aux alentours de 0,7 %. Un mois plus tard, le CEA
confirme que cette anomalie dans la concentration isotopique résulte de
l'existence d'une réaction nucléaire naturelle. De fait, 16
réacteurs nucléaires sont découverts au Gabon, entre Oklo
et Bangombé dans le plus vieux bassin sédimentaire du monde,
datant de 2 milliards d'années. Aujourd'hui, les 15 réacteurs
naturels d'Oklo ont disparu ou sont en cours d'exploitation. Les teneurs en
uranium y étaient exceptionnelles - de 60 à 85 % d'uranium. Reste
celui de Bangombé.
Bangombé raconte l'histoire d'un stockage de déchets radioactifs,
réussi à 12 mètres sous terre, pendant 2 milliards
d'années. Cette pile atomique naturelle a fonctionné pendant 500
ans, il y a 2 milliards d'années, puis s'est éteinte. Les
produits de fission radioactifs sont restés piégés
quasiment sur place. L'étude du terrain permet de suivre leur
évolution, leur migration dans la roche et leurs mutations. Exemples
inespérés donnés par la nature, les réacteurs
d'Oklo et de Bangombé démontrent qu'il existe des méthodes
d'immobilisation des actinides et des produits de fission. D'où
l'idée de repliquer la nature.
En réalité, l'on trouve à l'état naturel de
nombreuses roches qui conservent à l'état de trace de l'uranium
ou du thorium. Les matrices cristallines correspondantes (silicates de
zirconiums, monazites, apatites) sont des structures stables aptes à
immobiliser des matériaux radioactifs jusqu'à des milliards
d'années.
Ainsi qu'on l'a vu plus haut à propos du plutonium, des chercheurs
français de l'IN2P3
104(
*
)
ont
réussi à synthétiser un phosphate de thorium de formule
Th
4
(PO
4
)
4
P
2
O
7
et
à remplacer une partie des ions thorium de ce phosphate par des ions
uranium ou plutonium, sans que la structure cristalline du phosphate de thorium
change.
Cette voie de recherche dont l'intérêt est confirmé par des
équipes australiennes et canadiennes, devrait déboucher sur la
possibilité d'immobiliser les radioéléments à haute
activité et à vie longue.
Avec les céramiques, peut-être l'immobilisation des actinides mineurs et des produits de fission sur 2 milliards d'années, sauf accident naturel ou provoqué par l'Homme
Les
nouveaux matériaux regroupés sous le nom générique
de céramiques regroupent en fait différentes matrices comme les
apatites, déjà présentées plus haut comme
intéressantes pour l'immobilisation du plutonium. Leur
intérêt est aussi grand pour l'immobilisation des actinides
mineurs et des produits de fission à vie longue que pour celle du
plutonium. La céramique à base de phosphate de thorium mise au
point par l'IN2P3 permettrait d'incorporer jusqu'à 40 % de plutonium, 53
% de neptunium ou 75 % d'uranium sans que sa structure cristalline se modifie.
En réalité, il s'agit de vitro-céramiques
préparées par fusion des matières de départ, fusion
suivie d'un refroidissement qui conduit à la formation d'une solution
solide. Ces (vitro-)céramiques sont beaucoup plus résistantes
à la corrosion que des simples céramiques fabriquées par
frittage. Dans ce dernier cas, on obtient en effet un réseau
polycristallin constitué de cristaux d'une taille de 100 u avec des
joints de grain qui fragilisent la structure.
Compte tenu de l'importance du sujet, il apparaît souhaitable à
vos Rapporteurs de voir ces techniques explorées
résolument.
La nécessité de construire au moins deux laboratoires souterrains profonds
Les
thèmes de recherche qui nécessitent des expériences en
laboratoire souterrain sont nombreux. Parmi ceux-ci, on peut citer la
durabilité des conditionnements et des barrières dans les milieux
géologiques profonds, la migration des radioéléments, les
procédés de manutention, de dépôt et de reprise des
colis, etc. Tout cela rend nécessaire la construction des deux
laboratoires - au moins - prévus par la loi du 30 décembre 1991.
Au terme d'un long parcours, le dossier déposé par l'Andra est
complet et dispose des avis favorables nécessaires. Le temps de la
décision est venu.
En janvier 1994 s'achève le processus de concertation entre les
élus, la population et l'Andra, l'opérateur clé dans le
domaine des laboratoires souterrains. Ce processus original a été
animé par votre Rapporteur. Sur la base de ses recommandations, le
Gouvernement choisit 4 zones favorables, dans le Gard, la Haute-Marne, la Meuse
et la Vienne. Les travaux de reconnaissance géologique
subséquents menés par l'Andra, conduisent au choix de 3
sites : un site argileux à Bure aux confins de la Haute-Marne et de
la Meuse, un autre site argileux à Marcoule près de
Bagnols-sur-Cèze dans le Gard, et le troisième site, cette fois
granitique, de la Chapelle-Bâton dans la Vienne.
Le 15 mai 1996, le Gouvernement autorise l'Andra à déposer 3
Dossiers d'Autorisation d'Implantation et d'Exploitation de laboratoire
souterrain (DAIE), ce qui est fait au cours du 2
ème
semestre
de l'année 1996. La DSIN envoie alors les dossiers aux
préfectures concernées en vue du déclenchement de
l'enquête publique prévue par le décret d'application de la
loi de 1991. La DSIN fait aussi parvenir pour consultation les dossiers aux
conseils municipaux, généraux et régionaux
concernés.
Les enquêtes publiques se concluent toutes les trois par des avis
positifs en 1997. Les préfets donnent également un avis positif.
La très grande majorité des collectivités
concernées manifestent également leur accord aux
projets
105(
*
)
.
Simultanément, à ces procédures locales, la DSIN transmet
les demandes de l'Andra au groupe permanent d'experts, qui examine les dossiers
les 10 et 24 mars, et le 2 avril 1997. L'analyse poussée à
laquelle se livrent ces instances de conseil de la DSIN, sorte de
" parlement de la sûreté nucléaire "
porte
sur 3 points : d'une part, le degré de connaissance et de
compréhension des sites au regard des règles fondamentales de
sûreté afférentes, d'autre part la cohérence
d'ensemble du programme de recherche et la stratégie de
démonstration de sûreté globale du stockage et enfin la
méthodologie du programme de recherche.
Le groupe permanent compétent sur l'aval du cycle donne un avis
favorable pour les trois sites. Rappelons que M. Claude Birraux,
député de Haute-Savoie, a assisté en 1991 aux
réunions d'un autre groupe permanent, celui-là chargé des
réacteurs, et qu'il en a apprécié le
sérieux
106(
*
)
.
S'agissant du site de La Chapelle-Bâton, le groupe permanent note les
caractéristiques positive du site en ce qui concerne les critères
importants de la Règle Fondamentale de Sûreté (RFS III 2
f). Il note qu'il existe selon toute vraisemblance sur le site, des blocs de
granite de faible perméabilité et de dimensions
hectométriques suffisantes pour y aménager un laboratoire
d'étude. Il relève aussi la présence d'aquifères
exploités entre la surface et la couche de granite visée, qui
peuvent apporter des perturbations hydrauliques dans le granite et convient que
la difficulté de caractérisation des fracturations conductrices
est en réalité une difficulté commune à tous les
milieux granitiques. Ce faisant, le groupe permanent donne un avis positif
à l'installation d'un laboratoire souterrain à la
Chapelle-Bâton.
Le rapport conclusif de la DSIN remis au Gouvernement le 1
er
décembre 1997 indique que les 3 projets de laboratoire souterrain ne
présentent aucune caractéristique rédhibitoire et conclut
à la qualification des formations géologiques spécifiques
locales. La DSIN établit un ordre de priorité technique, en
classant n°1 le site de Bure, n°2 le site du Gard et n°3 le site
de la Chapelle-Bâton. A propos de ce 3
ème
site, la DSIN
précise
" qu'un laboratoire n'aurait que peu de chances de
déboucher sur un stockage, compte tenu des réserves techniques
émises "
.
Vos Rapporteurs estiment que le site de la Vienne ne doit pas être
écarté pour deux raisons essentielles.
La première est que les laboratoires sont considérés comme
des instruments d'étude par la loi de 1991. Certains veulent voir ces
laboratoires comme des outils de qualification d'un stockage géologique
répondant à l'impératif de la loi de 1991 à
l'échéance de 2006. Au contraire, l'esprit de la loi veut qu'il
s'agisse d'abord d'un instrument de recherche. Or le site de la Vienne
correspondant au granite apporte une diversité de milieu
géologique face à l'argile des deux autres sites. Il offre donc
une option supplémentaire.
Par ailleurs, la majorité des laboratoires en profondeur - 4 sur 7 -
construits par d'autres pays se trouvent en milieu granitique. Les comparaisons
internationales notamment avec les pays étudiant le stockage direct des
combustibles usés seraient possibles et viendraient enrichir la
connaissance du sujet.
Des investissements et des coûts d'exploitation à la portée de la filière
Le coût de construction des 3 laboratoires est estimé par l'Andra à 2,694 milliards de F. Les dépenses déjà faites s'élèvent à 1,73 milliard de F. Le tableau suivant indique les coûts annuels de fonctionnement et d'expérimentation, coûts qui varient fortement selon la période considérée - étude, construction, expérimentation.
Tableau 48 : budget d'investissement et de fonctionnement des 3 laboratoires de l'Andra
|
1994-1997 |
1998-2001 |
2002-2006 |
total |
durée (année) |
4 |
4 |
4 |
12 |
coûts annuels (millions de F) |
|
|||
études préliminaires |
433,5 |
|
|
1734 |
exploitation technique |
|
|
345,0 |
1380 |
études |
|
|
418,3 |
1673 |
expérimentations |
|
|
359,8 |
1439 |
communication |
29,1 |
29,1 |
29,1 |
349 |
mesures d'accompagnement |
136,8 |
136,8 |
136,8 |
1641 |
conseil scientifique et commission nationale d'évaluation |
1,5 |
1,5 |
1,5 |
18 |
coût de fonctionnement annuel |
600,8 |
167,3 |
1 290,3 |
- |
cumul sur la période |
2 403,3 |
669,3 |
5 161,3 |
8234 |
construction (millions de F) |
|
2 694 |
|
|
total général en millions de F pour période 1994-2006 |
|
|
|
10 928 |
Les coûts du tableau précédent sont à comparer avec les budgets des laboratoires souterrains construits et exploités dans d'autres pays. Des données fragmentaires existent pour la Suède, la Belgique et le Canada. Il semble que le coût moyen annuel d'investissement et de fonctionnement d'un laboratoire proposé par l'Andra soit au milieu de la fourchette des coûts affichés dans ces trois pays.
3.2. les contraintes de sûreté de la surface ou de la sub-surface
Ainsi
qu'il a été dit plus haut, les travaux de réflexion
approfondie sur l'entreposage en surface ou en sub-surface ont
réellement commencé en France au milieu de l'année 1997,
avec un retard certain par rapport à ceux menés sur les deux
premières voies de recherche.
Toutefois, ces réflexions sont loin de partir de zéro. L'on
dispose en effet d'une expérience de l'entreposage en surface avec les
installations Cascad du CEA Cadarache et EVT7 de Cogema La Hague.
Différentes problématiques apparaissent d'ores et
déjà avec netteté.
Le retour d'expérience de Cascad, installation d'entreposage de combustibles irradiés
L'installation Cascad, mise en service en 1990, assure
l'entreposage
à sec pour une durée maximale de 50 ans des combustibles EL4 de
Brennilis et des combustibles des réacteurs embarqués de
propulsion navale. Le retour d'expérience de Cascad est pertinent pour
l'entreposage à sec des combustibles irradiés mais aussi pour
celui des colis de verres contenant des déchets C (actinides mineurs et
produits de fission). Sa capacité est de 315 puits dont un tiers environ
seulement est occupé à la mi-98. Les trois priorités de
construction de l'installation ont été le confinement des
produits, l'évacuation de la puissance thermique et la tenue des
équipements au séisme. La ventilation s'effectue par convection
naturelle auto-régulée.
Le bilan de cette installation est largement positif : aucun
problème sérieux de sûreté ou de manutention n'est
apparu au cours des 7 premières années d'exploitation, mis
à part les trois pannes de la ventilation nucléaire qui ont
été sans gravité compte tenu du large délai large
pour intervenir, donné lors de la conception. L'autorisation de
fonctionnement est donnée pour 50 ans. Il ne paraît pas impossible
qu'elle puisse être étendue le moment venu.
En tout état de cause, l'expérience Cascad nourrit la
réflexion des équipes chargées au CEA du projet
" Entreposage de Très Longue Durée "
(ETLD).
Avec les premières ébauches élaborées par le CEA et
exposées à vos Rapporteurs
107(
*
)
,
apparaissent les lignes de force des difficultés à
résoudre et des arbitrages à prendre.
Des précautions multiples pour assurer la sûreté en surface et en sub-surface
Plusieurs concepts d'entreposage sont à l'étude au CEA. L'entreposage en surface ou en sub-surface n'est un problème simple qu'à moyen terme. Au-delà des 50 années correspondant à l'exercice actuel de Cascad, la durabilité exige des approches et des techniques nouvelles. Les figures suivantes présentent divers concepts retenus comme base de travail. Ces schémas sont utiles pour toucher du doigt la complexité de la problématique du " provisoire de longue durée " .
Figure 20 : divers concepts d'entreposage de très longue durée en surface 108( * )Figure 21 : divers concepts d'entreposage de très longue durée en sub-surface 109( * )
La
première contrainte de la surface et de la sub-surface provient de la
nécessité d'une surveillance permanente, même à
distance, des installations. Le risque d'intrusion est évidemment plus
élevé qu'en stockage profond. Les conséquences d'un
éventuel relâchement de radioactivité sont plus
immédiates. Cette surveillance doit porter à la fois sur la
sécurité physiques des installations et sur leur
sûreté.
La circulation des eaux de surface ou des eaux souterraines est un exemple de
paramètre fondamental pour la sûreté et dont il faut
pouvoir anticiper les évolutions à long terme. L'objectif est
double en la matière : il faut éviter l'inondation des
locaux d'entreposage et à l'inverse, garantir la
récupération des effluents qui pourraient se former dans
l'installation.
La sûreté de l'entreposage dépend évidemment de la
qualité des équipements mais aussi de l'environnement de ceux-ci.
Dans le cas de l'entreposage en surface, avec une casemate type Cascad (cas B),
l'obturation des entrées ou des sorties d'air empêche
l'évacuation de la chaleur résiduelle et compromet la
sûreté. Dans le cas d'une piscine en sub-surface, il est
nécessaire de prévoir, comme dans l'installation CLAB d'Okarshamm
en Suède, la tenue au séisme du bassin d'immersion, ce qui peut
conduire à des dépenses considérables. La surveillance de
l'installation doit donc comprendre la surveillance de l'environnement utile,
ce qui doit conduire à identifier et à équiper en
instruments de contrôle les zones ayant un impact sur la
sûreté du centre d'entreposage.
Au reste, la surveillance des paramètres physiques de l'entreposage pose
en elle-même des questions scientifiques difficiles. En effet, pour
surveiller, il faut définir des seuils d'alerte. Or, par exemple, pour
le moment, on ne connaît pas le comportement à long terme des
combustibles et des gaines. Quels gaz sont susceptibles de se former dans les
assemblages à long terme ? Quelle sera la diffusion de ces gaz dans
les gaines et quel sera leur impact sur la tenue de celles-ci ? Il faudra
donc connaître avec précision le schéma d'évolution
de ces divers matériaux irradiés. Par ailleurs, l'instrumentation
de détection devra avoir une longévité certaine, ce qui
obligera à recourir à des solutions
éprouvées.
L'opposition ou la complémentarité surface - sub-surface
L'entreposage en sub-surface prend deux acceptions principales
à l'étranger. D'une part l'utilisation d'une anfractuosité
naturelle ou non dans un relief préexistant à laquelle on
accède par une rampe horizontale. D'autre part une cavité
artificielle située à une profondeur variant d'une dizaine
à une centaine de mètres.
On peut rajouter une autre variante de la sub-surface. Cette variante est
proche de la configuration des centres de stockage de déchets de faible
et moyenne activité. Il s'agirait d'une tranchée, que l'on
saturerait progressivement et que l'on recouvrirait en fin d'exploitation d'une
couche de terre d'épaisseur significative.
Par rapport à la surface, la sub-surface présente
évidemment une sûreté accrue vis-à-vis des risques
d'intrusion ainsi que de destruction des infrastructures. Ses contraintes
d'exploitation ne sont pas pour autant nulles.
3.3. le prix de la réversibilité
La
réversibilité est une notion séduisante en ce qu'elle
laisse ouvert le champ du possible.
La reprise des combustibles usés et des déchets peut en effet
être nécessaire dans différents cas. Le premier cas est
celui d'une perte de confinement dangereuse pour l'environnement qui obligerait
à reprendre les colis pour mieux les conditionner, par exemple.
Le deuxième cas est celui où la mise au point de nouvelles
techniques de destruction des déchets rendrait possible une diminution
de la radiotoxicité des déchets.
Le troisième cas est celui où les déchets - ou
plutôt les combustibles irradiés dans cette hypothèse -
pourraient voir leur contenu énergétique valorisé parce
que les conditions de marché les rendraient alors compétitifs.
La réversibilité a donc son prix. Mais elle a aussi un coût
important car elle oblige à renforcer les conditions de
sécurité et de sûreté et impose une
durabilité inhabituelle à un ensemble de technologies et
d'équipements.
La réversibilité apparaît comme compliquant la
sécurité, sinon comme contraire à celle-ci. La
réversibilité signifie possibilité de désentreposer
les colis, de réouvrir ces derniers et d'en extraire les matières
radioactives. Des techniques d'interdiction de toutes ces étapes aux cas
non autorisés devraient pouvoir être imaginées mais leur
coût viendra alourdir les coûts d'entreposage.
La réversibilité rend plus complexe également le maintien
d'un niveau de sûreté satisfaisant. Les matrices immobilisant les
radioéléments dans la masse, comme les verres ou mieux les
céramiques, devraient, en bonne logique, être abandonnées,
alors qu'elles sont un puissant élément de sûreté.
La multiplication des barrières serait toujours envisageable, avec
toutefois des risques de contournement de celles-ci ou de fuites, puisque ces
barrières devraient être amovibles.
La réversibilité oblige par ailleurs à une
pérennité des équipements de manutention. Cette
pérennité peut résulter de la robustesse et de la
simplicité des appareils de départ. Elle peut aussi être
obtenue par une maintenance attentive et régulière qui viendrait
obérer les coûts d'exploitation.
Si la réversibilité était considérée comme
une priorité, il faudrait alors délaisser les solutions
sophistiquées et les équipements spécialisés, sauf
à accroître les coûts d'entreposage. Mais dans cette
hypothèse, il apparaît clairement que la simplicité et le
caractère standard des équipements de transport ou de levage ne
militent pas en faveur de la sécurité.
Au final, la réversibilité pourrait favorablement être
limitée dans le temps. Un compromis pourrait être trouvé
avec le coût et la sûreté.
Si l'on prend le cas d'un entreposage en sub-surface avec l'insertion des colis
dans des puits verticaux ou horizontaux, l'on peut imaginer que la
réversibilité soit fonction du taux de remplissage. Dès
qu'un puits serait saturé, il serait obstrué, par exemple avec de
la bentonite. Il en serait de même pour une galerie puis pour un niveau
de stockage, etc. En fonction des dimensions de l'entrepôt, on pourrait
optimiser la réversibilité avec le coût et la
sûreté de l'installation.
En réalité, un optimum devrait pouvoir être
dégagé, pour chaque type d'installation, entre la durée de
la réversibilité, le coût de l'entreposage et le niveau de
sûreté de celui-ci.
3.4. la charge pesant sur les générations futures
Le
débat sur la réversibilité a comme fondement la question
de la charge que la mise en oeuvre de l'énergie nucléaire fait
peser sur les générations futures.
Faut-il résoudre définitivement le problème de la gestion
des déchets, en les stockant d'une manière aussi sûre que
possible et en tout cas irréversible de façon que les
générations futures n'aient, sauf accident, aucune obligation de
gestion, de contrôle et de surveillance ?
Faut-il au contraire préférer une gestion consciente et donc un
suivi permanent de génération en génération pour
surveiller, contrôler et éventuellement reprendre les
déchets si cela présente un avantage ?
La discussion sur ces questions ressort de l'éthique mais elle gagnerait
à être nourrie par une évaluation des coûts des
solutions alternatives. Des calculs de probabilité devraient en outre
pouvoir éclairer la décision en la matière, bien que ce
genre d'exercice soit particulièrement complexe et périlleux.
En définitive, compte tenu des durées moyennes d'activité
des radioéléments présents dans les déchets, il
reste de toute façon à inventer, les moyens de transmettre une
information complète sur les installations d'entreposage ou de stockage
et sur leurs contenus, à l'horizon de plusieurs dizaines de milliers
d'années.
3.5. la nécessité d'éviter des décisions hâtives
La
tentation est grande pour les intervenants ou les observateurs de l'aval du
cycle de se livrer au jeu de l'ordonnance
" minute "
du
docteur ès déchets, en affectant telle catégorie de
déchets à tel type de dépôt, sur la base d'analyses
au demeurant incomplètes en l'état actuel des connaissances.
Vos Rapporteurs en tout cas s'y refusent. Les réflexions
sérieuses sont engagées depuis peu. Il manque encore des pans
entiers de connaissances, notamment sur les durabilités, la
sûreté et les coûts.
Certes, de nombreux pays ont déjà fait des choix clairs en la
matière. Mais l'intervalle de temps qui nous sépare du
rendez-vous de 2006 fixé par la loi du 30 décembre 1991 est
précisément fait pour accumuler les données et
dégager les critères de décision qui permettront une
décision rationnelle à cette date, et seulement à cette
date.
4. Le jeu institutionnel : réussites et débordements
La mise en oeuvre des axes de recherche définis par la loi de 1991 exige des efforts continus de la part d'un nombre important d'opérateurs de la filière nucléaire. Il semble essentiel important à vos Rapporteurs de faire le point sur les stratégies individuelles en la matière et sur la coopération indispensable entre les acteurs. A cet égard, vos Rapporteurs notent avec satisfaction davantage de réussites que de débordements ou d'insuffisances.
4.1. La commission nationale d'évaluation : du jury de thèse au gouvernement mandarinal
La
commission nationale d'évaluation a été instituée
par la loi du 30 décembre 1991. Dans la préparation de cette loi,
l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques a joué un rôle clé qui a été
reconnu unanimement par tous les observateurs du dossier de la gestion des
déchets nucléaires. L'Office parlementaire, par la voix de vos
Rapporteurs, est d'autant plus libre aujourd'hui de signaler une certaine
dérive des pratiques, dérive qui n'est pas, au minimum,
compatible avec l'esprit de la loi.
La loi impose un certain type de rapports entre la commission nationale
d'évaluation, le Gouvernement et le Parlement. Un glissement des
pratiques semble s'être produit, au détriment de l'esprit de la
démarche globale qui a présidé à
l'élaboration de la loi de 1991. Il semble également que la
répartition des rôles des différents acteurs de la
filière nucléaire s'infléchit dans un sens qui n'est pas
souhaitable.
Ce sont ces points qui sont soulignés dans la suite, sans, bien entendu,
qu'il entre dans les intentions de vos Rapporteurs de mésestimer en quoi
que ce soit les apports de la commission nationale
d'évaluation.
La mission fixée par la loi : aider le Gouvernement à informer le Parlement
Dans son
article 4, la loi n° 91-1381 dispose que :
" Art. 4. -
le Gouvernement adresse chaque année au Parlement
un rapport faisant état de l'avancement des recherches sur la gestion
des déchets radioactifs à haute activité et à vie
longue
et des travaux qui sont menés simultanément pour :
- la recherche des solutions permettant la séparation et la
transmutation des déchets radioactifs à vie longue
présents dans ces déchets ;
- l'étude des possibilités de stockage réversible ou
irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment
grâce à la réalisation de laboratoires souterrains ;
- l'étude de procédés de conditionnement et d'entreposage
de longue durée en surface de ces déchets.
A l'issue d'une période qui ne pourra excéder quinze ans à
compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement adressera
au Parlement un rapport global d'évaluation de ces recherches
accompagné d'un projet de loi autorisant, le cas échéant,
la création d'un centre de stockage des déchets radioactifs
à haute activité et à vie longue et fixant le
régime des servitudes et des sujétions afférentes à
ce centre.
Le Parlement saisit de ces rapports l'Office parlementaire des choix
scientifiques et technologiques.
Ces rapports sont rendus publics.
Ils sont établis par une commission nationale d'évaluation
,
composée de :
- six personnalités qualifiées, dont au moins deux experts
internationaux, désignées, à parité par
l'Assemblée nationale et par le Sénat, sur proposition de
l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et
technologiques ;
- deux personnalités qualifiées désignées par le
Gouvernement, sur proposition du Conseil supérieur de la
sûreté et de l'information nucléaires ;
- quatre experts scientifiques désignés par le Gouvernement, sur
proposition de l'Académie des sciences. "
La loi est donc claire sur le processus d'information. Le Gouvernement doit
informer chaque année le Parlement sur les recherches relatives à
la gestion des déchets nucléaires à haute activité
et à vie longue. La commission nationale d'évaluation
établit à cet effet un rapport d'information pour le compte du
Gouvernement. Le Gouvernement transmet ce rapport au Parlement. Le Parlement
saisit l'Office parlementaire.
Une solennité et une séquence symboliques
Première et unique loi - pour le moment - faisant
intervenir
le Parlement dans le processus de décision sur l'énergie
nucléaire, la loi du 30 décembre 1991 instaure une
répartition des rôles à l'intérieur d'un calendrier
précis.
Le contexte du vote de la loi doit être rappelé. La France, tous
responsables confondus, s'était fourvoyée à la fin des
années 80 dans un processus volontariste de création de centres
de stockage souterrains, processus incompatible avec la volonté de
transparence de l'opinion. Le Gouvernement de l'époque avait
sollicité l'intervention du Parlement pour débloquer la situation
et trouver une solution de réconciliation.
L'esprit de la loi du 30 décembre 1991, c'est de dire que, jusqu'en
2006, c'est le temps de la recherche. Jusqu'à cette date, la mission des
acteurs de la filière est d'ouvrir le plus grand nombre possible
d'options. Mais l'esprit de la loi, c'est aussi d'instaurer un dialogue
permanent et une information mutuelle constante entre le Gouvernement et le
Parlement.
C'est le Gouvernement dans sa plénitude qui est concerné et non
une commission d'experts, même créée par la loi.
La loi ne prévoit pas expressément une transmission officielle
semblable à celui du rapport de la Cour des Comptes. Mais son esprit est
exactement le même. Vos Rapporteurs regrettent à cet égard
que les Gouvernements successifs n'aient pas pris l'initiative d'une
transmission solennelle du rapport annuel d'avancement des recherches, selon
une procédure qui aurait facilement pu être élaborée.
Un deuxième constat doit être fait. Une séquence est
introduite par la loi. Le Gouvernement adresse chaque année au Parlement
le rapport d'avancement des recherches. Le Parlement saisit l'Office
parlementaire. Ce rapport est rendu public. Il y a donc lieu de respecter cette
séquence. En toute logique, c'est à la fin de ce processus que la
publication du rapport est autorisée. On peut même y voir la
responsabilité de l'Office parlementaire de publier ce rapport et ceci
sous son timbre.
Comment ne pas voir dans la pratique des choses une dérive par rapport
à la loi quand on lit dans le rapport n° 3 de septembre 1997 la
phrase suivante :
" La Commission a également consacré 9 séances
plénières ou partielles à la rédaction de ce
document qui est présenté aux Ministères et à
l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, le 10
septembre 1997, puis aux acteurs de la loi et à la
presse ".
L'affaire du site granitique : information, évaluation ou décision ?
La loi
du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des
déchets radioactifs dispose que des études seront menées
sur l'étude des possibilités de stockage réversible ou
irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment
grâce à la réalisation de laboratoires souterrains.
Le processus devant aboutir au choix d'au moins deux laboratoires comme le
spécifie la loi en utilisant le pluriel est désormais
achevé. La DSIN a remis le 1
er
décembre 1997 le
rapport final qui rend possible la prise de décision par le Gouvernement.
Il faut bien constater que la commission nationale d'évaluation a, par
son intervention non prévue par les textes, restreint le choix du
possible. Son raisonnement est contesté par l'Andra qui y
décèle une prudence excessive et non fondée et qui
restreint a priori la dimension de la recherche. Ainsi apparaît
posée la grave question de la définition des
responsabilités. L'Andra est-elle maîtresse de ses choix, sur la
base d'une responsabilité de sa direction ou au contraire est-on
insensiblement passé à une situation de cogestion voire à
une mise sous tutelle des organismes du nucléaire ?
Quelle est l'intervention de la commission nationale d'évaluation sur ce
dossier ?
Ni la loi de 1991 ni son décret d'application n° 93-940 du 16
juillet 1993 ne prévoient son intervention directe. Selon la loi de
1991, la mission de la commission nationale d'évaluation est
d'élaborer pour le Gouvernement, un rapport sur l'état
d'avancement des recherches destiné au Parlement.
Mais dans son rapport n° 2 de juin 1996, la commission émet des
réserves sur le site de la Vienne. Dans son rapport n° 3 de
septembre 1997, la commission note que
" en l'absence de concept de
stockage propre à ce site précisant notamment le rôle de la
barrière géologique, les risques de circulation de fluides entre
le granite et les aquifères exploités augmentent
considérablement la difficulté de qualifier ce site particulier
pour un éventuel stockage. [...] L'évaluation de ce site conduit
donc à constater l'existence d'aspects négatifs paraissant
aujourd'hui incontournables et qui amènent la commission à aller
au-delà des réserves qu'elle avait exprimées dans le
rapport n°2 ".
Trois questions se posent :
- La vérité scientifique est-elle établie en ce qui
concerne les éventuelles connections entre les eaux souterraines et les
nappes phréatiques ?
- La DSIN est-elle fondée à invoquer d'autres avis que ceux du
groupe permanent d'experts qu'elle a placée auprès d'elle ?
- L'avis de la commission repose-t-il sur des bases scientifiques objectives ou
sur l'insuffisante préparation du dossier présenté par
l'Andra ?
Un jury de thèse souverain
Les
exemples sont nombreux de rapports tendus entre la commission nationale
d'évaluation et les responsables des recherches sur la loi de 1991.
Dans le cas du choix des sites des laboratoires souterrains, l'Andra,
constatant les réserves émises sur le site de la Vienne
réserves qu'elle estime non fondées et c'est sa
responsabilité et son droit le plus strict essaie sans succès de
dialoguer avec la commission pendant un semestre entier.
D'une manière générale, la communication spontanée
de nombre d'acteurs de la filière se focalise sur la commission, alors
que l'Office doit solliciter les documents, qui lui sont au demeurant fournis
bien volontiers, il faut l'admettre. La formulation des rapports écrits
de la commission revêt un ton abrupt sinon comminatoire. Enfin, ainsi que
cela a été confié à vos Rapporteurs par de
multiples chercheurs, les comparutions devant la commission se déroulent
comme devant un jury de thèse, avec un esprit de jugement et non pas la
volonté de dialogue ou de conseil qu'il conviendrait de trouver et qui
aurait sans doute une efficacité plus grande.
En vérité, pour s'arroger ce rôle de censeur, la commission
s'appuie non pas sur l'esprit de la loi de 1991 mais sur la lettre de sa
dénomination et sur une interprétation abusive du concept
d'évaluation.
L'impossibilité d'un gouvernement mandarinal de la recherche sur les déchets radioactifs
La loi
du 30 décembre 1991 a soigneusement évité l'erreur qui
aurait été de faire intervenir la représentation nationale
dans les décisions quotidiennes de la recherche sur les déchets
radioactifs de haute activité. Trois grands axes ont été
fixés, à charge pour les organismes du secteur de prendre leurs
responsabilités. Compte tenu de l'importance des enjeux, le Parlement
doit seulement, chaque année, être informé de la
progression des recherches par le Gouvernement.
Le découpage la plupart du temps recommandé pour l'organisation
de la recherche comprend trois catégories : l'impulsion, la
décision et le contrôle. La confusion entre les mêmes mains
de deux ou trois domaines connexes est toujours contre productive. Mais la
mission fixée par la loi à la commission n'appartient à
aucun des trois. Le texte de la loi et son esprit attestent qu'il s'agit
seulement pour elle, en dépit de sa dénomination, non pas de
décider ni même de contrôler mais de participer à
l'action d'information du Parlement qui incombe au Gouvernement.
Comment ne pas voir dans la pratique une contradiction quand on lit que le
rapport de la commission s'intitule
" rapport
d'évaluation "
, alors qu'il s'agit pour le Gouvernement de
transmettre au Parlement un
" rapport faisant état de
l'avancement des recherches "
établi par cet
aréopage ?
Par l'audition des responsables de la recherche sur la gestion des
déchets, par la confrontation des idées et la suggestion de
pistes de recherche, la commission nationale d'évaluation a certainement
eu un apport positif ces dernières années. Mais son intervention
sur la conduite des programmes de recherche semble dépasser sa stricte
mission. Il est vrai qu'il n'y a jamais loin du pouvoir d'informer au pouvoir
de décider, en passant par le pouvoir d'influencer.
Il convient donc que la commission s'en tienne au seul rôle
d'enquête et d'information que la loi lui confère.
4.2. le nouvel engagement du CEA
Tout au long de leurs entretiens avec ses représentants et lors des visites de ses installations, vos Rapporteurs ont perçu le dynamisme, la compétence et l'engagement presque vibrant de l'institution en faveur des recherches sur l'aval du cycle. La ligne tracée au CEA est claire et ferme. Si cet organisme incomparable possède une compétence et une réactivité exemplaires, il faudrait ni le surcharger par des demandes trop nombreuses ni le priver de sa marge d'action par des exigences trop pressantes.
-
• un réel effort intellectuel et budgétaire
Les moyens financiers et humains alloués par le CEA à la recherche sur les 3 axes de la loi du 30 décembre 1991 ont été presque multipliés par deux depuis le vote de cette loi. En 1998, 616 chercheurs travaillent sur ces domaines. Le budget total de 1998 atteint 770 millions de F, dont 129 pour les investissements. Le tableau suivant illustre l'importance relative des trois axes.
Tableau 49 : évolution des moyens humains et financiers du CEA consacrés aux recherches de la loi de 1991 110( * )
nbre de chercheurs - millions de F |
effectifs |
budget total |
investissements |
|||
1991 |
1998 |
1991 |
1998 |
1991 |
1998 |
|
Axe 1 : séparation-transmutation |
102 |
265 |
132 |
359 |
31 |
90 |
Axe 2 : stockage réversible ou irréversible en couche profonde |
49 |
102 |
53 |
113 |
9 |
8 |
Axe 3 : conditionnement et entreposage de longue durée en surface |
176 |
250 |
201 |
298 |
28 |
31 |
Total |
327 |
616 |
385 |
770 |
68 |
129 |
La faiblesse des moyens alloués à l'axe 2 s'explique par le fait que c'est l'Andra qui pilote les recherches dans ce domaine.
Une surcharge et une urgence préjudiciables à de bonnes décisions
Il
paraît important de souligner le fait que le CEA se trouve aujourd'hui
pressé, sans doute trop pressé, de prendre des décisions
dans des délais très courts sur des sujets au demeurant complexes
et importants pour son avenir. Ainsi, en ce qui concerne le futur
réacteur d'irradiation Jules Horowitz (RJH), le CEA pourrait être
tenté de vouloir atteindre des objectifs trop nombreux, à savoir
de disposer grâce à ce même réacteur d'une source de
neutrons thermiques mais aussi d'une source de neutrons rapides. Le CEA
pourrait dès lors être conduit à choisir une configuration
complexe qui ferait déraper le coût de cet équipement
lourd. Le coût du RJH est situé pour le moment situé dans
une fourchette de 2 à 3 milliards de F.
Sur un autre plan et du fait d'une accélération du processus de
décision, le CEA semble être obligé de prendre parti sur
les réacteurs hybrides dans des délais trop restreints. Il est
vrai que l'arrêt de Phénix à la fin de l'année 2004
privera la France de sa dernière source de neutrons rapides, source
indispensable pour les études de transmutation. Mais de toute
façon l'échéance d'un éventuel réacteur
hybride est 2010.
Même si le calendrier des opérations devant conduire à la
décision d'un démonstrateur prévoit que le choix des
options n'interviendra qu'en 2000, on peut se demander non seulement si le
sujet peut valablement mûrir en deux ans mais surtout s'il sera possible,
dans l'intervalle, d'évaluer correctement son apport pour les
études de transmutation. Enfin, la question peut être posée
de savoir, du fait d'une accélération du processus de
décision, si le CEA a les moyens humains et financiers d'entreprendre
simultanément la réalisation de deux réacteurs de cette
taille, même si le projet de réacteur hybride doit s'inscrire dans
une coopération internationale.
4.3. l'Andra, un organisme qui doit affirmer sa compétence scientifique
En
créant l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs
(Andra), le législateur a voulu officialiser l'importance de ce sujet
pour l'avenir de l'aval du cycle et créer un organisme responsable
destiné à devenir l'interlocuteur de l'ensemble des
opérateurs de la filière.
Pour atteindre les objectifs que la loi lui a fixés, l'Andra assume la
responsabilité de maître d'ouvrage scientifique. A ce titre,
l'agence définit et contrôle les programmes de recherche
nécessaires à l'évaluation des possibilités de
stockage sur les sites géologiques étudiés. L'Andra
mobilise des compétences scientifiques externes par exemple pour
réaliser des reconnaissance géologiques, pour élaborer des
concepts de stockage ou préparer des programmes expérimentaux
pour les futurs laboratoires souterrains.
L'Andra se présente ainsi comme un maître d'ouvrage scientifique
qui confie la responsabilité de contrats de recherche à des
organismes tels que le CNRS, le BRGM et le CEA. Pour autant, l'Andra compte
parmi son personnel plus de 70 chercheurs et ingénieurs,
spécialistes des sciences de la terre, de la sûreté ou de
l'ingéniérie.
Il est évident que l'Andra ne peut avec ses propres moyens couvrir tout
l'éventail des compétences scientifiques. Sa position de
" maître d'ouvrage scientifique "
est donc la seule
viable pour cet organisme au demeurant récent dans le paysage technique
français. Il semble toutefois que pour renforcer la
crédibilité des solutions qu'il propose et qu'il proposera
à l'avenir, il lui soit nécessaire de développer une
compétence propre dans un domaine scientifique et technique.
Peut-être faudrait-il que l'Andra définisse un champ de recherche
en ligne avec ses points forts actuels et développe un savoir-faire sans
équivalent, ce qui lui permettrait de débattre dans de meilleures
conditions avec ses partenaires.
5. Optimiser la durée et les coûts
Alors
que les opérateurs du cycle du combustible s'étaient mis dans une
impasse à la fin des années 80, en supposant acquis le
consentement des populations à l'enfouissement des déchets
radioactifs à haute activité et à vie longue, la loi du 30
décembre 1991 a permis de donner un temps de respiration et de
réflexion à la collectivité nationale pour choisir le
meilleur mode de gestion des déchets nucléaires.
Le laps de temps de 15 ans introduit pour pousser les recherches et informer le
public pourrait paraître, en première analyse, comme un temps
d'arrêt ou d'indécision prononcée, alors que certains pays
ont progressé rapidement dans la recherche et l'adoption d'une
organisation particulière de l'aval du cycle du combustible.
En réalité, il n'en est rien. L'unité de temps du
nucléaire, c'est le demi-siècle. Cette durée correspond
à la durée de vie probable des centrales nucléaires de la
première génération. C'est le temps qu'il aura fallu
attendre entre la conception des premiers réacteurs à eau
pressurisée et la mise au point du réacteur européen du
futur EPR.
A l'intérieur de l'étape de 15 ans fixée par la loi de
1991, des progrès considérables ont déjà
été faits non pas tellement sur la mise au point de solutions
opérationnelles que sur le recensement des enjeux, des
problématiques et sur la définition de l'approche qu'il faudra
retenir le moment venu.
Vos Rapporteurs estiment toutefois que le temps est venu
d'accélérer l'allure. Il convient d'optimiser l'intervalle de
temps qui nous sépare du rendez-vous de 2006 fixé par la loi.
Pour ce faire, les dates fondamentales des prochaines décennies doivent
être connues de tous. Le temps restant de 7 années doit être
utilisé à plein pour poser les problèmes fondamentaux. Un
recensement des dates clés est effectué dans la suite pour
contribuer à la transparence du futur.
Par ailleurs, une démarche novatrice doit être introduite dans le
domaine de l'aval du cycle.
Il fut un temps où, pour se rapprocher de l'indépendance
énergétique, le recours à l'énergie
nucléaire a été décidé dans l'urgence. Cette
situation est derrière nous. L'électricité
nucléaire, ressource nationale inespérée, a donné
à la France une marge de manoeuvre économique précieuse
pour la bonne tenue de son commerce extérieur. Aujourd'hui, l'ouverture
du marché de l'électricité oblige à un nouvel
effort de compétitivité l'électricien national. Il est
temps d'introduire avec un poids accru les raisonnements économiques
pour valider des choix techniques et industriels du nucléaire.
Les développements qui suivent ne constituent qu'une esquisse
d'ébauche de la démarche que vos Rapporteurs voudraient
développer dans une future étude.
5.1. les rendez-vous essentiels
L'avenir d'un outil industriel de la taille et de l'importance économique du nucléaire se prépare en anticipant de très loin - c'est-à-dire une dizaine d'années en avance - les évolutions nécessaires. La démarche de la loi de 1991 est progressive. Elle vise à préparer les décisions par la mise au point d'un corpus de connaissances et de méthodes qui permettront des décisions non seulement rationnelles mais aussi respectueuses des attentes souvent contradictoires de nos concitoyens. Il s'agit de se préparer à résoudre des problèmes incontournables comme la mise à disposition d'outils de recherche, l'éventuel renouvellement du parc nucléaire ou la saturation des entreposages.
la démarche progressive de la loi de 1991 :
La
démarche de la loi de 1991 est une démarche progressive voire
progressiste. La loi a recensé, avec l'aide des scientifiques,
l'ensemble des pistes de recherche susceptibles d'apporter une solution au
problème de la gestion des déchets radioactifs à haute
activité et à vie longue. La loi oblige ensuite la
collectivité à un effort programmé de recherche. Il s'agit
sans doute d'un exemple unique où la foi dans la recherche est inscrite
concrètement dans la loi.
L'esprit de la loi, vos Rapporteurs ne le répéteront jamais
assez, est de ne fermer aucune porte, y compris celle du stockage profond.
Cette dernière ne saurait désormais être
considérée comme la solution satisfaisante entre toutes. Au
contraire, c'est la solution de rattrapage dont il faut pouvoir disposer, au
cas où toutes les autres s'avéreraient trop coûteuses ou
trop aventureuses.
Vos Rapporteurs insistent sur le fait qu'au contraire de ce que quelques-uns
veulent laisser croire, rien ne démontre pour l'instant que le stockage
profond représente une solution obscurantiste, à laquelle on
opposerait les voies iréniques de la transmutation intégrale ou
du
" provisoire définitif ".
Mais pour vos Rapporteurs, se préoccuper des générations
futures ne signifie pas qu'il faut prendre des décisions
immédiates dès lors qu'elles ne seraient pas fondées. Il
ne s'agit pas non plus de ne rien faire et d'opter pour un immobilisme qui,
paradoxe, serait considéré avec plus de faveur qu'une
démarche responsable. Selon la formule classique, dans le domaine de la
gestion des déchets radioactifs à haute activité et
à vie longue comme dans toute activité humaine, l'avenir
s'inventera en marchant, c'est-à-dire au fur et à mesure des
échecs et des avancées des travaux menés, comme c'est le
cas en France, avec talent et détermination par des chercheurs et
ingénieurs dévoués à leur mission.
quelques défis incontournables à relever en temps et en heure
Les échéances capitales ou les périodes critiques sont nombreuses pour les cinquante prochaines années dans le domaine de l'électricité nucléaire. Les deux schémas suivants recensent quelques dates d'un basculement possible vers une l'incohérence ou la faillite programmée d'une filière qui a contribué d'une manière décisive à l'amélioration du niveau de vie des Français. On distingue les dates clés concernant les réacteurs de celles relatives au cycle du combustible.
Figure 22 : principales échéances pour les réacteurs nucléaires
2000 2005
2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040
RNR
2 ème génération des RNR
fin
2004
arrêt
Phénix
début
PX
pleine
2010
entrée en service
réacteur hybride
charge
entrée
2006
entrée
en service
RJH
2015
arrêt
probable
de
Fessenheim
REP
2010
décision
remplacement
REP
Calendrier EPR selon projections EDF
renouvellement du parc EDF
2003
1
er
béton
EPR
1999
décision
commande
EPR
2009
mise en
service
du 1
er
EPR
Pour les recherches sur l'axe 1 de la loi de 1991, l'enjeu majeur des 7 années qui nous séparent du rendez-vous de 2006, c'est l'arrêt définitif de Phénix programmé pour la fin de l'année 2004. Le CEA indique qu'il recourra alors aux sources de neutrons rapides de ses partenaires étrangers et aux services de son nouveau réacteur d'irradiation, le RJH, pour continuer ses études sur la transmutation. On peut toutefois estimer qu'il y aura alors, à compter de 2006, suite à l'arrêt de Superphénix, un vide de 4 ans au minimum pour continuer des recherches ou valider des résultats, à condition toutefois qu'un futur réacteur hybride optimisé pour l'incinération des déchets voit effectivement le jour à la date prévue de 2010.
Une autre échéance fondamentale pour l'aval du cycle est celle de la construction d'une tête de série EPR. C'est en effet tout l'équilibre de l'aval du cycle qui est conditionné par la capacité de l'EPR à utiliser le stock de plutonium en en produisant moins qu'il n'en consomme. Il est en l'occurrence indispensable qu'une décision soit prise dès l'année prochaine afin qu'un EPR non seulement soit opérationnel mais aussi ait accumulé un retour d'expérience suffisant, au moment, en 2010, où commencera le processus d'instruction du renouvellement éventuel du parc nucléaire.
Mais
d'autres décisions constituent des échéances capitales
pour l'aval du cycle. Les observateurs avertis voient la période
2020-2030 comme la période névralgique des prochaines
années. C'est à partir de cette année en effet que les
réflexions sur un éventuel renouvellement des installations de La
Hague devront prendre un tour très concret.
En effet, c'est à cette occasion que sera éventuellement
amendée la règle structurante pour tout l'aval du cycle, du
rendement de l'extraction du plutonium dans les solutions de retraitement.
Que la décision soit prise d'admettre un certain pourcentage (par
exemple 2 à 3 %) de plutonium dans les déchets de retraitement,
et c'est tout l'équilibre économique du cycle qui serait à
terme modifié, avec une baisse corrélative du coût du
retraitement, donc du plutonium et du Mox, dont l'intérêt
croîtrait pour EDF en termes de fournisseur d'énergie.
Enfin la rétroaction des décisions sur les quantités
retraitées est manifeste sur les marges d'entreposage, avec des
échéances très précises, selon les cas (voir figure
suivante).
2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040
2006
Parlement
débat sur aval du cycle
loi éventuelle
sur création
d'un stockage
souterrain
2025 : éventuellement mise en service actif du centre de stockage souterrain
2030
arrêt
installation
actuelle
de La Hague
2020
décision
éventuelle
renouvellement
La Hague
2018 :
saturation
piscines La Hague
si retraitement à 850 t/an
2008 : saturation
piscines La Hague si
retraitement à 550 t/an
2004 : saturation piscines La Hague
si arrêt retraitement
5.2. remettre à l'honneur la rationalisation des choix d'investissement
L'analyse de la rentabilité de dépenses de
recherche
est un exercice par essence délicat. La recherche a pour but d'ouvrir de
nouvelles voies et pour ce faire, il est indispensable d'investir des moyens
dans des travaux dont on ne peut savoir à l'avance s'ils
déboucheront sur des résultats valorisables.
L'évaluation économique directe des efforts conduits pour
l'application de la loi de 1991 est d'autant plus difficile que l'on se trouve
actuellement à mi-parcours du temps imparti. De surcroît, la
pratique française dans la recherche et le développement sont
souvent de considérer le chiffrage a priori des dépenses
nécessaires et l'évaluation a posteriori de leur utilité
comme une question d'intendance sans intérêt par rapport aux
progrès à apporter à la connaissance.
C'est pourquoi, bien qu'ils aient trouvé, auprès de leurs
interlocuteurs, le meilleur accueil à leurs demandes de
précisions budgétaires, vos Rapporteurs ne se risqueront pas dans
le cadre du premier tome de ce rapport à donner des chiffres
définitifs, c'est-à-dire précis et exhaustifs, sur les
dépenses actuellement faites. Mais quelques ordres de grandeur peuvent
néanmoins être fournis, en précisant qu'il s'agit de
données fragmentaires et dont les bases nécessiteraient
d'être explicitées et vérifiées.
Le tableau suivant donne à cet égard les coûts de
fonctionnement et d'investissement approximatifs de quelques programmes
relatifs à la loi de 91.
installation |
fonctions-modalités |
budget annuel |
coût d'investissement - études et construction |
Axe 1 : séparation- transmutation |
|||
budget CEA |
recherches sur la séparation et la transmutation |
359 millions de F (1998) |
90 millions de F (1998) |
Atalante |
laboratoire de recherche et développement de procédés sur la séparation |
une part substantielle du budget CEA axe 1 correspond aux travaux conduits les 212 chercheurs |
investissement cumulé de 1,5 milliard de F sur la période
1984-1998
|
démonstrateur européen de réacteur hybride |
réacteur spécialisé dans les études sur la transmutation |
nd |
2 à 3 milliards de F, dont 50 % à la charge de la France 111( * ) |
réacteur Jules Horowitz |
réacteur d'irradiation pour la recherche adapté aux études sur la transmutation |
nd |
¼ du montant total d'un investissement de 2 à 3 milliards de F 112( * ) |
Axe 2 : stockage profond réversible ou irréversible |
|||
budget CEA |
|
113 millions de F (1998) |
8 millions de F (1998) |
budget Andra |
|
323 millions de F (1997) |
|
Laboratoires souterrains de l'Andra sur les 3 sites de Bure, Marcoule et La Chapelle-Bâton |
laboratoires d'étude du stockage réversible ou irréversible en couches géologiques |
728 millions de F par an en moyenne sur la période 1998-2006 pour les 3 laboratoires |
2,694 milliards de F |
Axe 3 : conditionnement et entreposage de longue durée en surface ou en sub-surface |
|||
budget CEA |
conditionnement et entreposage en surface |
298 millions de F (1998) |
31 millions de F (1998) |
base de référence : Cascad - CEA Cadarache |
entreposage à sec de combustibles usés
|
8 millions de F (frais de personnel inclus) |
100 millions de F |
base de comparaison : CLAB (Suède) |
entreposage en sub-surface de combustibles irradiés
|
9,3 millions de F par an |
5, 5
milliards de F
|
Ces
éléments partiels doivent être mis en regard des
évaluations globales dont on dispose sur le coût de l'aval du
cycle. Selon certaines sources, au demeurant bien peu nombreuses, l'ordre de
grandeur du coût d'investissement pour l'aval du cycle serait pour les
quatre prochaines décennies de la centaine de milliards de francs. La
marge d'incertitude serait très grande, dépendant des options qui
seront ouvertes par la recherche. Les incertitudes majeures sont les
suivantes : l'ouverture ou non d'un centre de stockage en profondeur, le
renouvellement ou non des installations de La Hague, la construction ou la
non-construction de réacteurs d'incinération des actinides
mineurs. La base de référence reste toutefois le coût de
production des 400 TWh produits annuellement en France, qui est aussi de
l'ordre de la centaine de milliards de F.
On estime à l'heure actuelle que le coût de gestion de l'aval du
cycle représente 5 à 10 % du coût du kilowattheure. Avec
une gestion intégrée et complète de l'ensemble du cycle,
la dépense devrait passer à environ 20 % du coût total.
Ce coût est évidemment à comparer à celui de la
gestion des déchets produits dans d'autres filières
énergétiques.
On ne dispose évidemment pas, pour le moment, de chiffres relatifs au
coût de la nuisance occasionnée par le gaz carbonique. Ce
chiffrage essentiel pour évaluer la compétitivité globale
de l'électricité nucléaire reste à faire et restera
sans doute longtemps dans l'ombre, compte tenu de la puissance des
intérêts pétroliers en jeu.
La seule base de comparaison dont on peut faire état est celle du
coût de désulfuration d'une centrale thermique à charbon
qui est de l'ordre de 10 à 20 % du coût du kWh produit. L'aval du
cycle nucléaire représenterait donc une dépense d'un ordre
de grandeur parfaitement acceptable.
En tout état de cause, vos Rapporteurs estiment que des études
économiques complètes doivent désormais être
inscrites au premier rang des priorités de tous les acteurs de l'aval du
cycle, et bien entendu, souhaitent les encourager.
Conclusion
Comment
produire l'électricité sans le nucléaire, en France et en
Europe ? Pour nos pays, la question n'a pas de solution à court
terme. Elle n'en a pas non plus à moyen terme, si l'on veut respecter
les engagements pris à Kyoto de réduire de 8 % à l'horizon
2008-2012 les émissions de gaz à effet de serre. Car la
montée en régime des énergies renouvelables va prendre du
temps et plafonner en raison des leurs contraintes techniques et de leurs
coûts. Indispensable dans nos pays développés,
l'électricité nucléaire le deviendra également dans
les pays en développement, où les besoins en énergie vont
exploser avec le développement économique. Pour vos Rapporteurs,
le dilemme est le suivant : déchets nucléaires ou changement
climatique.
C'est dans ce contexte que des échéances capitales se profilent
à l'horizon pour la filière nucléaire
française : le rendez-vous de 2006 fixé par la loi du 30
décembre 1991 pour décider de l'organisation de la gestion des
déchets radioactifs à haute activité et à vie
longue et le renouvellement du parc nucléaire.
Dans son rapport de mars 1996 sur les déchets civils, votre Rapporteur insistait sur le besoin de cohérence dans l'aval du cycle. Il semble que, dans la droite ligne de cette recommandation, il soit nécessaire de rappeler, à la mi-temps du délai instauré par la loi, les règles du jeu aux différents protagonistes.
Il est
malheureusement clair qu'aujourd'hui les acteurs de la filière
nucléaire sont soumis à des influences trop nombreuses.
Pendant des décennies, les grands choix de la filière
nucléaire ont été faits sous l'emprise de l'urgence par
des cercles restreints, sans consultation de la représentation
nationale, voire sans transparence vis-à-vis de l'opinion.
Voici venu le temps de la sollicitation tous azimuts des organismes de la
filière nucléaire. Pressés de toute part de
répondre à des demandes provenant de cercles divers -
habilités ou non à recueillir l'information ou à orienter
des programmes - il ne faudrait pas qu'ils n'aient plus le temps de faire leur
métier ou qu'ils cèdent à des fausses urgences.
Le cas du CEA est à cet égard éclairant. Il vient
d'encaisser, avec la fermeture de Superphénix, un coup d'arrêt sur
son programme d'expérimentation sur les réacteurs à
neutrons rapides de grande puissance. Le voici maintenant pressé de
définir dans l'urgence son futur réacteur d'irradiation,
destiné à la recherche fondamentale, en essayant d'en faire aussi
une machine à neutrons rapides, ce qui n'était pas du tout
prévu au départ. Simultanément, le soufflé
médiatisé des réacteurs hybrides prend une ampleur telle
qu'il lui faut aussi prendre parti sur les caractéristiques d'un
réacteur hybride européen dont les contours et le coût sont
aussi flous que sont nombreuses les écoles de pensée ou les
stratégies budgétaires des organismes concernés.
Le temps de la recherche n'est pas celui de l'année calendaire ou de
l'exercice comptable. Les coups de barre à intervalles trop
rapprochés, surtout quand ils sont peu ou totalement non fondés,
sont nuisibles au bon déroulement d'un programme de recherche
fondamentale et même de recherche appliquée.
La confusion des rôles est aussi un grand danger qui guette la
deuxième mi-temps de la période de 15 ans instaurée par la
loi du 30 décembre 1991. Les glissements progressifs de la commission
nationale d'évaluation dans l'exécution de la partition qui lui
est confiée, en sont un exemple.
L'opacité des décisions a été longtemps la
règle dans le nucléaire et est uniment dénoncée et
regrettée. La transparence s'installe peu à peu, grâce en
particulier à l'action persévérante et même
inlassable de l'Office parlementaire d'évaluation des choix
scientifiques et technologiques.
Il ne faudrait pas qu'après le temps de l'opacité, vienne le
temps de l'obscurité, où, sous l'action de quelques conseillers
et de lobbies occultes tout aussi simplificateurs que ne l'étaient les
nucléocrates en leur temps, s'élaborent des choix tronqués
déconnectés des responsabilités concrètes et de la
nécessaire transparence démocratique.
Laissons les acteurs de la recherche jouer leur rôle. Informons
clairement nos concitoyens sur les enjeux de la gestion des déchets, au
fur et à mesure qu'ils sont dévoilés par des études
aussi complètes que possible.
Réfléchissons aussi dès aujourd'hui sur les
critères de décision, en particulier économiques, dont la
représentation nationale devra disposer en 2006 pour faire face à
sa responsabilité écrasante mais assumée avec courage de
décider de l'organisation de la gestion des déchets radioactifs
à haute activité et à vie longue.
RECOMMANDATIONS DES RAPPORTEURS
Les
Rapporteurs insistent sur la nécessité de :
1. Autoriser le passage à 28 tranches de centrales moxées dans
des délais rapides
2. Etudier les coûts du stockage profond
3. Mettre en place une procédure assurant la reprise par les
électriciens étrangers de leurs stocks de plutonium dans les
meilleurs délais
4. Eviter les solutions hâtives pour le réacteur Jules Horowitz
et le projet de réacteur hybride
5. Concevoir un EPR fonctionnant au combustible Mox
6. Préciser le concept et les coûts d'entreposage des
combustibles irradiés non retraités
EXAMEN DU RAPPORT PAR L'OFFICE
Le
présent rapport a été examiné par les
députés et les sénateurs membres de l'Office lors de la
réunion qui s'est tenue à l'Assemblée nationale le
mercredi 10 juin 1998.
A l'issue de l'exposé par M. Christian Bataille et M. Robert Galley des
conclusions de leur rapport, M. Jean-Yves Le Déaut, député
et président de l'Office a félicité les Rapporteurs de
traiter des questions nouvelles relatives à la gestion des
déchets radioactifs à haute activité et à vie
longue et de montrer quelles sont les réflexions et les décisions
prises à l'étranger. M. Jean-Yves Le Déaut a
insisté sur le parallélisme nécessaire entre la
démarche de création de laboratoires souterrains et la reprise
par les électriciens étrangers des déchets issus du
retraitement de leurs combustibles.
Mme Michèle Rivasi, députée, a remercié les
Rapporteurs d'avoir obtenu la transparence sur les flux de plutonium et
souhaité que leur étude soit approfondie dans le domaine des
coûts, de façon à permettre des choix pertinents, non
seulement sur le plan technique mais aussi sur le plan économique. Mme
Rivasi a également insisté sur la nécessité de
porter en pleine lumière le problème des
réexpéditions du plutonium et des déchets correspondant
aux combustibles étrangers.
Mme Rivasi a proposé une réflexion portant sur la création
d'une structure pluripartite qui aurait pour mission de dégager les
implications financières d'éventuelles décisions sur le
cycle du combustible.
M. Bataille a alors rappelé que l'Office n'est pas une structure de
décision mais de proposition.
M. Yves Cochet, député, a indiqué qu'il ne pourrait voter
en faveur du rapport, en raison des prises de position en faveur du
nucléaire énoncées dans l'avant-propos. Pour autant, de
son point de vue, les Rapporteurs ont eu raison de se pencher sur la question
du plutonium, qui est actuellement une question décisive, en raison de
ses implications militaires et diplomatiques. Il s'est également
interrogé sur l'intérêt de continuer à retraite le
combustible irradié et sur les possibilités réelles de
transmutation des déchets.
M. Cochet, député, a également relevé que le
rapport soulève nombre de questions pertinentes sur les chances de
succès de certains travaux de recherche menés en application de
la loi du 30 décembre 1991.
En réponse à une remarque de M. Cochet, M. Bataille a
précisé qu'il n'avait jamais caché dans ses rapports
successifs que les formations géologiques étudiées dans
les laboratoires souterrains pourraient devenir, si le Parlement le
décidait en 2006, des sites d'accueil pour les centres de stockage des
déchets nucléaires.
M. Claude Gatignol, député, a souligné
l'intérêt du rapport et a souligné son opportunité,
alors que l'industrie nucléaire civile aborde un moment important de son
histoire.
M. Gatignol a estimé que si le stockage en couches géologiques
s'avérait inévitable, ce serait, somme toute, un
inconvénient limité par rapport aux effets très positifs
de l'énergie nucléaire quant à la lutte contre l'effet de
serre.
M. Bataille précise alors que c'est grâce aux laboratoires
souterrains prévus par la loi du 30 décembre 1991 que l'on pourra
évaluer l'intérêt et les limites du stockage souterrain.
M. Serge Poignant, député, a noté que le rapport contribue
à l'émergence d'une vision d'ensemble de la problématique
de l'aval du cycle. Il approuve l'idée selon laquelle, malgré
l'importance des décisions à prendre, des décisions trop
rapides sont à éviter.
Les Rapporteurs ayant indiqué que le temps leur avait manqué pour
approfondir l'analyse des coûts des recherches et des ébauches de
solution pour la gestion des déchets radioactifs à haute
activité et à vie longue, l'ensemble des membres de l'Office
présents donnent leur approbation à la poursuite de
l'étude et à la publication d'un deuxième tome.
En application de l'article 32 du Règlement intérieur de
l'Office, les membres de la Délégation ont décidé
à la majorité d'autoriser la publication du présent
rapport.
ANNEXE 1
PERSONNALITES AUDITIONNEES
Secrétariat d'Etat à l'Industrie :
M. C. MANDIL Directeur général de l'Énergie et des
Matières Premières, Secrétariat d'État à
l'Industrie
M. P. KAHN Chef du Service des Affaires Nucléaires
Ministère de l'Aménagement du Territoire et de
l'Environnement :
M. B. LAPONCHE Conseiller technique
M. P. VESSERON Directeur de la Prévention des Pollutions et des Risques,
Ministère de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement
ANDRA :
M. Y. KALUZNY Directeur général
M. E. BOISSAC Directeur de la Communication
CEA
:
M. Y. d'ESCATHA Administrateur général
M. B. BARRÉ Directeur des Réacteurs Nucléaires
M. N. CAMARCAT Directeur du Cycle du Combustible
M. P. BERNARD Directeur du Programme loi du 30 décembre 1991
M. B. BOULLIS Responsable du programme SPIN et du programme Retraitement
à moyen-long terme
M. J-C PERRAUDIN Direction de la Communication
M. R. PELLAT Haut Commissaire à l'Energie Atomique
CEA-Marcoule :
M. GUILLAMOT Directeur du CEA-Marcoule
M. COURTOIS Directeur du DRRV
M. LHOMME Directeur adjoint de la DRN
M. ELIE Chef du département de la centrale Phénix
CEA-Cadarache :
M. de la GRAVIERE Directeur du CEA Cadarache
M. MARTIN-DEIDIER Chef du DSD
M. IRACANE Chef du projet ETLD
M. COSTA Adjoint au directeur de la DRN
M. BONNET Chef du DEC
M. BATTESTI Chef de l'INB Cascad
CNRS - IN2P3 (
Institut National de Physique Nucléaire et de
Physique des Particules - institut national du CNRS)
:
M. C. DÉTRAZ Directeur
COGEMA
:
M. J. SYROTA Président-Directeur général
M. J-L RICAUD Directeur de la Branche Retraitement et de la Branche Industrie
M. PRADEL Directeur adjoint de la Branche Retraitement
DSIN :
M. A-C LACOSTE Directeur de la Sûreté des Installations
Nucléaires
M. P. SAINT RAYMOND Directeur-Adjoint
EDF :
M. P . DAURES Directeur général
M. B. DUPRAZ Directeur adjoint de la Production et du Transport, Responsable
de l'exploitation du parc nucléaire
M. ESTÈVE Sous-Directeur délégué aux Combustibles,
chef du service Combustible
M. G. MENJON Directeur des Etudes et de la Recherche
M. B. TINTURIER Contrôleur général
M. E. EUGENE Direction de la Communication
FRAMATOME :
M. J-P LANNEGRACE Directeur général adjoint et Directeur du
combustible nucléaire
M. A. VALLÉE Directeur technique et Qualité Groupe
M. J-M FRANKEL Adjoint du Directeur du Combustible
ANNEXE 2
Glossaire des sigles et termes techniques utilisés
actinides mineurs |
éléments de numéro atomique compris entre 89 et 103 de la classification de Mendeleiev. Les actinides majeurs sont l'uranium et le plutonium. Les autres actinides sont dits actinides mineurs et comprennent notamment l'américium, le neptunium et le curium formés dans les combustibles irradiés. |
activité |
nombre de désintégration par unité de temps qui à un instant donné se produit dans une source radioactive - unité : becquerel |
AEN-OCDE |
Agence de l'énergie nucléaire de l'OCDE |
AGR |
Advanced Gas cooled Reactor : réacteur de conception anglais - le Royaume Uni en possède 14 en fonctionnement |
AIEA |
Agence internationale de l'énergie nucléaire - située à Vienne, cette agence intergouvernementale fait partie de la galaxie de l'ONU |
ANDRA |
Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs |
Becquerel |
unité d'activité pour un élément radioactif : nombre de désintégration par seconde |
CNE |
Commission Nationale d'Evaluation créée par la loi du 30 décembre 1991 - " le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport faisant état de l'avancement des recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue [...]. Le Parlement saisit de ces rapports l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Ces rapports sont rendus publics. Ils sont établis par une commission nationale d'évaluation composée de ... " |
DOE |
Department of Energy - équivalent de ce que serait en France un Secrétariat d'Etat à l'Energie |
dose absorbée |
énergie cédée par le rayonnement à l'unité de masse de la matière exposée - unité : le gray |
EPR |
European Pressurized Reactor : projet franco-allemand de réacteur à eau pressurisée du futur développé par Framatome et Siemens réunis au sein de la société NPI |
équivalent de dose |
produit de la dose absorbée par un facteur Q tenant compte à faible dose de la nocivité relative des rayonnements - unité : Sievert (Sv) ; autre unité utilisée auparavant : le rem (1 Sv = 100 rem) |
équivalent de dose efficace |
somme des équivalents de dose reçus par les organes et les tissus pondérés pour obtenir le risque sanitaire global - unité : le Sievert |
Gray |
unité de dose : quantité d'énergie absorbée par la matière : 1 joule par kilogramme |
GW |
unité de puissance installée - exemple : la France a un parc installé de 60 GW environ |
h.Sv |
unité de dose collective : exprime le total des doses de radioactivité reçues par une population donnée |
limite annuelle d'incorporation de dose |
la réglementation fixe pour chaque radioélément des limites annuelles d'incorporation par ingestion ou inhalation (LAI). Elles sont exprimées en becquerels |
mSv/an |
unité de débit d'équivalent de dose |
Mox |
Mixed Oxide Fuel |
MWj/t |
mégawattjour par tonne : unité exprimant le taux de combustion d'un combustible nucléaire |
période |
la période radioactive est le temps nécessaire pour qu'une quantité donnée de matière radioactive perde la moitié de sa radioactivité. En 2 périodes, la radioactivité tombe à ¼ de son niveau initial. En 10 périodes, elle tombe à 1/1000 ème . En 20 périodes, elle tombe à environ 1/1 000 000 ème . |
produits d'activation |
radioéléments formés par irradiation des gaines de combustible, des embouts et autres matériaux de structure des réacteurs nucléaires |
produits de fission |
les deux noyaux formés après la fission de l'uranium ou du plutonium ainsi que leurs descendants sont appelés produits de fission |
réacteur hybride |
réacteur nucléaire sous-critique dans lequel un flux extérieur de neutrons additionnels est inséré ; ce flux de neutrons est créé par spallation |
REN |
réacteur à eau naturelle par opposition au réacteur à eau lourde |
REP |
réacteur à eau pressurisée - exemple : les réacteurs du parc EDF |
RJH |
projet de réacteur d'irradiation du CEA |
séparation |
opération chimique consistant à isoler les corps simples d'un mélange |
sievert |
unité de dose absorbée
pondérée d'un
facteur Q et exprimant le risque relatif correspondant à la
qualité du rayonnement qui l'a délivré. Q est fonction du
nombre de paire d'ions créés par unité de longueur le long
de la trajectoire de la particule provoquant l'ionisation. On a l'expression
suivante :
|
spallation |
phénomène de libération de neutrons par un faisceau de particules à haute énergie, par exemple des protons, percutant une cible constituée d'un métal lourd, par exemple le plomb |
transmutation |
dans le cas des déchets radioactifs à haute activité, opération de transformation des radionucléides à vie longue dans des noyaux stables, en transitant éventuellement par des corps à durée de vie nettement plus courte |
TWh |
térawattheure : unité de production d'électricité ; 1 TWh = 10 12 wattheure ou 10 9 kilowattheure ; exemple : la production annuelle française d'électricité nucléaire est de l'ordre de 400 TWh |
UNGG |
uranium naturel graphite gaz : première génération des réacteurs nucléaires français fonctionnant avec de l'uranium naturel comme combustible, du graphite comme modérateur et du gaz carbonique comme caloporteur |
vie longue |
un radioélément est considéré comme étant à vie longue lorsque sa période est supérieure à 30 ans et inférieure à 1 milliard d'années. En dessous de 30 ans, il est considéré comme étant à vie courte. Au-dessus d'un milliard d'années, il est considéré comme stable. |
1 Loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs.
2
C. Bataille, député du Nord, rapport
sur
l'évolution de la recherche sur la gestion des déchets
nucléaires à haute activité, tome I : les
déchets civils, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des
choix scientifiques et technologiques, Assemblée Nationale n° 2689,
Sénat n° 299, mars 1996
3
C. Bataille, député du Nord, rapport sur
l'évolution de la recherche sur la gestion des déchets
nucléaires à haute activité, tome II : les
déchets militaires, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et technologiques, Assemblée Nationale n°
541, Sénat n° 179, décembre 1997
4
cf. supra le texte de l'article 4.
5
Ce décret a par la suite été annulé
le 28 février 1997 par le Conseil d'État.
6
"Un noyau ne se désintègre qu'une
seule fois si bien qu'une quantité de radioélément
composée de N0 atomes voit ceux-ci disparaître progressivement.
Le temps T au bout duquel il ne reste plus que N0 / 2 atomes radioactifs
s'appelle «période»".
in
Les déchets
nucléaires, par J. Teillac, Presses Universitaires de France, Paris,
1988
.
7
Mox pour Mixed Oxyde Fuel
8
Cogema dans l'industrie mondiale du cycle du combustible
nucléaire, Cogema, Paris, 1997
9
Les Echos, 1
er
avril 1998
10
T.H. Pigford, cité dans Transmutation des
radionucléides à vie longue : principes, méthodes,
réacteurs, accélérateurs, Jean-Paul Schapira, DEA,
Universités Paris XI, Grenoble 1, Tours, INSTN, 1997-1998
11
Jean Teillac, les déchets nucléaires, Presses
Universitaires de France, Paris, 1988
12
cette capture d'un neutron est suivie de deux
désintégrations â-
13
S. Sala, op. cit.
14
d'après Cogema, document fourni aux Rapporteurs
15
NuclearFuel, 20 avril 1998
16
source : DGEMP
17
source : Cogema
18
source : Cogema
19
source : Cogema
20
le moindre obstacle physique arrête les rayonnements ,
qu'ils proviennent d'ailleurs du plutonium ou des actinides mineurs
21
EDF Production Transport, Délégation aux
combustibles, 1997
22
EDF, op. cit.
23
Bertrand Barré, Directeur des réacteurs
nucléaires, CEA, 2 avril 1998
24
AFP, 13 mars 1998
25
Courrier du CNRS, 1
er
avril 1998
26
25 % : résultat expérimental ; 41
% : calcul non encore confirmé expérimentalement
27
La Recherche 1/4/98
28
M. Genet, Université de Paris-Sud, Institut de Physique
Nucléaire, Groupe de Radiochimie, communication aux Rapporteurs
29
dissolution par l'eau
30
Courrier du CNRS, 1
er
avril 1998
31
lixiviation : corrosion par l'eau
32
La physique du recyclage du plutonium, rapport du groupe de
travail du Comité des sciences nucléaires, AEN-OCDE, Paris, 1996
33
La physique du recyclage du plutonium, AEN-OCDE, op. Cit.
34
Auditions du 2 avril 1998
35
Framatome, documents remis aux Rapporteurs, avril 1998
36
source : Framatome, op. cit.
37
source : Framatome, op. cit.
38
Framatome, op. cit.
39
il existe toutefois une fonction de borification d'urgence
à concentration plus basse
40
source : Framatome, op. cit.
41
optimisant les solutions actuelles, par opposition à un
réacteur révolutionnaire fondé sur des concepts totalement
innovants
42
Auditions organisées par M. Claude Birraux, le 4 mars
1998, dans le cadre de la préparation de son rapport
43
source : Framatome, juin 1997
44
dans ce dernier cas, la teneur globale en plutonium du Mox doit
être augmentée pour compenser les effets des isotopes pairs
défavorables
45
source : Cogema, mai 1998
46
source : Cogema, mai 1998
47
source : Cogema
48
AFP 18 février 1998
49
selon AIEA (statistiques du parc nucléaire), AFP et Cogema
50
La Lettre d'Amérique, le conseiller nucléaire de
l'ambassade de France à Washington, n° 51, 22 janvier 1998
51
entretien avec M. Daniel Leroy, attaché nucléaire
à l'ambassade de France à Washington, 21 avril 1998
52
S. Sala, thèse de doctorat, Université de Provence,
1995
53
B. Boullis, retraitement et séparation des
radionucléides à vie longue, in Les déchets
nucléaires, les éditions de physique, Paris, 1997
54
production de 8,5 kg d'Am 241 par décroissance naturelle
du Pu 241 du combustible neuf
55
B. Boullis, CEA
56
source : CEA - UO2 enrichi à 3,5 % - 33 000 MWj/t -
gaine zircalloy - 3 ans après le déchargement
57
source CEA - calcul César 4
58
en gramme par tonne de métal lourd irradié
59
Le retraitement poussé, notion utilisée dans le
document de travail Mandil-Vesseron est entendu comme le retraitement allant
jusqu'à la séparation des produits de fission et des actinides
mineurs.
60
autorisation n° 50046/97 de février 1997
61
B. Barré, DRN, CEA, le programme d'irradiation dans
Phénix, 6/1/98, rev.4
62
on sait en effet ralentir - " modérer " en terme
technique - un neutron alors qu'on ne sait pas augmenter son énergie
63
F. Wolff-Bacha, thèse de doctorat en sciences,
Université Paris XI Orsay, juillet 1997
64
C. Birraux, rapport sur le contrôle de la
sûreté et de la sécurité des installations
nucléaires, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des
choix scientifiques et technologiques, n° 3491 Assemblée Nationale,
n° 300 Sénat, Paris, mars 1997
65
F. Wolff-Bacha, op. cit.
66
Nature 29/1/98
67
H. Nifenecker, les systèmes hybrides de production
d'énergie, in Les déchets nucléaires, les éditions
de physique, op. cit.
68
C. Birraux, rapport sur le contrôle de la
sûreté et de la sécurité des installations
nucléaires, n° 3491, op. cit.
69
cité par H. Nifenecker, op. cit.
70
Les réacteurs hybrides, synthèse au 17/3/98,
Bertrand Barré, DRN, CEA
71
Handelsblatt 18/3/98
72
F. Wolff-Bacha, thèse présentée pour obtenir
le grade de docteur ès sciences, Université Paris XI Orsay,
juillet 1997
73
CEA, B. Barré, op. cit.
74
Jean-Paul Schapira, le dossier des déchets
nucléaires, in Les déchets nucléaires, Les éditions
de physique, Paris, 1997
75
combustible de référence : REP 900 MWe ;
combustible UO2 enrichi à 3,5 % en U235 ; rendement : 33
% ; facteur de charge : 70 % ; 5,52 TWh
76
M. Salvatores et A. Zaetta, Transmutation : physique et
stratégies, in Les déchets nucléaires, les éditions
de physique, Paris, 1997
77
M. Salvatores et A. Zaetta, op. cit.
78
source : Cogema, cité dans J-P Schapira, le dossier
des déchets nucléaires, in Les déchets nucléaires,
les éditions de physique, Paris, 1997
79
C. Birraux, député de Haute-Savoie, rapport sur le
contrôle de la sûreté et de la sécurité des
installations nucléaires, au nom de l'Office parlementaire des choix
scientifiques et technologiques, n° 2651 Assemblée Nationale,
n° 278 Sénat, mars 1996
80
M. Salvatores et A. Zaetta, op. cit.
81
A. Giacometti, Etude neutronique des noyaux lourds formés
dans les cycles du combustible nucléaire, thèse, Orsay, mai 1978,
citée dans J-P Schapira, transmutation des radionucléides
à vie longue : principes, méthodes, réacteurs,
accélérateurs, op. cit.
82
les flux moyens de neutrons d'un REP ou d'un RNR sont
respectivement de 3,5. 10
14
et 3,5.10
15
n/s/cm
2
83
les chiffres concernant les fissions cumulées prennent en
compte le spectre des produits résultant de la destruction d'un
actinide. Si l'on veut améliorer les performances de transmutation, on
est amené à prolonger l'irradiation jusqu'à ce que 90 %
des noyaux initiaux soient fissionnés, soit directement, soit à
travers les corps lourds formés à partir d'eux.
84
P. Bernard, Direction de programme Loi de 1991, direction du
cycle du combustible, CEA, note aux Rapporteurs, Paris, juin 1998
85
P. Bernard, op. cit.
86
F. Wolff-Bacha, thèse de doctorat en sciences, op. cit.
87
audition du mardi 2 juin 1998
88
J-P Schapira, transmutation des radionucléides à
vie longue, op. cit.
89
Communiqué de presse du comité
interministériel sur la politique nucléaire et la diversification
énergétique : orientations gouvernementales, 2
février 1998
90
communiqué de presse du comité
interministériel du 2/2/98, op. cit.
91
Christian Bataille, député du Nord, rapport sur la
gestion des déchets nucléaires civils, au nom de l'Office
parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques,
op. cit.
92
Andra et Sciences & Avenir, juin 1998.
93
Communiqué du Gouvernement, 2/2/1998, op. cit.
94
PFVL : produits de fission à vie longue ;
AM : actinides mineurs
95
Communiqué du Gouvernement, 2/2/1998, op.cit.
96
Le point sur la gestion des déchets radioactifs, AEN-OCDE,
Paris, 1996
97
Les programmes de gestion des déchets nucléaires
dans les pays de l'OCDE, AEN-OCDE, Paris, mai 1998
98
Le point sur la gestion des déchets radioactifs, AEN-OCDE,
Paris, 1996
99
Les programmes de gestion des déchets nucléaires
dans les pays de l'OCDE, AEN-OCDE, op. cit.
100
Le point sur la gestion des déchets radioactifs,
AEN-OCDE, op. cit.
101
Les programmes de gestion des déchets nucléaires
dans les pays de l'OCDE, AEN-OCDE, op. cit.
102
visite des installations du CEA à Cadarache, 23 avril 1998
103
selon CEA, op. cit.
104
N. Dacheux, R. Podor, V. Brandel, M. Genet, Journal of nuclear
materials, 252 (1998), 179-186
105
pour le détail des résultats des consultations,
comme pour l'ensemble du dossier, consulter le rapport de la DSIN en date du
1
er
décembre 1997, publié par Enerpresse, n°
7026, 4 mars 1998
106
C. Birraux, député de Haute-Savoie, rapport sur le
contrôle de la sûreté et de la sécurité des
installations nucléaires, au nom de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Assemblée
Nationale n° 2417, Sénat n° 155, décembre 1991
107
D. Iracane, projet ETLD, DCC, CEA, visite des installations du
CEA Cadarache, 23 avril 1998
108
source : D. Iracane, projet ETLD, CEA, op. cit.
109
source : CEA, op. cit.
110
source :CEA
111
audition de M. Détraz, op . cit. - coût
estimé inférieur à 2 milliards, majoré de 50 %,
dont 50 % à la charge de la France, dans le cadre d'une
coopération internationale
112
le CEA annonce la fin 1998 comme date de disponibilité
d'une estimation précise de l'investissement