III. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR
A. LA SOUS-EXÉCUTION DES CRÉDITS
Le budget des Services généraux du Premier ministre se caractérise par une forte sous-exécution de ses crédits. Il convient cependant de souligner qu'après un écart important entre les crédits initiaux et les dépenses réelles en 1998 et 1999 (de près de 17 %), la sous-exécution a été de seulement 5,24 % en l'an 2000.
Crédits initiaux et dépenses réelles sur 1996-2001
(en millions d'euros)
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
Crédits initiaux |
671,23 |
617,27 |
620,62 |
624,28 |
741,30 |
1065,76 |
Dépenses réelles |
590,59 |
543,02 |
516,19 |
520,61 |
702,49 |
- |
Ecart |
12,01 |
12,03 |
16,83 |
16,61 |
5,24 |
- |
Source : Cour des comptes.
Les annulations de crédits touchant les Services généraux
du Premier ministre semblent s'être raréfiées au cours des
deux dernières années. Elles se sont cependant
élevées à 5,89 millions d'euros en l'an 2000. La
principale annulation a concerné des dépenses d'équipement
et de matériel du secrétariat général du
gouvernement (2,73 millions d'euros, sur une dotation de 3,35 millions),
ce qui conduit à s'interroger sur la justification de la demande de
crédits initiale. Une autre annulation importante a été
celle concernant la contribution forfaitaire de l'Etat au financement des
exonérations de redevance de télévision (0,69 million
d'euros). En l'an 2001, 2,29 millions de francs d'aides à la presse ont
été annulés.
Cette sous-consommation concerne en particulier les fonds spéciaux,
depuis longtemps dénoncée par votre commission.
B. UNE AUGMENTATION QUELQUE PEU ANARCHIQUE DU NOMBRE D'ORGANISMES RATTACHÉS
1. Le manque d'informations fiables quant au nombre exact d'organismes financés par le budget des services généraux du Premier ministre
Votre
rapporteur souhaite souligner le flou des informations disponibles quant au
nombre exact d'organismes financés par le budget des services
généraux du Premier ministre.
En effet, ces crédits (personnel, fonctionnement courant,
équipement et matériel) ne sont pas individualisés dans le
« bleu » des services généraux du Premier
ministre, qui ne présente qu'une liste d'une dizaine d'organismes,
considérés comme les plus importants.
La lecture des « jaunes » (complétés par les
« bleus » pour les autorités administratives
indépendantes) peut donner l'impression que ce chiffre connaît des
variations importantes d'une année sur l'autre, comme l'indique le
graphique ci-après.
Le nombre d'organismes financés par le budget des services
généraux du Premier ministre, selon le gouvernement
Sources : « jaunes » et
« bleus » budgétaires
Cependant, la liste figurant dans le « jaune »
intitulé
Liste des commissions et instances consultatives ou
délibératives placées directement auprès du Premier
ministre ou des ministres
présente chaque année des
erreurs. Ainsi, certains organismes ont continué de figurer dans le
« jaune », alors qu'ils avaient été
supprimés : tel était par exemple le cas de la
« Commission de contrôle de l'organisation et du
déroulement de la consultation des populations de
Nouvelle-Calédonie prévue par l'article 76 de la
Constitution », qui a officiellement disparu en 1999, et figurait
encore dans les « jaunes » des lois de finances pour 2000
et 2001.
Une « toilettage » a cependant été
effectué cette année, conformément à ce que
demandait votre précédent rapporteur spécial, notre
collègue Roland du Luart.
6(
*
)
Ainsi, alors que le
« jaune » de l'année dernière
énumérait 63 organismes rattachés au Premier ministre
(autorités administratives indépendantes non comprises), la liste
figurant dans celui de cette année n'en comprend que 40. Pourtant, selon
les informations transmises par les services du Premier ministre à votre
Rapporteur, seulement deux organismes auraient été
supprimés en 2001.
2. La création de 29 organismes depuis 1997
Ce
manque de transparence concerne également les organismes
récemment créés. Ainsi, les informations fournies à
ce sujet par les services du Premier ministre, en réponse à une
question de votre rapporteur spécial, sont très
incomplètes.
Il semble cependant possible d'avancer la liste suivante, établie
à partir des « jaunes ».
Au total, ce sont 29 organismes qui auraient été
créés depuis 1997.
Créations d'organismes dont les crédits sont inscrits au
budget des services généraux du Premier ministre
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
||||||
Organismes hors AAI |
Conseil d'analyse économique (CAE) |
Commission pour les simplifications administratives (COSA) |
Mission interministérielle pour la célébration du centenaire de la loi du 1er juillet 1901 |
Commission nationale de déontologie de la sécurité |
Agence pour le développement des technologies de l'information et de la communication dans l'administration |
||||||
|
Mission d'étude sur la spoliation des biens appartenant aux juifs résidant en France |
Mission interministérielle de l'effet de serre |
Conseil de prévention et de lutte contre le dopage |
Observatoire de l'emploi public |
Commissaire générale à l'exposition internationale de 2004 |
||||||
|
|
Mission interministérielle de soutien technique pour le développement des TIC dans l'administration |
Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation |
Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale |
Commission interministérielle pour la sécurité des systèmes d'information |
||||||
|
|
Mission interministérielle de lutte contre les sectes |
Groupe central des grandes opérations d'urbanisme |
Mission interministé-rielle pour l'accès public à la micro-informatique, à l'internet et au multimédia |
Conseil supérieur de l'adoption |
||||||
|
|
Mission interministé-rielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie |
Comité interministériel de lutte contre les exclusions |
Conseil d'orientation des retraites |
|
||||||
|
|
Commission de contrôle de l'organisation et du déroulement de la consultation des populations de Nouvelle-Calédonie |
|
Conseil stratégique des technologies de l'information |
|
||||||
|
|
Comité interministériel de la coopération internationale et du développement |
|
|
|
||||||
|
|
Commission interministérielle pour le logement des populations immigrées |
|
|
|
||||||
Autorités administratives indépendantes |
|
Commission consultative du secret de la défense nationale |
Conseil de prévention et de lutte contre le dopage |
Commission de déontologie de la sécurité |
|
||||||
|
|
|
|
Défenseur des enfants |
|
||||||
Total |
2 |
9 |
6 |
8 |
4 |
Votre rapporteur spécial estime que cet accroissement du nombre
d'organismes rattachés au Premier ministre ne va pas sans poser certains
problèmes.
Tout d'abord, on peut s'interroger sur l'efficacité de certains de ces
services. En effet, la transparence des services généraux du
Premier ministre est, on l'a vu, toute relative. Chaque année, votre
précédent rapporteur spécial, notre collègue Roland
du Luart, exhortait le gouvernement à rationaliser la nébuleuse
d'organismes rattachés au Premier ministre. Cette remarque semble
toujours d'actualité.
Ensuite, on peut se demander si le rattachement de tous ces organismes au
Premier ministre était approprié. Enfin, cette augmentation met
le Premier ministre à la tête d'une administration multiforme et
change la nature de sa fonction : le Premier ministre, ministre sans
portefeuille en principe, devient moins l'animateur politique, l'instance
d'arbitrage du gouvernement que le chef d'une nouvelle administration à
vocation interministérielle.
C. COMPTE-RENDU DU CONTRÔLE EFFECTUÉ À LA MILDT
En
application des dispositions de l'article 164-IV de l'ordonnance
n° 58-1374 du 30 décembre 1958, votre précédent
rapporteur spécial, notre collègue Roland du Luart, a
décidé d'effectuer une mission d'information et de contrôle
budgétaire portant sur la Mission interministérielle de lutte
contre la drogue et la toxicomanie (MILDT).
Cette mission de contrôle des crédits budgétaires de la
MILDT fait suite à la publication, en juillet 1998, d'un rapport
particulier de la Cour des comptes dénonçant un certain nombre de
dysfonctionnements dans la mise en oeuvre de la politique de lutte contre la
drogue et la toxicomanie en France.
1. Président de la MILDT
Le
fonctionnement de la MILDT est aujourd'hui régi par le décret
n° 99-808 du 15 septembre 1999 relatif au comité
interministériel de lutte contre la drogue et la toxicomanie et de
prévention des dépendances et à la mission
interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.
La MILDT est chargée de coordonner l'action du gouvernement dans le
domaine de la prévention, la prise en charge sanitaire et sociale, la
répression, la formation, la communication, la recherche et les
échanges internationaux. Sa compétence a récemment
été étendue à l'abus d'alcool, de tabac et de
médicaments psychotropes, c'est-à-dire de drogues dites licites.
Son champ d'action couvre donc désormais l'ensemble des pratiques
addictives.
2. Principales conclusions du rapport d'information
a) Les principales observations
Notre
collègue Roland du Luart a déploré dans son rapport
d'information un certain nombre de dysfonctionnements :
- insuffisance du financement de la MILDT ;
- mauvaises relations entre la présidente et son
délégué ;
- faiblesses de la MILDT en matière de contrôle et
d'évaluation de ses actions déconcentrées au niveau
départemental et des actions mises en oeuvre par les organismes qu'elle
subventionne ;
- utilisation de plus de 50 % des crédits interministériels
délégués par la MILDT aux différents
ministères, en principe pour financer des actions innovantes, pour
financer des mesures récurrentes de « fonctionnement courant »
des ministères.
b) Les principales propositions
Ces observations ont conduit notre collègue, M. du Luart, à émettre plusieurs propositions.
(1) S'agissant du fonds de concours finançant la MILDT:
- Mieux
informer les responsables des greffes et des services des domaines sur
l'existence du fonds de concours ;
- Mettre au point une procédure administrative et comptable
d'identification des biens et sommes concernés par le fonds de concours ;
- Mettre fin au conflit juridique entre saisies pénales et saisies
douanières en matière de luette contre les stupéfiants.
(2) S'agissant des dépenses de fonctionnement :
-
Clarifier la position du délégué de la MILDT ;
- Poursuivre le mouvement de transferts d'emplois budgétaires à
la MILDT ;
- Régler la question des locaux de la MILDT.
(3) S'agissant des crédits interministériels :
-
Achever de mettre fin au financement d'actions récurrentes ou de
dépenses de fonctionnement ;
- Établir un modèle uniformisé de fiche de prise en
considération des projets à financer ;
- Établir un modèle uniformisé de compte-rendu
d'utilisation des crédits, indiquant notamment les délais de
consommation de ceux-ci.
(4) S'agissant des crédits délégués par la MILDT au plan local :
-
Améliorer la connaissance de la MILDT sur les autres financements des
conventions départementales d'objectifs ;
- Permettre aux chefs de projets départementaux de gérer les
crédits destinés aux centres d'information et de ressources.
D. RÉFORMER LES FONDS SPÉCIAUX
Les
fonds spéciaux, souvent appelés « fonds
secrets », nourrissent mythes et fantasmes. Pourtant, ils ne
représentent que 0,02 % du budget de l'Etat. Le décalage entre
leur perception par l'opinion et leur importance réelle a parfois
été critiqué. Ainsi, dans son
Dictionnaire des
idées reçues
, Gustave Flaubert les définit, avec
humour, de la manière suivante :
«
FONDS SECRETS. - Sommes incalculables avec lesquelles les
ministres achètent les consciences. - S'indigner
contre
».
Les fonds spéciaux sont pourtant indispensables à la
sécurité intérieure et extérieure de l'Etat, et
donc à la défense de la démocratie. Ainsi, que l'une des
plus grandes affaires de corruption depuis l'établissement de la
République, le scandale de Panama, découlait en partie de
l'insuffisance des fonds secrets : le ministre des finances, Rouvier,
avait en effet utilisé les subventions des financiers pour
compléter des fonds spéciaux insuffisants, afin de
défendre la République contre le péril boulangiste.
Il ne saurait donc être question de « supprimer les fonds
spéciaux », comme on l'entend parfois. Cependant, une
réforme semble nécessaire, afin de supprimer la tentation d'y
recourir à des fins non avouables.
1. Le régime juridique des fonds spéciaux
a) Un régime juridique datant du début de la IVème République
Le régime juridique des fonds spéciaux obéit à une pratique ancienne formalisée au début de la IVème République et qui n'a pas été modifiée depuis. Les textes applicables sont la loi n° 46-854 du 27 avril 1946 portant ouvertures et annulations de crédits sur l'exercice 1946, et le décret n° 47-2234 du 19 novembre 1947.
(1) Le cadre général : l'article 42 de la loi du 27 avril
1946
(a) Un article autorisant l'existence de fonds
spéciaux
Cet
article limite l'ouverture des crédits de fonds spéciaux au seul
budget du Premier ministre, ce dernier étant chargé de mettre
à la disposition des ministres les dotations nécessaires au
fonctionnement de leur département. Il rend les ministres responsables
devant le Premier ministre de l'emploi des sommes mises à leur
disposition, le chef du Gouvernement étant responsable devant
l'Assemblée.
« Art.42. - Il ne peut être ouvert de crédits de fonds
spéciaux qu'au budget de la présidence du Gouvernement. Le
Président du Gouvernement est responsable devant l'Assemblée de
l'emploi de ces fonds. Les ministres intéressés sont responsables
devant le Président du Gouvernement des sommes mises par ce dernier
à leur disposition.
Les crédits applicables aux dépenses imputées aux fonds
spéciaux ne peuvent être ordonnancées à l'avance que
pour une période de trois mois maximum. Des décrets pris en
conseil des ministres dans le délai d'un mois procéderont au
transfert à la présidence du Gouvernement des fonds
spéciaux actuellement inscrits dans les différents budgets tant
civils que militaires.
(...) »
(b) Un article imposant des obligations de transparence, qui ne sont pas respectées
Il convient de souligner que cet article impose certaines obligations de transparence, qui ne sont pas respectées.
- • Tout d'abord, son avant-dernier alinéa prévoit l'établissement, au départ des ministres intéressés, d'un décret de quitus mentionnant, pour chaque ministre attributaire, les sommes reçues, les sommes dépensées et le reliquat.
1° Les provisions reçues ;
2° Les sommes dépensées au cours de la gestion ;
3° Les reliquats disponibles ».
(...) ».
En pratique, le Premier ministre « donne quitus » annuellement et à la fin de son mandat à ces personnes, et les pièces justificatives sont alors détruites.
Il semblerait que le formalisme soit limité au minimum, en vertu de la « tradition républicaine ». Selon la note récemment remise par M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, au Premier ministre 7( * ) , « Aucune règle particulière n'est établie quant à la forme et au contenu de la comptabilité tenue par les personnes habilitées à disposer des fonds. (...) Aucun compte rendu n'est fourni au Premier ministre par les ministres attributaires de fond, et il ne leur en est d'ailleurs pas demandé ».
Surtout, « les décrets donnant quitus aux membres du Gouvernement (...) « au départ de chacun des ministres », (...) qui devaient mentionner explicitement les provisions reçues, les sommes dépensées et les reliquats disponibles, n'ont jamais été établis depuis l'origine ». M. Logerot observe que cela permet « la constitution de reliquats cumulés en cours d'année, reportés à l'année suivante jusqu'à la fin du mandat ministériel et éventuellement conservés après cette échéance ».
Ensuite, contrairement à l'usage qui en est fait, les fonds secrets n'ont pas vocation à échapper à la règle de l'annualité, comme l'indique le dernier alinéa de l'article 42 de la loi du 27 avril 1946 :
« Dans les mêmes conditions, un décret de quitus sera établi chaque année au 31 décembre pour chacun des ministres attributaires ; les sommes non dépensées seront rétablies au budget de la présidence du Gouvernement aux fins d'annulation. Seront de même annulés les crédits demeurés sans emploi sur le chapitre des fonds spéciaux du même budget ».
Comme dans le cas de l'alinéa précédent, les décrets donnant quitus aux membres du Gouvernement n'ont, selon la note de M. Logerot, « jamais été établis depuis l'origine ».
Selon M. Logerot, il y a « absence d'un reversement des reliquats aux produits divers du budget, d'un rétablissement des crédits de même montant et d'une annulation en fin d'année des crédits demeurés sans emploi, contrairement à ce que prévoyait la loi de 1946 ». Cette situation « a pour conséquence que l'apparence d'un emploi intégral des dotations du chapitre 37-91, tel que le reflète la loi de règlement, ne correspond pas au taux réel d'utilisation des fonds spéciaux, qui peut être bien inférieur ».
En pratique, sur la période étudiée par M. Logerot (1991-2000), il n'y a eu que quelques annulations de crédits. Celles-ci ont été peu significatives, sauf en 1999 (- 0,7 million d'euros) et en 2000 (- 0,29 million d'euros,). En outre, elles ont été prononcées par le collectif de fin d'année, et non par la loi de règlement.
(2) Le cas particulier des fonds relevant de la sécurité extérieure : le décret du 19 novembre 1947
Le
décret du 19 novembre 1947 a instauré un dispositif particulier
pour les fonds spéciaux relevant de la sécurité
extérieure.
Il prévoit l'instauration d'une commission spéciale de
vérification qui, présidée par un président de
chambre à la Cour des comptes, vérifie l'utilisation des fonds,
remet au Premier ministre un rapport sur les conditions d'emploi des
crédits, et établit un procès-verbal permettant de
constater que les dépenses sont couvertes par des pièces
justificatives pour un montant égal.
b) Un régime partiellement dérogatoire aux principes classiques du droit budgétaire
(1) L'utilisation des fonds spéciaux par le pouvoir exécutif
Les crédits sont consommés sous l'autorité exclusive du Premier ministre.
-
• Ils dérogent à certaines règles budgétaires.
Tout d'abord, il n'y a pas de séparation de l'ordonnateur et du comptable. Comme le souligne M. Logerot dans sa note au Premier ministre, « les délégataires du Premier ministre [c'est-à-dire « le directeur et le chef du cabinet, le secrétaire général du Gouvernement et deux de ses collaborateurs » ] (ou des ministres pour la part qui leur est allouée) cumulent en fait les fonctions d'ordonnateur et de comptable comme le permet une gestion purement privée ».
De même, M. Logerot estime que « donnant lieu à des ordonnancements fractionnés, mais globaux, à destination de comptes de dépôts, les crédits dérogent à la règle de la spécialité budgétaire ».
En revanche, le non-respect de la règle d'annualité, traduit par la constitution de « réserves » de crédits non utilisés, n'est on l'a vu pas autorisé par la loi de 1946.
• En pratique, les crédits du chapitre 37-91 font l'objet d'ordonnancements en principe mensuels du secrétariat général du Gouvernement, visés par le contrôleur financier. Cependant, dans le cas des dépenses de la DGSE, le nombre d'ordonnances serait en général supérieur, et variable selon les années (17 en 1999 par exemple), du fait des ouvertures de crédits supplémentaires ou des « avances » consenties à partir des autres lignes (comme en l'an 2001).
Selon le communiqué du Premier ministre du 18 juillet 2001, l'essentiel de ces opérations serait effectué par virement bancaire ou par chèque à partir de comptes à la paierie générale du Trésor et à la Banque de France. Ainsi, seules les rémunérations complémentaires du cabinet du Premier ministre et des ministères (respectivement 3,7 et 7,9 millions d'euros) seraient versés en espèces (soit 20 % des fonds spéciaux).
(2) L'absence de contrôle juridictionnel
De
même, les dépenses engagées sur les fonds spéciaux
échappent au contrôle juridictionnel de la Cour des comptes.
En prévoyant qu'«
un décret de quitus sera établi
chaque année au 31 décembre pour chacun des ministres
attributaires
», la loi de 1946 crée une procédure
particulière d'apurement des dépenses dans laquelle la
juridiction financière n'intervient pas.
D'autre part, comme le soulignait l'année dernière notre
collègue député M. Georges Tron
8(
*
)
, s'agissant des fonds destinés
à la sécurité extérieure, la commission
prévue par le décret de 1947 et présidée par un
magistrat de la Cour des comptes n'a pas de compétence juridictionnelle,
puisqu'elle ne délivre pas de quitus mais rend compte de l'utilisation
des fonds, d'une part, au Premier ministre par la transmission d'un rapport,
d'autre part, à la Cour par la remise d'un procès-verbal. Ce
dernier est destiné à permettre à la juridiction
financière de « constater », et non de certifier, que le
montant des dépenses porté dans le compte général
de l'administration des finances correspond au montant établi par la
commission.
Comme le souligne M. Logerot dans sa note au Premier ministre,
«
on notera le paradoxe d'une situation où les fonds
publics consacrés à des opérations légitimement
couvertes par le secret défense sont l'objet d'un contrôle
externe, alors que ceux qui sont, pour une grande partie au moins,
dévolus au fonctionnement courant de l'appareil gouvernemental,
échappent à toute vérification a
posteriori
».
Il convient en outre de souligner que, selon le communiqué du Premier
ministre du 18 juillet 2001, il arrive que les services secrets autres que la
DGSE reçoivent des versements en provenance des fonds spéciaux.
Comme l'indique M. Logerot, «
ces dotations ne sont pas soumises
aux vérifications de la commission instituée par le décret
du 19 novembre 1947 puisque sa compétence est limitée aux
crédits inscrits à l'article 20 § 10
(DGSE)
».
(3) Quels pouvoirs pour le rapporteur spécial, le rapporteur général et le président de la commission des finances des deux assemblées ?
-
• L'existence d'un tel contrôle semble fondée en droit.
Dans la loi de 1946 précitée, rien ne le prévoit, ni ne l'exclut.
Le droit en vigueur sous la Vème République résulte du 6ème alinéa de l'article 164-IV de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959. Une interprétation restrictive de ces textes laissait penser que seuls les rapporteurs spéciaux pouvaient exercer un contrôle sur pièces et sur place, portant sur les seules réponses relevant du département ministériel qu'ils avaient la charge de rapporter.
Ainsi, depuis la première loi de finances rectificative pour 2000, la législation reconnaît que les présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances ont un pouvoir général de contrôle des recettes et dépenses publiques.
La loi précise cependant que ces pouvoirs s'entendent « réserve faite, d'une part des sujets de caractère secret concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat ».
Ce droit est confirmé par l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001, relative aux lois de finances. Cet article, applicable à compter du 1er janvier 2002, prévoit en effet que « Tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils [le rapporteur spécial, le rapporteur général et le président de la commission des finances] demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis ».
• En pratique, le gouvernement refuse de transmettre des informations détaillées au Parlement.
La réponse donnée cette année à votre rapporteur spécial n'est pas plus détaillée.
Les tentatives récentes de contrôle sur pièces et sur place semblent en outre impossibles en pratique.
2. Des fonds spéciaux largement sous évalués
Les
crédits demandés au titre des fonds spéciaux (chapitre
37-91) pour 2002 sont globalement identiques au niveau voté pour 2001,
soit 60.030.974 euros.
Comme son prédécesseur, notre collègue M. Roland du
Luart, votre rapporteur spécial estime que les montants que le
gouvernement demande au Parlement de voter ne sont pas sincères car trop
écartés des réalisations observées les
dernières années.
En effet, le chapitre 37-91 « fonds spéciaux » est
un chapitre limitatif, qui peut être abondé par décret pour
dépenses accidentelles et, en cas d'urgence, par décret d'avance,
conformément à l'article 11 de l'ordonnance organique du 2
janvier 1959.
Ainsi, traditionnellement, en cours d'année, les fonds secrets sont
abondés par des décrets non publiés au Journal officiel et
qui portent sur des sommes non négligeables : entre 15 et 30 % du
montant initial. Ces abondements servent notamment à financer des
opérations particulières de la DGSE
9(
*
)
. Selon la note remise par M.
François Logerot au Premier ministre, la DGSE bénéficie
prioritairement des crédits supplémentaires ouverts en cours
d'année. Ainsi, dans la période récente, la
totalité de ces compléments lui a été
affectée en 1994, 1995, 1999 et 2000. Elle en a reçu 80 %
à 90 % de 1996 à 1998, années où des
compléments ont été affectés aussi aux deux autres
lignes.
Selon M. Logerot, les crédits initiaux, qui étaient de 64
à 70 millions d'euros dans les années 1991 à 1995, sont
revenus à 60 millions d'euros depuis 1997. A ces crédits se sont
ajouté des crédits supplémentaires, qui ont varié
de 18,3 millions d'euros en 1992 à 9,1 millions d'euros en 1998, le
point moyen se situant à 12,2 millions d'euros environ. Ainsi, les
crédits ouverts totaux ont atteint un maximum en 1992 (86,7 millions
d'euros) et un minimum en 1998 (69,3 millions d'euros), ce qui correspond
à une diminution de 20 % en valeur.
Comparaison des fonds secrets votés et dépensés depuis 1997
(en millions d'euros)
|
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
Prévision |
60,18 |
60,18 |
60,03 |
60,03 |
60,03 |
60,03 |
dont fonds spéciaux du Gouvernement (art. 10) |
7,32 |
7,32 |
7,32 |
7,32 |
7,32 |
5,80 |
dont fonds spéciaux à desti-nation particulière (art. 20) |
52,86 |
52,86 |
52,71 |
52,71 |
52,71 |
54,23 |
Exécution |
77,64 |
69,29 |
72,08 |
71,21 |
61,74 (1) |
ND |
Ecart |
|
|
|
|
|
|
en millions € |
17,46 |
9,11 |
12,05 |
11,17 |
1,71 (1) |
ND |
en % |
29,01 |
15,14 |
20,07 |
18,61 |
2,8 (1) |
ND |
(1)
Prévision, déduction faite de 0,5 million d'euros de
crédits gelés
Source : Premier ministre
La situation est d'autant plus paradoxale que, dans le même temps, le
gouvernement n'utilise pas la totalité des crédits dont il
dispose. Ainsi, pour la première fois, le Premier ministre a
indiqué le 18 juillet 2001 dans un communiqué que le solde des
comptes des fonds spéciaux attribués depuis 1997 au gouvernement
était alors d'environ 15,5 millions d'euros. Le Premier ministre a
également annoncé que le solde qui serait constaté
à la fin de la législature serait reversé au budget de
l'Etat, comme l'impose l'article 42 de la loi du 27 avril 1946, jamais
respecté jusqu'alors sur ce point.
3. La répartition des fonds spéciaux
Les
crédits de fonds spéciaux sont répartis entre l'article 10
du chapitre 37-91 - Fonds spéciaux du Gouvernement - et l'article 20 -
Fonds spéciaux à destination particulière -,
lui-même subdivisé entre deux paragraphes - dépenses de la
Direction générale de la sécurité extérieure
(DGSE) - et dépenses diverses. L'affectation des crédits de
l'article 20 est laissée à l'appréciation du Premier
ministre.
L'examen de la répartition opérée au cours des cinq
dernières années montre qu'environ la moitié du total des
fonds spéciaux est destinée à la DGSE qui
bénéficie, par ailleurs, des crédits « classiques
» inscrits au budget de la Défense. La moitié des fonds est
donc utilisée pour financer les dépenses nécessaires
à la sécurité extérieure du pays.
- • Selon un communiqué du Premier ministre datant du 18 juillet 2001, en l'an 2001 la répartition des crédits a été la suivante :
La
répartition des fonds spéciaux en 2001
(hors abondements en
cours d'année)
(en millions d'euros)
Dépense |
Montant |
Gouvernement |
18,9 |
Fonctionnement de l'Hôtel de Matignon, manifestations et frais de représentation |
5,5 |
Actions humanitaires ou en faveur des droits de l'homme |
1,8 |
Rémunérations complémentaires des membres du cabinet et de l'ensemble des personnels des services du premier ministre travaillant en relation avec le cabinet (soit plus de 600 personnes) et dépenses liées à la sécurité du premier ministre |
3,7 |
Ensemble des ministères pour les rémunérations complémentaires et pour les frais de fonctionnement exceptionnels (soit en moyenne 131 000 francs mensuels pour chacun des 33 ministères et secrétaires d'Etat) |
7,9 |
DGSE (article 20.10) |
35,7 (1) |
Autres |
4,0 |
Elysée |
3,7 |
Ministère des Affaires Etrangères |
0,3 |
Total |
58,6 |
LFI 2001 |
60,0 |
Solde |
1,4 |
(1) Selon la note remise par M. François Logerot au Premier ministre, un supplément à la dotation affectée à la DGSE (5,7 millions d'euros) a été prélevé sur les deux autres lignes budgétaires.
Source : communiqué du Premier ministre (18 juillet 2001)
Ces
données permettent de clarifier le débat sur la part des fonds
spéciaux dont disposent respectivement la Présidence de la
République et le Premier ministre. Le Président de la
République a indiqué le 14 juillet 2001 que
«
Matignon a 95 % des fonds et l'Elysée moins de 5 %
». Si l'on considère que tous les fonds non affectés
à la Présidence de la République le sont au Gouvernement,
cet ordre de grandeur est juste (les chiffres exacts étant de
respectivement 93,8 % et 6,2 %). Il convient cependant de prendre en compte le
fait que l'essentiel de ces dépenses sont fortement contraintes. Ainsi,
le Premier ministre a estimé, dans un communiqué du 18 juillet
2001, que le ministre ne dispose réellement que de 20,3 millions
d'euros, soit 33,8 % des fonds spéciaux. Si l'on prend en compte les
dépenses non réalisées, ce chiffre peut être
ramené à seulement 18,9 millions d'euros.
Il convient de souligner la souplesse de cette répartition des
crédits. En effet, la loi de finances n'affectant les crédits
qu'au niveau du chapitre, et les crédits de fonds spéciaux
étant à la libre disposition du Premier ministre, leur
fongibilité entre les différentes lignes est possible. Ainsi,
selon la note remise par M. François Logerot au Premier ministre, un
supplément à la dotation affectée à la DGSE (5,7
millions d'euros) a été prélevé en 2001 sur les
deux autres lignes budgétaires. Le communiqué du Premier ministre
précise en outre que, selon les besoins, d'autres services de
renseignement et de sécurité peuvent bénéficier de
dotations en fonds spéciaux, notamment le Groupement
interministériel de contrôle (chargé des écoutes
téléphoniques).
4. Quelles réformes ?
Dans son
rapport au Premier ministre, M. Logerot avance trois motifs incitant à
restreindre le périmètre des fonds spéciaux.
Tout d'abord, «
les polémiques récentes ont
montré que l'exigence de transparence à l'égard de
l'utilisation des moyens financiers mis à la disposition des pouvoirs
publics se faisait de plus en plus pressante
», en particulier en
ce qui concerne «
les rémunérations payées
sur deniers publics
».
Ensuite, «
à la nécessité d'une meilleure
transparence s'ajoute l'intérêt qui s'attache à combattre
la suspicion persistante quant à l'utilisation possible des fonds
spéciaux pour financer directement ou indirectement des activités
de nature politique
», ce qui «
dans le
passé
» fut «
une destination souvent
avouée, maintes fois prouvée mais tacitement
acceptée
».
Enfin, M. Logerot mentionne «
l'effort de modernisation de la
gestion publique
». En effet, le champ actuel des fonds secrets
ne permet pas d'évaluer les coûts de l'appareil gouvernemental, ce
qui est contraire à l'esprit de la nouvelle loi organique relative aux
lois de finances.
a) Plusieurs textes juridiques tendent à assurer aux fonds spéciaux une certaine transparence
a) La
loi prévoit d'ores et déjà des règles de
transparence, qui ne sont pas appliquées
On a vu que le manque de transparence relatif aux fonds spéciaux
provient en grande partie du fait que la loi n'est pas respectée.
-
• Tout d'abord, la loi du la loi du 27 avril 1946 instaure, dans son
article 42, certaines obligations.
Elle prévoit un certain contrôle du Premier ministre sur l'utilisation des fonds attribués aux ministres (par l'intermédiaire de décrets de quitus, au départ des ministres intéressés et le 31 décembre de chaque année).
Elle impose par ailleurs explicitement le respect du principe d'annualité, les sommes non dépensées au 31 décembre devant être rétablies au budget de la « présidence du Gouvernement » aux fins d'annulation.
• Ensuite, le Parlement dispose, on l'a vu également, de pouvoirs non négligeables.
Il existe une exception dans le cas des crédits relatifs à la sécurité extérieure.
b) La loi organique relative aux lois de finances doit rendre les abondements en cours d'année plus transparents
Les abondements en cours d'année seront rendus plus transparents, du fait de deux dispositions de la nouvelle loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances. Ces dispositions doivent entrer en vigueur le 1 er janvier 2005.
Tout d'abord, l'article 7 de la nouvelle loi organique distingue les dépenses prévisibles et les dépenses imprévisibles, ces dernières devant faire l'objet d'une dotation spécifique, et les premières ne pouvant être abondées qu'en cas de dépenses accidentelles, désormais définies comme celles correspondant aux calamités. Ainsi, les dépenses prévisibles, comme les rémunérations de cabinet, ne pourront plus faire l'objet d'abondements en cours d'exercice (alors que certaines dépenses, concernant en particulier les services secrets, pourront continuer, à juste titre, d'être financées par des abondements).
Ensuite, l'article 56 de la nouvelle loi organique limite la non-publication aux rapports qui exposent les motivations de ces modifications de crédits, les décrets eux-mêmes devant être publiés : « Les décrets et arrêtés prévus par la présente loi organique sont publiés au Journal officiel. Il en est de même des rapports qui en présentent les motivations, sauf en ce qui concerne les sujets à caractère secret touchant à la défense nationale, à la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat ou aux affaires étrangères « .
b) Quelques pistes de réforme
Deux
propositions de loi, enregistrées à la Présidence de
l'Assemblée nationale le 16 juillet 2001 et présentées,
respectivement, par notre collègue député M. Philippe de
Villiers, et par nos collègues députés MM. Jean-Louis
Debré, Philippe Douste-Blazy et Jean-François Mattei, proposent
une réforme des fonds spéciaux.
Par ailleurs, le Premier président de la Cour des comptes,
M. François Logerot, a remis au Premier ministre, au mois d'octobre
de l'année 2001, une note relative au régime des fonds
spéciaux
10(
*
)
.
Enfin, à l'occasion d'un entretien avec le président de votre
commission des finances et votre rapporteur spécial, madame Florence
Parly, secrétaire d'Etat au budget, a indiqué certains
éléments de son projet de réforme des fonds
spéciaux.
Il semble exister un certain consensus sur les grandes lignes que devrait
suivre une éventuelle réforme des fonds spéciaux :
réduire le périmètre des fonds spéciaux et
améliorer leur contrôle.
(1) Restreindre le périmètre des fonds spéciaux
Tout
d'abord, il semble nécessaire de réduire le
périmètre des fonds spéciaux.
En effet, comme le souligne M. Logerot dans son rapport au Premier ministre,
environ 19,8 millions d'euros, soit près du tiers de la dotation
globale, «
sont affectés à des dépenses de
rémunération ou de fonctionnement qui ne se rattachent pas - au
moins a priori - à des impératifs de sécurité
extérieure ou intérieure de l'Etat, ni même à des
interventions particulières assimilables à des « actes de
Gouvernement » et pouvant de ce fait relever de procédures
particulières et échappant à tout
contrôle
». De même, on peut s'interroger, par
exemple, sur la nature des opérations que recouvre la
dénomination d'« actions humanitaires ou en faveur des droits
de l'homme ». Selon M. Logerot, «
Cette affectation peu
explicite recouvre sans doute, pour partie, des subventions à des
organismes divers qui - sauf nécessités particulières de
confidentialité - pourraient être réimputées sur
crédits budgétaires ordinaires du titre IV
».
La secrétaire d'Etat au budget a indiqué au président de
votre commission des finances et à votre rapporteur spécial son
intention de restreindre le périmètre des fonds spéciaux.
Seul subsisterait l'article 20 paragraphe 10.
-
• Une première question est celle de la détermination du
nouveau périmètre des fonds spéciaux.
Dans la proposition de loi précitée, notre collègue M. Philippe de Villiers envisage de le réduire à « la perspective de la garantie de la sécurité extérieure de la nation ».
Dans leur proposition de loi, également précitée, nos collègues députés MM. Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy et Jean-François Mattei proposent un périmètre plus large, puisqu'ils considèrent que les fonds spéciaux s'étendraient à « la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat ».
Enfin, dans sa note remise au Premier ministre, M. François Logerot estime que le régime des fonds spéciaux devrait être encore plus étendu, puisqu'il concernerait « le financement d'actions liées à la sécurité intérieure et extérieure de la Nation ou à d'autres interventions exceptionnelles que le Premier ministre estimerait nécessaires à la sauvegarde des intérêts supérieurs du pays ».
La secrétaire d'Etat au budget n'a en revanche pas indiqué précisément au président de votre commission des finances et à votre rapporteur spécial quel nouveau périmètre elle envisageait de donner aux fonds spéciaux.
• On peut également s'interroger sur la manière de réaliser en pratique cette réduction de périmètre. M. Logerot avance à cet égard quelques propositions intéressantes qui, selon les déclarations faites par la secrétaire d'Etat au budget, devraient être suivies, dans leurs grandes lignes, par le gouvernement.
La seconde mesure complémentaire envisagée par M. Logerot serait d'harmoniser les « rémunérations accessoires « officielles » » des membres des cabinets ministériels, la plupart du temps affectés par le ministre parmi les fonctionnaires relevant de son autorité ou mis à sa disposition par des administrations ou des corps extérieurs au ministère 12( * ) : « ou bien la totalité des indemnités serait prise en charge sur les crédits mis à la disposition des ministres, ou bien une règle claire serait fixée par le Premier ministre - par exemple le maintien au niveau moyen applicable aux fonctionnaires du grade et de l'échelon considéré ». M. Logerot envisage également de rendre plus transparente la rémunération des ministres et secrétaires d'Etat 13( * ) (par exemple, par une réévaluation de la rémunération globale, assortie de la suppression de l'avantage fiscal qui porte actuellement sur l'indemnité représentative de frais 14( * ) ).
M. Logerot estime que le financement sur les fonds secrets des moyens de fonctionnement courants devrait également être progressivement abandonné. Les sommes correspondantes seraient inscrites à un chapitre ou à un article budgétaire sous forme d'une dotation globale, qui pourrait d'ailleurs être abondée par des crédits en provenance du même budget et actuellement affectés de fait au fonctionnement du cabinet sans pour autant être identifiés. Afin de préserver la souplesse et la rapidité d'emploi du dispositif actuel, il serait envisageable d'instaurer auprès de chaque cabinet une régie d'avances 15( * ) , permettant au régisseur (en l'occurrence, un fonctionnaire agissant sous l'autorité du chef de cabinet) d'effectuer le paiement par virement, chèque, carte de paiement ou même numéraire de certaines catégories de dépenses courantes (matériel et fonctionnement, frais de mission ou de stage, rémunérations de personnels payés sur une base horaire ou à la vacation), dans la limite de l'avance qui lui est accordée par le comptable public et égale au maximum à 1/6 ème du montant prévisible des dépenses annuelles. L'avance est reconstituée après production des pièces justificatives des dépenses exposées. La secrétaire d'Etat au budget a indiqué au président de votre commission des finances et à votre rapporteur spécial que le gouvernement envisageait de suivre les recommandations du rapport Logerot sur le recours systématisé à des régies d'avances.
(2) Améliorer le contrôle des fonds spéciaux
Il
existe également un consensus sur la nécessité de
renforcer le contrôle des fonds spéciaux, affirmée
notamment dans les deux propositions de loi précitées.
En particulier, M. Logerot estime que «
c'est l'ensemble de
l'utilisation des fonds spéciaux qui devrait faire l'objet d'un
contrôle externe particulier, inspiré de celui qui s'exerce
actuellement sur les seules dotations affectées à la DGSE, et
associant la Cour des comptes, d'autres corps de contrôle et des
représentants du Parlement
».
Il souligne la nécessité que les fonds spéciaux ne servent
pas à compléter, par simple facilité d'emploi, les
dotations ordinaires du budget consacrées à des dépenses
qui ne nécessitent pas une protection particulière. Il estime que
«
L'un des objets du contrôle externe exercé sur les
fonds spéciaux doit être précisément de
vérifier la spécificité des imputations dont ils font
l'objet et d'en rendre compte au Gouvernement
». Remarquant
l'existence d'autres dépenses discrétionnaires de nature
secrète (comme les « actions humanitaires ou en faveur des
droits de l'homme » indiquées par le Premier ministre dans son
communiqué du 18 juillet 2001), il considère que le
contrôle de ce type de dépenses devrait également
être renforcé, afin de vérifier le bien-fondé de
leur financement sur les fonds spéciaux.
Il précise que des propositions seront présentées à
cet effet dans une note complémentaire.
Sa seule préconisation dans le cadre de sa note précitée
est d'élargir la ligne budgétaire réservée à
la DGSE aux autres services secrets. En effet, comme on l'a vu, ceux-ci
bénéficient fréquemment de financements à partir
des fonds secrets, sans être soumis au contrôle de la commission
prévue par le décret de 1947, limité à la ligne 20
§ 10.
A l'occasion de son entretien avec le président de votre commission des
finances et votre rapporteur spécial, la secrétaire d'Etat au
budget n'a cependant donné aucune indication sur la manière dont
le gouvernement envisageait d'améliorer le contrôle des fonds
spéciaux.