Services du Premier ministre : Services généraux

François MARC

Table des matières




Le budget des Services généraux du Premier ministre constitue l'un des quatre fascicules budgétaires des services du Premier ministre 1( * ) . Ce budget recouvre une grande variété de dépenses.

Ainsi, il comprend les dotations de trois cabinets ministériels (Premier ministre, ministre des relations avec le Parlement et ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat) ainsi que les fonds spéciaux .

Sont également inscrits à ce budget les crédits destinés aux services et organismes rattachés au Premier ministre . Il s'agit du Secrétariat général du gouvernement (SGG) ainsi que des directions, services, commissariats, délégations, conseils et missions dont la gestion administrative et budgétaire est assurée par la direction des services administratifs et financiers, placée auprès du SGG.

Parmi la cinquantaine d'organismes dont les crédits sont inscrits sur le budget des services généraux du Premier ministre, certains jouent un rôle important, dans le domaine économique et juridique en particulier.

Dans le domaine économique, on peut citer, notamment, le conseil d'analyse économique, la mission interministérielle de l'effet de serre, le conseil d'orientation des retraites, le conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, l'observatoire de l'emploi public.

Dans le domaine juridique, il convient de mentionner, entre autres, la commission d'accès aux documents administratifs, la commission nationale consultative des droits de l'homme, la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur sous l'Occupation, la commission pour les simplifications administratives, le conseil d'orientation de la mission interministérielle de lutte contre les sectes.

Enfin, y figurent les crédits alloués à sept autorités administratives indépendantes : le Médiateur de la République, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la Commission consultative du secret de la défense nationale, le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

Ce budget est ventilé en quatre agrégats : l'agrégat 31 (Premier ministre, ministres et administration générale), l'agrégat 21 (Fonction publique), l'agrégat 22 (Politique de la communication) et l'agrégat 32 (Autorités administratives indépendantes).

Les crédits de ces quatre agrégats représentent l'ensemble des dotations affectées aux Services généraux du Premier ministre. Les moyens destinés à la politique de la communication et au CSA (agrégats 22 et une partie de l'agrégat 32) font l'objet d'études plus détaillées dans les rapports sur les crédits de la communication et de la presse 2( * ) . En outre, les observations relatives à la fonction publique (agrégat 21) font l'objet d'un rapport séparé 3( * ) .

I. UN BUDGET DE PLUS DE 1,1 MILLIARD D'EUROS, EN HAUSSE DE 3,8 %

A. CE N'EST PAS UN « PETIT BUDGET »

Les crédits demandés pour le budget 2002 des Services généraux du Premier ministre (dépenses ordinaires et crédits de paiement) s'élèvent à 1,106 milliard d'euros.

Même si ce budget oscille traditionnellement autour de 0,5 % des crédits et des dépenses de l'Etat, il ne faut pas le considérer comme un « petit budget » : il est mieux doté que le budget de l'environnement, celui de l'aménagement du territoire ou encore celui de la jeunesse et des sports.

B. UNE HAUSSE DE 3,8 % POUR 2002

1. Des crédits en légère augmentation

Ce budget pour 2002 est en hausse de + 3,8 % par rapport aux dotations pour l'année 2001. L'augmentation est donc largement supérieure au taux de 2 % (0,5 % en francs constants) affiché pour l'ensemble des dépenses de l'Etat.

L'augmentation des crédits demandée pour 2002 s'explique pour l'essentiel par l'évolution de l'agrégat 31 - Administration générale , comme le montre le tableau ci-après. Les crédits demandés pour cet agrégat connaissent en effet une progression de près de 15 %, en raison du quasi-doublement de la dotation au titre des actions en faveur des victimes des législations antisémites en vigueur pendant l'occupation.

L'augmentation des crédits destinés aux autorités administratives indépendantes (agrégat 32) correspond quant à elle essentiellement à une augmentation des dépenses relatives à l'activité du médiateur de la République , que votre précédent rapporteur spécial, notre collègue Roland du Luart, appelait de ses voeux.

Evolution des crédits entre 2001 et 2002, par agrégat
(en millions d'euros)

Agrégat

Dotations 2001

PLF 2002

Evolution 2001-2002 (%)

Administration

262,83

301,12

14,57

Fonction publique

216,89

216,92

0,01

Communication

546,21

544,84

-0,25

AAI

39,83

43,02

8,01

TOTAL

1 065,76

1 105,90

3,77

Source : projet de loi de finances pour 2002

2. Un budget globalement stable depuis 1997, sauf en 2000 et en 2001

Entre 1997 et 1999, le montant global de ce budget a été stable, autour de 620 millions d'euros.

L'augmentation de l'an 2000 (+ 19 %) a rompu cette logique de stabilité nominale et l'augmentation en 2001 a été encore plus spectaculaire (+ 44 %). L'augmentation des crédits de l'année 2001 s'explique pour l'essentiel par l'évolution de l'agrégat 22 - Politique de la communication , notamment en raison de l'inscription de mesures nouvelles au titre de la contribution forfaitaire de l'Etat au financement des exonérations de redevances de télévision 4( * ) .

La hausse modeste prévue par le projet de loi de finances pour 2002 renoue donc avec la tendance antérieure.

Evolution des crédits sur 1997-2002, par agrégat

en millions d'euros

Source : projets de lois de finances

II. UNE AUGMENTATION DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT AU DÉTRIMENT DES DÉPENSES EN CAPITAL

Le tableau suivant fournit le détail des évolutions des crédits par grande nature de dépenses. L'augmentation générale de 3,8 % du budget est la résultante de deux évolutions contrastées entre :

les dépenses ordinaires (titres III et IV) qui augmentent de 4,6% (contre 46 % l'an dernier),

• et les dépenses en capital (titre V) qui diminuent de 21 % (contre 8 % l'an dernier).

Evolution des crédits sur 1997-20
par grande nature de dépenses

en millions d'euros

Nature des dépenses

Dotations 1997

Dotations 1998

Dotations 1999

Dotations 2000

Dotations 2001

Dotations 2002

Evolution 2001-2002 (%)

Dépenses ordinaires (1)

604,70

613,78

568,70

705,98

1 033,43

1 080,44

4,55

Dépenses en capital (2)

12,57

68,91

55,59

35,31

32,34

25,46

-21,26

Total (1) + (2)

617,27

620,67

624,29

741,30

1 065,76

1 105,90

3,77

Autorisations de programme

14,12

2,59

60,37

37,50

47,58

44,97

-5,48

Source : projet de loi de finances pour 2002

A. LES DÉPENSES ORDINAIRES EN HAUSSE DE 4,55 %

Le budget des Services généraux du Premier ministre est essentiellement un budget de fonctionnement . En effet, les dépenses ordinaires (titres III et IV) représentent 98 % de ce budget comme l'indique le tableau ci-après .

Crédits demandés pour 2001 par titre

(en euros)

Crédits demandés pour 2002

Montant

Part dans le total
(en %)

. Titre III - Moyens des services

562 393 369

50,85

. Titre IV - Interventions publiques

518 047 967

46,84

. Titres III et IV (dépenses ordinaires)

1 080 441 336

97,70

. Titre V - Investissements exécutés par l'Etat (dépenses en capital - crédits de paiement)

25 459 000

2,30

TOTAL

1 105 900 336

100

Source : projet de loi de finances pour 2002

1. Augmentation des dépenses relatives à l'administration générale et aux autorités administratives indépendantes

• L'évolution générale des dépenses ordinaires (+ 4,6 %, soit 47 millions d'euros) s'explique essentiellement par l'augmentation des crédits demandés pour l'agrégat 31 (Administration générale) , dont l'évolution a été indiquée plus haut : + 14,57 % pour un agrégat qui représente 27 % du budget, soit une augmentation de 38 millions d'euros.

Cette augmentation résulte essentiellement de l'inscription de plus de 64 millions d'euros au titre de l'indemnisation des « orphelins de la déportation » , ce qui correspond à une augmentation de plus de 30 millions d'euros.

En effet, le décret no 2000-657 du 13 juillet 2000 institue une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. Il prévoit que toute personne dont la mère ou le père a été déporté à partir de la France dans le cadre des persécutions antisémites durant l'Occupation et a trouvé la mort en déportation a droit à une mesure de réparation, si elle était mineure de vingt et un ans au moment où la déportation est intervenue. La mesure de réparation prend la forme, au choix du bénéficiaire, d'une indemnité au capital de 27.441 euros (180.000 francs) ou d'une rente viagère de 457 euros (3.000 francs) par mois. Dans un arrêt du 6 avril 2001, le Conseil d'Etat a estimé que ce décret n'était pas contraire au principe d'égalité.

Par ailleurs, le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 a institué, auprès du Premier ministre , une commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation. Cette commission est chargée de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d'indemnisation appropriées. Elle s'efforce de parvenir à une conciliation entre les personnes intéressées. En cas d'échec de la conciliation, elle peut émettre toutes recommandations qui lui paraîtraient utiles.

• L'augmentation des crédits destinés aux autorités administratives indépendantes (agrégat 32) , de 3,2 millions d'euros, correspond quant à elle essentiellement à l'augmentation des dépenses relatives à l'activité du médiateur de la République (de près de 2 millions d'euros, soit une augmentation de plus de 47 %). Ces crédits supplémentaires doivent financer, notamment :
- le renoncement du Médiateur de transférer le siège de l'institution dans un immeuble domanial, qui rend nécessaire le rétablissement du montant des loyers (854.000 euros) ;

- la poursuite du plan de recrutement des délégués du Médiateur, selon les modalités prévues par le Comité interministériel des villes du 14 décembre 1999 (729.000 euros) ;

- le création et l'installation, dans de nouveaux locaux, d'une équipe chargée d'assurer l'animation du réseau des délégués.

La Commission nationale de déontologie de la sécurité et le Défenseur des enfants, instaurés en 2001, voient également leurs crédits plus augmenter que les crédits totaux des autorités administratives indépendantes (respectivement + 10 % et + 5,6 %).

Les crédits 2000 et 2001 des autorités administratives indépendantes

(en millions d'euros)

Autorité administrative indépendante

LFI 1997

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

LFI
2001

PLF
2002

Evolution 2001-2002 (%)

CSA

31,825

31,008

31,517

31,481

32,728

33,885

3,53

Médiateur

3,761

3,723

4,012

4,104

4,019

5,917

47,24

Contrôle des interceptions de sécurité

0,295

0,342

0,346

0,348

0,357

0,363

1,55

Secret de la défense nationale

0,000

0,000

0,032

0,176

0,178

0,181

1,24

Lutte contre le dopage

0,000

0,000

0,000

0,722

0,722

0,729

0,98

Défenseur des enfants

0,000

0,000

0,000

0,000

1,418

1,497

5,56

Commission nationale de déontologie de la sécurité

0,000

0,000

0,000

0,000

0,412

0,453

10,01

Source : projets de loi de finances.

2. Stagnation ou recul des dépenses relatives à la communication et à la fonction publique

Le montant de l'agrégat 21 (fonction publique) est en quasi-stagnation, avec une croissance de 0,01 % (contre + 8 % dans la loi de finances initiale pour 2001). En effet, contrairement à ce qui a été le cas l'année dernière, aucun article de cet agrégat ne connaît d'augmentation importante (la loi de finances initiale pour 2001 prévoyait, notamment, 7,5 millions d'euros supplémentaires au titre des prestations interministérielles d'action sociale).

L'agrégat 22 (politique de la communication) connaît quant à lui une diminution de 0,25 %. Cette régression provient d'une diminution de 3,8 millions d'euros des crédits relatifs au remboursement des exonérations de redevance audiovisuelle (destiné au compte d'emploi de la taxe parafiscale affectée au financement des organismes du service public de la radiodiffusion sonore et de la télévision). Elle doit être relativisée, dans la mesure où ces crédits ont connu une augmentation importante en 2001 (+ 201,6 %).

3. Les emplois

L'effectif budgétaire a cru de 22,9 % en cinq ans pour atteindre plus de 1 700 personnes .

Cet effectif comprend 376 contractuels en 2002, soit 21,4 % des effectifs.

Dans son rapport relatif à l'exécution des lois de finances pour 2 000, paru en juin 2001, la Cour des comptes indique que 4 emplois et les crédits correspondants (150.000 euros), inscrits sur un chapitre du budget de l'agriculture, ont été transférés, en cours de gestion, vers le budget des services généraux du Premier ministre. Selon la Cour, ce transfert s'inscrit dans le cadre d'un ensemble de pratiques ayant contribué à fausser les chiffres des effectifs du ministère de l'agriculture en l'an 2000 5( * ) .

Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit de créer, dans l'ensemble de la fonction publique, 3.996 emplois budgétaires nouveaux pour accueillir les agents non titulaires lauréats des examens ou concours ouverts au titre du plan de résorption de l'emploi précaire. 26 de ces emplois concernent les Services généraux du Premier ministre.

Tableau récapitulatif de l'évolution du nombre des emplois depuis 1997

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Services centraux

608

606

613

680

727

816

Autres, sauf AAI

595

599

562

576

654

704

AAI

227

227

227

231

237

237

dont CSA

221

221

221

221

223

223

Total

1430

1432

1402

1487

1618

1757

Source : projets de loi de finances.

B. LES DÉPENSES EN CAPITAL EN DIMINUTION DE 21,26 %

Les crédits de paiement demandés pour 2002 sont en diminution de 21,23 % par rapport à ceux de 2000. Il convient cependant de souligner que cette diminution est modeste, si on la compare à la forte augmentation observée en 1999, correspondant à l'ouverture des crédits relatifs aux actions interministérielles et aux cités administratives. La diminution de moitié des crédits demandés pour ce dernier poste (- 7,2 millions d'euros) explique d'ailleurs la quasi-totalité de la baisse globale des crédits demandés (- 6,9 millions d'euros).

Après une augmentation de 26,8 % en 2001, les autorisations de programme (AP) diminueront en 2002 de 5,45 %. Cette diminution provient exclusivement de celle du chapitre relatif aux cités administratives.

En l'an 2000, 225 milliers d'euros d'autorisations de programme ont été ouvertes par le collectif de fin d'année, pour la fondation de la mémoire de la Shoah, créée par un décret de la fin de l'année 2000.

Montants des crédits de paiement et des autorisations de programme depuis 1997

(en milliers d'euros)

 

LFI 1997

LFI 1998

LFI 1999

LFI 2000

LFI 2001

PLF 2002

Evolution 00/01

Chapitre 57-01 - Dépenses immobilières et d'équipement liées aux réimplantations d'administrations (CP)

0

3964

0

0

0

0

0

Chapitre 57-01 - Dépenses immobilières et d'équipement liées aux réimplantations d'administrations (AP)

4573

0

0

0

0

0

0

Chapitre 57-02 - SGG - Equipement et matériel (CP)

1852

2927

2535

3450

4269

4269

0

Chapitre 57-02 - SGG - Equipement et matériel (AP)

1616

2592

3049

4573

5183

5488

6

Chapitre 57-03 - Service central de la sécurité des systèmes d'information (CP)

808

0

0

0

0

0

0

Chapitre 57-03 - Service central de la sécurité des systèmes d'information (AP)

1067

0

0

0

0

0

0

Chapitre 57-04 - Fonds pour la réforme de l'Etat (CP)

6098

0

762

0

0

0

0

Chapitre 57-04 - Fonds pour la réforme de l'Etat (AP)

6098

0

1524

0

0

0

0

Chapitre 57-05 - Préservation et développement du patrimoine culturel des Français rapatriés d'outre-mer (CP)

3811

0

0

0

0

0

0

Chapitre 57-05 - Préservation et développement du patrimoine culturel des Français rapatriés d'outre-mer (AP)

762

0

0

0

0

0

0

Chapitre 57-06 - Equipement : actions interministérielles (CP)

 
 

1252

9909

14788

15092

2

Chapitre 57-06 - Equipement : actions interministérielles (AP)

 
 

31252

9909

14788

15092

2

Chapitre 57-07 - Cités administratives (CP)

 
 

21038

21953

13263

6098

-54

Chapitre 57-07 - Cités administratives (AP)

 
 

24544

23020

27593

24392

-12

Total CP

12569

6891

55587

35312

32320

25459

21,23

Total AP

14117

2592

0370

37502

47564

44972

- 5,45

Source : projets de loi de finances

III. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

A. LA SOUS-EXÉCUTION DES CRÉDITS

Le budget des Services généraux du Premier ministre se caractérise par une forte sous-exécution de ses crédits. Il convient cependant de souligner qu'après un écart important entre les crédits initiaux et les dépenses réelles en 1998 et 1999 (de près de 17 %), la sous-exécution a été de seulement 5,24 % en l'an 2000.

Crédits initiaux et dépenses réelles sur 1996-2001

(en millions d'euros)

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Crédits initiaux

671,23

617,27

620,62

624,28

741,30

1065,76

Dépenses réelles

590,59

543,02

516,19

520,61

702,49

-

Ecart

12,01

12,03

16,83

16,61

5,24

-

Source : Cour des comptes.

Les annulations de crédits touchant les Services généraux du Premier ministre semblent s'être raréfiées au cours des deux dernières années. Elles se sont cependant élevées à 5,89 millions d'euros en l'an 2000. La principale annulation a concerné des dépenses d'équipement et de matériel du secrétariat général du gouvernement (2,73 millions d'euros, sur une dotation de 3,35 millions), ce qui conduit à s'interroger sur la justification de la demande de crédits initiale. Une autre annulation importante a été celle concernant la contribution forfaitaire de l'Etat au financement des exonérations de redevance de télévision (0,69 million d'euros). En l'an 2001, 2,29 millions de francs d'aides à la presse ont été annulés.

Cette sous-consommation concerne en particulier les fonds spéciaux, depuis longtemps dénoncée par votre commission.

B. UNE AUGMENTATION QUELQUE PEU ANARCHIQUE DU NOMBRE D'ORGANISMES RATTACHÉS

1. Le manque d'informations fiables quant au nombre exact d'organismes financés par le budget des services généraux du Premier ministre

Votre rapporteur souhaite souligner le flou des informations disponibles quant au nombre exact d'organismes financés par le budget des services généraux du Premier ministre.

En effet, ces crédits (personnel, fonctionnement courant, équipement et matériel) ne sont pas individualisés dans le « bleu » des services généraux du Premier ministre, qui ne présente qu'une liste d'une dizaine d'organismes, considérés comme les plus importants.

La lecture des « jaunes » (complétés par les « bleus » pour les autorités administratives indépendantes) peut donner l'impression que ce chiffre connaît des variations importantes d'une année sur l'autre, comme l'indique le graphique ci-après.

Le nombre d'organismes financés par le budget des services généraux du Premier ministre, selon le gouvernement



Sources : « jaunes » et « bleus » budgétaires

Cependant, la liste figurant dans le « jaune » intitulé Liste des commissions et instances consultatives ou délibératives placées directement auprès du Premier ministre ou des ministres présente chaque année des erreurs. Ainsi, certains organismes ont continué de figurer dans le « jaune », alors qu'ils avaient été supprimés : tel était par exemple le cas de la « Commission de contrôle de l'organisation et du déroulement de la consultation des populations de Nouvelle-Calédonie prévue par l'article 76 de la Constitution », qui a officiellement disparu en 1999, et figurait encore dans les « jaunes » des lois de finances pour 2000 et 2001.

Une « toilettage » a cependant été effectué cette année, conformément à ce que demandait votre précédent rapporteur spécial, notre collègue Roland du Luart. 6( * ) Ainsi, alors que le « jaune » de l'année dernière énumérait 63 organismes rattachés au Premier ministre (autorités administratives indépendantes non comprises), la liste figurant dans celui de cette année n'en comprend que 40. Pourtant, selon les informations transmises par les services du Premier ministre à votre Rapporteur, seulement deux organismes auraient été supprimés en 2001.

2. La création de 29 organismes depuis 1997

Ce manque de transparence concerne également les organismes récemment créés. Ainsi, les informations fournies à ce sujet par les services du Premier ministre, en réponse à une question de votre rapporteur spécial, sont très incomplètes.

Il semble cependant possible d'avancer la liste suivante, établie à partir des « jaunes ».

Au total, ce sont 29 organismes qui auraient été créés depuis 1997.

Créations d'organismes dont les crédits sont inscrits au budget des services généraux du Premier ministre

 

1997

1998

1999

2000

2001

Organismes hors AAI

Conseil d'analyse économique (CAE)

Commission pour les simplifications administratives (COSA)

Mission interministérielle pour la célébration du centenaire de la loi du 1er juillet 1901

Commission nationale de déontologie de la sécurité

Agence pour le développement des technologies de l'information et de la communication dans l'administration

 

Mission d'étude sur la spoliation des biens appartenant aux juifs résidant en France

Mission interministérielle de l'effet de serre

Conseil de prévention et de lutte contre le dopage

Observatoire de l'emploi public

Commissaire générale à l'exposition internationale de 2004

 
 

Mission interministérielle de soutien technique pour le développement des TIC dans l'administration

Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation

Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale

Commission interministérielle pour la sécurité des systèmes d'information

 
 

Mission interministérielle de lutte contre les sectes

Groupe central des grandes opérations d'urbanisme

Mission interministé-rielle pour l'accès public à la micro-informatique, à l'internet et au multimédia

Conseil supérieur de l'adoption

 
 

Mission interministé-rielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie

Comité interministériel de lutte contre les exclusions

Conseil d'orientation des retraites

 
 
 

Commission de contrôle de l'organisation et du déroulement de la consultation des populations de Nouvelle-Calédonie

 

Conseil stratégique des technologies de l'information

 
 
 

Comité interministériel de la coopération internationale et du développement

 
 
 
 
 

Commission interministérielle pour le logement des populations immigrées

 
 
 

Autorités administratives indépendantes

 

Commission consultative du secret de la défense nationale

Conseil de prévention et de lutte contre le dopage

Commission de déontologie de la sécurité

 
 
 
 
 

Défenseur des enfants

 

Total

2

9

6

8

4



Votre rapporteur spécial estime que cet accroissement du nombre d'organismes rattachés au Premier ministre ne va pas sans poser certains problèmes.

Tout d'abord, on peut s'interroger sur l'efficacité de certains de ces services. En effet, la transparence des services généraux du Premier ministre est, on l'a vu, toute relative. Chaque année, votre précédent rapporteur spécial, notre collègue Roland du Luart, exhortait le gouvernement à rationaliser la nébuleuse d'organismes rattachés au Premier ministre. Cette remarque semble toujours d'actualité.

Ensuite, on peut se demander si le rattachement de tous ces organismes au Premier ministre était approprié. Enfin, cette augmentation met le Premier ministre à la tête d'une administration multiforme et change la nature de sa fonction : le Premier ministre, ministre sans portefeuille en principe, devient moins l'animateur politique, l'instance d'arbitrage du gouvernement que le chef d'une nouvelle administration à vocation interministérielle.

C. COMPTE-RENDU DU CONTRÔLE EFFECTUÉ À LA MILDT

En application des dispositions de l'article 164-IV de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958, votre précédent rapporteur spécial, notre collègue Roland du Luart, a décidé d'effectuer une mission d'information et de contrôle budgétaire portant sur la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT).

Cette mission de contrôle des crédits budgétaires de la MILDT fait suite à la publication, en juillet 1998, d'un rapport particulier de la Cour des comptes dénonçant un certain nombre de dysfonctionnements dans la mise en oeuvre de la politique de lutte contre la drogue et la toxicomanie en France.

1. Président de la MILDT

Le fonctionnement de la MILDT est aujourd'hui régi par le décret n° 99-808 du 15 septembre 1999 relatif au comité interministériel de lutte contre la drogue et la toxicomanie et de prévention des dépendances et à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie.

La MILDT est chargée de coordonner l'action du gouvernement dans le domaine de la prévention, la prise en charge sanitaire et sociale, la répression, la formation, la communication, la recherche et les échanges internationaux. Sa compétence a récemment été étendue à l'abus d'alcool, de tabac et de médicaments psychotropes, c'est-à-dire de drogues dites licites. Son champ d'action couvre donc désormais l'ensemble des pratiques addictives.

2. Principales conclusions du rapport d'information

a) Les principales observations

Notre collègue Roland du Luart a déploré dans son rapport d'information un certain nombre de dysfonctionnements :

- insuffisance du financement de la MILDT ;

- mauvaises relations entre la présidente et son délégué ;

- faiblesses de la MILDT en matière de contrôle et d'évaluation de ses actions déconcentrées au niveau départemental et des actions mises en oeuvre par les organismes qu'elle subventionne ;

- utilisation de plus de 50 % des crédits interministériels délégués par la MILDT aux différents ministères, en principe pour financer des actions innovantes, pour financer des mesures récurrentes de « fonctionnement courant » des ministères.

b) Les principales propositions

Ces observations ont conduit notre collègue, M. du Luart, à émettre plusieurs propositions.

(1) S'agissant du fonds de concours finançant la MILDT:

- Mieux informer les responsables des greffes et des services des domaines sur l'existence du fonds de concours ;

- Mettre au point une procédure administrative et comptable d'identification des biens et sommes concernés par le fonds de concours ;

- Mettre fin au conflit juridique entre saisies pénales et saisies douanières en matière de luette contre les stupéfiants.

(2) S'agissant des dépenses de fonctionnement :

- Clarifier la position du délégué de la MILDT ;

- Poursuivre le mouvement de transferts d'emplois budgétaires à la MILDT ;

- Régler la question des locaux de la MILDT.

(3) S'agissant des crédits interministériels :

- Achever de mettre fin au financement d'actions récurrentes ou de dépenses de fonctionnement ;

- Établir un modèle uniformisé de fiche de prise en considération des projets à financer ;

- Établir un modèle uniformisé de compte-rendu d'utilisation des crédits, indiquant notamment les délais de consommation de ceux-ci.

(4) S'agissant des crédits délégués par la MILDT au plan local :

- Améliorer la connaissance de la MILDT sur les autres financements des conventions départementales d'objectifs ;

- Permettre aux chefs de projets départementaux de gérer les crédits destinés aux centres d'information et de ressources.

D. RÉFORMER LES FONDS SPÉCIAUX

Les fonds spéciaux, souvent appelés « fonds secrets », nourrissent mythes et fantasmes. Pourtant, ils ne représentent que 0,02 % du budget de l'Etat. Le décalage entre leur perception par l'opinion et leur importance réelle a parfois été critiqué. Ainsi, dans son Dictionnaire des idées reçues , Gustave Flaubert les définit, avec humour, de la manière suivante :

« FONDS SECRETS. - Sommes incalculables avec lesquelles les ministres achètent les consciences. - S'indigner contre ».

Les fonds spéciaux sont pourtant indispensables à la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat, et donc à la défense de la démocratie. Ainsi, que l'une des plus grandes affaires de corruption depuis l'établissement de la République, le scandale de Panama, découlait en partie de l'insuffisance des fonds secrets : le ministre des finances, Rouvier, avait en effet utilisé les subventions des financiers pour compléter des fonds spéciaux insuffisants, afin de défendre la République contre le péril boulangiste.

Il ne saurait donc être question de « supprimer les fonds spéciaux », comme on l'entend parfois. Cependant, une réforme semble nécessaire, afin de supprimer la tentation d'y recourir à des fins non avouables.

1. Le régime juridique des fonds spéciaux

a) Un régime juridique datant du début de la IVème République

Le régime juridique des fonds spéciaux obéit à une pratique ancienne formalisée au début de la IVème République et qui n'a pas été modifiée depuis. Les textes applicables sont la loi n° 46-854 du 27 avril 1946 portant ouvertures et annulations de crédits sur l'exercice 1946, et le décret n° 47-2234 du 19 novembre 1947.

(1) Le cadre général : l'article 42 de la loi du 27 avril 1946
(a) Un article autorisant l'existence de fonds spéciaux

Cet article limite l'ouverture des crédits de fonds spéciaux au seul budget du Premier ministre, ce dernier étant chargé de mettre à la disposition des ministres les dotations nécessaires au fonctionnement de leur département. Il rend les ministres responsables devant le Premier ministre de l'emploi des sommes mises à leur disposition, le chef du Gouvernement étant responsable devant l'Assemblée.

« Art.42. - Il ne peut être ouvert de crédits de fonds spéciaux qu'au budget de la présidence du Gouvernement. Le Président du Gouvernement est responsable devant l'Assemblée de l'emploi de ces fonds. Les ministres intéressés sont responsables devant le Président du Gouvernement des sommes mises par ce dernier à leur disposition.

Les crédits applicables aux dépenses imputées aux fonds spéciaux ne peuvent être ordonnancées à l'avance que pour une période de trois mois maximum. Des décrets pris en conseil des ministres dans le délai d'un mois procéderont au transfert à la présidence du Gouvernement des fonds spéciaux actuellement inscrits dans les différents budgets tant civils que militaires.

(...) »

(b) Un article imposant des obligations de transparence, qui ne sont pas respectées

Il convient de souligner que cet article impose certaines obligations de transparence, qui ne sont pas respectées.

• Tout d'abord, son avant-dernier alinéa prévoit l'établissement, au départ des ministres intéressés, d'un décret de quitus mentionnant, pour chaque ministre attributaire, les sommes reçues, les sommes dépensées et le reliquat.
« La gestion des fonds spéciaux est sanctionnée au départ de chacun des ministres concernés, par un décret de quitus mentionnant explicitement :

1° Les provisions reçues ;

2° Les sommes dépensées au cours de la gestion ;

3° Les reliquats disponibles ».

(...) ».

En pratique, le Premier ministre « donne quitus » annuellement et à la fin de son mandat à ces personnes, et les pièces justificatives sont alors détruites.

Il semblerait que le formalisme soit limité au minimum, en vertu de la « tradition républicaine ». Selon la note récemment remise par M. François Logerot, premier président de la Cour des comptes, au Premier ministre 7( * ) , « Aucune règle particulière n'est établie quant à la forme et au contenu de la comptabilité tenue par les personnes habilitées à disposer des fonds. (...) Aucun compte rendu n'est fourni au Premier ministre par les ministres attributaires de fond, et il ne leur en est d'ailleurs pas demandé ».

Surtout, « les décrets donnant quitus aux membres du Gouvernement (...) « au départ de chacun des ministres », (...) qui devaient mentionner explicitement les provisions reçues, les sommes dépensées et les reliquats disponibles, n'ont jamais été établis depuis l'origine ». M. Logerot observe que cela permet « la constitution de reliquats cumulés en cours d'année, reportés à l'année suivante jusqu'à la fin du mandat ministériel et éventuellement conservés après cette échéance ».

Ensuite, contrairement à l'usage qui en est fait, les fonds secrets n'ont pas vocation à échapper à la règle de l'annualité, comme l'indique le dernier alinéa de l'article 42 de la loi du 27 avril 1946 :

« Dans les mêmes conditions, un décret de quitus sera établi chaque année au 31 décembre pour chacun des ministres attributaires ; les sommes non dépensées seront rétablies au budget de la présidence du Gouvernement aux fins d'annulation. Seront de même annulés les crédits demeurés sans emploi sur le chapitre des fonds spéciaux du même budget ».

Comme dans le cas de l'alinéa précédent, les décrets donnant quitus aux membres du Gouvernement n'ont, selon la note de M. Logerot, « jamais été établis depuis l'origine ».

Selon M. Logerot, il y a « absence d'un reversement des reliquats aux produits divers du budget, d'un rétablissement des crédits de même montant et d'une annulation en fin d'année des crédits demeurés sans emploi, contrairement à ce que prévoyait la loi de 1946 ». Cette situation « a pour conséquence que l'apparence d'un emploi intégral des dotations du chapitre 37-91, tel que le reflète la loi de règlement, ne correspond pas au taux réel d'utilisation des fonds spéciaux, qui peut être bien inférieur ».

En pratique, sur la période étudiée par M. Logerot (1991-2000), il n'y a eu que quelques annulations de crédits. Celles-ci ont été peu significatives, sauf en 1999 (- 0,7 million d'euros) et en 2000 (- 0,29 million d'euros,). En outre, elles ont été prononcées par le collectif de fin d'année, et non par la loi de règlement.
(2) Le cas particulier des fonds relevant de la sécurité extérieure : le décret du 19 novembre 1947

Le décret du 19 novembre 1947 a instauré un dispositif particulier pour les fonds spéciaux relevant de la sécurité extérieure.

Il prévoit l'instauration d'une commission spéciale de vérification qui, présidée par un président de chambre à la Cour des comptes, vérifie l'utilisation des fonds, remet au Premier ministre un rapport sur les conditions d'emploi des crédits, et établit un procès-verbal permettant de constater que les dépenses sont couvertes par des pièces justificatives pour un montant égal.

b) Un régime partiellement dérogatoire aux principes classiques du droit budgétaire
(1) L'utilisation des fonds spéciaux par le pouvoir exécutif

Les crédits sont consommés sous l'autorité exclusive du Premier ministre.

• Ils dérogent à certaines règles budgétaires.

Tout d'abord, il n'y a pas de séparation de l'ordonnateur et du comptable. Comme le souligne M. Logerot dans sa note au Premier ministre, « les délégataires du Premier ministre [c'est-à-dire « le directeur et le chef du cabinet, le secrétaire général du Gouvernement et deux de ses collaborateurs » ] (ou des ministres pour la part qui leur est allouée) cumulent en fait les fonctions d'ordonnateur et de comptable comme le permet une gestion purement privée ».

De même, M. Logerot estime que « donnant lieu à des ordonnancements fractionnés, mais globaux, à destination de comptes de dépôts, les crédits dérogent à la règle de la spécialité budgétaire ».

En revanche, le non-respect de la règle d'annualité, traduit par la constitution de « réserves » de crédits non utilisés, n'est on l'a vu pas autorisé par la loi de 1946.

• En pratique, les crédits du chapitre 37-91 font l'objet d'ordonnancements en principe mensuels du secrétariat général du Gouvernement, visés par le contrôleur financier. Cependant, dans le cas des dépenses de la DGSE, le nombre d'ordonnances serait en général supérieur, et variable selon les années (17 en 1999 par exemple), du fait des ouvertures de crédits supplémentaires ou des « avances » consenties à partir des autres lignes (comme en l'an 2001).
Les paiements se font de manière différente selon la ligne concernée. Les crédits de l'article 10 (fonds spéciaux du Gouvernement) donnent lieu à virements sur un compte de dépôt ouvert à la paierie générale du Trésor au nom du Premier ministre. Ceux de l'article 20 (DGSE et dépenses diverses) viennent alimenter deux comptes à la Banque de France, ouverts respectivement au nom de la DGSE et du Premier ministre. Dans ce dernier cas, le compte ouvert à la Banque de France sert notamment à créditer d'autres comptes dans le même établissement au nom des titulaires de la fonction de président de la République et de celle de Premier ministre (fermés lors des changements de titulaires).

Selon le communiqué du Premier ministre du 18 juillet 2001, l'essentiel de ces opérations serait effectué par virement bancaire ou par chèque à partir de comptes à la paierie générale du Trésor et à la Banque de France. Ainsi, seules les rémunérations complémentaires du cabinet du Premier ministre et des ministères (respectivement 3,7 et 7,9 millions d'euros) seraient versés en espèces (soit 20 % des fonds spéciaux).
(2) L'absence de contrôle juridictionnel

De même, les dépenses engagées sur les fonds spéciaux échappent au contrôle juridictionnel de la Cour des comptes.

En prévoyant qu'« un décret de quitus sera établi chaque année au 31 décembre pour chacun des ministres attributaires », la loi de 1946 crée une procédure particulière d'apurement des dépenses dans laquelle la juridiction financière n'intervient pas.

D'autre part, comme le soulignait l'année dernière notre collègue député M. Georges Tron 8( * ) , s'agissant des fonds destinés à la sécurité extérieure, la commission prévue par le décret de 1947 et présidée par un magistrat de la Cour des comptes n'a pas de compétence juridictionnelle, puisqu'elle ne délivre pas de quitus mais rend compte de l'utilisation des fonds, d'une part, au Premier ministre par la transmission d'un rapport, d'autre part, à la Cour par la remise d'un procès-verbal. Ce dernier est destiné à permettre à la juridiction financière de « constater », et non de certifier, que le montant des dépenses porté dans le compte général de l'administration des finances correspond au montant établi par la commission.

Comme le souligne M. Logerot dans sa note au Premier ministre, « on notera le paradoxe d'une situation où les fonds publics consacrés à des opérations légitimement couvertes par le secret défense sont l'objet d'un contrôle externe, alors que ceux qui sont, pour une grande partie au moins, dévolus au fonctionnement courant de l'appareil gouvernemental, échappent à toute vérification a posteriori ».

Il convient en outre de souligner que, selon le communiqué du Premier ministre du 18 juillet 2001, il arrive que les services secrets autres que la DGSE reçoivent des versements en provenance des fonds spéciaux. Comme l'indique M. Logerot, « ces dotations ne sont pas soumises aux vérifications de la commission instituée par le décret du 19 novembre 1947 puisque sa compétence est limitée aux crédits inscrits à l'article 20 § 10 (DGSE) ».

(3) Quels pouvoirs pour le rapporteur spécial, le rapporteur général et le président de la commission des finances des deux assemblées ?
• L'existence d'un tel contrôle semble fondée en droit.

Dans la loi de 1946 précitée, rien ne le prévoit, ni ne l'exclut.

Le droit en vigueur sous la Vème République résulte du 6ème alinéa de l'article 164-IV de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959. Une interprétation restrictive de ces textes laissait penser que seuls les rapporteurs spéciaux pouvaient exercer un contrôle sur pièces et sur place, portant sur les seules réponses relevant du département ministériel qu'ils avaient la charge de rapporter.

Ainsi, depuis la première loi de finances rectificative pour 2000, la législation reconnaît que les présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances ont un pouvoir général de contrôle des recettes et dépenses publiques.

La loi précise cependant que ces pouvoirs s'entendent « réserve faite, d'une part des sujets de caractère secret concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat ».

Ce droit est confirmé par l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001, relative aux lois de finances. Cet article, applicable à compter du 1er janvier 2002, prévoit en effet que « Tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils [le rapporteur spécial, le rapporteur général et le président de la commission des finances] demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis ».

• En pratique, le gouvernement refuse de transmettre des informations détaillées au Parlement.
Dans son rapport au Premier ministre, M. François Logerot indique que « des réponses particulièrement concises étaient données chaque année aux questions posées par les rapporteurs spéciaux des commissions des finances, même dans le cas où des précisions étaient demandées sur la répartition entre dépenses de fonctionnement courant et dépenses intéressant la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat. Pour le budget 2001, par exemple, la réponse identique faite aux deux rapporteurs est la suivante : « Les fonds inscrits à l'article 20 § 10 sont destinés au fonctionnement de la direction générale de la sécurité extérieure. Ceux qui figurent respectivement à l'article 10 et à l'article 20 § 20 n'ont pas d'affectation différente. Celle-ci est laissée à la discrétion du Premier ministre, responsable de leur emploi devant le Parlement aux termes de la loi du 27 avril 1946 portant ouverture et annulation de crédits sur l'exercice 1946 » ».

La réponse donnée cette année à votre rapporteur spécial n'est pas plus détaillée.

Les tentatives récentes de contrôle sur pièces et sur place semblent en outre impossibles en pratique.

2. Des fonds spéciaux largement sous évalués

Les crédits demandés au titre des fonds spéciaux (chapitre 37-91) pour 2002 sont globalement identiques au niveau voté pour 2001, soit 60.030.974 euros.

Comme son prédécesseur, notre collègue M. Roland du Luart, votre rapporteur spécial estime que les montants que le gouvernement demande au Parlement de voter ne sont pas sincères car trop écartés des réalisations observées les dernières années.

En effet, le chapitre 37-91 « fonds spéciaux » est un chapitre limitatif, qui peut être abondé par décret pour dépenses accidentelles et, en cas d'urgence, par décret d'avance, conformément à l'article 11 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.

Ainsi, traditionnellement, en cours d'année, les fonds secrets sont abondés par des décrets non publiés au Journal officiel et qui portent sur des sommes non négligeables : entre 15 et 30 % du montant initial. Ces abondements servent notamment à financer des opérations particulières de la DGSE 9( * ) . Selon la note remise par M. François Logerot au Premier ministre, la DGSE bénéficie prioritairement des crédits supplémentaires ouverts en cours d'année. Ainsi, dans la période récente, la totalité de ces compléments lui a été affectée en 1994, 1995, 1999 et 2000. Elle en a reçu 80 % à 90 % de 1996 à 1998, années où des compléments ont été affectés aussi aux deux autres lignes.

Selon M. Logerot, les crédits initiaux, qui étaient de 64 à 70 millions d'euros dans les années 1991 à 1995, sont revenus à 60 millions d'euros depuis 1997. A ces crédits se sont ajouté des crédits supplémentaires, qui ont varié de 18,3 millions d'euros en 1992 à 9,1 millions d'euros en 1998, le point moyen se situant à 12,2 millions d'euros environ. Ainsi, les crédits ouverts totaux ont atteint un maximum en 1992 (86,7 millions d'euros) et un minimum en 1998 (69,3 millions d'euros), ce qui correspond à une diminution de 20 % en valeur.

Comparaison des fonds secrets votés et dépensés depuis 1997

(en millions d'euros)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Prévision

60,18

60,18

60,03

60,03

60,03

60,03

dont fonds spéciaux du Gouvernement (art. 10)

7,32

7,32

7,32

7,32

7,32

5,80

dont fonds spéciaux à desti-nation particulière (art. 20)

52,86

52,86

52,71

52,71

52,71

54,23

Exécution

77,64

69,29

72,08

71,21

61,74 (1)

ND

Ecart

 
 
 
 
 
 

en millions €

17,46

9,11

12,05

11,17

1,71 (1)

ND

en %

29,01

15,14

20,07

18,61

2,8 (1)

ND

(1) Prévision, déduction faite de 0,5 million d'euros de crédits gelés
Source : Premier ministre


La situation est d'autant plus paradoxale que, dans le même temps, le gouvernement n'utilise pas la totalité des crédits dont il dispose. Ainsi, pour la première fois, le Premier ministre a indiqué le 18 juillet 2001 dans un communiqué que le solde des comptes des fonds spéciaux attribués depuis 1997 au gouvernement était alors d'environ 15,5 millions d'euros. Le Premier ministre a également annoncé que le solde qui serait constaté à la fin de la législature serait reversé au budget de l'Etat, comme l'impose l'article 42 de la loi du 27 avril 1946, jamais respecté jusqu'alors sur ce point.

3. La répartition des fonds spéciaux

Les crédits de fonds spéciaux sont répartis entre l'article 10 du chapitre 37-91 - Fonds spéciaux du Gouvernement - et l'article 20 - Fonds spéciaux à destination particulière -, lui-même subdivisé entre deux paragraphes - dépenses de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) - et dépenses diverses. L'affectation des crédits de l'article 20 est laissée à l'appréciation du Premier ministre.

L'examen de la répartition opérée au cours des cinq dernières années montre qu'environ la moitié du total des fonds spéciaux est destinée à la DGSE qui bénéficie, par ailleurs, des crédits « classiques » inscrits au budget de la Défense. La moitié des fonds est donc utilisée pour financer les dépenses nécessaires à la sécurité extérieure du pays.

• Selon un communiqué du Premier ministre datant du 18 juillet 2001, en l'an 2001 la répartition des crédits a été la suivante :

La répartition des fonds spéciaux en 2001
(hors abondements en cours d'année)

(en millions d'euros)

Dépense

Montant

Gouvernement

18,9

Fonctionnement de l'Hôtel de Matignon, manifestations et frais de représentation

5,5

Actions humanitaires ou en faveur des droits de l'homme

1,8

Rémunérations complémentaires des membres du cabinet et de l'ensemble des personnels des services du premier ministre travaillant en relation avec le cabinet (soit plus de 600 personnes) et dépenses liées à la sécurité du premier ministre

3,7

Ensemble des ministères pour les rémunérations complémentaires et pour les frais de fonctionnement exceptionnels (soit en moyenne 131 000 francs mensuels pour chacun des 33 ministères et secrétaires d'Etat)

7,9

DGSE (article 20.10)

35,7 (1)

Autres

4,0

Elysée

3,7

Ministère des Affaires Etrangères

0,3

Total

58,6

LFI 2001

60,0

Solde

1,4

(1) Selon la note remise par M. François Logerot au Premier ministre, un supplément à la dotation affectée à la DGSE (5,7 millions d'euros) a été prélevé sur les deux autres lignes budgétaires.

Source : communiqué du Premier ministre (18 juillet 2001)

Ces données permettent de clarifier le débat sur la part des fonds spéciaux dont disposent respectivement la Présidence de la République et le Premier ministre. Le Président de la République a indiqué le 14 juillet 2001 que « Matignon a 95 % des fonds et l'Elysée moins de 5 % ». Si l'on considère que tous les fonds non affectés à la Présidence de la République le sont au Gouvernement, cet ordre de grandeur est juste (les chiffres exacts étant de respectivement 93,8 % et 6,2 %). Il convient cependant de prendre en compte le fait que l'essentiel de ces dépenses sont fortement contraintes. Ainsi, le Premier ministre a estimé, dans un communiqué du 18 juillet 2001, que le ministre ne dispose réellement que de 20,3 millions d'euros, soit 33,8 % des fonds spéciaux. Si l'on prend en compte les dépenses non réalisées, ce chiffre peut être ramené à seulement 18,9 millions d'euros.

Il convient de souligner la souplesse de cette répartition des crédits. En effet, la loi de finances n'affectant les crédits qu'au niveau du chapitre, et les crédits de fonds spéciaux étant à la libre disposition du Premier ministre, leur fongibilité entre les différentes lignes est possible. Ainsi, selon la note remise par M. François Logerot au Premier ministre, un supplément à la dotation affectée à la DGSE (5,7 millions d'euros) a été prélevé en 2001 sur les deux autres lignes budgétaires. Le communiqué du Premier ministre précise en outre que, selon les besoins, d'autres services de renseignement et de sécurité peuvent bénéficier de dotations en fonds spéciaux, notamment le Groupement interministériel de contrôle (chargé des écoutes téléphoniques).

4. Quelles réformes ?

Dans son rapport au Premier ministre, M. Logerot avance trois motifs incitant à restreindre le périmètre des fonds spéciaux.

Tout d'abord, « les polémiques récentes  ont montré que l'exigence de transparence à l'égard de l'utilisation des moyens financiers mis à la disposition des pouvoirs publics se faisait de plus en plus pressante », en particulier en ce qui concerne « les rémunérations payées sur deniers publics ».

Ensuite, « à la nécessité d'une meilleure transparence s'ajoute l'intérêt qui s'attache à combattre la suspicion persistante quant à l'utilisation possible des fonds spéciaux pour financer directement ou indirectement des activités de nature politique », ce qui « dans le passé » fut « une destination souvent avouée, maintes fois prouvée mais tacitement acceptée ».

Enfin, M. Logerot mentionne « l'effort de modernisation de la gestion publique ». En effet, le champ actuel des fonds secrets ne permet pas d'évaluer les coûts de l'appareil gouvernemental, ce qui est contraire à l'esprit de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances.

a) Plusieurs textes juridiques tendent à assurer aux fonds spéciaux une certaine transparence

a) La loi prévoit d'ores et déjà des règles de transparence, qui ne sont pas appliquées

On a vu que le manque de transparence relatif aux fonds spéciaux provient en grande partie du fait que la loi n'est pas respectée.

• Tout d'abord, la loi du la loi du 27 avril 1946 instaure, dans son article 42, certaines obligations.

Elle prévoit un certain contrôle du Premier ministre sur l'utilisation des fonds attribués aux ministres (par l'intermédiaire de décrets de quitus, au départ des ministres intéressés et le 31 décembre de chaque année).

Elle impose par ailleurs explicitement le respect du principe d'annualité, les sommes non dépensées au 31 décembre devant être rétablies au budget de la « présidence du Gouvernement » aux fins d'annulation.

• Ensuite, le Parlement dispose, on l'a vu également, de pouvoirs non négligeables.
Les dépenses imprévisibles ne relevant pas de la sécurité extérieure peuvent d'ores et déjà être contrôlées par les commissions des finances, ce qui est confirmé l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances, applicable à compter du 1er janvier 2002.

Il existe une exception dans le cas des crédits relatifs à la sécurité extérieure.

b) La loi organique relative aux lois de finances doit rendre les abondements en cours d'année plus transparents

Les abondements en cours d'année seront rendus plus transparents, du fait de deux dispositions de la nouvelle loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances. Ces dispositions doivent entrer en vigueur le 1 er janvier 2005.

Tout d'abord, l'article 7 de la nouvelle loi organique distingue les dépenses prévisibles et les dépenses imprévisibles, ces dernières devant faire l'objet d'une dotation spécifique, et les premières ne pouvant être abondées qu'en cas de dépenses accidentelles, désormais définies comme celles correspondant aux calamités. Ainsi, les dépenses prévisibles, comme les rémunérations de cabinet, ne pourront plus faire l'objet d'abondements en cours d'exercice (alors que certaines dépenses, concernant en particulier les services secrets, pourront continuer, à juste titre, d'être financées par des abondements).

Ensuite, l'article 56 de la nouvelle loi organique limite la non-publication aux rapports qui exposent les motivations de ces modifications de crédits, les décrets eux-mêmes devant être publiés : « Les décrets et arrêtés prévus par la présente loi organique sont publiés au Journal officiel. Il en est de même des rapports qui en présentent les motivations, sauf en ce qui concerne les sujets à caractère secret touchant à la défense nationale, à la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat ou aux affaires étrangères « .
b) Quelques pistes de réforme

Deux propositions de loi, enregistrées à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 juillet 2001 et présentées, respectivement, par notre collègue député M. Philippe de Villiers, et par nos collègues députés MM. Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy et Jean-François Mattei, proposent une réforme des fonds spéciaux.

Par ailleurs, le Premier président de la Cour des comptes, M. François Logerot, a remis au Premier ministre, au mois d'octobre de l'année 2001, une note relative au régime des fonds spéciaux 10( * ) .

Enfin, à l'occasion d'un entretien avec le président de votre commission des finances et votre rapporteur spécial, madame Florence Parly, secrétaire d'Etat au budget, a indiqué certains éléments de son projet de réforme des fonds spéciaux.

Il semble exister un certain consensus sur les grandes lignes que devrait suivre une éventuelle réforme des fonds spéciaux : réduire le périmètre des fonds spéciaux et améliorer leur contrôle.

(1) Restreindre le périmètre des fonds spéciaux

Tout d'abord, il semble nécessaire de réduire le périmètre des fonds spéciaux.

En effet, comme le souligne M. Logerot dans son rapport au Premier ministre, environ 19,8 millions d'euros, soit près du tiers de la dotation globale, « sont affectés à des dépenses de rémunération ou de fonctionnement qui ne se rattachent pas - au moins a priori - à des impératifs de sécurité extérieure ou intérieure de l'Etat, ni même à des interventions particulières assimilables à des « actes de Gouvernement » et pouvant de ce fait relever de procédures particulières et échappant à tout contrôle ». De même, on peut s'interroger, par exemple, sur la nature des opérations que recouvre la dénomination d'« actions humanitaires ou en faveur des droits de l'homme ». Selon M. Logerot, « Cette affectation peu explicite recouvre sans doute, pour partie, des subventions à des organismes divers qui - sauf nécessités particulières de confidentialité - pourraient être réimputées sur crédits budgétaires ordinaires du titre IV ».

La secrétaire d'Etat au budget a indiqué au président de votre commission des finances et à votre rapporteur spécial son intention de restreindre le périmètre des fonds spéciaux. Seul subsisterait l'article 20 paragraphe 10.

• Une première question est celle de la détermination du nouveau périmètre des fonds spéciaux.

Dans la proposition de loi précitée, notre collègue M. Philippe de Villiers envisage de le réduire à « la perspective de la garantie de la sécurité extérieure de la nation ».

Dans leur proposition de loi, également précitée, nos collègues députés MM. Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy et Jean-François Mattei proposent un périmètre plus large, puisqu'ils considèrent que les fonds spéciaux s'étendraient à « la sécurité intérieure et extérieure de l'Etat ».

Enfin, dans sa note remise au Premier ministre, M. François Logerot estime que le régime des fonds spéciaux devrait être encore plus étendu, puisqu'il concernerait « le financement d'actions liées à la sécurité intérieure et extérieure de la Nation ou à d'autres interventions exceptionnelles que le Premier ministre estimerait nécessaires à la sauvegarde des intérêts supérieurs du pays ».

La secrétaire d'Etat au budget n'a en revanche pas indiqué précisément au président de votre commission des finances et à votre rapporteur spécial quel nouveau périmètre elle envisageait de donner aux fonds spéciaux.

• On peut également s'interroger sur la manière de réaliser en pratique cette réduction de périmètre. M. Logerot avance à cet égard quelques propositions intéressantes qui, selon les déclarations faites par la secrétaire d'Etat au budget, devraient être suivies, dans leurs grandes lignes, par le gouvernement.
Il suggère tout d'abord de transférer les montants actuellement réservés aux « primes de cabinet » (c'est-à-dire les indemnités des ministres, de leurs collaborateurs et d'autres agents affectés dans les services du Premier ministre ou dans les cabinets), éventuellement révisés, aux lignes budgétaires déjà ouvertes dans les différents budgets au titre des indemnités de cabinet. La secrétaire d'Etat au budget a indiqué au président de votre commission des finances et à votre rapporteur spécial son intention de suivre cette recommandation. M. Logerot envisage également que, dans un premier temps, soit ouverte une dotation globale au budget des services généraux du Premier ministre, qui ferait l'objet de répartition entre les ministères par arrêtés de transfert. Par ailleurs, il propose deux mesures complémentaires. La première consisterait à définir, par décret, le régime des « indemnités de cabinet » - qui pourraient être qualifiées d'indemnités de sujétions spéciales -, et d'en fixer, par arrêté, sinon un barème détaillé, du moins les maxima autorisés selon le type de fonctions exercées 11( * ) . La secrétaire d'Etat au budget a déclaré au président de votre commission des finances et à votre rapporteur spécial qu'elle souhaitait que soit pris un tel décret. Elle a cependant précisé qu'elle n'envisageait pas que soit fixé un éventuel plafond, afin de préserver l'actuelle liberté de recrutement. Elle a également indiqué que la possibilité d'une différence de rémunération entre les différents cabinets serait maintenue.

La seconde mesure complémentaire envisagée par M. Logerot serait d'harmoniser les « rémunérations accessoires « officielles » » des membres des cabinets ministériels, la plupart du temps affectés par le ministre parmi les fonctionnaires relevant de son autorité ou mis à sa disposition par des administrations ou des corps extérieurs au ministère 12( * ) : « ou bien la totalité des indemnités serait prise en charge sur les crédits mis à la disposition des ministres, ou bien une règle claire serait fixée par le Premier ministre - par exemple le maintien au niveau moyen applicable aux fonctionnaires du grade et de l'échelon considéré ». M. Logerot envisage également de rendre plus transparente la rémunération des ministres et secrétaires d'Etat 13( * ) (par exemple, par une réévaluation de la rémunération globale, assortie de la suppression de l'avantage fiscal qui porte actuellement sur l'indemnité représentative de frais 14( * ) ).

M. Logerot estime que le financement sur les fonds secrets des moyens de fonctionnement courants devrait également être progressivement abandonné. Les sommes correspondantes seraient inscrites à un chapitre ou à un article budgétaire sous forme d'une dotation globale, qui pourrait d'ailleurs être abondée par des crédits en provenance du même budget et actuellement affectés de fait au fonctionnement du cabinet sans pour autant être identifiés. Afin de préserver la souplesse et la rapidité d'emploi du dispositif actuel, il serait envisageable d'instaurer auprès de chaque cabinet une régie d'avances 15( * ) , permettant au régisseur (en l'occurrence, un fonctionnaire agissant sous l'autorité du chef de cabinet) d'effectuer le paiement par virement, chèque, carte de paiement ou même numéraire de certaines catégories de dépenses courantes (matériel et fonctionnement, frais de mission ou de stage, rémunérations de personnels payés sur une base horaire ou à la vacation), dans la limite de l'avance qui lui est accordée par le comptable public et égale au maximum à 1/6 ème du montant prévisible des dépenses annuelles. L'avance est reconstituée après production des pièces justificatives des dépenses exposées. La secrétaire d'Etat au budget a indiqué au président de votre commission des finances et à votre rapporteur spécial que le gouvernement envisageait de suivre les recommandations du rapport Logerot sur le recours systématisé à des régies d'avances.
(2) Améliorer le contrôle des fonds spéciaux

Il existe également un consensus sur la nécessité de renforcer le contrôle des fonds spéciaux, affirmée notamment dans les deux propositions de loi précitées.

En particulier, M. Logerot estime que « c'est l'ensemble de l'utilisation des fonds spéciaux qui devrait faire l'objet d'un contrôle externe particulier, inspiré de celui qui s'exerce actuellement sur les seules dotations affectées à la DGSE, et associant la Cour des comptes, d'autres corps de contrôle et des représentants du Parlement ».

Il souligne la nécessité que les fonds spéciaux ne servent pas à compléter, par simple facilité d'emploi, les dotations ordinaires du budget consacrées à des dépenses qui ne nécessitent pas une protection particulière. Il estime que « L'un des objets du contrôle externe exercé sur les fonds spéciaux doit être précisément de vérifier la spécificité des imputations dont ils font l'objet et d'en rendre compte au Gouvernement ». Remarquant l'existence d'autres dépenses discrétionnaires de nature secrète (comme les « actions humanitaires ou en faveur des droits de l'homme » indiquées par le Premier ministre dans son communiqué du 18 juillet 2001), il considère que le contrôle de ce type de dépenses devrait également être renforcé, afin de vérifier le bien-fondé de leur financement sur les fonds spéciaux.

Il précise que des propositions seront présentées à cet effet dans une note complémentaire.

Sa seule préconisation dans le cadre de sa note précitée est d'élargir la ligne budgétaire réservée à la DGSE aux autres services secrets. En effet, comme on l'a vu, ceux-ci bénéficient fréquemment de financements à partir des fonds secrets, sans être soumis au contrôle de la commission prévue par le décret de 1947, limité à la ligne 20 § 10.

A l'occasion de son entretien avec le président de votre commission des finances et votre rapporteur spécial, la secrétaire d'Etat au budget n'a cependant donné aucune indication sur la manière dont le gouvernement envisageait d'améliorer le contrôle des fonds spéciaux.



1 Les trois autres concernent le Secrétariat général de la défense nationale (SGDN) (rapport spécial de M. Michel Moreigne), le Conseil économique et social (rapport spécial de M. Claude Lise) et le Plan (rapport spécial de M. Claude Haut) ; le budget des Services généraux du Premier ministre représente environ 90 % de l'ensemble de ces crédits.

2 Rapports spéciaux « Communication audiovisuelle » et « Presse » de M. Claude Belot.

3 Rapport spécial « Fonction publique » de M. Gérard Braun.

4 Ces mesures nouvelles permettent de compenser pour le secteur de l'audiovisuel public la diminution des ressources publicitaires (loi n° 2000-719 du 1er août 2000 sur la communication audiovisuelle) par des recettes publiques supérieures.

5 Selon la Cour, la suppression de 802 emplois nets affichée par le ministère de l'agriculture ne correspondrait qu'à 2 suppressions effectives, du fait du maintien au sein du ministère de 703 de ces postes et des crédits correspondant, et du transfert d'autres emplois vers d'autres ministères ou vers des organismes publics.

6 Ce « toilettage » a semble-t-il été excessif : le « jaune » actuel omet la mission interministérielle de l'effet de serre, pourtant citée par le « bleu », et toujours en place.

7 François LOGEROT,
Note à l'attention de Monsieur le Premier ministre relative au régime des fonds spéciaux , La documentation française, octobre 2001.

8 Commission des finances de l'Assemblée nationale, projet de loi de finances pour 2001, rapport spécial
Premier ministre, Services généraux, Conseil économique et social, Plan et journaux officiels , n°2624, 2000.

9 Jusqu'en 1986, il revenait au chef de l'état-major particulier du Président de signer le décret permettant d'abonder, en cours d'année, les fonds spéciaux destinés à ces opérations. Depuis l'affaire du Rainbow Warrior, le Premier ministre est seul responsable de la gestion de ces fonds.

10 François Logerot,
Note à l'attention de Monsieur le Premier ministre relative au régime des fonds spéciaux , La documentation française, octobre 2001. L'auteur précise que les observations et les propositions présentées dans cette note, qui lui a été demandée à titre « strictement personnel », relèvent de sa seule responsabilité et ne sauraient donc engager la Cour des comptes.

11 Une telle réforme a été réalisée dès 1983 pour les membres des cabinets ministériels relevant du ministère de l'économie et des finances. En effet, leurs rémunérations accessoires sont payées depuis cette date uniquement sur crédits budgétaires et entièrement fiscalisées.

12 Certains continuent de percevoir les indemnités au niveau antérieur, d'autres sont ramenés à un taux forfaitaire, d'autres enfin voient leurs indemnités supprimées.

13 Fixée par un décret du 25 avril 1967, modifié par des décrets du 31 janvier 1984 et du 1 er juin 1995 (textes non publiés).

14 L'indemnité représentative de frais est exonérée de l'impôt sur le revenu, selon une application « coutumière » des dispositions de l'article 81-1° du Code général des impôts ; par ailleurs, les membres du gouvernement peuvent conserver pour eux-mêmes une partie des « enveloppes » de fonds spéciaux et leur train de vie est de fait partiellement pris en charge par les dotations de fonctionnement du ministère.

15 Organisées par un décret du 20 juillet 1992 et une instruction du 29 juin 1993. Des dérogations, prévues par le décret précité, pourraient être décidées pour élargir les catégories des dépenses payables par le régisseur, relever le montant unitaire par opération (actuellement fixé à 5 000 F, ce qui peut en effet paraître insuffisant) ou porter l'avance à une proportion supérieure du volume prévisible des dépenses annuelles.