C. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Si le caractère de service public de l'archéologie préventive a été réaffirmé par l'Assemblée nationale, des modifications significatives ont été apportées au texte du gouvernement en ce qui concerne, d'une part, les partenariats que l'établissement a vocation à établir avec les autres acteurs de la recherche archéologique et, d'autre part, le mode de calcul de la redevance.
1. Un monopole assoupli
Lors des
débats à l'Assemblée nationale, s'est fait jour la
préoccupation d'assurer que les droits exclusifs conférés
à l'établissement public en matière d'exécution des
fouilles ne conduisent pas à ce que celui-ci " monopolise " la
recherche archéologique.
Le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales
de l'Assemblée nationale, M. Pascal Rogemont, a
précisé à l'occasion de l'examen de l'article 2 que
"
l'établissement public administratif n'aura pas vocation
à être à lui tout seul la communauté scientifique
archéologique, ni par sa constitution, ni par son
fonctionnement
" et qu'il "
agira en fonction de cette
communauté archéologique
".
Sur sa proposition, l'Assemblée nationale a souhaité
préciser la rédaction du projet de loi afin de prévoir que
pour l'exécution de sa mission, l'établissement public
" associe les services de recherche archéologique des
collectivités territoriales et des autres personnes morales de droit
public " mais également qu'" il peut faire appel, pas voie de
convention, à d'autres personnes morales, françaises ou
étrangères dotées de service de recherche
archéologique ".
Si ces précisions vont dans le bon sens, elles ne permettent pas
véritablement de garantir que d'autres organismes puissent être
associés aux opérations de fouilles et que toute tentation
corporatiste soit écartée.
En effet, bien que l'Assemblée nationale ait modifié les
modalités de désignation du responsable de fouilles,
l'établissement conserve un pouvoir de proposition. Par ailleurs,
s'agissant des partenariats, la rédaction de l'article 2 demeure
très floue. Enfin, la décision de conventionner appartient
à l'établissement et à lui seul, ce qui est au demeurant
la conséquence logique de l'autonomie qui lui est reconnue en
qualité d'établissement public doté de la
personnalité morale.
2. Un nouveau mode de calcul de la redevance d'archéologie préventive.
Afin de
répondre aux nombreuses critiques suscitées par les
modalités de calcul de la redevance prévues par le texte initial
du projet de loi, l'Assemblée nationale leur a substitué un
dispositif nouveau qui, contrairement à ce que pourrait laisser penser
sa rédaction, est destiné à assurer une plus grande
transparence du coût fiscal de l'archéologie.
En premier lieu,
l'efficacité du dispositif a été
améliorée
. En effet, l'exonération des constructions
d'une surface hors oeuvre nette de moins de 5 000 mètres
carrés ne permettait pas à l'évidence de garantir à
l'établissement, dans le cadre du monopole, des ressources suffisantes.
L'Assemblée nationale a donc substitué au critère
fondé sur l'importance des opérations un critère prenant
en compte leur finalité, en prévoyant que serait
exonérée de la redevance la construction de logements
réalisés par une personne physique pour elle-même.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a prévu une
exonération supplémentaire afin de prendre en compte dans le
calcul de la redevance le coût des opérations de fouilles qu'une
collectivité locale peut effectuer elle-même grâce au
concours de ses services archéologiques
, disposition qui, à
l'évidence, ouvre une brèche substantielle dans le monopole
reconnu à l'établissement.
L'Assemblée nationale a, en outre, précisé que pourraient
faire l'objet d'une réduction du montant de la redevance les moyens mis
à disposition de l'établissement public par les redevables, dans
la limite de 50 % de celle-ci. Cette précision revient à
reconnaître que certaines opérations sont en réalité
détachables de l'objet scientifique de la fouille.
Enfin, sur proposition du gouvernement, l'Assemblée nationale a
fixé
de nouvelles modalités de calcul de la redevance
. La
distinction entre la redevance pour sondages et diagnostics et celle due pour
les opérations de fouilles demeure mais leurs modalités de calcul
sont profondément modifiées.
En dépit d'une rédaction qui a toutes les apparences de la
complexité, le dispositif prévu par le paragraphe II de l'article
4 vise en réalité à fixer un taux par mètre
carré permettant de couvrir le besoin de financement de
l'établissement qui a été estimé à environ
700 millions de francs. Ce chiffre qui représente le budget global de
l'archéologie préventive sur la base des données
disponibles pour l'année 1998 recouvre à la fois le chiffre
d'affaires de l'AFAN, mais également la valeur des prestations prises en
charge actuellement par les aménageurs (terrassements,
équipements de chantiers, ...). Une enquête nationale
réalisée par les services du ministère de la culture a
permis d'obtenir des données sur les opérations
exécutées. A partir de ces informations et des besoins de
financement de l'établissement, les formules de calcul ont pu être
arrêtées et les exonérations, évaluées.
Pour répondre aux critiques exprimées sur la complexité du
dispositif prévu initialement, a été fixé un taux
unique pour la redevance due au titre des sondages et diagnostics, soit
2,58 francs par m².
En matière de fouilles, la diversité des sites rencontrés
a conduit l'Assemblée nationale à retenir deux formules, l'une
concernant les sites stratifiés composés de la superposition de
vestiges d'époque successives et l'autre, les sites présentant
une accumulation de structures archéologiques (tombes, trous de poteaux
par exemple)
Cette formule, présente
l'avantage de la transparence
dans la
mesure où elle est assise sur les prescriptions des services
régionaux d'archéologie et qu'à ce titre,
elle laisse
une marge d'appréciation très faible à
l'établissement pour en fixer le montant
.
En revanche, si elle a le mérite de tenir compte du coût actuel de
l'archéologie,
elle ne permet pas de garantir sa capacité
à assurer de manière permanente les besoins de
l'établissement,
ce qui, dans un contexte de monopole, ne peut que
susciter des inquiétudes. En effet, l'étude
réalisée par les services du ministère ne porte que sur
une seule année. Or, compte tenu de la croissance exponentielle des
coûts de l'archéologie au cours de la dernière
décennie, on peut se demander si l'indexation des taux sur le coût
de la construction permettra à l'avenir à la redevance de couvrir
le coût d'exécution des fouilles archéologiques.