EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE PREMIER
Création d'une
commission
nationale des aides publiques aux entreprises
Commentaire : le présent article propose de
créer
une commission nationale des aides publiques aux entreprises.
La commission nationale, dont la création est proposée par le
présent article, est chargée de contrôler les aides
publiques accordées aux entreprises.
La notion d'aides publiques n'est pas définie. Il semble toutefois que
l'absence de définition précise soit
délibérée, les auteurs de la présente proposition
de loi entendant étendre le champ du contrôle de la commission
nationale aux
" aides publiques de toute nature "
.
Il convient de rappeler que le texte initial de la proposition de loi donnait
une définition plus complète des aides publiques dont il s'agit,
pour la commission nationale, de contrôler l'utilisation. Il s'agissait
des
" fonds publics accordés aux entreprises sous forme d'aides
directes, d'exonérations, de bonifications de crédits ou autres
facilités financières ".
Par ailleurs, les aides pouvant faire l'objet d'un contrôle proviennent
de l'Etat, mais aussi des collectivités locales ou de leurs
établissements publics. Le second alinéa du présent
article étend même le champ de compétence de la commission
nationale aux
" aides mises en place à l'aide de crédits
de l'Union européenne ".
Enfin, le présent article précise les formes que peuvent prendre
les activités de contrôle de la commission nationale sur les aides
publiques :
- évaluer leur impact économique et social, tant sur le plan
quantitatif que qualitatif ;
- contrôler leur utilisation, l'objectif étant
" d'en
améliorer l'efficacité pour l'emploi et la formation
professionnelle et les équilibres territoriaux "
.
La commission nationale a donc été conçue comme devant
exercer des pouvoirs très importants dans un souci de bonne utilisation
des deniers publics, qu'ils soient d'origine nationale et communautaire, mais
aussi d'aménagement du territoire.
Toutefois, les conditions d'exercice de ces pouvoirs ne sont pas
précisées.
Dans la version initiale de la proposition de loi, il s'agissait de
véritables pouvoirs d'investigation, l'article 5 disposant même
que la commission
" est habilitée à se faire communiquer
tous documents de service de quelque nature que ce soit. Aucun caractère
de confidentialité ne peut justifier une rétention
d'information ".
De tels pouvoirs sont ceux des rapporteurs
spéciaux des commissions des finances du Parlement, étant
précisé qu'ils doivent cependant respecter le
secret-défense et le principe de la séparation de
l'autorité judiciaire des autres pouvoirs. La commission nationale
disposait donc, dans la version initiale du texte, de prérogatives plus
étendues encore !
Le présent article est rédigé d'une manière
délibérément vague, donnant l'impression, aux auteurs de
la présente proposition de loi en particulier, d'un pouvoir de
contrôle étendu, mais imprécis. Tel est sans doute
l'objectif recherché par les services du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie qui, d'après les
informations communiquées à votre rapporteur, sont à
l'origine de la nouvelle rédaction du présent article.
Selon les mêmes informations, la commission nationale pourra, dans la
nouvelle rédaction, se voir opposer par un service gestionnaire d'aides
tel qu'une DRIRE
7(
*
)
ou une
DDTEFP
8(
*
)
, le secret des
affaires, en particulier des informations de caractère industriel ou
fiscal, c'est-à-dire des informations essentielles à la
compréhension de l'attribution et de l'utilisation des aides publiques
accordées.
Pour autant, votre rapporteur s'interroge sur la façon dont la
commission usera de ses pouvoirs :
- si elle exerce un contrôle de régularité de l'utilisation
des aides publiques, elle fait double emploi avec les corps de contrôle
internes des ministères, la Cour des comptes et les rapporteurs
spéciaux des commissions des finances, et risque même de se
substituer à eux ;
- si elle exerce un contrôle en opportunité, elle risque de
prendre des décisions de nature bureaucratique éventuellement
préjudiciables à l'économie et à l'emploi, manquant
ainsi son objectif.
Le but recherché par la présente proposition de loi serait la
transparence des aides publiques accordées aux entreprises. Votre
rapporteur est d'avis qu'il ne s'agit de rien d'autre que d'un jeu
d'illusions.
ARTICLE 2
Composition de la commission
nationale
Commentaire : le présent article précise la
composition de la commission nationale des aides publiques aux entreprises.
Le présent article fixe la composition de la commission nationale des
aides publiques aux entreprises, conçue de manière large et
imprécise.
La commission nationale comprend, en effet, des députés et des
sénateurs désignés par leur assemblée respective,
sans que soit précisé leur nombre ni la part qu'ils
représentent dans l'ensemble des membres de la commission nationale. Ce
point est renvoyé à un décret en Conseil d'Etat.
La commission comprend également des représentants de l'Etat,
sans plus de précisions.
Enfin, siègent à la commission nationale :
- des représentants des organisations syndicales de salariés
représentatives au plan national, ainsi que ceux des organisations
d'employeurs les plus représentatives au plan national ;
- des personnalités qualifiées venant notamment du monde
associatif.
Les débats de l'Assemblée nationale indiquent clairement qu'il
s'agit de permettre aux associations de chômeurs de siéger
à la commission nationale. Votre rapporteur s'interroge toutefois sur la
représentativité de telles associations.
Enfin, il note que les parlementaires risquent d'être minoritaires au
sein de la commission nationale, alors qu'il s'agit de lui donner des pouvoirs
importants.
ARTICLE 3
Création de commissions
régionales et modalités d'exercice des compétences des
commissions
Commentaire : le présent article tend, d'une part,
à créer des commissions régionales de contrôle des
aides publiques aux entreprises, et, d'autre part, à préciser les
modalités d'exercice des compétences de la commission nationale
et des commissions régionales.
Le présent article prévoit la création, dans chaque
région, d'une commission qui
" connaît les aides publiques
définies à l'article 1
er
accordées ou mises en
oeuvre dans la région ".
La composition des commissions régionales est inspirée de celle
de la commission nationale, les élus qui en sont membres étant
les représentants des différentes collectivités
territoriales. Leur secrétariat est assuré par le préfet
de région.
Par ailleurs, le présent article fixe les modalités selon
lesquelles les commissions, nationale et régionales, exercent leurs
compétences.
Celles-ci sont de trois ordres :
- la consultation : cette prérogative appartient à la
seule commission nationale qui
" peut être consultée lors
de l'institution de tout nouveau dispositif national d'aides publiques aux
entreprises "
;
- la saisine : la commission nationale dispose d'un pouvoir
d'autosaisine ; elle peut également être saisie par l'une des
instances habilitées à désigner un représentant en
son sein, mais également par un comité d'entreprise ou, à
défaut, un délégué du personnel ; peuvent
également saisir la commission nationale : une entreprise, un
parlementaire, un maire, un président de conseil général
ou régional ; quant aux commissions régionales, elles
peuvent être saisies par un maire, un parlementaire, un président
de conseil général ou régional ;
- l'information : chaque préfet de région transmet
à la commission nationale un rapport annuel
" sur la mise en
oeuvre et l'utilisation de l'ensemble des aides aux entreprises "
et,
à la commission régionale, un rapport sur lequel elle
" émet un avis "
; par ailleurs, les commissions,
nationale et régionales, peuvent obtenir des informations
complémentaires, soit auprès des différents gestionnaires
d'aides, soit auprès des préfets régionaux et
départementaux ; enfin, la commission nationale établit un
rapport annuel, qui est transmis au Parlement et rendu public.
Votre rapporteur ne peut que déplorer le caractère largement
irréaliste des modalités de saisine des commissions retenues par
le présent article. En effet, la commission pourra être saisie par
un nombre considérable de personnes, à commencer par les 36.000
maires de France !
Les conséquences pratiques de cette ouverture très large de la
saisine risquent de se traduire par un encombrement des commissions et par la
paralysie de leur fonctionnement.
Le Gouvernement en est d'ailleurs parfaitement conscient. Concernant la
consultation de la commission nationale lors de l'institution de tout nouveau
dispositif national d'aides publiques aux entreprises, il a ainsi
présenté un amendement tendant à rendre cette consultation
facultative et non obligatoire, le ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie indiquant que
" pour ne pas encombrer la commission
nationale et pour la rendre pleinement efficace, il convient de ne pas rendre
sa consultation systématique ".
Néanmoins, les modalités de leur saisine suffiront à
paralyser le fonctionnement des commissions. Mais peut-être est-ce le
souhait secret du Gouvernement...
ARTICLE 4
Intervention d'un comité
d'entreprise ou d'un délégué du personnel
Commentaire : le présent article tend à
associer
un comité d'entreprise ou un délégué du personnel
au contrôle des aides publiques accordées à son entreprise.
Les dispositions du présent article ont été
présentées à l'Assemblée nationale comme
" des droits nouveaux
[accordés]
aux salariés dans
les entreprises "
et comme une
" occasion de renforcer les
capacités d'initiative des comités d'entreprise "
9(
*
)
.
Votre rapporteur considère, quant à lui, que le présent
article traduit bien la philosophie qui sous-tend la présente
proposition de loi :
un texte étranger à toute
rationalité économique.
En effet, le comité d'entreprise ou, à défaut, le
délégué du personnel peut saisir l'organisme gestionnaire
des aides ou l'autorité compétente
" lorsqu'il estime que
l'employeur ne respecte pas les engagements souscrits pour
bénéficier des aides définies à l'article
1
er
".
Alors que le contexte économique actuel exige rapidité dans la
prise de décisions et capacité d'adaptation à la
conjoncture, le présent article aboutit à lier l'employeur
à des engagements qu'il a pu prendre dans des conditions
économiques totalement différentes de celles qui prévalent
par la suite.
En outre, le service ou l'autorité compétente saisie peut
" décider
[...]
de suspendre ou de supprimer l'aide
accordée ; le cas échéant, il peut en exiger le
remboursement ".
Votre rapporteur doute que le remboursement des aides consenties contribue
à améliorer la situation de l'entreprise ou celle de l'emploi.
En outre, les services qui gèrent les aides, en particulier les services
déconcentrés des ministères, peuvent déjà
décider de suspendre ou de supprimer une aide, et même d'en exiger
le remboursement. Or, ces cas sont extrêmement rares, en raison notamment
de la lourdeur et de la complexité de la procédure, ainsi que des
difficultés qu'elle ne manque pas d'entraîner. Selon des
informations communiquées à votre rapporteur, il n'est pas
attendu de la création d'une commission nationale de contrôle une
augmentation des cas de suspension, de suppression ou de remboursements d'aides.
Ces informations confortent votre rapporteur dans son analyse selon laquelle
la création d'une commission nationale de contrôle est inutile.
Il ne peut toutefois manquer de s'interroger sur les conséquences d'une
suspension ou d'une suppression des aides accordées aux entreprises dans
le cadre du passage aux 35 heures, suite à l'intervention en ce sens
d'un comité d'entreprise ou d'un délégué du
personnel.
ARTICLE 4 bis (nouveau)
Extension aux aides
européennes des informations relatives aux aides publiques contenues
dans le rapport annuel présenté par le chef d'entreprise au
comité d'entreprise
Commentaire : le présent article propose de
compléter les informations relatives aux aides publiques contenues dans
le rapport annuel du chef d'entreprise au comité d'entreprise.
Le présent article est issu de l'adoption, par l'Assemblée
nationale, d'un amendement proposé par M. Gérard Bapt.
Afin de compléter l'information des salariés et de leurs
représentants, il prévoit d'ajouter, parmi les informations
relatives aux aides publiques reçues par l'entreprise, et contenues dans
le rapport que le chef d'entreprise présente au comité
d'entreprise, celles qui concernent les aides accordées par la
Communauté européenne.
ARTICLE 4 ter (nouveau)
Exercice par le
Commissariat général du plan du secrétariat de la
commission nationale
Commentaire : le présent article tend à
confier
le secrétariat de la commission nationale au Commissariat
général du plan.
Le présent article est issu de l'adoption, par l'Assemblée
nationale, d'un amendement présenté par M. Gérard Bapt.
Il tend à ce que le secrétariat de la commission nationale des
aides publiques aux entreprises soit assuré par le Commissariat
général du plan, qui l'assisterait dans ses missions de
concertation et d'expertise.
Cette disposition revêt une importance beaucoup plus grande qu'il n'y
paraît. En effet, elle indique que la commission nationale ne disposera
pas de moyens propres pour mener à bien la mission qui lui est
dévolue par la présente proposition de loi. Et aussi qu'elle
dépendra directement du Premier ministre.
Or, le Commissariat général du plan, dont le travail est par
ailleurs toujours remarquable et frappé du souci de
l'intérêt général, ne verra pas ses moyens
étendus pour cette nouvelle mission.
ARTICLE 5
Conditions d'application
Commentaire : le présent article est relatif aux
conditions d'application des dispositions de la présente proposition de
loi.
Le présent article renvoie, traditionnellement, à un
décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions d'application
des dispositions de la présente proposition de loi, dont votre
rapporteur a démontré, précisément, le
caractère inapplicable.