Propositions de loi relatives à la constitution d'une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises
OSTERMANN (Joseph)
RAPPORT 214 (1999-2000) - COMMISSION DES FINANCES
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- AVANT-PROPOS
- EXAMEN DES ARTICLES
- EXAMEN EN COMMISSION
- MOTION
-
présentée par M. Ostermann,
au nom de la commission des finances, - TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE
- TABLEAU COMPARATIF
N°
214
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 9 février 2000
RAPPORT
FAIT
au
nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la Nation (1) sur :
-
la proposition de loi
, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE
NATIONALE,
relative à la
constitution d'une
commission
de
contrôle
nationale
et
décentralisée
des
fonds
publics
accordés aux entreprises
;
-
la proposition de loi de M. Guy FISCHER, Mmes Nicole BORVO, Marie-Claude
BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mme Danielle BIDARD-REYDET, MM. Robert
BRET, Michel DUFFOUR, Thierry FOUCAUD, Gérard LE CAM, Pierre LEFEBVRE,
Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme
Odette TERRADE
relative à la
constitution
d'une
commission
de
contrôle nationale
et
décentralisée
des
fonds publics accordés
aux entreprises
Par M.
Joseph OSTERMANN,
Sénateur.
(1) . Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.
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les numéros
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Entreprises . |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le 13 octobre 1999, M. Robert Hue et les membres du groupe communiste et
apparentés de l'Assemblée nationale déposaient une
proposition de loi relative à la constitution d'une commission de
contrôle nationale et décentralisée des fonds publics
accordés aux entreprises.
Notre collègue Guy Fischer et les membres du groupe communiste,
républicain et citoyen déposaient sur le Bureau du Sénat
une proposition de loi identique le 16 décembre 1999.
Le Sénat est saisi, de manière conjointe, de ces deux
propositions de loi.
En effet, l'Assemblée nationale a adopté, le 18 janvier
dernier, la proposition de loi de M. Robert Hue et de ses collègues.
Elle a toutefois adopté une nouvelle rédaction globale de chacun
des cinq articles, et a introduit deux articles additionnels.
La présente proposition de loi est, avant tout, un texte de nature
circonstancielle.
Suite à d'importants licenciements et à des
délocalisations de production décidés par de grands
groupes industriels, elle tend à créer une commission nationale
et décentralisée chargée de contrôler les fonds
publics accordés aux entreprises, afin d'évaluer
l'efficacité et de contrôler l'utilisation des aides publiques qui
leur sont octroyées.
La création de cette commission nationale ne peut que susciter le
scepticisme de votre rapporteur quant à son utilité, sa
perplexité quant aux circonstances qui ont présidé
à sa création, et son étonnement quant à l'origine
parlementaire d'une initiative qui dessaisit le Parlement de ses
prérogatives.
I. LA CRÉATION D'UNE COMMISSION NATIONALE DES AIDES PUBLIQUES AUX ENTREPRISES EST INUTILE...
A. DES ARGUMENTS PEU CONVAINCANTS
Tant les
auteurs de la présente proposition de loi que son rapporteur à
l'Assemblée nationale, M. Jean Vila, ont développé, pour
justifier la création d'une commission de contrôle des aides
publiques accordées aux entreprises, des
arguments dont la nature
économique est incertaine.
Ils ont, en effet, cité des exemples d'entreprises dont le comportement
a pu paraître
" cynique "
1(
*
)
parce qu'elles ont annoncé soit des
licenciements après avoir réalisé d'importants
bénéfices, soit des délocalisations de leurs unités
de production alors qu'elles avaient reçu des aides non
négligeables de la part de l'Etat, des collectivités
territoriales ou de la Communauté européenne.
Rappelons que ces cas ont fait l'objet d'une forte médiatisation et
qu'ils n'ont pas manqué, par conséquent, de susciter une grande
émotion dans l'opinion publique.
Car tel est bien le caractère des arguments employés par les
auteurs et le rapporteur de la présente proposition de loi :
il
s'agit d'arguments émotionnels qui ne conviennent guère à
la réflexion et à la sérénité
nécessaires à une bonne législation.
Les interventions des députés de la majorité plurielle,
lors de l'examen de la présente proposition de loi à
l'Assemblée nationale le 18 janvier 2000 sont
révélatrices de cet état d'esprit :
" émotion considérable "
,
" inquiétude "
,
" sentiment de
colère "
,
" frappés de stupeur "
,
" profondément choqués "
figurent ainsi parmi
les expressions les plus employées.
La présente proposition de loi, dans l'esprit même de ses
concepteurs, résulte de la nécessité de réagir
rapidement à des événements ponctuels - dont votre
rapporteur n'entend évidemment pas sous-estimer les conséquences
en termes d'emploi - mais non de l'examen approfondi d'une situation d'ensemble
ni des moyens à mettre en oeuvre pour y faire face efficacement.
Or, une analyse sereine de la situation aurait démontré que la
création de cette commission de contrôle des aides publiques
accordées aux entreprises n'est pas nécessaire - car elle n'est
pas utile -, et qu'elle contribue même à restreindre les
prérogatives que les assemblées parlementaires tiennent de la loi
en matière de contrôle de l'emploi des deniers publics.
B. LA NOSTALGIE DE L'ÉCONOMIE ADMINISTRÉE
Outre le
recours à des arguments relevant davantage de l'émotion et de la
précipitation que de la rationalité économique, la
présente proposition de loi est étayée par une conception
de l'économie qui appartient au passé.
Le Premier ministre avait expliqué que, dans le contexte
économique actuel, il n'était plus possible d'administrer
l'économie, mais qu'il était en revanche souhaitable de la
" réguler "
.
Or, la présente proposition de loi révèle, chez ses
auteurs, une nostalgie certaine de l'économie administrée.
Ce fait a même été relevé par un
député de la majorité plurielle lors de l'examen du texte
à l'Assemblée nationale. M. Gérard Bapt a en effet
estimé qu'il fallait
" éviter l'écueil
bureaucratique qui constitue un risque ".
Alors que l'économie est aujourd'hui caractérisée par la
liberté des échanges commerciaux et des mouvements de capitaux,
par la globalisation des marchés, par le développement des
nouvelles technologies, Internet en particulier, les auteurs de la
présente proposition de loi envisagent la création d'une
commission de contrôle des aides publiques accordées aux
entreprises comme une solution pour limiter les effets néfastes de la
mondialisation !
Votre rapporteur considère que
la multiplication des
contrôles
, voire des tracasseries, de nature administrative n'est pas
un moyen efficace pour lutter contre le chômage. Au contraire, elle
peut contrarier l'allocation optimale des ressources et, de ce fait,
constituer un frein à la croissance et à l'emploi.
Il convient, en effet, de rappeler que la commission nationale dont la
création est proposée pourra contrôler l'utilisation des
aides publiques octroyées aux entreprises. Cela revient à
permettre à l'administration de s'immiscer dans les décisions
économiques prises par les entreprises, celles qui concernent
l'investissement en particulier.
Or, l'époque au cours de laquelle les pouvoirs publics
décrétaient le niveau de l'emploi est révolue, même
si le Gouvernement actuel est toujours tenté de rechercher cette
solution, la création des emplois jeunes - succédané
d'emplois publics - étant symptomatique de ce volontarisme politique.
C. UN AFFAIBLISSEMENT DES PRÉROGATIVES DU PARLEMENT
Votre
rapporteur ne peut dissimuler son étonnement et même son
incompréhension face à la volonté de parlementaires
d'amoindrir leurs propres prérogatives.
Car c'est bien le résultat que ne manquerait pas d'entraîner la
création d'une commission de contrôle des aides publiques
accordées aux entreprises !
Il convient, en effet, de rappeler que ce type de contrôle relève,
au premier chef, des compétences du Parlement.
Votre rapporteur se voit dans l'obligation de rappeler quelques notions de
droit constitutionnel et parlementaire.
L'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du
26 août 1789 dispose que
" tous les citoyens ont le droit de
constater, par eux-mêmes ou
par leurs représentants
, la
nécessité de la contribution publique, de la consentir librement,
d'en suivre l'emploi
et d'en déterminer la quotité,
l'assiette, le recouvrement et la durée ".
Le contrôle des fonds publics est, par essence, une prérogative
des assemblées parlementaires et constitue, par conséquent, une
condition de la démocratie représentative.
Les lois prises pour l'application de la Constitution ont précisé
ce principe, en lui donnant une portée effective.
L'article 1
er
, alinéa 2, de l'ordonnance n° 59-2 du
2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances
prévoit que
" les dispositions législatives
destinées à organiser l'information et le contrôle du
Parlement sur la gestion des finances publiques
[...]
sont contenues
dans les lois de finances ".
L'article 164 de l'ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958
portant loi de finances pour 1959 prévoit de fournir au Parlement un
ensemble de rapports et documents devant lui assurer le contrôle de
l'exécution d'une loi de finances.
En particulier, le paragraphe IV de l'article 164 précité
dispose que
" les membres du Parlement qui ont la charge de
présenter, au nom de la commission compétente, le rapport sur le
budget d'un département ministériel, suivent et contrôlent
de façon permanente, sur pièces et sur place, l'emploi des
crédits inscrits au budget de ce département. Tous les
renseignements d'ordre financier et administratif de nature à faciliter
leur mission doivent leur être fournis ".
Ce texte est fondamental : il pose le principe et définit les
modalités des prérogatives des rapporteurs spéciaux de la
commission des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat.
En outre, les rapporteurs spéciaux bénéficient, dans
l'exercice de leurs prérogatives, de l'aide de la Cour des comptes qui,
en vertu de l'article 47, alinéa 6, de la Constitution,
" assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de
l'exécution des lois de finances ".
L'article L.135-5 du code des juridictions financières précise,
par ailleurs, que
" le premier président
[de la Cour des
comptes]
peut donner connaissance aux commissions des finances et aux
commissions d'enquête du Parlement des constatations et observations de
la Cour des comptes. Toutefois, les communications de la Cour aux ministres,
auxquelles il n'a pas été répondu sur le fond dans un
délai de six mois, sont communiquées de droit aux commissions des
finances du Parlement ".
Une assemblée parlementaire peut même décider de
constituer une commission d'enquête qui, pour une durée de six
mois, bénéficie de prérogatives particulièrement
étendues.
Le paragraphe II de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du
17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées
parlementaires définit notamment les prérogatives des rapporteurs
des commissions d'enquête :
" les rapporteurs des
commissions d'enquête exercent leur mission sur pièces et sur
place. Tous les renseignements de nature à faciliter cette mission
doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire
communiquer tous documents de service, à l'exception de ceux
revêtant un caractère secret et concernant la défense
nationale, les affaires étrangères, la sécurité
intérieure ou extérieure de l'Etat, et sous réserve du
respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et
des autres pouvoirs ".
Le refus de communiquer les documents visés ci-dessus est passible d'une
peine d'emprisonnement de deux ans et d'une amende de 50.000 francs.
Ainsi, les rapporteurs spéciaux des commissions des finances du
Parlement, ainsi que les rapporteurs des commissions d'enquête qu'il
aurait constituées, disposent déjà des pouvoirs
nécessaires pour contrôler l'emploi des fonds publics
accordés aux entreprises.
Dès lors, votre rapporteur ne perçoit pas bien la
nécessité de créer une commission supplémentaire
dont les prérogatives empiéteraient sur celles déjà
détenues par des assemblées parlementaires
démocratiquement élues.
II. ... ET TEND À DONNER UN GAGE À UNE COMPOSANTE DE LA MAJORITÉ PLURIELLE
A. LA POSITION PARADOXALE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Votre
rapporteur estime également que l'adoption par l'Assemblée
nationale de la présente proposition de loi est paradoxale eu
égard à sa volonté - et à celle de son
président, M. Laurent Fabius - de développer le contrôle
parlementaire sur la bonne utilisation des deniers publics.
A l'automne 1998, le président de l'Assemblée nationale a
présidé un groupe de travail sur l'efficacité de la
dépense publique et le contrôle parlementaire, qui a remis son
rapport en janvier 1999
2(
*
)
.
Dans l'avant-propos de ce rapport, M. Laurent Fabius relevait très
justement que
" dépenser mieux suppose que les assemblées
contrôlent réellement dépenses et recettes, ainsi que
l'efficacité de celles-ci. Cela implique de placer désormais
l'évaluation et le contrôle au coeur de l'activité
budgétaire du Parlement ".
Il poursuivait en indiquant qu'
" un renforcement des missions
d'évaluation et de contrôle exercées par le Parlement peut
et doit donner l'impulsion nécessaire à des transformations plus
profondes dans le fonctionnement de l'Etat qui achoppent depuis trop
longtemps ".
Deux conclusions peuvent être tirées de ces propos :
- le contrôle de la dépense publique est une
compétence essentielle du Parlement, qu'il doit encore renforcer ;
- la réorientation des politiques publiques devrait
résulter, davantage qu'aujourd'hui, des conclusions auxquelles ont
abouti les contrôles effectués par la Parlement.
Or, force est de constater que la portée de ces conclusions se
trouverait amoindrie par l'adoption de la présente proposition de loi.
En effet, la création d'une telle commission nationale affaiblirait les
missions d'évaluation et de contrôle conduites par le Parlement.
A cet égard, votre rapporteur estime que l'Assemblée nationale
s'est mise en
contradiction avec sa décision récente de
créer
, suite au rapport précité sur
l'efficacité de la dépense publique,
une mission
d'évaluation et de contrôle (MEC) au sein de sa commission des
finances.
Au cours de l'année 1999, le programme de travail de la MEC a
comporté l'analyse de quatre politiques publiques : la politique
autoroutière, la gestion des effectifs et des moyens de la police
nationale, l'utilisation des crédits de la formation professionnelle, et
les aides à l'emploi.
Dans l'avant-propos au rapport de synthèse
3(
*
)
de la MEC, M. Laurent Fabius notait que
" les préconisations formulées par la MEC sur chacun des
thèmes sont suffisamment fortes pour qu'on puisse probablement parler
d'un renouveau du contrôle parlementaire ".
Il citait même
à cet égard, comme exemple, l'un des sujets abordés par la
présente proposition de loi :
" j'évoquerai la
remise en cause de certaines aides à l'emploi ".
Les
aides à l'emploi selon la mission d'évaluation
et de
contrôle de l'Assemblée nationale
La
mission d'évaluation et de contrôle (MEC) mise en place par la
commission des finances de l'Assemblée nationale a étudié
les aides à l'emploi. Ses conclusions ont été
publiées à l'été 1999
4(
*
)
.
Le rapporteur, M. Gérard Bapt, estime que
" l'architecture
d'ensemble des aides apparaît globalement fixée "
, le
bilan coût/efficacité d'un dispositif devant prendre en
considération non seulement l'approche strictement économique,
mais également les aspects sociaux de la mesure.
Chaque pays a mis en oeuvre une politique de l'emploi adaptée à
ses spécificités nationales, la situation de la France
étant marquée par
" une importante dépense de
préretraites et un montant de plus en plus important d'aides à la
création d'emplois "
. Par ailleurs, la dépense pour
l'emploi a constamment augmenté dans notre pays, passant de 0,90 % du
PIB en 1973 à environ 4 % aujourd'hui. Cette tendance
haussière est à l'origine d'une volonté de
réorienter la politique de l'emploi, de manière à la
rendre plus efficace.
Les dispositifs d'aide à l'emploi sont souvent complexes, mais leur
efficacité passe par leur stabilité, la simplification des aides,
et l'octroi d'une certaine latitude de mise en oeuvre aux services locaux. Le
rapport recommande, dès lors, de
" privilégier les
dispositifs anciens, même au prix d'adaptations plutôt que les
dispositifs nouveaux, sauf à procéder par substitution ".
Le rapport insiste sur la difficulté d'apprécier la
dépense pour l'emploi, en raison, notamment, de la coexistence de deux
définitions - celle de l'OCDE et celle de la DARES du ministère
de l'emploi - et sur l'incertitude des résultats des différentes
évaluations entreprises, du fait de l'existence d'effets d'aubaine.
Pour la MEC,
" la création nette d'emplois peut ne pas
constituer l'unique critère d'évaluation d'une aide à
l'emploi "
, l'amélioration de
" l'employabilité " des personnes les plus touchées par
le chômage pouvant constituer l'objectif de certaines mesures
ciblées. Il s'agit donc de définir strictement les
publics-cibles : le rapport justifie ainsi le " recentrage " du
CIE ou du CES sur les publics prioritaires.
Le rapport de l'Assemblée nationale prend clairement position en
faveur de l'abaissement du coût du travail non qualifié comme
créateur d'emplois, rejoignant en cela les préconisations
constantes du Sénat. En revanche, il reste
délibérément muet sur la politique de réduction du
temps de travail imposée par le Gouvernement aux entreprises.
Ainsi, s'agissant des aides à l'emploi, la MEC a formulé cinq
propositions :
- mettre un terme au financement public de préretraites sans
embauches compensatrices ;
- restreindre les effets d'aubaine ;
- systématiser et approfondir l'évaluation des dispositifs
d'aides à l'emploi ;
- repenser la réglementation communautaire des aides d'Etat et le
soutien communautaire aux activités innovantes ;
- recentrer la définition des aides à l'emploi.
Votre rapporteur ne portera pas d'appréciation sur ces propositions,
mais il tient à faire
deux observations
:
- d'une part, il constate que
le diagnostic sur le manque de pertinence
de certaines aides publiques accordées aux entreprises - effets
d'aubaine ou de substitution - est désormais un phénomène
bien connu
; à cet égard, il rappelle que
l'Assemblée nationale, sous la précédente
législature, avait constitué une commission d'enquête -
exerçant ainsi une de ses prérogatives en matière de
contrôle - sur les aides à l'emploi, dont les conclusions
n'étaient guère éloignées dans leur esprit
5(
*
)
de celles de la MEC ;
- d'autre part, ni la commission d'enquête susmentionnée ni
la MEC n'ont recommandé la création d'une commission de
contrôle des aides publiques accordées aux entreprises.
Votre rapporteur s'interroge, dans ces conditions, sur les intentions de
l'Assemblée nationale.
Pourquoi a-t-elle décidé de créer une telle commission de
contrôle alors que le Parlement dispose déjà des pouvoirs
pour remplir la mission qui serait dévolue par la présente
proposition de loi à ladite commission ? Et pourquoi
l'Assemblée nationale souhaite-t-elle affaiblir ses prérogatives
en matière de contrôle budgétaire alors que, en
créant la MEC il y a environ un an, elle avait au contraire
cherché à les renforcer ?
B. COMMENT RENFORCER LA COHÉSION DE LA MAJORITÉ PLURIELLE
Eu
égard aux atermoiements de la majorité plurielle en ce domaine,
on peut se demander s'il ne s'agit pas pour le Gouvernement et
l'Assemblée nationale, de renforcer, non pas le contrôle sur les
fonds publics accordés aux entreprises, mais la cohésion de
ladite majorité.
L'analyse des événements va en effet en ce sens.
En premier lieu, il convient de rappeler que la commission des finances de
l'Assemblée nationale avait rejeté, sur les conclusions de
Mme Nicole Bricq, la proposition de résolution de M. Dominique
Paillé tendant à créer une commission d'enquête
portant sur les suites données aux rapports publics de la Cour des
comptes.
Or, Mme Nicole Bricq, et la commission des finances qui l'a suivie,
avaient estimé que la constitution d'une telle commission
d'enquête était inutile et inopportune, étant entendu que
" vouloir contrôler le contrôle "
apparaissait
superflu.
Il semble pourtant à votre rapporteur que la présente proposition
de loi vise le même objectif, à cette différence
près qu'elle prévoit la création d'un nouvel organisme de
contrôle alors que M. Dominique Paillé proposait simplement
d'utiliser un moyen normal et traditionnel d'exercice par le Parlement de ses
pouvoirs de contrôle, c'est-à-dire la constitution d'une
commission d'enquête.
Ensuite, votre rapporteur estime utile de rappeler les propos tenus par
M. Didier Migaud, rapporteur général de l'Assemblée
nationale, lors de l'examen, le 22 décembre 1999, en commission des
finances, de la présente proposition de loi
6(
*
)
.
Dans un premier temps,
l'analyse faite par le rapporteur
général de l'Assemblée nationale rejoint celle de votre
rapporteur
:
" M. Didier Migaud s'est déclaré
hostile en principe
[...]
à cette proposition. Il souligne que
[ce texte]
pose le problème de la
multiplication de
comités dessaisissant la souveraineté nationale de son pouvoir de
contrôle
. Or, celui-ci doit être assuré par les
élus de la Nation,
les rapporteurs spéciaux étant
dotés des pouvoirs nécessaires
. La multiplication des
organismes de contrôle se traduit par un
affaiblissement du
régime parlementaire
".
Puis, le rapporteur général de l'Assemblée nationale s'est
déclaré
" conjoncturellement favorable "
à cette proposition de loi, ajoutant que
" la commission qu'il
est proposé de créer présente l'avantage d'associer
d'autres structures au contrôle des aides publiques ".
Il
convient de rappeler toutefois que le Parlement, comme il a été
précisé précédemment, bénéficie du
concours de la Cour des comptes, et qu'il est destinataire par
l'intermédiaire des rapporteurs, d'études ou de notes sur divers
sujets.
M. Didier Migaud a toutefois aussitôt ajouté qu'il souhaiterait
"
que soit menée une réflexion globale sur le
problème du dessaisissement du Parlement ".
La majorité a donc invoqué
" la conjoncture "
pour donner son assentiment à la présente proposition de loi
après avoir fait état d'une hostilité de principe...
En fait, la conjoncture dont il est question est beaucoup moins
économique que politique. Il s'agit de donner un gage à une
composante de la majorité plurielle, le groupe communiste en
l'occurrence.
En effet, M. André Lajoinie a déposé une proposition
de loi tendant à renforcer le régime juridique des licenciements
pour motif économique. Or, le Gouvernement, qui préparerait un
projet de loi de modernisation sociale dans lequel serait traitée la
question des conséquences des plans sociaux, n'était pas
favorable à l'adoption de cette proposition de loi.
La commission des affaires culturelles, familiales et sociales de
l'Assemblée nationale, lors de l'examen, sur le rapport de
M. Maxime Gremetz, de cette proposition de loi, le 19 janvier 2000, a
décidé de ne pas présenter de conclusions.
Lors de sa séance du 25 janvier 2000, l'Assemblée nationale a
suivi sa commission et n'a pas adopté ledit texte. Il convient toutefois
de noter que le refus de discuter les articles résulte du vote des seuls
députés socialistes, les députés des autres
composantes de la majorité plurielle ayant été favorables
à une telle discussion.
Après ces tensions au sein de la majorité plurielle, apparues
lors des débats parlementaires, il s'agissait, pour le Gouvernement,
d'en resserrer la cohésion, en donnant un gage au groupe communiste.
L'inscription à l'ordre du jour du Parlement de la présente
proposition de loi constitue ce gage.
Elle permet en outre au Gouvernement d'en retirer un bénéfice
politique : la commission de contrôle qu'il est proposé de
créer sera probablement inefficace - car elle est inutile - et son
activité n'aura pas d'impact sur le niveau de l'emploi.
Votre rapporteur rappelle dans ce contexte qu'il n'est pas de bonne
politique législative d'inscrire à l'ordre du jour des
assemblées un texte inutile à portée conjoncturelle et qui
au demeurant porte, dans son principe, atteinte aux prérogatives
constitutionnelles de contrôle du Parlement.
*
* *
Au terme
de cette analyse, il apparaît que la présente proposition de loi
ne peut que susciter, de la part de votre rapporteur, un grand nombre de
critiques :
- l'apport de ce texte à l'amélioration du contrôle
sur l'utilisation des aides publiques accordées aux entreprises ne peut
être qu'extrêmement réduit, voire inexistant, car les
possibilités d'effectuer de tels contrôles existent
déjà, notamment au sein des assemblées
parlementaires ;
- la création de la commission nationale, proposée par ce
texte, aboutirait à réduire la portée des contrôles
existants et à les concurrencer, ce qui n'est pas sans danger quant
à la légitimité et la crédibilité de l'une
des fonctions essentielles du Parlement, c'est-à-dire le contrôle
de l'action gouvernementale ;
- la présente proposition de loi s'inspire clairement d'une
conception administrative de l'économie, complètement
étrangère aux principes de l'économie de marché,
moderne, libre et efficiente ;
- le dispositif préconisé est insuffisamment précis,
irréaliste ou totalement inapplicable ;
- l'adoption de ce texte par l'Assemblée nationale s'inscrit dans
un contexte marqué par des considérations beaucoup plus
politiciennes que véritablement économiques.
Considérant que l'adoption de ce texte ne manquerait pas d'avoir des
effets néfastes sur les prérogatives du Parlement en
matière de contrôle, et eu égard aux circonstances qui ont
présidé à son inscription à l'ordre du jour des
assemblées parlementaires,
votre rapporteur estime qu'il n'y a pas
lieu de délibérer sur la proposition de loi relative à la
constitution d'une commission de contrôle nationale et
décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises,
et vous propose d'opposer la question préalable à son examen.
EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE PREMIER
Création d'une
commission
nationale des aides publiques aux entreprises
Commentaire : le présent article propose de
créer
une commission nationale des aides publiques aux entreprises.
La commission nationale, dont la création est proposée par le
présent article, est chargée de contrôler les aides
publiques accordées aux entreprises.
La notion d'aides publiques n'est pas définie. Il semble toutefois que
l'absence de définition précise soit
délibérée, les auteurs de la présente proposition
de loi entendant étendre le champ du contrôle de la commission
nationale aux
" aides publiques de toute nature "
.
Il convient de rappeler que le texte initial de la proposition de loi donnait
une définition plus complète des aides publiques dont il s'agit,
pour la commission nationale, de contrôler l'utilisation. Il s'agissait
des
" fonds publics accordés aux entreprises sous forme d'aides
directes, d'exonérations, de bonifications de crédits ou autres
facilités financières ".
Par ailleurs, les aides pouvant faire l'objet d'un contrôle proviennent
de l'Etat, mais aussi des collectivités locales ou de leurs
établissements publics. Le second alinéa du présent
article étend même le champ de compétence de la commission
nationale aux
" aides mises en place à l'aide de crédits
de l'Union européenne ".
Enfin, le présent article précise les formes que peuvent prendre
les activités de contrôle de la commission nationale sur les aides
publiques :
- évaluer leur impact économique et social, tant sur le plan
quantitatif que qualitatif ;
- contrôler leur utilisation, l'objectif étant
" d'en
améliorer l'efficacité pour l'emploi et la formation
professionnelle et les équilibres territoriaux "
.
La commission nationale a donc été conçue comme devant
exercer des pouvoirs très importants dans un souci de bonne utilisation
des deniers publics, qu'ils soient d'origine nationale et communautaire, mais
aussi d'aménagement du territoire.
Toutefois, les conditions d'exercice de ces pouvoirs ne sont pas
précisées.
Dans la version initiale de la proposition de loi, il s'agissait de
véritables pouvoirs d'investigation, l'article 5 disposant même
que la commission
" est habilitée à se faire communiquer
tous documents de service de quelque nature que ce soit. Aucun caractère
de confidentialité ne peut justifier une rétention
d'information ".
De tels pouvoirs sont ceux des rapporteurs
spéciaux des commissions des finances du Parlement, étant
précisé qu'ils doivent cependant respecter le
secret-défense et le principe de la séparation de
l'autorité judiciaire des autres pouvoirs. La commission nationale
disposait donc, dans la version initiale du texte, de prérogatives plus
étendues encore !
Le présent article est rédigé d'une manière
délibérément vague, donnant l'impression, aux auteurs de
la présente proposition de loi en particulier, d'un pouvoir de
contrôle étendu, mais imprécis. Tel est sans doute
l'objectif recherché par les services du ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie qui, d'après les
informations communiquées à votre rapporteur, sont à
l'origine de la nouvelle rédaction du présent article.
Selon les mêmes informations, la commission nationale pourra, dans la
nouvelle rédaction, se voir opposer par un service gestionnaire d'aides
tel qu'une DRIRE
7(
*
)
ou une DDTEFP
8(
*
)
, le secret des affaires, en particulier des
informations de caractère industriel ou fiscal, c'est-à-dire des
informations essentielles à la compréhension de l'attribution et
de l'utilisation des aides publiques accordées.
Pour autant, votre rapporteur s'interroge sur la façon dont la
commission usera de ses pouvoirs :
- si elle exerce un contrôle de régularité de l'utilisation
des aides publiques, elle fait double emploi avec les corps de contrôle
internes des ministères, la Cour des comptes et les rapporteurs
spéciaux des commissions des finances, et risque même de se
substituer à eux ;
- si elle exerce un contrôle en opportunité, elle risque de
prendre des décisions de nature bureaucratique éventuellement
préjudiciables à l'économie et à l'emploi, manquant
ainsi son objectif.
Le but recherché par la présente proposition de loi serait la
transparence des aides publiques accordées aux entreprises. Votre
rapporteur est d'avis qu'il ne s'agit de rien d'autre que d'un jeu
d'illusions.
ARTICLE 2
Composition de la commission
nationale
Commentaire : le présent article précise la
composition de la commission nationale des aides publiques aux entreprises.
Le présent article fixe la composition de la commission nationale des
aides publiques aux entreprises, conçue de manière large et
imprécise.
La commission nationale comprend, en effet, des députés et des
sénateurs désignés par leur assemblée respective,
sans que soit précisé leur nombre ni la part qu'ils
représentent dans l'ensemble des membres de la commission nationale. Ce
point est renvoyé à un décret en Conseil d'Etat.
La commission comprend également des représentants de l'Etat,
sans plus de précisions.
Enfin, siègent à la commission nationale :
- des représentants des organisations syndicales de salariés
représentatives au plan national, ainsi que ceux des organisations
d'employeurs les plus représentatives au plan national ;
- des personnalités qualifiées venant notamment du monde
associatif.
Les débats de l'Assemblée nationale indiquent clairement qu'il
s'agit de permettre aux associations de chômeurs de siéger
à la commission nationale. Votre rapporteur s'interroge toutefois sur la
représentativité de telles associations.
Enfin, il note que les parlementaires risquent d'être minoritaires au
sein de la commission nationale, alors qu'il s'agit de lui donner des pouvoirs
importants.
ARTICLE 3
Création de commissions
régionales et modalités d'exercice des compétences des
commissions
Commentaire : le présent article tend, d'une part,
à créer des commissions régionales de contrôle des
aides publiques aux entreprises, et, d'autre part, à préciser les
modalités d'exercice des compétences de la commission nationale
et des commissions régionales.
Le présent article prévoit la création, dans chaque
région, d'une commission qui
" connaît les aides publiques
définies à l'article 1
er
accordées ou mises en
oeuvre dans la région ".
La composition des commissions régionales est inspirée de celle
de la commission nationale, les élus qui en sont membres étant
les représentants des différentes collectivités
territoriales. Leur secrétariat est assuré par le préfet
de région.
Par ailleurs, le présent article fixe les modalités selon
lesquelles les commissions, nationale et régionales, exercent leurs
compétences.
Celles-ci sont de trois ordres :
- la consultation : cette prérogative appartient à la
seule commission nationale qui
" peut être consultée lors
de l'institution de tout nouveau dispositif national d'aides publiques aux
entreprises "
;
- la saisine : la commission nationale dispose d'un pouvoir
d'autosaisine ; elle peut également être saisie par l'une des
instances habilitées à désigner un représentant en
son sein, mais également par un comité d'entreprise ou, à
défaut, un délégué du personnel ; peuvent
également saisir la commission nationale : une entreprise, un
parlementaire, un maire, un président de conseil général
ou régional ; quant aux commissions régionales, elles
peuvent être saisies par un maire, un parlementaire, un président
de conseil général ou régional ;
- l'information : chaque préfet de région transmet
à la commission nationale un rapport annuel
" sur la mise en
oeuvre et l'utilisation de l'ensemble des aides aux entreprises "
et,
à la commission régionale, un rapport sur lequel elle
" émet un avis "
; par ailleurs, les commissions,
nationale et régionales, peuvent obtenir des informations
complémentaires, soit auprès des différents gestionnaires
d'aides, soit auprès des préfets régionaux et
départementaux ; enfin, la commission nationale établit un
rapport annuel, qui est transmis au Parlement et rendu public.
Votre rapporteur ne peut que déplorer le caractère largement
irréaliste des modalités de saisine des commissions retenues par
le présent article. En effet, la commission pourra être saisie par
un nombre considérable de personnes, à commencer par les 36.000
maires de France !
Les conséquences pratiques de cette ouverture très large de la
saisine risquent de se traduire par un encombrement des commissions et par la
paralysie de leur fonctionnement.
Le Gouvernement en est d'ailleurs parfaitement conscient. Concernant la
consultation de la commission nationale lors de l'institution de tout nouveau
dispositif national d'aides publiques aux entreprises, il a ainsi
présenté un amendement tendant à rendre cette consultation
facultative et non obligatoire, le ministre de l'économie, des finances
et de l'industrie indiquant que
" pour ne pas encombrer la commission
nationale et pour la rendre pleinement efficace, il convient de ne pas rendre
sa consultation systématique ".
Néanmoins, les modalités de leur saisine suffiront à
paralyser le fonctionnement des commissions. Mais peut-être est-ce le
souhait secret du Gouvernement...
ARTICLE 4
Intervention d'un comité
d'entreprise ou d'un délégué du personnel
Commentaire : le présent article tend à
associer
un comité d'entreprise ou un délégué du personnel
au contrôle des aides publiques accordées à son entreprise.
Les dispositions du présent article ont été
présentées à l'Assemblée nationale comme
" des droits nouveaux
[accordés]
aux salariés dans
les entreprises "
et comme une
" occasion de renforcer les
capacités d'initiative des comités d'entreprise "
9(
*
)
.
Votre rapporteur considère, quant à lui, que le présent
article traduit bien la philosophie qui sous-tend la présente
proposition de loi :
un texte étranger à toute
rationalité économique.
En effet, le comité d'entreprise ou, à défaut, le
délégué du personnel peut saisir l'organisme gestionnaire
des aides ou l'autorité compétente
" lorsqu'il estime que
l'employeur ne respecte pas les engagements souscrits pour
bénéficier des aides définies à l'article
1
er
".
Alors que le contexte économique actuel exige rapidité dans la
prise de décisions et capacité d'adaptation à la
conjoncture, le présent article aboutit à lier l'employeur
à des engagements qu'il a pu prendre dans des conditions
économiques totalement différentes de celles qui prévalent
par la suite.
En outre, le service ou l'autorité compétente saisie peut
" décider
[...]
de suspendre ou de supprimer l'aide
accordée ; le cas échéant, il peut en exiger le
remboursement ".
Votre rapporteur doute que le remboursement des aides consenties contribue
à améliorer la situation de l'entreprise ou celle de l'emploi.
En outre, les services qui gèrent les aides, en particulier les services
déconcentrés des ministères, peuvent déjà
décider de suspendre ou de supprimer une aide, et même d'en exiger
le remboursement. Or, ces cas sont extrêmement rares, en raison notamment
de la lourdeur et de la complexité de la procédure, ainsi que des
difficultés qu'elle ne manque pas d'entraîner. Selon des
informations communiquées à votre rapporteur, il n'est pas
attendu de la création d'une commission nationale de contrôle une
augmentation des cas de suspension, de suppression ou de remboursements d'aides.
Ces informations confortent votre rapporteur dans son analyse selon laquelle
la création d'une commission nationale de contrôle est inutile.
Il ne peut toutefois manquer de s'interroger sur les conséquences d'une
suspension ou d'une suppression des aides accordées aux entreprises dans
le cadre du passage aux 35 heures, suite à l'intervention en ce sens
d'un comité d'entreprise ou d'un délégué du
personnel.
ARTICLE 4 bis (nouveau)
Extension aux aides
européennes des informations relatives aux aides publiques contenues
dans le rapport annuel présenté par le chef d'entreprise au
comité d'entreprise
Commentaire : le présent article propose de
compléter les informations relatives aux aides publiques contenues dans
le rapport annuel du chef d'entreprise au comité d'entreprise.
Le présent article est issu de l'adoption, par l'Assemblée
nationale, d'un amendement proposé par M. Gérard Bapt.
Afin de compléter l'information des salariés et de leurs
représentants, il prévoit d'ajouter, parmi les informations
relatives aux aides publiques reçues par l'entreprise, et contenues dans
le rapport que le chef d'entreprise présente au comité
d'entreprise, celles qui concernent les aides accordées par la
Communauté européenne.
ARTICLE 4 ter (nouveau)
Exercice par le
Commissariat général du plan du secrétariat de la
commission nationale
Commentaire : le présent article tend à
confier
le secrétariat de la commission nationale au Commissariat
général du plan.
Le présent article est issu de l'adoption, par l'Assemblée
nationale, d'un amendement présenté par M. Gérard Bapt.
Il tend à ce que le secrétariat de la commission nationale des
aides publiques aux entreprises soit assuré par le Commissariat
général du plan, qui l'assisterait dans ses missions de
concertation et d'expertise.
Cette disposition revêt une importance beaucoup plus grande qu'il n'y
paraît. En effet, elle indique que la commission nationale ne disposera
pas de moyens propres pour mener à bien la mission qui lui est
dévolue par la présente proposition de loi. Et aussi qu'elle
dépendra directement du Premier ministre.
Or, le Commissariat général du plan, dont le travail est par
ailleurs toujours remarquable et frappé du souci de
l'intérêt général, ne verra pas ses moyens
étendus pour cette nouvelle mission.
ARTICLE 5
Conditions d'application
Commentaire : le présent article est relatif aux
conditions d'application des dispositions de la présente proposition de
loi.
Le présent article renvoie, traditionnellement, à un
décret en Conseil d'Etat le soin de fixer les conditions d'application
des dispositions de la présente proposition de loi, dont votre
rapporteur a démontré, précisément, le
caractère inapplicable.
EXAMEN EN COMMISSION
&&Entreprises - Constitution d'une commission de
contrôle nationale et décentralisée des fonds publics
accordés aux entreprises - Examen du rapport&&
Au cours d'une première séance tenue dans la
matinée
, la commission a procédé à
l'examen
des propositions de loi n° 140
(1999-2000) de M. Guy Fischer
et plusieurs de ses collègues et
n° 163
(1999-2000),
adoptée par l'Assemblée nationale, relatives à la
constitution
d'une
commission
de
contrôle
nationale
et décentralisée des
fonds publics accordés aux
entreprises
, sur le
rapport de M. Joseph Ostermann
.
Après avoir présenté les grandes lignes de son rapport,
M. Joseph Ostermann, rapporteur,
a estimé qu'il n'y avait pas
lieu de délibérer sur cette proposition de loi et a
proposé d'opposer la question préalable à son examen.
Mme Marie-Claude Beaudeau
a indiqué que le groupe communiste
républicain et citoyen s'opposerait à l'adoption de la question
préalable, affirmant au contraire l'utilité de cette proposition
de loi, dont l'objectif est d'assurer la transparence des conditions
d'attribution des aides à l'emploi, citant l'exemple de l'entreprise
Daewoo en Lorraine qui a reçu environ 400 millions de francs
d'aides publiques avant de procéder à d'importants licenciements.
Elle a précisé qu'à l'inverse des grandes entreprises, de
nombreuses petites et moyennes entreprises, malgré de réels
besoins, ne bénéficiaient pas de ces aides. Elle a
considéré que les pouvoirs dont disposera la commission nationale
ne doivent pas être compris comme concurrents de ceux des rapporteurs
spéciaux des commissions des finances du Parlement, mais plutôt
comme complémentaires.
M. Jacques Baudot
a rappelé qu'il avait participé aux
négociations dans le cadre de l'installation en Lorraine d'une usine du
groupe Daewoo. Cette implantation industrielle a été
saluée par l'ensemble des acteurs locaux en raison de la situation
économique difficile de la Lorraine. Il a estimé que les gains
induits par l'arrivée de cette entreprise étaient largement
supérieurs aux aides publiques qui lui avaient été
octroyées, et a considéré que l'adoption de cette
proposition de loi dissuaderait durablement les entreprises de s'installer dans
des régions en difficulté. Il a par ailleurs ajouté que
les efforts réalisés en matière d'investissement, dans le
domaine des infrastructures en particulier, comptaient autant pour une
entreprise que l'octroi d'aides directes.
M. Paul Loridant
a justifié l'adoption de cette proposition
de loi après avoir cité plusieurs exemples d'entreprises ayant
reçu des aides publiques dans des conditions parfois obscures.
M. Joseph Ostermann, rapporteur
, a considéré que
d'autres facteurs que les aides publiques favorisaient l'emploi,
l'environnement international en particulier. Il a ajouté que cette
proposition de loi, outre qu'elle compliquerait encore le système des
aides publiques, aboutirait à la création d'une structure
privée de pouvoir réel, d'autant plus qu'elle pourrait ne pas
bénéficier de l'ensemble des informations nécessaires
à la compréhension de situations particulières.
A l'issue de ce débat,
la commission a adopté la motion
présentée par son rapporteur, proposant au Sénat d'opposer
la question préalable à l'examen de la proposition de loi
relative à la constitution d'une commission de contrôle nationale
et décentralisée des fonds publics accordés aux
entreprises.
MOTION
présentée par M. Ostermann,
au nom de la
commission des finances,
TENDANT À OPPOSER LA QUESTION
PRÉALABLE
Considérant que le contrôle de l'utilisation des
aides
publiques accordées aux entreprises est déjà
assuré, tant par les rapporteurs spéciaux des commissions des
finances et par les rapporteurs des commissions d'enquête du Parlement
que par les corps de contrôle internes à l'administration ainsi
que par la Cour ou les chambres régionales des comptes ;
Considérant que la constitution d'une commission de contrôle
nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux
entreprises affaiblirait les prérogatives constitutionnelles du
Parlement en matière de contrôle ;
Considérant que la création d'une telle commission est
incompatible avec les principes d'une économie de marché moderne,
libre et efficiente ;
Considérant que le dispositif préconisé est insuffisamment
précis, irréaliste et inapplicable ;
Le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu d'examiner la proposition de
loi relative à la constitution d'une commission de contrôle
nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux
entreprises, adoptée par l'Assemblée nationale
(n° 163 ; 1999-2000).
TABLEAU COMPARATIF
___
Textes
en vigueur
|
Texte
de la proposition de loi
|
Texte
adopté par
|
|
Article 1er Est constituée une Commission nationale de contrôle de l'utilisation de l'ensemble des fonds publics accordés aux entreprises sous forme d'aides directes, d'exonérations, de bonifications de crédits ou autres facilités financières afin d'en améliorer l'efficacité pour l'emploi et la formation. |
Article 1er
Il
est créé une Commission nationale des aides publiques aux
entreprises, chargée d'évaluer les impacts économiques et
sociaux, quantitatifs et qualitatifs, et de contrôler l'utilisation des
aides publiques de toute nature accordées aux entreprises par l'Etat et
les collectivités locales ou leurs établissements publics, afin
d'en améliorer l'efficacité pour l'emploi et la formation
professionnelle et les équilibres territoriaux.
|
|
Article 2
La
Commission nationale dispose d'un pouvoir d'évaluation et de
contrôle de l'ensemble des aides publiques accordées aux
entreprises, telles que définies à l'article 1er. La Commission
procède à une évaluation régulière de
l'impact des aides à partir d'un critère de progression
quantitative de l'emploi associé à des éléments
qualitatifs qui intègrent le niveau des rémunérations
salariales, les qualifications, la qualité des contrats de travail et
les efforts de formation.
|
Article 2
La
commission nationale est composée :
|
|
- l'évolution de l'emploi dans l'entreprise considérée et dans ses divers établissements au regard des besoins de créations d'emplois dans le bassin d'emploi auquel elle appartient ; |
|
|
- les
engagements formulés par les chefs d'entreprises pour prétendre
bénéficier des aides ;
|
|
|
La Commission nationale donne un avis sur l'utilité de poursuivre, de fractionner, d'élever, d'interrompre ou de modifier les aides, les exonérations, les bonifications de crédits et autres facilités financières accordées. |
|
|
La Commission présente un rapport annuel sur l'utilisation des fonds publics accordés aux entreprises, leurs résultats et l'appréciation de leurs modalités d'octroi, ainsi que des recommandations aux plans national et de chaque région. Elle formule des avis et des recommandations à l'intention des entreprises et des institutions concernées qui ont l'obligation de les examiner. Elle peut notamment recommander la suspension, la modification des modalités d'attribution, la suppression ou le remboursement des fonds publics accordés. |
|
|
Les résultats de l'évaluation et du contrôle ainsi que les avis et interpellations sont portés régulièrement à la connaissance du public, notamment par le moyen du service public de l'audiovisuel. |
|
|
Article 3 La Commission nationale est composée dans des conditions précisées par décret de députés et de sénateurs à la proportionnelle des groupes, de représentants de l'État désignés par les ministres chargés de l'économie et des finances, de l'industrie et de l'emploi, de représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national, des associations de chômeurs, des organisations patronales et de personnalités qualifiées issues de la Cour des comptes, de la Commission bancaire et de la Banque de France. |
Article 3
Outre
sa mission générale de contrôle, la commission nationale
peut être consultée lors de l'institution de tout nouveau
dispositif national d'aides publiques aux entreprises.
|
|
La
commission élit annuellement son président en son sein.
|
Chaque préfet de région lui transmet chaque année un rapport sur la mise en oeuvre et l'utilisation de l'ensemble des aides aux entreprises. Ce rapport contient un bilan annuel d'ensemble des aides publiques accordées aux entreprises de la région, par nature et montant des aides ainsi que par la taille des entreprises ; un état des contrôles effectués par les autorités et organismes compétents ; une information précise sur les suites données à ces contrôles. |
|
|
Dans chaque région, une commission émet un avis sur le rapport qui lui est transmis par le préfet de région et peut formuler toute proposition tendant à améliorer l'efficacité des politiques poursuivies. La commission régionale connaît les aides publiques définies à l'article 1er accordées ou mises en oeuvre dans la région. La commission régionale est composée sur le modèle de la commission nationale ; les élus membres de cette commission sont les représentants des différentes collectivités locales. Le secrétariat de la commission régionale est assuré par le préfet de région. |
|
|
La commission nationale peut, le cas échéant, compléter son information en obtenant des différents gestionnaires d'aides toutes précisions utiles à une parfaite transparence dans l'attribution et l'usage des aides publiques. Elle peut interroger les préfets régionaux et départementaux afin d'obtenir les informations permettant d'estimer l'ensemble des aides reçues par une entreprise. |
|
|
Un maire, un parlementaire, un président de conseil général ou régional peut saisir la commission nationale ou régionale afin de l'alerter sur une situation particulière et d'obtenir de sa part des informations complémentaires. |
|
|
Sur la base des rapports transmis par les préfets et des éventuels compléments d'information, la commission nationale établit son propre rapport qui contient ses remarques et avis sur les politiques poursuivies. Il est transmis au Parlement et rendu public. |
Code du travail (article L432-4)
Un mois
après chaque élection du comité d'entreprise, le chef
d'entreprise lui communique une documentation économique et
financière qui doit préciser :
|
Article 4
La
Commission nationale peut être saisie par un de ses membres.
|
Article 4
Tout
comité d'entreprise ou, à défaut, un
délégué du personnel peut saisir l'organisme gestionnaire
d'aides ou l'autorité compétente lorsqu'il estime que l'employeur
ne respecte pas les engagements souscrits pour bénéficier des
aides définies à l'article 1er. Il peut le faire à partir
de la connaissance du montant et de l'utilisation des aides publiques que
l'employeur est tenu de lui communiquer conformément à l'article
L. 432-4 du code du travail.
Article 4 bis (nouveau) Dans la première phrase du sixième alinéa de l'article L. 432-4 du code du travail, après les mots : " bénéfices réalisés, ", sont insérés les mots : "les aides européennes et ". |
|
|
Article 4 ter (nouveau) Le secrétariat de la commission nationale est assuré par le Commissariat général du plan pour l'assister dans ses missions de concertation et d'expertise. |
|
Article 5 La Commission reçoit communication de tous renseignements susceptibles de faciliter sa mission auprès des institutions et organismes gestionnaires et distributeurs des aides. Elle est habilitée à se faire communiquer tous documents de service de quelque nature que ce soit. Aucun caractère de confidentialité ne peut justifier une rétention d'information. |
Article 5 Les conditions d'application de la présente loi sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. |
|
La commission est habilitée à se faire assister pour ses investigations par tous les organismes ou institutions locaux, régionaux et nationaux qui disposent d'un pouvoir d'information susceptible d'éclairer sur la situation réelle des entreprises concernées comme sur la nature des liaisons qu'elles entretiennent avec leur maison mère, leurs filiales, les donneurs d'ordres, les sous-traitants, les clients, les banques et institutions financières. |
|
1
Cette expression est empruntée au
rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, M. Jean Vila, qui
évoquait le " cynisme des chasseurs de primes ".
2
Documents d'information de l'Assemblée nationale,
XIème législature, 1999.
3
Rapport d'information n° 1781, Assemblée nationale,
XIème législature, 1999.
4
Annexe n° 3 au rapport d'information n° 1781
précité.
5
Rapport n° 2943, Assemblée nationale,
X
ème
législature, 1996.
6
Assemblée nationale, XI
ème
législature, Bulletin des commissions n° 36.
7
Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de
l'environnement.
8
Direction départementale du travail, de l'emploi et de la
formation professionnelle.
9
Journal Officiel, débats, Assemblée nationale,
séance du 18 janvier 2000, page 21.