II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE LA DÉLÉGATION POUR L'UNION EUROPÉENNE
A. L'APPRÉCIATION DE LA DÉLÉGATION SUR LA PROPOSITION DE DIRECTIVE E 1210
A la
suite d'une communication de M. René Trégouët, saisi de la
proposition de base de la Commission européenne
11(
*
)
, la Délégation du
Sénat pour l'Union européenne a déposé le
29 juin 1999 la proposition de résolution aujourd'hui soumise
à votre examen.
La Délégation pour l'Union européenne estime que la
proposition de directive tente opportunément de lever l'incertitude du
cadre juridique actuel, qui constitue l'un des obstacles principaux au
développement du commerce électronique.
Elle souligne cependant la
contradiction
existant entre la
volonté d'inscrire le commerce électronique dans les
règles juridiques existantes et le souci de veiller à ce
qu'aucune de ces règles ne s'oppose à son développement.
Après avoir exposé le point de vue du Parlement européen,
la Délégation a fait part des modifications et des
précisions nécessaires.
B. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION DE LA DÉLÉGATION
1. Les considérants
La
Délégation considère que l'essor du commerce
électronique offre de grandes opportunités en termes
d'activité économique et d'emplois et que la disparité des
législations nationales et le défaut de confiance des
consommateurs font actuellement obstacle au développement du commerce
électronique au sein de l'Union européenne.
Elle ajoute que l'Union européenne, face à l'avance prise par les
États-Unis, doit défendre une
position unie
sur le
commerce électronique dans les instances internationales.
Puis, tout en admettant que les propositions de la Commission européenne
pour clarifier le cadre juridique du commerce électronique sont
globalement pertinentes, elle considère que des précisions
apparaissent nécessaires quant au droit applicable aux transactions
électroniques, aux professions réglementées, à la
responsabilité des intermédiaires, à la preuve des
contrats électroniques et à la fiscalité applicable aux
transactions électroniques.
2. Droit applicable aux transactions
Rappelant que le prestataire de commerce électronique
serait
le plus souvent soumis au droit du pays où il est établi, la
Délégation a estimé que
le renvoi au droit
international privé
n'assurait pas une protection suffisante
des consommateurs dans le domaine contractuel, dans la mesure où la
convention de Rome du 19 juin 1980 était en cours de
renégociation.
La Délégation a souhaité que soit expressément
précisé que la reconnaissance mutuelle des contrats
électroniques est étendue sous réserve des dispositions
protectrices du consommateur.
3. Professions réglementées
La
Délégation constate que le commerce électronique risque
d'
affaiblir les garanties
offertes par les professions
réglementées
12(
*
)
,
en l'absence d'harmonisation européenne de leurs conditions d'exercice.
Elle propose de maintenir expressément le principe du double droit
applicable aux professions réglementées, celui du pays du
prestataire et celui du pays du destinataire.
4. Responsabilité des intermédiaires
La
Délégation juge
trop laxiste
la solution proposée
par la Commission européenne, qui exonère les
intermédiaires de toute responsabilité dès lors qu'ils se
contentent de transmettre passivement les informations.
A l'inverse, elle juge trop rigoureuse la solution proposée par le
Parlement européen, qui rend les intermédiaires responsables
dès lors qu'ils sont en mesure de savoir que l'activité
concernée est illicite.
La Délégation souhaite l'adoption d'une solution plus
équilibrée, qui pourrait consister dans une
obligation de
vigilance
pour les intermédiaires, tenus de se doter des moyens
techniques de gérer rapidement les situations problématiques et
d'assurer la traçabilité des messages et services
échangés.
5. Preuve du contrat
La
Délégation estime que la directive proposée
néglige les problèmes de preuve
très concrets qui
risquent de se poser en cas de litige.
Elle propose qu'au moins à titre transitoire, en attendant que le
commerce électronique soit entré dans les moeurs, soient
étendues les
dérogations prévues pour certaines
catégories de contrats sensibles
, notamment immobiliers ;
que soient maintenues certaines exigences de support papier
; que
soient fixées des règles de conservation des supports
électroniques pendant une durée minimale.
6. Adaptation de la fiscalité
Constatant qu'en matière de taxe sur la valeur
ajoutée
(TVA), la détermination du lieu de taxation, de l'assiette et du taux
applicable est particulièrement délicate pour les biens et
services électroniques, la Délégation estime qu'il
convient d'éviter aussi bien la double taxation que la non-taxation.
Elle note que le recouvrement effectif de la taxe devient aléatoire
lorsque le prestataire est établi en dehors de l'Union européenne.
La Délégation invite le Gouvernement à
adapter dans les
meilleurs délais le droit fiscal
13(
*
)
au commerce électronique,
cette question n'étant pas traitée par la proposition de
directive, alors que les enjeux sont énormes pour les consommateurs en
termes de sécurité juridique, et pour les États en termes
de recettes fiscales.
Le Conseil d'État
14(
*
)
a
souligné l'inadaptation des règles actuelles en matière de
TVA et de recouvrement des taxes, dans la mesure où l'identification des
transactions est rendue difficile par le caractère international et
décentralisé d'Internet, qui met les parties en relation sans
intermédiaire, y compris pour la livraison de biens
" immatériels ".