C. UNE SURÉVALUATION MANIFESTE DU COÛT DE LA RÉFORME DE LA POLITIQUE DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE
La
nécessité d'accroître la transparence en matière
nucléaire ne fait pas de doute. Une loi devrait intervenir sur ce sujet
au cours de l'année 2000 qui devrait créer une autorité
indépendante, renforcer les moyens de contrôle et de
radioprotection et redéfinir les bases du droit à l'information.
Pour l'heure, le budget pour 2000 traduit la volonté du gouvernement de
séparer l'Institut de protection et de sûreté
nucléaire (IPSN) du CEA, ce dont votre rapporteur se félicite,
même si les coûts d'une telle scission semblent
surévalués. Une telle réforme marque la volonté de
confier à des agents différents l'exploitation et l'expertise.
En outre, le budget pour 2000 est marqué par la budgétisation des
crédits de la Direction de la sûreté des installations
nucléaires (DSIN) dont les études étaient jusqu'à
présent financées par des redevances prélevées sur
les opérateurs nucléaires contrôlés.
Parallèlement, l'article 24 du projet de loi de finances pour 2000
prévoit le remplacement des redevances - dont le produit
était rattaché par voie de fonds de concours au budget de
l'industrie - par une taxe sur les installations nucléaires de
base. Le rendement de cette nouvelle taxe devrait toutefois être
sensiblement supérieur à celui des redevances actuelles.
1. La budgétisation des crédits de la Direction de la sûreté des installations nucléaires
L'Autorité de sûreté nucléaire,
composée de la DSIN, du bureau de contrôle des chaudières
nucléaires (BCCN) et des huit divisions des installations
nucléaires (DIN) des Directions régionales de l'industrie, de la
recherche et de l'environnement (DRIRE), est aujourd'hui chargée de
définir et d'appliquer la politique gouvernementale en matière de
sûreté nucléaire.
L'effectif global de l'Autorité de sûreté
s'élève à 220 personnes, dont 38 sont mises à
disposition par le CEA dans le cadre de la convention avec l'Institut de
protection et de sûreté nucléaire (IPSN). 75 % des
effectifs de l'autorité de sûreté sont des
ingénieurs issus, soit des corps techniques de l'Etat, soit des
unités de production ou de recherche du CEA.
La DSIN, créée en 1973, est placée sous l'autorité
conjointe du ministre de l'industrie et du ministre chargé de
l'environnement. Les études qu'elle effectue étaient
jusqu'à présent financées par des redevances
prélevées sur les exploitants d'installations nucléaires
de base. Le budget de l'industrie pour 1998 a ainsi vu le rattachement de
475,4 millions de francs
de fonds de concours sur l'article 92 du
chapitre 54-93 " Etudes " aux fins de financer des analyses de
sûreté et de
1,5 million de francs
de fonds de concours sur
l'article 91 du même chapitre pour financer des études de
sûreté. Pour 1999, un montant évaluatif de
467,33
millions de francs
est prévu pour ces deux articles. A ces
crédits d'études s'ajoutent des crédits de
rémunération de personnels inscrits sur le titre III.
Les études de sûreté menées par la DSIN visent
essentiellement à permettre de comprendre et d'anticiper les principales
causes d'incidents sur les centrales électronucléaires. Les deux
grands axes du programme d'études 1999 sont, d'une part de faire avancer
les dossiers relatifs aux méthodes d'analyse ainsi qu'à la
connaissance des matériaux et à leur endommagement, et, d'autre
part de compléter les connaissances techniques sur des thèmes
transversaux dans les phénomènes rencontrés sur le parc
électronucléaire.
Quant aux analyses de sûreté menées par l'IPSN au profit de
la DSIN, elles sont financées dans le cadre d'une convention annuelle
découlant d'une convention générale avec le CEA. La part
la plus importante de ces prestations porte sur des analyses de
sûreté permettant d'évaluer les dispositions
présentées par les exploitants d'installations nucléaires.
Le budget de l'économie, des finances et de l'industrie pour 2000
procède à la budgétisation des crédits de la DSIN
pour un montant de
497,5 millions de francs
inscrit sur le chapitre
54-93 en AP comme en CP ; en contrepartie, les redevances actuellement
acquittées par les exploitants d'installations nucléaires pour
financer les études menées par la DSIN sont supprimées et
remplacées par une taxe dont le produit, évalué à
829 millions de francs pour 2000, est réintégré dans le
budget général
9(
*
)
. Elles avaient
généré une recette de 587 millions de francs en 1998.
Votre rapporteur se félicite de cette budgétisation qui
traduit un souci de sincérité et d'orthodoxie budgétaire
louable. Toutefois, il s'élève contre l'accroissement de
55 % des charges sur les opérateurs nucléaires que devrait
engendrer la création de la taxe sur les installations nucléaires
de base et s'interroge sur la constitutionnalité d'une mesure qui
renvoie à un décret en Conseil d'Etat la fixation du
barème de la taxe.
2. L'autonomisation de l'Institut de protection et de sûreté nucléaire
L'Autorité de sûreté s'appuie sur
l'expertise de
l'IPSN du CEA qui dispose d'un budget propre s'élevant à
1.500 millions de francs, pour un effectif de l'ordre de 1.270 personnes.
Si le recours aux prestations de l'IPSN permet de bénéficier du
concours d'experts qualifiés, un besoin de clarification existe dans la
mesure où cet institut est rattaché au CEA, qui exploite
directement des installations nucléaires.
Certaines dispositions ont déjà été prises pour
donner une plus grande autonomie à cet organisme au sein du CEA, parmi
lesquelles on peut citer la création d'un conseil de direction,
l'individualisation de la dotation budgétaire dans le bleu industrie, et
l'établissement d'un code de déontologie de la recherche. Les
travaux menés par l'IPSN au profit de l'Autorité de
sûreté sont financés dans le cadre d'une convention
annuelle découlant d'une convention générale avec le CEA
qui définit la nature et le montant des travaux à effectuer.
Le projet de loi de finances pour 2000 va plus loin en prévoyant la
transformation de l'IPSN en établissement public administratif autonome.
Ses crédits continuent de faire l'objet d'un article
séparé sur le chapitre 45-10 et s'élèvent à
959,5 millions de francs dans le budget pour 2000 contre 910,4 dans celui pour
1999, soit une hausse de 49 millions de francs.
Cette transformation du statut de l'IPSN génère une
dépense estimée à ce stade à 37 millions de
francs ; toutefois, les conséquences, notamment en termes fiscaux,
de la scission CEA/IPSN n'ont pas été entièrement
chiffrées, ce qui a conduit à prévoir une provision de
100 millions de francs sur un article budgétaire
ad hoc
.
D'ores et déjà, il s'avère, selon les informations
recueillies par votre rapporteur, que la provision de 100 millions de francs
est très supérieure au coût de la scission. Le gouvernement
a toutefois donné l'assurance que les crédits non utilisés
seraient conservés par le CEA.