B. LA FRAGILITÉ DES MOYENS DU CEA
Le CEA
est un établissement public de recherche dont la mission première
est de maintenir l'option nucléaire ouverte à l'horizon 2010.
Cette mission centrale, menée par 11.354 personnes dans le secteur
civil, s'accompagne de recherches de base pour acquérir les
connaissances et former les hommes, et de diffusion technologique vers
l'industrie non nucléaire pour créer de l'innovation, de
l'activité économique et de l'emploi.
Ses moyens proviennent, d'une part, des dotations budgétaires, et,
d'autre part, des participations des industriels. Or, si les premières
se maintiennent, les secondes décroissent.
1. La diminution des ressources extérieures du CEA
Le
contrat d'objectifs du CEA de 1995 prévoyait une stabilité en
francs constants des ressources publiques concourant au financement des
activités civiles du CEA sur la durée du contrat. Pour conjuguer
cette évolution et la mise en oeuvre de ses objectifs qui
nécessitent une reprise de ses investissements, le CEA était
invité à mobiliser, au delà de la subvention
budgétaire, les recettes externes provenant de ses partenariats, ainsi
que des ressources propres provenant de la valorisation de ses actifs.
Or, depuis quelques années, le commissariat doit faire face à une
diminution mécanique de ses ressources extérieures. Ainsi, le
taux de financement des programmes a tendance à décroître
sous l'effet, d'une part, du déplacement des recherches du CEA vers la
recherche fondamentale, où les participations des industriels sont plus
faibles, voire nulles, et, d'autre part, d'une diminution des participations
des partenaires industriels. Ainsi, 1999 a vu la fin du versement de la
redevance " enrichissement " versée par la COGEMA et qui
représentait 150 millions de francs en 1998.
Par ailleurs, les contributions prévues par l'actuelle convention de
financement des charges d'assainissement liant le CEA, EDF et COGEMA jusque fin
2000 ont été versées depuis la fin de 1998 compte tenu du
rythme effectif des dépenses. Or, ces dépenses sont
incontournables et pourraient s'accroître sous l'effet des contraintes
environnementales et d'une meilleure connaissance des coûts.
Les partenaires industriels ont accepté d'augmenter leurs contributions
en 1999 pour limiter cette baisse de ressources. A court terme, des
réflexions sont engagées, notamment dans le cadre du
renouvellement du contrat pluriannuel liant l'Etat et le CEA, pour
pérenniser le financement des programmes de R&D et l'assainissement
des centres de l'établissement.
Toutefois, il conviendrait d'obtenir des industriels un financement des
programmes d'intérêt commun plus en rapport avec
l'intérêt industriel qu'ils retirent de ces programmes : un
objectif de cofinancement supérieur à 50 % apparaît
ainsi légitime pour tous les programmes de recherche appliquée (y
compris hors nucléaire comme la microélectronique).
Parallèlement, les industriels doivent être mieux associés
à la définition et au pilotage de ces programmes dans le cadre de
conventions pluriannuelles. Enfin, il serait opportun de
réfléchir à un mode de financement des programmes qui
permettrait un meilleur partage des risques et des gains entre les
partenaires.
2. L'insuffisance des crédits budgétaires du CEA
La
subvention de fonctionnement accordée par le Secrétariat d'Etat
à l'industrie au CEA et inscrite sur le chapitre 45-10 du budget de
l'économie, des finances et de l'industrie, est légèrement
accrue dans le budget pour 2000, passant de 2 049,1 millions de franc
à 2 071 millions de francs (+ 1 %).
Il convient d'ajouter à ces ressources la subvention inscrite sur le
budget du ministère de la recherche qui s'élève à
3.030,50 millions de francs, ce qui porte les ressources
budgétaires civiles du CEA à
6.081 millions de francs
.
Les crédits d'investissement restent constants à
750 millions de francs en AP comme en CP, provenant à parité
des ministères de l'industrie et de la recherche.
Comme l'année dernière, votre rapporteur appelle l'attention du
gouvernement sur les risques que fait courir au patrimoine industriel de
CEA-Industrie le calibrage insuffisant des dotations budgétaires
accordées à l'établissement public au regard de ses
besoins en matière d'assainissement des installations civiles.
En effet, selon la Cour des comptes qui a consacré un chapitre de son
dernier rapport aux pratiques des entreprises du secteur nucléaire en
matière de couverture des dépenses futures, le CEA devra financer
sur les trente ans à venir plus de 40 milliards de francs pour le
démantèlement de ses installations civiles et le traitement,
l'entreposage et le stockage des déchets qu'il produit. Or,
l'établissement n'a pas prévu le financement de ces charges sur
son exploitation comme en témoigne l'absence quasi-totale de provisions
à son bilan.
L'assainissement des installations civiles
, qui
représente selon les années, entre 400 et 800 millions de
francs par an, était entièrement financé, jusqu'en 1993,
sur la subvention de l'Etat au CEA.
Actuellement et jusqu'en 2000, EDF et Cogéma contribuent à
hauteur respectivement de 42 % et 6 % au financement de ces
dépenses, dans le cadre d'une convention d'assainissement qui porte sur
une liste limitée d'installations et sur un montant de
3,3 milliards de francs. Le solde est couvert par le CEA sur ressources
budgétaires.
Or, à la veille de l'expiration de la convention, les partenaires
industriels du CEA ont fait part de leur volonté de diminuer leur
contribution financière. A défaut de trouver un financement
spécifique en accord avec les pouvoirs publics, le CEA se verrait donc
obligé de trouver dans ses ressources internes c'est-à-dire dans
la cession d'actifs industriels le complément de ressources
nécessaire pour faire face à ses besoins.
La valorisation des
ressources en provenance de CEA-Industrie est d'ailleurs envisagée par
le gouvernement comme la piste principale à utiliser pour le financement
des charges d'assainissement futures des centres du CEA
. Une
réflexion est en cours dans le cadre du futur contrat pluriannuel entre
l'établissement et l'Etat.
Cette pratique n'est pas nouvelle puisqu'en 1999, une ressource exceptionnelle
de 534 millions de francs a du être dégagée de la
vente d'actifs.
Or, comme le relève la Cour des comptes, l'utilisation de ce patrimoine
se heurte à des obstacles de nature fiscale et juridique. En outre,
s'agissant notamment de participations dans le capital de Cogéma
(81 %) et de Framatome (36 %), la cession partielle ou totale de ces
actifs industriels peut entraîner des conséquences sur la
poursuite de programmes menés en commun, ainsi que, plus
généralement, sur le rôle de l'Etat dans la filière
nucléaire. Si l'utilisation du patrimoine du CEA devait être
confirmée, le traitement comptable des charges d'assainissement devrait
être modifié afin de faire apparaître des provisions.
Enfin, la situation du CEA pourrait de surcroît être
fragilisée par le
poids accru de la taxe
qu'il devra acquitter au
titre du contrôle des installations nucléaires de base qu'il
exploite. L'article 24 du projet de loi de finances prévoit en effet de
refondre totalement le régime des redevances sur les installations
nucléaires de base, ce qui, selon les estimations de l'opérateur
public, pourrait impliquer un complément de charges compris entre 12,8
et 100 millions de francs (pour une charge nette actuelle de 25,2 MF).
Votre rapporteur considère qu'il est indispensable de maintenir un lien
entre la recherche menée par le CEA et ses applications industrielles
par le maintien de liens capitalistiques entre le CEA et CEA-Industrie. En
outre, les participations du CEA dans CEA-Industrie lui rapportent des
dividendes importants dont il serait inopportun de le priver.
Au regard de ces éléments, votre rapporteur estime qu'il
convient de renforcer les ressources budgétaires du CEA.