CHAPITRE II
-
Répartition et aménagement du temps de
travail
Art. 3
(art. L. 212-8, L. 212-8-5,
L. 212-9, L. 212-2-1, L. 212-8-1
à L. 212-8-4 du
code du travail)
Régime unique de modulation
I - Le dispositif proposé
L'article 3 institue un régime unique de modulation qui se substitue aux
trois types de modulation en vigueur. Ce nouveau régime réalise
une synthèse des modulations
201(
*
)
de type II et III.
Cependant, contrairement à la modulation de type III, ces nouvelles
modalités d'aménagement du temps de travail ne sont plus
subordonnées à une réduction de l'horaire de travail
pratiqué précédemment dans l'entreprise dans la mesure
où celui-ci ne dépasse pas 35 heures.
L'article 3 comprend cinq paragraphes.
Le
paragraphe I
rerédige l'article L. 212-8 du code du travail en
dix alinéas.
Le premier alinéa prévoit qu'une convention ou un accord
collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou
d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du
travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition
que, sur un an, cette durée n'excède pas en moyenne trente-cinq
heures par semaine travaillée et, en tout état de cause, une
durée annuelle de 1.600 heures. Cette disposition conditionne la
validité de l'accord. Dans ces conditions, à compter du
1
er
janvier 2000, et ce quelle que soit la taille de l'entreprise,
aucune modulation ne pourra donc être mise en place sans passage à
35 heures (sauf application d'un accord de modulation conclu
antérieurement selon les anciennes formules type I, II ou III).
On peut observer que le seuil de 1.600 heures constitue un forfait arrondi.
Elles représentent 45,71 semaines travaillées (soit 1.600/35, ce
qui semble correspondre au calcul suivant : 365 jours - 52 jours de repos
- 30 jours de congés payés - entre 8 et 9 jours
fériés).
Le deuxième alinéa prévoit que les conventions et accords
de modulation doivent respecter les durées maximales quotidiennes et
hebdomadaires définies par les deuxièmes alinéas des
articles L. 212-1 et L. 212-7 du code du travail, soit dix heures par jour
et 46 heures par semaine sur douze semaines ou quarante-huit heures sur une
semaine quelconque.
Le troisième alinéa prévoit que les heures
effectuées au-delà de la durée légale, dans les
limites fixées par la convention ou l'accord ne sont pas soumises
à la réglementation " normale " concernant les heures
supplémentaires, c'est d'ailleurs tout l'intérêt d'un
accord de modulation. En pratique, cela signifie que ces heures, du moment
qu'elles ne dépassent pas les limites imposées dans l'accord, ne
donnent pas lieu à des majorations de salaire et ne s'imputent pas sur
le contingent annuel d'heures supplémentaires.
Toutefois, le quatrième alinéa du nouvel article L. 212-8
prévoit que sont considérées comme des heures
supplémentaires les heures effectuées au-delà de la
durée maximale hebdomadaire fixée par la convention ou l'accord,
ainsi que les heures effectuées au-delà de la durée
moyenne annuelle calculée sur la base de la durée légale
et, en tout état de cause, de 1.600 heures. Ces heures sont ainsi
soumises aux règles des articles L. 212-5 nouveau, L. 212-5-1
modifié et L. 212-6 modifié du code du travail.
On observe que l'amplitude des horaires de travail mais également les
modalités de calcul des heures supplémentaires et leur traitement
obéissent aux mêmes règles que dans l'ancienne modulation
de type III.
Le cinquième alinéa est innovant au sens où il autorise
les accords à mettre en place des calendriers individualisés.
Les mentions obligatoires de l'accord de modulation correspondent à
celles qui s'imposaient dans chacune des modulations précédentes
à l'exception des mesures applicables au personnel d'encadrement
(modulation de type I et II) et au délai de prévenance.
Comme dans la modulation de type I et II, les accords collectifs doivent
comporter des dispositions aux droits des salariés qui n'ont pas
travaillé pendant toute la période de modulation compte tenu
notamment, d'un départ, d'une embauche ou d'une absence.
L'accord devra donc envisager un mécanisme de régularisation
individualisée permettant de faire apparaître un trop perçu
ou un droit à rappel de salaire compte tenu du
déséquilibre entre les périodes hautes et basses.
En ce qui concerne les garanties accordées aux salariés, le
sixième alinéa prévoit que le programme de la modulation
est soumis pour avis avant sa mise en oeuvre au comité d'entreprise ou,
à défaut, aux délégués du personnel. Par
ailleurs, le chef d'entreprise doit communiquer au moins une fois par an au
comité d'entreprise ou, à défaut, aux
délégués du personnel, un bilan de l'application de la
modulation.
Le septième alinéa prévoit que les salariés doivent
être prévenus des changements de leurs horaires de travail dans un
délai de sept jours au moins avant la date à laquelle ce
changement doit intervenir. Ce délai ne peut être réduit
que dans des conditions fixées par la convention ou l'accord collectif.
Le huitième alinéa prévoit que les modalités
d'organisation de la modulation par service, voire par salarié,
relèvent de la convention ou de l'accord.
Concernant les calendriers individualisés, l'accord doit préciser
les conditions de changement des calendriers ainsi individualisés, les
modalités de décompte de la durée de travail de chaque
salarié, et la prise en compte et les conditions de
rémunération des périodes de modulation pendant lesquelles
les salariés ont été absents.
Le neuvième alinéa prévoit que les salariés
titulaires d'un contrat à durée déterminée ou d'un
contrat de travail temporaire pouvaient être concernés par
l'accord de modulation.
Le dernier alinéa de cet article L. 212-8 modifié concerne les
absences rémunérées ou indemnisées, les
congés et autorisations d'absence auxquels les salariés ont droit
en application de stipulations conventionnelles, ainsi que les absences
justifiées par l'incapacité résultant de maladie ou
d'accident. Ces absences ne peuvent faire l'objet d'une
récupération par le salarié.
Les autres absences, c'est-à-dire celles qui ne sont ni conventionnelles
ni indemnisées sont décomptées en fonction de la
durée de travail que le salarié devait effectuer,
c'est-à-dire qu'elles ne peuvent être décomptées
au-delà de l'horaire pratiqué le jour considéré.
Le
paragraphe II
de l'article 3 met en cohérence les dispositions
de l'article L. 212-8-3 avec les modifications apportées par le
présent article.
Le
paragraphe III
renumérote l'article L. 212-9 qui devient
l'article L. 212-10.
Par ailleurs, le
paragraphe IV
abroge les articles L. 212-2-1,
L. 212-8-1, L. 212-8-2, L. 212-8-3 et L. 212-8-4, c'est-à-dire les
anciennes modulations. Cela signifie qu'à partir du 1
er
janvier 2000, aucune modulation ne pourra être mise en place sans passage
à 35 heures.
Le
paragraphe V
sécurise les accords collectifs signés sur
le fondement des articles L. 212-2-1 et L. 212-8 actuels du code. Il
prévoit néanmoins que l'abaissement de la durée
légale du travail aura pour conséquence de modifier les
règles et seuils de déclenchement des heures
supplémentaires au-delà du forfait de 1.600 heures ou de la
moyenne annuelle de 35 heures.
Les différents régimes de modulation
|
Modulation de type I |
Modulation de type II |
Modulation de type III |
Modulation unique |
Mise
en
|
Convention de branche étendue ou d'entreprise ou accord
d'entreprise ou d'établissement
|
|||
Finalité |
Assurer
la flexibilité de l'horaire collectif pour faire face
|
Assurer la flexibilité des horaires collectifs et le cas échéant individuels pour faire face à des variations d'activité |
||
Contreparties |
Facultatives |
Financières ou en temps de formation ou en terme d'emploi |
Réduction de la durée du travail |
Application des 35 heures |
Mentions obligatoires de l'accord |
Motivation économique et sociale
|
|
Modalités du décompte du temps de travail de
chaque
salarié
|
|
|
Sort des
salariés n'ayant pas travaillé pendant toute la période de
référence
|
|||
|
Variation de la durée du travail pendant tout ou partie de l'année |
|||
|
Autour de 39 h avec un maximum de 48 h par semaine |
Autour de 39 h avec un maximum de 44 h par semaine (ou de 48 h en cas d'accord de branche étendu) |
Autour de 35 h avec un maximum de 10 h par jour, 48 h par semaine (ou 46 h sur toute période de 12 semaines consécutives) |
|
|
La durée du travail hebdomadaire ne doit pas excéder 39 h en moyenne annuelle |
La durée du travail hebdomadaire doit être inférieure en moyenne à l'horaire pratiqué antérieurement |
La durée du travail ne doit pas excéder 35 h en moyenne annuelle avec un maximum de 1.600 h par an |
|
|
Toute heure effectuée au-delà de 39 h par semaine (dans les limites fixées par l'accord pour les modulations de type I et II) ne s'impute pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires |
Toute heure effectuée au-delà de 35 h par semaine ne s'impute pas sur le contingent annuel d'heures supplémentaires |
||
Gestion
des dépassements d'horaire
|
Toute heure effectuée au-delà de 39 h ouvre droit à majoration de salaire et/ou repos compensateur |
Toute
heure effectuée au-delà de 39 h mais en deçà de la
limite maximum (44 h ou 48 h) ouvre droit à une contrepartie
(financière ou de formation...).
|
Toute
heure effectuée au-delà de 39 h n'ouvre droit ni à
majoration de salaire ni à repos compensateur
|
Toute
heure effectuée au-delà de 35 h n'ouvre droit ni à
majoration de salaire (ou bonification) ni à repos compensateur
|
|
Toute heure effectuée au-delà des limites fixées par l'accord ouvre droit à une majoration de salaire et/ou à un repos compensateur |
Toute heure effectuée au-delà des limites (éventuellement) fixées par l'accord n'ouvre droit ni à majoration de salaire ni à repos compensateur |
||
Gestion
des dépassements d'horaire
|
Toute
heure effectuée au-delà de 39 h en moyenne annuelle est
imputée sur le contingent annuel
|
Toute heure effectuée au-delà de 39 h en moyenne annuelle ouvre droit à une majoration de salaire (25 %) et à un repos compensateur (50 %) et à une contrepartie/pénalité au profit des salariés |
Toute heure effectuée au-delà de la durée moyenne conventionnelle ouvre droit à une majoration de salaire de 25 % pour les premières heures (50 % au-delà) ou à un repos de remplacement (125 % ou 150 %) ou à une combinaison des deux |
Toute heure effectuée au-delà de 35 h (en moyenne ou de 1.600 h par an) ouvre droit aux majorations de salaire (ou à une bonification) pour heures supplémentaires et/ou à un repos de remplacement équivalent ou à une combinaison des deux |
II
- Le texte adopté par l'Assemblée nationale
• Au cours du débat, l'Assemblée nationale a
adopté un amendement présenté par la commission qui tend
à indiquer explicitement que la durée de 1.600 heures
évoquée au paragraphe I de l'article L. 212-8 ne
représente qu'un plafond, en deçà duquel les
négociateurs ont toute latitude de se situer, au niveau de la branche ou
de l'entreprise.
• L'Assemblée nationale a également adopté un
amendement présenté par la commission, les membres du groupe
socialiste et les membres du groupe communiste, tendant à limiter le
recours à la modulation. Cet amendement au paragraphe I de l'article
L. 212-8 prévoit en effet que la convention ou l'accord doit
préciser les données économiques et sociales justifiant le
recours à la modulation.
• L'Assemblée nationale a adopté un amendement
modifié en séance défendu par M. Yves Cochet
prévoyant que les conventions et accords de modulation doivent fixer les
modalités de recours au travail temporaire.
• Un amendement, présenté par la commission et le
groupe socialiste et adopté par l'Assemblée nationale, a
prévu que le délai de prévenance préalable à
des changements des horaires devait être de sept jours
ouvrés
afin de garantir qu'un
" week-end puisse
s'écouler entre l'annonce d'une modification d'horaires et l'application
effective de celle-ci ".
• L'Assemblée nationale a adopté un amendement
présenté par la commission prévoyant que l'accord
collectif devra préalablement avoir défini des cas particuliers
ou d'urgence qui justifient le délai de prévenance de sept jours
ouvrés évoqué précédemment.
• L'Assemblée nationale a adopté également un
amendement présenté par la commission et le groupe communiste et
prévoyant que les modifications du programme de la modulation doivent
recevoir l'accord du comité d'entreprise ou, à défaut, des
délégués du personnel.
• Un amendement, présenté par la commission et le
groupe communiste, a prévu que, en cas de rupture du contrat de travail
pour motif économique, intervenant après ou pendant une
période de modulation, il ne pouvait être opéré
aucune retenue ni sur le salaire ni sur les sommes dues au salarié au
motif qu'il serait redevable d'un temps de travail.
Selon M. Maxime Gremetz, cet amendement vise à empêcher que les
salariés couverts par un accord de modulation ne soient
pénalisés en cas de rupture de leur contrat de travail pour motif
économique.
III - Les propositions de votre commission
Votre commission considère que la rédaction de cet article,
compte tenu notamment des nombreux amendements adoptés par
l'Assemblée nationale, limite de façon excessive le pouvoir de
gestion des chefs d'entreprises. On peut s'interroger par exemple sur
l'obligation faite à l'accord de justifier par des données
économiques et sociales le recours à la modulation.
L'encadrement de la modulation est tel qu'il existe un risque que cet effort de
simplification nuise à la souplesse du dispositif.
Votre commission vous propose d'amender cet article 3 de manière
à revenir sur les contraintes ajoutées à
l'Assemblée nationale et à assurer la bonne application du
dispositif de modulation unique et simplifiée créé par cet
article.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art.
4
(art. L. 212-9 du code du travail et art. 4 de la loi n° 98-461 du
13 juin 1998)
Réduction de la durée du travail
organisée sous forme de jours
ou demi-journées de repos
I -
Le dispositif proposé
Cet article codifie, pérennise et assouplit les dispositions
prévues par l'article 4 de la loi n° 98-468 d 13 juin 1998 relatif
à la réduction du temps de travail sous forme de jours de repos.
Le
paragraphe I
de cet article rédige un nouvel article L. 212-9
qui comprend deux paragraphes.
Le premier paragraphe de cet article prévoit que la réduction du
temps de travail peut désormais être réalisée
conventionnellement par l'attribution de demi-journées de repos et non
plus exclusivement par jour entier. Par ailleurs, les congés de
réduction peuvent être étendus aux heures effectuées
au-delà de 39 heures par semaine dans la limite éventuelle d'un
plafond (paragraphe II). La réduction de la durée du travail
organisée sous forme de jours ou de demi-journées de repos
présente des analogies avec le dispositif de modulation prévu
à l'article 3 notamment en ce qui concerne le calcul du seuil de
déclenchement des heures supplémentaires et le délai de
prévenance à respecter en cas de modification des dates de repos.
Il est à noter que les dispositions relatives au lissage de la
rémunération, au traitement des absences et à la
récupération sont les mêmes.
On remarque que le dispositif prévu au paragraphe I n'est pas
subordonné à un accord collectif. L'employeur peut
répartir unilatéralement la durée du travail à
l'intérieur d'une période de quatre semaines, toutefois, un
délai de prévenance de 7 jours doit être respecté en
cas de modification du planning des jours de repos. Cette modalité de
réduction du temps de travail en deçà des 39 heures
n'ouvrira pas droit à l'aide structurelle.
Les compensations entre semaines hautes ou basses ne peuvent être
réalisées que par jour entier ou demi-journée de repos.
Par ailleurs, cette compensation heure pour heure ne peut pas concerner les
heures effectuées au-delà de 39 heures par semaine, celles-ci
étant soumises à la réglementation des heures
supplémentaires. Sont également traitées comme heures
supplémentaires, les heures dépassant l'horaire moyen de 35
heures, apprécié sur une période de quatre semaines.
Le
paragraphe II
abroge l'article 4 de la loi n° 98-461 du 13
juin 1998 dont les dispositions essentielles ont été
codifiées dans le I. Il prévoit également à des
fins de sécurisation juridique que les stipulations des conventions ou
accords collectifs intervenues sur le fondement de cet article 4 et applicables
à la date de publication de la présente loi demeurent en vigueur.
II - Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté l'article 4 du projet de loi avec
une simple modification rédactionnelle.
III - Les propositions de votre commission
Votre commission vous propose une nouvelle rédaction de cet article qui
comporte quelques modifications facilitant le recours à ce dispositif
conventionnel. On remarque en effet que le délai de prévenance en
cas de modification des dates fixées par la prise des jours de repos ne
s'impose pas dans ce type de modulation et que la fixation dans la loi des
absences ne pouvant pas donner lieu à récupération
pourrait poser des problèmes, notamment dans les périodes hautes
de la modulation.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art. 4
bis
(art. L. 221-16-1 nouveau du code du
travail)
Contrôle du repos dominical
I -
Le texte adopté par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté un amendement défendu par
M. Maxime Gremetz qui proposait de
" ne plus faire reposer sur les
seules organisations syndicales tout le poids des procédures judiciaires
nécessaires pour faire respecter le repos dominical mais de confier
à l'inspecteur du travail le pouvoir de saisir en
référé le président du tribunal de grande instance
afin qu'il ordonne toutes mesures propres à faire cesser
l'infraction ".
On peut observer que le second alinéa de l'article L. 221-6-1 nouveau
prévoit que le président du tribunal peut notamment ordonner la
fermeture le dimanche du ou des établissements concernés et qu'il
peut assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au
Trésor.
II - Les propositions de votre commission
Votre commission observe que de nombreux articles additionnels adoptés
à l'Assemblée nationale ont eu pour conséquence de durcir
l'ensemble de la législation sur le temps de travail et de limiter le
champ d'intervention des partenaires sociaux. La question du travail du
dimanche est ici abordée uniquement sous l'angle répressif alors
que ce travail est recherché par certains salariés, notamment les
étudiants.
Votre commission ne partage pas le souci de l'Assemblée nationale quant
à la nécessité de renforcer la législation du
contrôle du repos dominical, sans concertation, à l'occasion de
l'examen d'un texte
qui n'a qu'un lointain rapport avec la
réduction négociée du temps de travail.
Votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet
article.