VII. LES 35 HEURES SÈMENT LE TROUBLE DANS LE SECTEUR MÉDICAL ET SOCIAL
A. LE SORT DU SECTEUR SOCIAL RESTE SUSPENDU AUX NÉGOCIATIONS DANS LE SECTEUR PUBLIC
1. Le secteur social a négocié plusieurs accords sur la réduction du temps de travail
Auditionnée par le rapporteur, l'UNIOPSS
154(
*
)
a considéré qu'un
certain nombre de questions restaient en suspens et devaient trouver une
solution afin que la mise en oeuvre des 35 heures dans le secteur social ne
remette pas en question la qualité du service fourni aux usagers.
On peut rappeler qu'à la suite de difficiles négociations, les
partenaires sociaux sont déjà parvenus à plusieurs
accords :
-
Un accord de branche
sur l'aménagement et la
réduction du temps de travail a été signé le
1
er
avril 1999 par les employeurs de la
branche sanitaire et
sociale à but non lucratif réunis au sein de l'UNIFED
avec la
CFDT et la CGC.
Cet accord, qui a été agréé le 25 juin et
étendu le 4 août 1994,
fixe les principes d'organisation du
travail en prenant en compte les spécificités du secteur
. Il
prévoit notamment un repos quotidien entre deux journées de
travail qui peut être réduit à 9 heures (au lieu de 11)
pour les personnels qui assurent le lever et le coucher, l'instauration de la
modulation des horaires, leur répartition sur 4/5 ou 6 jours. Pour les
salariés à temps partiel, leurs horaires peuvent comporter
jusqu'à 2 interruptions et le volume d'heures complémentaires
autorisé est plafonné au tiers de la durée prévue
au contrat. L'accord envisage également la réduction du temps de
travail sous forme de jours de repos pouvant être affectés dans un
compte épargne-temps.
Du fait de son extension, cet accord est devenu obligatoire pour
tous les
employeurs de la branche
, même s'ils ne sont pas adhérents
à un syndicat signataire (Croix Rouge, FEHAP, FNCLCC, SNAPEI, SNASEA et
SOP), à l'exception de ceux régis par la Convention collective du
26 août 1965 des établissements de soins, de cure et de
prévention pour enfants.
-
Un accord-cadre sur la réduction du temps de travail dans la
convention collective du 15 mars 1966
(établissements et services
pour personnes inadaptées et handicapées) du 12 mars 1999
(complété par deux avenants des 14 et 25 juin) signé
par le SOP, le SNAPEI, le SNASEA avec la CFDT, la CFTC, la CGC.
-
Un accord-cadre sur la réduction du temps de travail dans la
convention collective des centres d'hébergement et de
réadaptation sociale
du 9 mars 1999 (complété par deux
avenants des 16 et 23 juin) signé par le SOP avec la CFDT, la CFTC, la
CGC. Cet accord a été agréé le 24 août (J.O.
du 3 septembre).
Le
SNAPEI considère que le projet de loi ne prend pas en compte
la
situation particulière des établissements
spécialisés.
M. Louis Souvet, rapporteur, a auditionné le mardi
12 octobre 1999, une délégation du SNAPEI
155(
*
)
composée de MM. Madinier,
Camette et Lefret.
Cette délégation a mis en évidence trois problèmes
particuliers que posait le texte du projet de loi aux établissements
d'accueil de personnes handicapées :
- le délai d'agrément des accords d'établissements
ayant été porté à 6 mois, le conventionnement
nécessitant 1 à 2 mois et la mise en oeuvre de l'accord 2
à 3 mois supplémentaires, le SNAPEI attire l'attention sur
le " vide juridique " auquel seront confrontés les
établissements spécialisés entre le
1
er
janvier 2000, date de mise en oeuvre de la loi et le
1
er
juin, date à laquelle les accords
déposés pourront entrer effectivement en vigueur ;
- concernant les dispositions relatives à la modulation, le SNAPEI
observe que l'amplitude de 31 à 39 heures de travail par semaine ne
correspond pas aux besoins des établissements spécialisés
qui ont couramment recours à des amplitudes de 21 à
44 heures de travail par semaine ;
- enfin, étant donné l'importance du personnel d'encadrement
dans les établissements spécialisés, le SNAPEI souhaite
que les cadres payés sur la base d'un forfait journalier soient pris en
compte dans la détermination des allégements de cotisations
sociales lorsqu'ils participent au mouvement de réduction du temps de
travail.
Ces deux accords de réduction du temps de travail qui s'articulent
avec l'accord de branche
, se caractérisent par le maintien des
rémunérations (35 heures payées 39) sans remise en cause
des congés trimestriels, un engagement de création d'emplois et
de maintien des effectifs pendant trois ans.
L'équilibre
économique est obtenu sur cinq ans par un effort de modération
salariale
: gel de la valeur du point sur 1999 et au-delà dans
la limite totale de 2,34 % de la masse salariale, suspension des
majorations familiales et, si nécessaire, neutralisation de la
progression de carrière. Le montant des aides légales est
imputé au budget des établissements qui sont invités
à limiter le recours aux heures supplémentaires. Pour les
établissements de moins de 50 salariés, un accès
direct aux aides légales est prévu en l'absence de
représentation syndicale.
- Les négociations ont également abouti dans la
Convention des centres de lutte contre le cancer
(accord du 30 mars 1999
modifié par avenant du 12 mai signé par la CFDT). Cet accord a
été agréé le 25 juin ;
- Dans celle de la
Croix Rouge Française
(avenant du 28
avril 1999 modifié par 2 additifs en date du 25 juin signé par la
CFDT, la CFTC, la CGC). Cet accord a été agréé le 9
août ;
- Et dans celle de la
branche de l'aide à domicile
:
accord-cadre du 24 juin 1999 signé par la FNAAFP/CSF, la FNAFAD,
l'UNAADMR, l'UNASSAD avec la CFDT et la CFTC.
L'article 16 de la loi du 1975 prévoyant que les accords
négociés par les partenaires sociaux ne sont opposables aux
financeurs (Etat, collectivités locales, caisse d'assurance maladie)
qu'après
agrément du ministre
chargé des affaires
sociales après avis de la Commission nationale d'agrément
interministérielle, cette procédure avait été
engagée sans attendre afin de permettre aux établissements
d'obtenir les aides financières maximales (barème du
1
er
semestre 1999).
Ce n'est qu'à la suite de nombreux rebondissements, dus aux exigences
ministérielles, que l'agrément est finalement intervenu ou est en
cours pour les accords précités.
De même, il a fallu attendre le 7 octobre pour que le ministère de
l'emploi et de la solidarité accepte d'agréer l'accord
passé dans la convention collective du 31 octobre 1951,
signé le 4 mars 1999 par la FEHAP avec la CFDT et la CFTC, et qui
comporte pas moins de
quatre additifs successifs
, au motif qu'il ne
respecterait pas les équilibres financiers. Il semble qu'un compromis
ait été trouvé, afin de mettre fin à une longue
période d'incertitude empêchant les quelque 2.500
établissements qui relevaient de cette convention collective
d'être couverts.
Dans un communiqué de presse en date du 7 octobre, le cabinet de Mme
Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a
déclaré que le principe d'application différenciée
selon les situations d'établissement pourrait "
impliquer la
révision de certains accords déjà
signés
". Il a considéré que
"
l'effectivité des engagements (de la FEHAP) sera
vérifiée lors de l'agrément des accords locaux et
décisions de passage à 35 heures
" et que c'était
"
compte tenu des nouvelles assurances données par la FEHAP,
(que) la ministre de l'emploi et de la solidarité avait
décidé d'accepter le recours gracieux formé auprès
d'elle par les signataires de l'accord national de la convention collective de
1951 et d'agréer en conséquence cet accord
".
Tant les dispositions réglementaires que conventionnelles obligent les
établissements à demander individuellement l'agrément de
l'accord sur la réduction du temps de travail qu'ils ont
négocié. Selon une circulaire du 31 août 1999, la
décision unilatérale de l'employeur de réduire le temps de
travail en application directe d'une convention collective nationale
agréée (cas des associations de moins de 50 salariés)
est également soumise à la procédure de l'agrément.
Les établissements doivent déposer un dossier auprès de la
Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS)
chargée de son instruction avant transmission au ministère et
passage en Commission nationale d'agrément. Dans le cadre de cette
procédure, le ministère dispose d'un délai de deux mois
pouvant être prolongé une fois, pour se prononcer sur les accords
qui lui sont soumis
156(
*
)
. En
parallèle, si les établissements sollicitent les aides
incitatrices à la réduction du temps de travail, ils doivent
déposer une demande de conventionnement auprès de la Direction
départementale du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle (DDTEFP) et prendre l'attache des autres financeurs. Ce n'est
qu'après obtention de l'agrément que la convention pourra
être signée par la DDTEFP. Celle-ci ayant pris soin de
vérifier que l'accord est conforme aux dispositions de la loi du 13 juin
1998.
Ces retards dans la procédure d'agrément ne sont pas sans
conséquence sur la situation des établissements.
Auditionné par la commission des Affaires sociales
157(
*
)
, M. Georges Riffard, directeur
général de la FEHAP, a estimé que : " dans le
secteur social et médico-social, 3.000 accords au total avaient
été transmis au ministère pour agrément et que leur
examen nécessiterait une période de six mois au moins.
Il a souligné la difficulté soulevée par le fait que des
accords signés en décembre ne prendraient juridiquement effet
qu'en juin 2000, c'est-à-dire après la date butoir du
1
er
janvier 2000 prévue par la loi du 13 janvier 1998 pour
l'application des " 35 heures ".
Il a constaté que les établissements en question pourraient
être mis dans l'obligation d'appliquer la réduction du temps de
travail sans aide de l'Etat, au cours du premier semestre 2000, ce qui
entraînerait une hausse de la masse salariale de 6 % en 2000.
Il a estimé nécessaire que les établissements sociaux et
médico-sociaux bénéficient d'une dérogation
transitoire permettant de reporter au 1
er
juillet 2000 la date
de mise en oeuvre obligatoire de la réduction du temps de travail. Il a
estimé important que les établissements sociaux et
médico-sociaux ne perdent pas le bénéfice des
négociations longues conduites au cours du premier semestre 1999 qui
avaient conduit à la signature de plus de 1.000 accords dans le secteur
couvert par la convention du 31 octobre 1951.