b) Un bilan plus que modeste compte tenu des moyens mis en oeuvre et de la détermination du Gouvernement
A la fin
août 1999, le bilan du Gouvernement évaluait à 15.000 le
nombre d'accords conclus au titre de la loi du 13 juin 1998, ces accords
couvrant 2.168.000 salariés et prévoyant la création
ou le maintien de 120.273 emplois.
On peut rappeler que, dans le cadre de la loi n° 98-461 du 13 juin
1998, le bénéfice de l'aide financière incitative
était lié à la mise en oeuvre effective de l'abaissement
de la durée du travail. Les embauches quant à elles devaient
être réalisées dans un délai d'un an à
compter de la réduction du temps de travail. Les annonces de
créations d'emplois, prévues par les accords, ne correspondent
donc pas forcément à des créations effectives.
Dans son rapport présenté en septembre sur le bilan de la loi
Aubry, le ministère de l'emploi considère que le délai
entre la baisse de la durée du travail et les embauches n'est pas
calculable,
" le recul n'étant pas assez
important "
21(
*
)
.
Dans ces conditions, les 120.000 créations d'emplois ne constituent que
des
promesses
dont l'effet sur l'évolution de l'emploi est
discutable. Cette analyse est partagée par MM. Jean-Paul Fitoussi
et Bernard Brunhes qui ont chacun considéré, lors de leur
audition
22(
*
)
par votre
rapporteur, que seule la croissance expliquait la création d'emplois et
que les annonces de créations d'emplois ne devaient être
considérées que comme des promesses dont la réalisation
méritait d'être vérifiée.
Dans ces conditions, on peut également observer que les aides
financières prévues dans le cadre de la loi du 13 juin 1998
(2,8 milliards de francs en 1998, 3,5 milliards de francs en 1999,
4,3 milliards de francs en 2000)
" courent "
avant
même la création effective des emplois
. Votre commission
remarque en conséquence que la loi du 13 juin 1998 incitait
déjà plus à la signature d'un accord sur la
réduction du temps de travail qu'à la création
d'emplois ; le second projet de loi ne fait que renforcer cette logique.
Accords d'entreprises signés dans le cadre de la loi
du 13
juin 1998
(données au 1
er
septembre 1999)
|
Total |
Accords d'entreprises éligibles aidés* |
Accords d'entreprises éligibles non aidés* |
Accords d'entreprises non éligibles* |
Nombre d'accords |
15.026 |
14.599 |
421 |
6 |
Effectifs concernés |
2.168.329 |
1.088.591 |
482.599 |
597.139 |
Créations ou maintien d'emplois |
120.273 |
85.064 |
16.389 |
18.820 |
Source : MES (cf. document de référence n° 1), fin août 1999
* Les
entreprises éligibles sont celles qui font partie du champ défini
par la loi du 13 juin 1998 pour le bénéfice des
allégements de cotisations sociales. Les accords aidés sont ceux
qui remplissent les conditions pour bénéficier de ces
allégements en termes de réduction du temps de travail
(- 10 %) et de créations ou de maintiens d'emplois (6 %).
Il convient d'observer que 17.627 des 120.273 emplois concernés par
les accords sur la réduction du temps de travail correspondent à
des emplois préservés. Lorsque l'on exclut les
18.820 emplois créés dans le secteur public, il
apparaît que les accords signés prévoient la
création potentielle de seulement 83.826 emplois.
• Le bilan présenté par le Gouvernement signifie
a
contrario
que :
-
98,8 % des entreprises occupant au moins un salarié n'ont pas
signé d'accord de réduction de la durée du travail
à 35 heures (15.026 accords au 1
er
septembre 1999
pour 1.160.900 entreprises occupant au moins un salarié) ;
-
89,3 % des entreprises de plus de 20 salariés n'ont pas
signé d'accord
(8.754 accords pour 81.900 entreprises de plus de 20
salariés) ;
-
90 % des salariés du secteur marchand ne sont pas couverts par
un accord
(2.168.329 salariés sont couverts mais il convient de
retirer les 597.139 salariés relevant du secteur public, il reste donc
1.571.190 salariés couverts par un accord à rapporter aux
14.500.000 salariés du secteur marchand).
Enfin, les
créations nettes d'emplois
résultant de ces
accords, si elles se réalisaient dans les deux années à
venir,
représenteraient 0,58 % des effectifs actuels du secteur
marchand
(120.273 emplois auraient été créés ou
préservés par ces accords dont il convient de déduire
18.820 emplois relevant du secteur public et 17.627 emplois dont la suppression
aurait été évitée, soit 83.826 créations
nettes d'emplois annoncées à rapporter aux
14.500.000 emplois du secteur marchand).
Rappelons que la croissance
à elle seule a généré 550.000 emplois dans le
secteur marchand en deux ans.
Aux accords d'entreprise, il convient d'ajouter plus d'une centaine d'accords
de branche couvrant plus de 8 millions de personnes.
De manière plus subjective, le bilan du Gouvernement évalue
à 15.000 les emplois constituant un effet d'aubaine, ce qui ne
correspond pas aux estimations rassemblées par votre commission des
Affaires sociales
23(
*
)
.
Lorsque l'on examine le détail des accords signés, on remarque
que six accords non éligibles couvrent 597.139 salariés soit
27,5 % du total des effectifs concernés. Ils ont été
signés par EDF, la SNCF, TDF, le Conseil général de la
Nièvre, les Mines de potasse d'Alsace et la Poste.
Ces six accords ont permis de créer 18.820 emplois, soit plus de
15,6 % du total des emplois créés. Il fait peu de doutes que
la prise en compte de ces accords " fausse " considérablement
les données rassemblées étant donné l'influence de
la tutelle lorsqu'il s'agit d'un établissement public et le mode de
fonctionnement de ces établissements.
Les différentes définitions de la durée du travail
La
durée légale
du travail est fixée à
39 heures par semaine depuis l'ordonnance de janvier 1982, puis à
compter du 1
er
janvier 2000 (entreprises de plus de
20 salariés) ou 2002 (entreprises d'au plus
20 salariés), par la loi du 13 juin 1998. Elle correspond au
seuil de déclenchement des heures supplémentaires et du
chômage partiel.
La durée offerte
du travail est une durée collective,
correspondant à l'horaire collectif affiché. Elle ne concerne que
les salariés à temps complet, ceux à temps partiel ayant
une durée fixée individuellement par leur contrat de travail.
La durée effective
du travail est une durée individuelle,
déclarée par chaque salarié interrogé par
l'enquête annuelle sur l'emploi de l'INSEE. Elle inclut les personnes
à temps partiel mais ne tient compte de l'absentéisme, des jours
de congés, des heures supplémentaires, du chômage partiel
que dans la mesure où la personne interrogée les déclare.
•
Concernant la baisse de la durée collective du
travail
, force est de constater que le bilan est maigre :
" au
total, 660.000 salariés à temps complet étaient
concernés par des durées hebdomadaires collectives
inférieures à 35 heures dès la fin mars 1999 dans le
champ des établissements de plus de
10 salariés "
24(
*
)
. Ces 660.000 salariés
représentent 4,5 % des salariés du secteur marchand. La
baisse de la durée du travail est donc peut-être une
réalité pour les établissements ayant engagé une
démarche de réduction du temps de travail, mais elle est encore
très loin de concerner l'ensemble des salariés du secteur
marchand.
Les 660.000 salariés dont la durée collective du travail
est déjà inférieure à 35 heures doivent être
comparés aux 2.525.000 salariés " concernés "
par un accord de réduction du temps de travail " Robien " ou
" Aubry " dont on ne sait trop quelle est leur durée
collective de travail effective compte tenu du bilan présenté par
le ministère de l'emploi.
Les salariés à 35 heures dans le champ de la loi de juin 1998
en milliers et en %
|
Entreprises de plus de 20 salariés |
Entreprises de 20 salariés et moins |
Total |
Ensemble des salariés |
10.000 |
4.300 |
14.300 |
dont : |
|
|
|
Salariés à temps partiel |
1.200 |
900 |
2.100 |
Salariés à temps complet |
8.800 |
3.400 |
12.200 |
|
(100 %) |
(100 %) |
(100 %) |
dont : |
|
|
|
A 35 heures avant novembre 1996 (*) |
220 |
30 |
250 |
|
(2,5 %) |
(0,9 %) |
(2,0 %) |
A 35 heures de novembre 1996 à juin 1998** |
270 |
10 |
280 |
|
(3,1 %) |
(0,3 %) |
(2,3 %) |
A 35 heures depuis juin 1998** |
1.960 |
35 |
1.995 |
|
(22,3 %) |
(1,0 %) |
(16,4 %) |
Total à 35 heures |
2.450 |
75 |
2.525 |
|
(27,8 %) |
(2,2 %) |
(20,7 %) |
Restant à passer à 35 heures |
6.350 |
3.325 |
9.675 |
|
(72,2 %) |
(97,8 %) |
(79,3 %) |
(*)
Estimation. Ces effectifs comprennent principalement les salariés
postés en continu.
(**) c'est-à-dire concernés par un accord de RTT
" Robien " ou " Aubry "
Source : MES-DARES, août 1999
•
Concernant les délais de mise en oeuvre et de
l'apparition de l'" effet emploi "
, le bilan établi par
les services du ministère de l'emploi estime que les embauches se
concrétisent environ trois mois en moyenne après la mise en
oeuvre de l'accord. Au total, compte tenu des six à neuf mois
nécessaires pour négocier, l'ensemble du processus dure souvent
plus d'un an.
Les différents délais
|
De l'accord à la convention |
De la convention à la baisse de la durée |
De la baisse de la durée à l'embauche des salariés prévus |
Conventions " Robien " |
2 mois (1) |
2 mois (2) |
3 mois (2) |
Conventions " Aubry " |
3 mois (1) |
NC (3) |
(1)
Source : MES-DARES :
base
des conventions " Robien " ou " Aubry ", juin 1999.
(2)
Source : MES-DARES : confrontation des bases des
conventions " Robien " ou " Aubry " et des enquêtes
trimestrielles ACEMO.
(3)
Non calculable, le recul n'est pas assez important.
Votre commission des Affaires sociales observe que, selon les données
fournies par le ministère de l'emploi (cf. tableau ci-dessus), le
délai de trois mois qui sépare la baisse de la durée
du travail du moment où les salariés sont effectivement
embauchés
correspond aux conventions " Robien ".
Le
ministère semble considérer que ce délai n'est pas
calculable compte tenu du faible recul pour les conventions
" Aubry ". Dans ces conditions, il semble tout à fait
imprudent d'essayer de déterminer quel a pu être l'effet des
promesses d'emplois sur l'évolution récente du chômage.
Si l'on essaie néanmoins d'estimer cet effet, il ressort des nombreuses
auditions
25(
*
)
auxquelles a
procédé votre rapporteur, qu'une très faible proportion de
ces promesses d'emplois semble avoir été réalisée,
compte tenu des différents délais administratifs et des
contraintes propres que rencontrent les entreprises qui cherchent à
embaucher.
• Le ministère de l'emploi a essayé d'estimer
l'évolution comparée de l'emploi dans les établissements
ayant et n'ayant pas réduit la durée du travail. Les
premières données confirment le fait que les entreprises qui ont
signé une convention Robien ou Aubry ont pu créer plus d'emplois
que celles qui ne l'avaient pas fait.
Un élément important doit être souligné, l'effet
brut sur l'emploi semble être plus important pour les accords Robien que
pour les accords Aubry, ceci tendrait à confirmer le fait
26(
*
)
que les entreprises qui se sont
engagées les premières, chronologiquement, dans un processus de
réduction du temps de travail étaient sans doute les plus
dynamiques en matière de créations d'emplois. Dans ces conditions
on a tout lieu d'être réservé sur les perspectives de
créations d'emplois dans le cadre de la généralisation de
la réduction du temps de travail.
L'évolution comparée de l'emploi dans les
établissements ayant
et n'ayant pas réduit la durée du
travail
Note : L'évolution des indices correspondant aux
établissements " Robien " comprend à la fois un effet
de diffusion (les établissements entrant progressivement dans le
dispositif), et un effet de mise en oeuvre du dispositif. La baisse au
4
ème
trimestre 1998 est à prendre avec
précaution puisqu'elle se produit lors du changement de l'enquête
trimestrielle ACEMO, et lors d'un trimestre de basse saison.
Source : MES-DARES : base des conventions " Robien " et
enquêtes trimestrielles ACEMO, juin 1999
Note : Les établissements
" Aubry " retenus ici ont signé une convention jusqu'en mars
1999, tous les établissements n'ont pu mettre en oeuvre le dispositif de
réduction du temps de travail et réaliser l'ensemble des
embauches.
Source : MES-DARES : base des conventions " Aubry " et
enquêtes trimestrielles ACEMO, juin 1999.
•
Les simulations macro-économiques
réalisées avant le vote de la loi de juin 1998 qui
étudiaient les effets d'une réduction effective de la
durée du travail de 10 % sur un champ comparable à celui de la
loi, aboutissaient à un résultat compris entre 250.000 et 700.000
emplois créés ou préservés en cinq ans. Une
étude de l'OFCE chiffrait l'effet du dispositif à
450.000 emplois au bout de trois ans mais elle s'était
limitée aux entreprises de plus de 20 salariés. Par ailleurs, la
Direction de la prévision du ministère de l'économie avait
proposé, toujours pour les seules entreprises de plus de
20 salariés, plusieurs scénarios avec un effet emploi allant
de 0, voire un effet négatif pour certaines hypothèses
extrêmes, jusqu'à 510.000, ce qui correspond à environ
700.000 pour l'ensemble des entreprises.
Le bilan réalisé par le ministère de l'emploi
considère que les 120.273 créations ou maintiens d'emplois
prévus par les accords signés jusqu'à la fin août
représentent un taux moyen d'engagements sur l'emploi de 5,5 %. Il
estime que ces " premiers résultats " de la loi de juin 1998
se situent bien sur la " pente " tracée par les
scénarios précédents.
A cet égard, votre commission des Affaires sociales rappelle combien
les résultats des modèles économétriques sont
dépendants des hypothèses formulées au
départ
27(
*
)
. Elle souligne
également que l'OFCE
28(
*
)
considère qu'il n'est pas possible de chiffrer avec précision les
emplois qui pouvaient être créés du fait des deux lois
Aubry les résultats étant dépendants de l'attitude des
différents acteurs en présence.
• L'analyse des embauches prévues dans le cadre de la loi du
13 juin 1998 en termes de catégories professionnelles illustre une
certaine déformation des profils des salariés embauchés
par rapport à la structure de la population active au
bénéfice des ouvriers et des employés.
Les
embauches prévues par catégorie
socioprofessionnelle
(en % du total des embauches)
Source : MES-DARES, base des conventions
" Aubry ", juin 1999.
Il apparaît à la lecture des résultats du bilan
préparé par le ministère de l'emploi que les entreprises
ayant participé à la réduction du temps de travail ne sont
pas véritablement représentatives de la structure de
l'économie française. Ces entreprises comprennent 75 %
d'ouvriers et d'employés alors que ces deux catégories
représentent 57 % de la population active.
A contrario
,
elles ne comprennent que 27 % de cadres et de professions
intermédiaires alors que ces deux catégories représentent
plus de 32 % de la population active, soit une hausse de quatre points par
rapport à 1990.
Population active par groupe socioprofessionnel
|
1990 |
1998 |
Agriculteurs exploitants |
4,8 |
2,7 |
Artisans, commerçants et chefs d'entreprise |
7,7 |
6,5 |
Cadres et professions intellectuelles supérieures |
10,2 |
12,2 |
Professions intermédiaires |
18,4 |
19,8 |
Employés |
27,7 |
29,6 |
Ouvriers |
29,2 |
27,2 |
Ensemble (1) |
100,0 |
100,0 |
(1)
Y compris militaires du contingent et
chômeurs n'ayant jamais travaillé.
Source : Insee, enquêtes Emploi, 1999
La forte proportion d'ouvriers dans les salariés embauchés dans
le cadre de la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail laisse
penser que ce dispositif est tourné vers l'industrie et les entreprises
organisées de manière " taylorienne ".
Ceci n'est pas sans soulever des questions dans une économie de plus en
plus tournée vers l'immatériel et les activités à
forte valeur ajoutée. On peut s'interroger sur la prise en compte par la
loi Aubry I des réalités du marché du travail qui se
caractérise aujourd'hui par une grande
hétérogénéïté. Il ne s'agit plus
aujourd'hui d'appliquer des solutions uniformes imaginées en fonction
d'un paradigme fordiste dépassé mais de
" concevoir le
droit du travail comme un nouvel ensemble cohérent qui évite le
fractionnement du marché du travail. Il s'agit de corriger les
inégalités liées à la formation initiale, de
stimuler une gestion prévisionnelle de l'emploi et de favoriser une
" implication patrimoniale " des salariés qui parviennent dans
le même temps à protéger la relation salariale des
aléas de la finance "
29(
*
)
.
• Le bilan présenté par le ministère de
l'emploi considère, chiffres à l'appui, que "
grâce
à la réduction du temps de travail, des plans sociaux ont pu
être évités et s'ils ne l'ont pas été, se
sont traduits par de moindres licenciements économiques
".
Evolution des plans sociaux et des licenciements économiques
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
|||
|
1 er semestre |
2 e semestre |
1 er semestre |
2 e semestre |
1 er semestre |
2 e semestre |
1 er semestre |
Nombre de plans sociaux modifiés |
976 |
913 |
829 |
699 |
679 |
537 |
669 |
Evolution (1) en % |
+ 108.5 |
+ 39.4 |
- 15 |
- 23.4 |
- 18.1 |
- 23.3 |
- 1.5 |
Licenciements économiques en milliers |
226.1 |
219.3 |
215.2 |
196.4 |
169.1 |
158.3 |
146.8 |
Evolution (1) |
+ 9.2 |
+ 8.5 |
- 4.8 |
- 10.4 |
- 21.4 |
- 19.4 |
- 13.2 |
Source : MES-DARES-ANPE : tableau de bord des
politiques d'emploi et BMST
(1)
Par rapport à la même période de
l'année précédente.
Votre commission des Affaires sociales s'étonne des conclusions du
ministère de l'emploi. L'analyse des données fait en effet
apparaître une tendance à la baisse des licenciements
économiques perceptible dès le premier semestre 1997, de
même pour les plans sociaux, ceci 18 mois avant le vote de la loi du 13
juin 1998. Les licenciements économiques évoluent avec
l'activité économique et l'influence des 35 heures
revendiquée par le ministère de l'emploi semble relever plus de
l'autosuggestion que de la démonstration.
• Les modalités de la réduction du temps de travail
semblent très variées, elles sont souvent cumulées dans
les grandes entreprises. Elles prennent la forme d'une modulation annuelle dans
un cas sur deux.
Les
modalités du temps de travail dans les conventions,
selon le secteur
d'activité des entreprises
|
Agriculture |
Construction |
Industrie |
Services |
Ensemble |
Annualisation |
76,1 |
50,0 |
62,7 |
38,5 |
48,0 |
Jours de repos sur l'année |
47,8 |
32,1 |
47,1 |
44,3 |
43,5 |
Ponts et jours fériés |
4,4 |
9,8 |
8,9 |
4,9 |
6,7 |
Semaines courtes et longues alternées |
8,7 |
20,1 |
28,6 |
23,0 |
24,0 |
Réduction hebdomadaire (1/2 journée ou journée) |
39,1 |
26,7 |
47,4 |
51,8 |
46,9 |
Journées plus courtes |
17,4 |
22,6 |
43,5 |
42,9 |
39,8 |
Source : MES-DARES base des conventions
" Aubry ",
juin 1999
L'analyse des données illustre l'extraordinaire besoin de souplesse des
entreprises. Lorsque l'on s'intéresse à la répartition
sectorielle des entreprises ayant eu recours à des dispositifs de
modulation, on constate que les secteurs de l'agriculture (83,3 %), de
l'industrie (61,5 %) et de la construction (74,2 %) semblent les plus
concernés. Il semblerait que ces entreprises aient trouvé
prétexte à la signature d'un accord de réduction du temps
de travail pour obtenir une " réforme du code du travail " qui
leur permette de sortir du carcan d'une réglementation construite sur le
modèle d'une organisation taylorienne de l'atelier.
Taux
de recours à la modulation par secteur
Accords de RTT signés
entre juin 1998 et mars 1999
|
Proportion d'accords prévoyant une modulation (type I, II, III) |
Agriculture |
83,3 % |
Industrie : |
61,5 % |
Industrie agro-alimentaire |
76,5 % |
Industrie des biens de consommation |
67,0 % |
Industrie automobile |
46,1 % |
Industrie des biens d'équipement |
50,6 % |
Industrie des biens intermédiaires |
59,8 % |
Industrie énergétique |
0,9 % |
Construction |
74,2 % |
Services : |
40,5 % |
Commerce |
46,5 % |
Transports |
44,6 % |
Activité financière |
24,7 % |
Activité immobilière |
28,2 % |
Services aux entreprises |
41,6 % |
Services aux particuliers |
51,5 % |
Service action sociale |
26,6 % |
Source : MES-DARES, base des accords d'entreprise, juin
1999
Lecture
: 83,3 % des accords de RTT signés dans
l'agriculture ont prévu un dispositif de modulation
La réorganisation du travail
en % des conventions
Source : ministère de l'emploi et de la
solidarité
Le mouvement de réorganisation consécutif à la mise en
oeuvre des accords " Aubry " n'a pas concerné que les
horaires, il a également pris la forme d'un redéploiement des
qualifications des salariés (25,2 %), d'une augmentation de
l'amplitude d'ouverture (20,8 %), d'une augmentation de la durée
d'utilisation des équipements (17,7 %) et d'un développement
de certaines fonctions (17,5 %).
Le
nouveau temps de travail des salariés à temps
plein
(durée annuelle)
en % de salariés à temps plein concernés
Source : MES-DARES, base des conventions, juin 1999
NB : La durée annuelle est calculée à partir des
éléments fournis par les entreprises sur leur nombre de jours de
repos, de jours fériés et leur durée hebdomadaire moyenne.
Si ces informations ne sont pas disponibles, on prend la durée annuelle
qu'ils déclarent.
En ce qui concerne le nouveau temps de travail des salariés à
temps plein, il apparaît que 11,9 % des salariés ont une
durée annuelle du travail supérieure à 1.600 heures. On
peut s'interroger sur les conséquences du second projet de loi sur
l'organisation du travail de ces entreprises étant donné que
celui-ci limite la durée annuelle à 1.600 heures en cas de
recours à l'annualisation. Le respect de cette limite étant une
condition de l'obtention des aides financières, on peut imaginer que ces
entreprises pourraient être gravement pénalisées pour avoir
négocié le mode d'organisation du travail qui leur semblait le
mieux correspondre à leurs contraintes.
Par ailleurs, il fait peu de doute que la proportion d'entreprises ayant besoin
de recourir à des durées annuelles du travail
élevées pourrait être au moins aussi élevée
dans l'ensemble de l'économie que parmi celles passées aux
35 heures, étant donné notamment le retard pris par le
secteur de la métallurgie du fait du refus d'extension de l'accord
signé par cette branche, décidé par Mme Martine Aubry,
ministre de l'emploi. Dans ces conditions, la mise en oeuvre de la seconde loi
Aubry pourrait être très délicate pour un nombre
considérable d'entreprises.
La durée hebdomadaire maximale prévue par l'accord
|
Ensemble (%) |
- Moins de39 heures |
9 |
- 39 heures |
19 |
- 40 heures |
14 |
- 41 heures |
4 |
- 42 heures |
16 |
- 43 heures |
1 |
- 44 heures |
8 |
- 45 heures |
4 |
- 46 heures |
8 |
- 47 heures |
1 |
- 48 heures |
8 |
* Ne se prononcent pas |
8 |
TOTAL |
100 |
|
|
Durée maximale moyenne |
42 heures |
Source : MES, Enquête IFOP auprès des
chefs
d'entreprise, juillet 1999
Concernant la durée hebdomadaire maximale prévue par l'accord,
votre commission observe que 72 % des entreprises ont prévu une
durée maximale supérieure à 39 heures par semaine et que
la durée maximale moyenne est de 42 heures. Là encore, le sort
des entreprises qui ont négocié une durée maximale
" élevée " reste incertain.
En définitive, il apparaît que les entreprises semblent avoir
eu recours à toutes les dimensions de flexibilité pour
réorganiser le travail à la suite de la mise en oeuvre d'un
accord " Aubry ".
Dans ces conditions, on pourrait effectivement considérer, à
l'instar de certains partenaires sociaux
30(
*
)
, que la réduction du temps de
travail a été envisagée par nombre d'entreprises comme une
contrepartie à la flexibilité
. Il en résulte une
question subséquente :
les emplois créés dans le
cadre des accords " Aubry " doivent-ils être portés au
crédit de la réduction du temps de travail ou à celui de
la flexibilité ?