II. UNE REMISE EN CAUSE DE LA " LOI VERDEILLE "
A. LES OBJECTIFS ET LE CONTENU DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964
1. Les excès de la " chasse banale "
La loi
du 3 mai 1844 réglementait le droit de chasse en instaurant
un permis de chasse et en fixant les périodes de chasse. Son
article 1
er
-repris à l'article L.222-1 du code rural-
rappelait que "
nul n'a la faculté de chasser sur la
propriété d'autrui sans le consentement du propriétaire ou
de ses ayants droit
". Le droit de chasse constituait ainsi un
élément du droit de propriété.
Cependant, la jurisprudence considéra que ce consentement pouvait
être tacite et qu'il était possible de chasser sur les terres
d'autrui tant que le titulaire du droit de chasse n'avait pas
expressément manifesté son opposition par des mesures telles que
la signature d'un bail, l'assermentation d'un gardien ou l'installation de
pancartes " chasse gardée ".
Dans les régions situées au Nord de la Loire, où la
superficie des propriétés foncières était
suffisamment importante pour que l'exercice du droit de chasse
génère des revenus, le droit de chasse fut exercé par le
propriétaire. En outre, des associations se sont créées
spontanément pour y organiser l'exercice de la chasse. En revanche, la
théorie jurisprudentielle de l'autorisation tacite eut pour effet dans
le Sud de la France -compte tenu d'un plus grand morcellement de la
propriété- de généraliser la pratique de la
" chasse banale ". Hormis l'existence de quelques chasses
gardées, les chasseurs pouvaient agir où bon leur semblait, et
personne n'était responsable de la bonne conservation du capital
cynégétique. Dans certaines régions, cette pratique, quasi
anarchique, eut des conséquences graves sur plusieurs espèces qui
furent décimées ainsi que sur les cultures et sur les
écosystèmes en général.
Pour y remédier, la loi n° 64-696 du 10 juillet 1964 dite
" loi Verdeille " imposa le principe du regroupement des terres en
s'inspirant du régime d'Alsace-Moselle en vigueur depuis la loi d'Empire
du 7 février 1881. L'objectif défendu par le législateur
et repris à l'article L.222-2 du code rural était de pallier le
morcellement foncier et de
" favoriser le développement du
gibier, la destruction des animaux nuisibles, la répression du
braconnage, l'éducation cynégétique de leurs membres dans
le respect des propriétés et des récoltes, et, en
général, d'assurer une meilleure organisation technique de la
chasse pour permettre aux chasseurs un meilleur exercice de ce
sport ".
2. Le dispositif de la loi du 10 juillet 1964
La loi
prévoit, au sein de la commune ou au niveau intercommunal
3(
*
)
, la constitution d'une association du
type de la loi 1901 mais dotée d'un certain nombre de
prérogatives de puissance publique qui va gérer le territoire de
chasse constitué par le regroupement des terres des propriétaires
de la commune. Cet apport de terres est réalisé pour une
période de six ans renouvelable et un retrait ne peut se faire
qu'à l'issue de chaque période de six ans avec un préavis
de deux ans.
Ainsi, l'association regroupe l'ensemble des habitants de la commune qui sont
chasseurs, ainsi que l'ensemble des propriétaires, chasseurs ou non, qui
font obligatoirement apport de leur droit de chasse à ladite association
dès lors que leur terrain est d'une superficie inférieure
à un minimum variant de vingt à soixante hectares. Le but
poursuivi par la loi est de protéger le droit des chasseurs locaux en
assurant le regroupement des territoires en vue de leur meilleure gestion, tout
en préservant le caractère populaire du loisir chasse, puisqu'il
n'y a pas mise en adjudication au plus offrant du territoire regroupé.
Aux termes de l'article L.222-10 du code rural, ne sont pas soumis à
l'action de l'ACCA les terrains qui sont soit situés dans un rayon de
150 mètres autour des habitations, soit entourés d'une
clôture " continue et constante ", soit font partie du domaine
public de l'Etat, des départements ou des communes, des forêts
domaniales ou des emprises de la SNCF. S'y ajoutent les terrains d'une
superficie suffisante et ayant fait l'objet de l'opposition de leur
propriétaire ou du détenteur du droit de chasse.
Selon l'article L.222-13 du code rural, "
pour être recevable,
l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse
[...] doit porter sur des terrains d'un seul tenant et d'une superficie minimum
de vingt hectares.
Ce minimum est abaissé pour la chasse au gibier d'eau :
1. A trois hectares pour les marais non asséchés ;
2. A un hectare pour les étangs isolés ;
3. A cinquante ares pour les étangs dans lesquels existaient, au
1
er
septembre 1963, des installations fixes, huttes et gabions.
Ce minimum est abaissé pour la chasse aux colombidés à un
hectare sur les terrains où existaient, au 1
er
septembre
1963, des postes fixes destinés à cette chasse.
Ce minimum est porté à cent hectares pour les terrains
situés en montagne au-dessus de la limite de la végétation
forestière.
Des arrêtés pris, par département, dans les conditions
prévues à l'article L.222-6 peuvent augmenter les
superficies minimales ainsi définies. Les augmentations ne peuvent
excéder le double des minima fixés ",
mais dans les
départements où les ACCA sont obligatoires, les superficies
minima peuvent être triplées par arrêté
ministériel.
Le propriétaire ayant formé opposition est tenu de payer les
impôts et taxes dus sur les chasses gardées et il doit assurer la
garderie de son terrain, procéder à la destruction des nuisibles
et en assurer la signalisation au moyen de pancartes.
Sur leur territoire de chasse, les ACCA ont l'obligation de constituer une ou
plusieurs réserves de chasse dont la superficie doit être d'au
moins un dixième de la superficie totale du territoire et dans lequel
tout acte de chasse est interdit sauf si le maintien des équilibres
biologiques et agro-sylvo-cynégétique nécessite un plan de
chasse autorisé annuellement.
Ces réserves sont soumises, depuis le décret du
23 septembre1991, au régime des réserves de chasse et de
faune sauvage qui sont instituées par le préfet.
En ce qui concerne la composition de l'ACCA, peuvent y adhérer les
propriétaires des terrains apportés à l'association ainsi
que leurs ascendants et descendants, les habitants de la commune
domiciliés ou résidents secondaires, les fermiers exploitants des
terres agricoles apportées à l'ACCA et 10 % de chasseurs
sans lien de rattachement avec la commune. Le propriétaire non chasseur
est de droit et gratuitement membre de l'association, sans être tenu
à l'éventuelle couverture du déficit de l'association.
La qualité de membre d'une ACCA confère le droit de chasser sur
l'ensemble du territoire de chasse de l'association, conformément
à son règlement.
Il convient de souligner que le préfet assure une tutelle étroite
sur les ACCA, puisque chaque association est agréée par
arrêté du préfet après vérification de
l'accomplissement des formalités requises et de la conformité des
statuts et du règlement intérieur aux prescriptions
légales, et que toute modification aux statuts, au règlement
intérieur et au règlement de chasse doit être soumise
à son approbation. L'article R.222-3 dispose, en outre, que le
préfet peut prendre par arrêté des mesures provisoires,
voire dissoudre et remplacer le conseil d'administration d'une ACCA, en cas de
violation par celle-ci des obligations qui lui incombent en vertu des articles
R.222-1 à R.222-81 du code rural.
3. Les vives critiques formulées contre la " loi Verdeille "
a) La non-généralisation du dispositif
Pour
permettre une application démocratique -voire volontaire- du principe de
regroupement des terres en vue de la constitution d'un territoire de chasse
homogène, et pour s'adapter à la diversité
cynégétique constatée sur le territoire national, la loi
du 10 juillet 1964 conditionne l'instauration d'une ACCA,
proposée par le préfet, à l'avis conforme du conseil
général. Dans les autres départements, où la
création des ACCA est facultative, celles-ci ne peuvent être
constituées que dans les communes où une majorité
qualifiée de propriétaires représentant une
majorité qualifiée de la surface du territoire communal est
d'accord.
En définitive, la création obligatoire d'ACCA n'a
été prévue que dans vingt-neuf départements
métropolitains, et seules 851 communes ont opté de
manière facultative pour ce régime.
Au total, en 1998, selon les statistiques de l'Office national de la chasse, on
recense environ dix mille ACCA réparties dans soixante-neuf
départements et couvrant une superficie totale de 12,3 millions
d'hectares.
Le tableau ci-dessous indique la proportion du territoire couverte, pour chaque
département, par les associations communales de chasses
agréées.
ASSOCIATIONS COMMUNALES DE CHASSE AGREEES
DEPARTEMENTS |
POURCENTAGE DU TERRITOIRE DU DÉPARTEMENT COUVERT PAR LES ACCA |
Ain |
5,62 |
Aisne |
0,79 |
Allier |
5,82 |
Alpes de Haute Provence |
1,43 |
Hautes Alpes |
54,16 |
Alpes Maritimes |
- |
Ardèche |
84,08 |
Ardennes |
1,21 |
Ariège |
66,28 |
Aube |
- |
Aude |
50,73 |
Aveyron |
13,82 |
Bouches du Rhône |
- |
Calvados |
0,29 |
Cantal |
97,01 |
Charente |
0,60 |
Charente Maritime |
79,82 |
Cher |
- |
Côte d'Or |
0,32 |
Haute Corse |
0,82 |
Côtes d'Armor |
0,99 |
Creuse |
78,32 |
Dordogne |
8,74 |
Doubs |
79,07 |
Drôme |
70,92 |
Eure |
- |
Eure et Loir |
0,30 |
Finistère |
0,30 |
Gard |
? |
Haute Garonne |
96,06 |
Gers |
2,91 |
Gironde |
45,63 |
Hérault |
8,04 |
Ille et Vilaine |
68,73 |
Indre |
0,36 |
Indre et Loire |
2,08 |
Isère |
61,85 |
Jura |
75,02 |
Landes |
71,65 |
Loir et Cher |
0,79 |
Loire |
17,61 |
Haute Loire |
99,90 |
Loire Atlantique |
8,35 |
Loiret |
- |
Lot |
4,48 |
Lot et Garonne |
4,38 |
Lozère |
1,90 |
Maine et Loire |
4,34 |
Manche |
- |
Marne |
3,39 |
Haute Marne |
2,15 |
Mayenne |
- |
Meurthe et Moselle |
62,24 |
Meuse |
41,08 |
Morbihan |
13,88 |
Moselle |
- |
Nièvre |
0,18 |
Nord |
0,26 |
Oise |
47,48 |
Orne |
- |
Pas de Calais |
- |
Puy de Dôme |
0,70 |
Pyrénées Atlantiques |
47,82 |
Hautes Pyrénées |
0,33 |
Pyrénées orientales |
75,58 |
Bas Rhin |
- |
Haut Rhin |
- |
Rhône |
11,47 |
Haute Saône |
79,61 |
Saône et Loire |
0,30 |
Sarthe |
- |
Savoie |
82,76 |
Haute Savoie |
99,91 |
Paris |
- |
Seine Maritime |
- |
Seine et Marne |
0,25 |
Yvelines |
0,64 |
Deux Sèvres |
56,26 |
Somme |
0,17 |
Tarn |
- |
Tarn et Garonne |
99,85 |
Var |
0,18 |
Vaucluse |
- |
Vendée |
- |
Vienne |
56,16 |
Haute Vienne |
81,46 |
Vosges |
- |
Yonne |
0,59 |
Territoire de Belfort |
60,60 |
Essonne |
- |
Hauts de Seine |
- |
Seine Saint Denis |
- |
Val de Marne |
- |
Val d'Oise |
- |
Source
: Réponse à la question
écrite 19375 de M. JP Brard. JO AN 15.03.99 page 1549.
Ainsi, d'un département à l'autre, voire d'une commune à
l'autre, alors même que leurs territoires respectifs peuvent
présenter beaucoup de similitudes d'un point de vue
cynégétique, les propriétaires de biens ruraux sont soumis
ou non à l'obligation de faire apport de leurs terres.
Au nom de l'application du principe d'égalité devant la loi, ces
modalités ont été fortement contestées, d'autant
plus que dans son dispositif-même, la loi introduit également
plusieurs règles discriminatoires :
- d'une part, elle exclut a priori du mécanisme de l'apport les
terrains appartenant au domaine public de l'Etat et aux collectivités
territoriales ;
- d'autre part, s'agissant des propriétaires privés, la loi
confère un droit d'opposition aux détenteurs de terrains
suffisamment importants, au motif que cette superficie permet d'y organiser une
gestion rationnelle de la pratique de la chasse. Pour échapper au
regroupement de terrains, les petits propriétaires ont comme seule
solution soit d'enclore leur terrain, ce qui est onéreux, soit d'obtenir
son classement en réserve de chasse, ce qui est plus aléatoire.
b) La négation des droits des non-chasseurs
La loi
du 10 juillet 1964 n'opère aucune distinction entre les
propriétaires chasseurs ou non-chasseurs, qui sont tenus de faire apport
de leurs terrains si ceux-ci n'atteignent pas une superficie suffisante.
En ce qui concerne l'adhésion à l'association gestionnaire du
territoire de chasse, l'article L. 222-19 du code rural précise que le
propriétaire non-chasseur est, de droit et gratuitement, membre de
l'association sans être tenu à l'éventuelle couverture du
déficit de ladite association.
Ce dispositif a suscité une opposition très forte de la part des
associations de protection animale ou de protection de la nature et de leurs
adhérents ; ces derniers -opposants de conscience à la
chasse- se sont vus contraints d'accepter chez eux le passage des chasseurs du
fait de l'application de la loi Verdeille. L'évolution rapide de
l'opinion publique sur ce sujet et la crispation des comportements au niveau
local -tant parmi les opposants que chez les chasseurs- n'a pas permis de
dégager la solution de compromis qui aurait pu sans doute être
trouvée à travers une gestion concertée des
réserves de chasse, que les ACCA doivent constituer en application de
l'article L.222-21 du code rural.
B. LA LOI DU 10 JUILLET 1964 CONDAMNÉE PAR LA COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME LE 29 AVRIL 1999
1. L'épuisement des voies de recours interne
En 1985,
des propriétaires de terrains inférieurs à 20 hectares
adhérents au ROC (Rassemblement des opposants à la chasse) puis
de l'ASPA (Association pour la protection des animaux sauvages)
apposèrent sur les limites de leurs terrains des panneaux comportant les
indications " Chasse interdite " et " Refuge ". Les ACCA
concernées obtinrent par une ordonnance de référé,
confirmée par la Cour d'appel de Bordeaux en juin 1987 une
décision ordonnant l'enlèvement des panneaux.
De ce litige devait découler une longue série de
procédures par laquelle les requérants tentèrent en vain
d'obtenir le retrait de leurs terrains du périmètre des ACCA et
cherchèrent à faire déclarer la " loi
Verdeille " incompatible avec les dispositions de la Convention
européenne des droits de l'homme.
Parallèlement à ce litige, d'autres procédures
s'engageaient sur le même fondement juridique et les décisions
rendues font apparaître des divergences de position entre les
juridictions administratives et judiciaires du premier degré. Plusieurs
tribunaux de grande instance saisis constatèrent la violation des droits
fondamentaux par la " loi Verdeille " (TGI Périgueux, 13
décembre 1988, TGI Valence, 28 juin 1989, TGI Guéret, 18 juin
1990, TGI Carcassonne, 16 juillet 1990), mais les juridictions administratives
ont toujours considéré que l'exercice rationnel de la chasse
constituait un motif d'intérêt général, justifiant
l'atteinte au droit de propriété et à la liberté
d'association (TA Bordeaux, 16 novembre 1989, TA Limoges, 28 juin 1990).
Les décisions judiciaires furent, pour la plupart,
réformées en appel. Certaines cours (Bordeaux, Limoges) ont fait
prévaloir un intérêt général s'attachant
à l'exercice de la chasse, tandis que d'autres se
déclarèrent incompétentes au profit de l'ordre
administratif (Grenoble), alors que d'autres enfin retenaient des violations
partielles (Montpellier) ou totales de normes internationales
supérieures (Poitiers, 10 janvier 1992).
La Cour de cassation refléta ces hésitations en rendant deux
arrêts de rejet : l'un constatant l'incompétence du juge
judiciaire en la matière (Cassation. 1
ère
civile, 15
juillet 1993) et l'autre la compatibilité de la " loi
Verdeille " au droit supérieur (Cassation 3
ème
civile, 16 mars 1994), précisant que le droit de chasse n'était
pas un de ceux protégés par la Convention européenne des
Droits de l'Homme.
Le Conseil d'Etat, quant à lui, confirma la position unanime des
juridictions administratives en justifiant la légitimité d'une
réglementation restrictive du droit de chasse au nom de
l'intérêt général et il considéra qu'il n'y
avait atteinte ni au droit de propriété ni à la
liberté d'association (CE 30 mars 1995, M. Montion et
Société nationale de protection de la nature).
Une fois les voies de recours internes épuisées, des
requêtes ont été introduites devant la Commission
européenne des Droits de l'Homme en avril 1994 et avril 1995.
2. La condamnation de la " loi Verdeille " par l'arrêt du 29 avril 1999
a) Rappel de la procédure
Après avoir déclaré recevables des requêtes introduites respectivement en avril 1994 et juin 1995, la Commission a adopté, le 30 octobre 1997 et le 4 décembre 1997, trois rapports établissant les faits et déclarant à la majorité, qu'il y avait violation de l'article 1 du Protocole n° 1, de l'article 11 de la Convention ainsi que de l'article 14 combiné avec l'article 1 du Protocole et l'article 11 de la Convention. Les affaires ont été déférées à la Cour par la Commission le 15 décembre 1997.
b) Le contenu de l'arrêt du 29 avril 1999
L'arrêt de la Cour européenne reprend les trois
arguments retenus par la Commission, à savoir une atteinte au droit de
propriété en violation de l'article 1 du Protocole
n° 1, une atteinte à la liberté d'association
prévue à l'article 11 de la Convention, ainsi que
l'existence d'une discrimination contraire à l'article 14 de la
Convention.
S'agissant de l'atteinte au droit de propriété des
requérants, la Cour a considéré que l'objectif de la loi
du 10 juillet 1964 était certes d'intérêt
général puisqu'il visait à éviter une pratique
anarchique de la chasse et à favoriser une gestion rationnelle du
patrimoine cynégétique ; mais elle a jugé qu'aucune
mesure de compensation n'était prévue en faveur des
propriétaires opposés à la chasse. En conséquence,
elle a estimé que le système de l'apport forcé aboutissait
à placer les requérants dans une situation ne respectant pas un
juste équilibre entre la sauvegarde du droit de propriété
et les exigences de l'intérêt général ; elle a
donc jugé qu'obliger les petits propriétaires hostiles à
la chasse à faire apport de leur droit de chasse sur leurs terrains pour
que des tiers en fassent un usage totalement contraire à leurs
convictions constituait une mesure " disproportionnée " eu
égard à l'intérêt général poursuivi.
De plus, elle a considéré que la différence de traitement
entre les petits et les grands propriétaires ne pouvait se justifier au
nom de l'intérêt général, et que cette
discrimination fondée sur la fortune foncière s'inscrivait en
violation de l'article 14 de la Convention.
S'agissant du principe de liberté d'association, la Cour a tout d'abord
considéré que les associations communales de chasse
agréées, quelles que soient les prérogatives exorbitantes
du droit commun dont elles jouissent, constituent bien des
" associations " au sens de l'article 11 de la Convention.
La Cour a estimé qu'astreindre les requérants à devenir
membre d'une ACCA en dépit de leurs convictions personnelles ne pouvait
se justifier au nom de la sauvegarde d'un exercice démocratique de la
chasse, et que cette obligation constituait une atteinte à la
liberté d'association.
"
Contraindre de par la loi un individu à une adhésion
profondément contraire à ses propres conviction et l'obliger, du
fait de cette adhésion, à apporter le terrain dont il est
propriétaire pour que l'association en question réalise des
objectifs qu'il désapprouve va au delà de ce qui est
nécessaire pour assurer un juste équilibre entre des
intérêts contradictoires et ne saurait être
considéré comme proportionné au but poursuivi. Il y a donc
violation de l'article 11. "
De plus, la Cour a estimé qu'il n'y avait aucune justification à
obliger les petits propriétaires à être membres des ACCA et
à permettre aux grands propriétaires d'échapper à
cette affiliation obligatoire, "
qu'ils exercent leur droit de chasse
exclusif sur leur propriété ou qu'ils préfèrent, en
raison de leurs convictions, affecter celle-ci à l'instauration d'un
refuge ou d'une réserve naturelle. Il y a donc violation de
l'article 11 combiné avec l'article 14 de la
Convention. "