II. DIFFICULTÉS LIÉES À L'ANNULATION DE L'ARRÊTÉ DU 14 OCTOBRE 1994
1. Conséquences juridiques
L'annulation de l'arrêté du 14 octobre 1994 a pour
effet d'
entacher d'illégalité l'ensemble des actes et des
textes pris après avis du comité technique paritaire
constitué en 1994.
La conséquence juridique est la même
pour les actes et textes pris en application de l'arrêté du ler
octobre 1997 établi sur la même logique que le
précédent arrêté de 1994, même si ce second
texte n'a pas fait, à ce jour, l'objet d'un recours devant le juge
administratif.
De ce fait, c'est
toute la vie du Ministère des affaires
étrangères pendant quatre années (entre 1994 et 1998) qui
se trouve suspendue par la décision du juge.
La liste des actes soumis à l'approbation du CTP ministériel du
ministère des affaires étrangères est, à cet
égard, éclairante des conséquences de l'arrêt
précité du Conseil d'Etat.
.
En effet, le CTP ministériel désigné sur la base
de l'arrêté du 14 octobre 1994 annulé s'est
prononcé, pour l'essentiel, sur les textes suivants :
- projets de décrets relatifs au
statut particulier des agents
diplomatiques et consulaires
(chiffreurs, secrétaires de
chancellerie, secrétaires-adjoints...),
- projet de décret relatif au
calcul des émoluments
des
personnels de l'Etat et des établissements publics de l'Etat à
l'étranger,
- projet d'arrêté relatif à l'
expérimentation de
l'annualisation
du service à temps partiel au ministère des
affaires étrangères,
- projets de décrets concernant la
nouvelle bonification
indiciaire
dans les services du Ministère des affaires
étrangères,
- projets d'arrêtés d'application de dispositions du décret
n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif à l'
hygiène
et à la sécurité du travail
ainsi qu'à la
prévention médicale dans la fonction publique,
- projet d'arrêté créant une
mission pour l'adoption
internationale
au ministère des affaires étrangères.
.
Le CTP ministériel constitué sur la base de
l'arrêté du ler octobre 1997 -qui n'a fait à ce jour
l'objet d'aucun recours, mais qui s 'appuie sur les mêmes critères
que le précédent arrêté de 1994- s'est, lui aussi,
prononcé sur des
textes décisifs pour l'organisation du
ministère des affaires étrangères
:
- projet de décret portant intégration des chanceliers dans le
corps des secrétaires de chancellerie,
- projet de décret instituant un
congé spécial
pour
les ministres plénipotentiaires,
- projet d'arrêté modifiant l'arrêté du
4 novembre 1993 relatif à l'
organisation de l'administration
centrale
du ministère des affaires étrangères,
- projet de décret portant organisation de l'administration centrale du
ministère des affaires étrangères.
C'est ce dernier décret (décret n° 98-1124 du 10
décembre 1998), il convient de le souligner, qui traduit les
conséquences administratives de la réforme de la
coopération
annoncée par le gouvernement le
4 février 1998, et qui prévoit la fusion des services du
ministère des affaires étrangères et des services du
ministère délégué à la coopération et
à la francophonie.
L'annulation de l'arrêté du 14 octobre 1994 rend donc
particulièrement vulnérables des textes (décrets ou
arrêtés) déterminants non seulement pour la carrière
des personnels concernés
(recrutement, statuts des corps
spécifiques, rémunérations)
mais aussi pour
l'organisation du ministère des affaires
étrangères.
2. Une validation législative justifiée
.
La présente proposition de loi vise donc à
sécuriser l'environnement juridique du ministère des affaires
étrangères entre 1994 et 1998
. Certes, le
procédé tendant à recourir à la validation
lui-même a pu, par le passé, susciter quelques réticences
de la part du législateur
1(
*
)
. Celui-ci reconnaît cependant
généralement que "nécessité fait loi" et que seule,
la validation permet de résoudre les difficultés causées
par la décision du juge.
. La présente proposition de loi est non seulement opportune, elle est
également
fondée juridiquement.
En effet, cette proposition respecte les
critères de
constitutionnalité
définis par le Conseil constitutionnel
dans sa décision du 22 juillet 1980. Notons la ressemblance entre le cas
porté à l'appréciation du Conseil constitutionnel en 1980,
et la situation que vise à résoudre la présente
proposition.
La loi déférée au Conseil constitutionnel le 30 juin
1980 résultait d'une
proposition de loi de validation portant sur les
décrets pris après consultation du comité technique
paritaire du Ministère des Universités en 1977, 1978 et 1979,
après
l'annulation, par le Conseil d'Etat, de l'un des
décrets adoptés après l'avis de ce comité technique
paritaire
. Notons que, en 1980 comme dans le cas couvert par la
présente proposition de loi,
la validation concernait l'ensemble des
textes pris après avis de ce CTP pendant plusieurs années, alors
même que ces textes n'avaient fait l'objet d'aucun recours
contentieux
.
Les conditions de conformité à la constitution des lois de
validation appréciées par le Conseil constitutionnel sont les
suivantes :
-
la validation ne doit pas intervenir a posteriori
, c'est-à-dire
violer l'autorité de la chose jugée en remettant en vigueur un
acte annulé par le juge administratif : or la présente
proposition de loi ne tend pas à donner force de loi à
l'arrêté annulé par le Conseil d'Etat, mais à
valider les actes pris après consultation du CTP dont la composition est
contestée par le juge administratif ;
- en ce qui concerne les
validations préventives
, portant sur un
acte qui, non encore annulé par le juge, risquerait de l'être s'il
faisait l'objet d'un recours (ce qui est le cas de l'arrêté du 1er
octobre 1997), les conditions définies par le Conseil constitutionnel
portent sur :
.
le fait que l'acte validé soit
en vigueur au moment de la
validation
(tel est le cas du décret tirant les conséquences
de la réforme de la coopération sur l'organisation du
Ministère, publié au Journal officiel du 13 décembre 1998),
.
le fait que l'acte soit intervenu en
matière non
répressive
, c'est-à-dire qu'il ne doit prévoir ni
sanctions administratives, ni sanctions pénales (car la loi ne peut
être rétroactive en matière pénale),
.
le fait que la validation ait pour objet de
"préserver le
fonctionnement continu des services publics"
ainsi que le
"déroulement normal de la carrière des personnels", ce qui est
le cas de la présente proposition de loi
, s'agissant du
fonctionnement du Ministère des affaires étrangères et du
déroulement de la carrière de ses agents,
.
l'acte à valider doit être réglementaire.
A ces diverses conditions a plus récemment été
ajoutée la notion de "proportionnalité de la mesure de validation
par rapport à sa justification qui est elle-même fonction des
nécessités d'intérêt général
".
En l'occurrence, l'enjeu que constituent la vie administrative d'un
ministère ainsi que la sécurisation des carrières de
quelque 13 000 agents justifie le recours à une loi de validation.